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13/01/2017 | FRANCE | N°15/03432

France | France, Cour d'appel d'Aix-en-Provence, 9e chambre c, 13 janvier 2017, 15/03432


COUR D'APPEL D'AIX EN PROVENCE

9e Chambre C



ARRÊT AU FOND

DU 13 JANVIER 2017



N° 2017/ 30





Rôle N° 15/03432





SA [C]





C/



[S] [R]





















Grosse délivrée

le :





à:



Me Eric MOUTET, avocat au barreau d'AIX-EN-PROVENCE, vestiaire : 183



Me Denis FERRE, avocat au barreau de MARSEILLE












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Copie certifiée conforme délivrée aux parties le :





Décision déférée à la Cour :



Jugement du Conseil de Prud'hommes - Formation paritaire de MARSEILLE - section E - en date du 30 Janvier 2015, enregistré au répertoire général sous le n° 14/811.





APPELANTE



SA [C], demeurant [Adresse 1]

...

COUR D'APPEL D'AIX EN PROVENCE

9e Chambre C

ARRÊT AU FOND

DU 13 JANVIER 2017

N° 2017/ 30

Rôle N° 15/03432

SA [C]

C/

[S] [R]

Grosse délivrée

le :

à:

Me Eric MOUTET, avocat au barreau d'AIX-EN-PROVENCE, vestiaire : 183

Me Denis FERRE, avocat au barreau de MARSEILLE

Copie certifiée conforme délivrée aux parties le :

Décision déférée à la Cour :

Jugement du Conseil de Prud'hommes - Formation paritaire de MARSEILLE - section E - en date du 30 Janvier 2015, enregistré au répertoire général sous le n° 14/811.

APPELANTE

SA [C], demeurant [Adresse 1]

représentée par Me Eric MOUTET, avocat au barreau d'AIX-EN-PROVENCE, vestiaire : 183

INTIME

Monsieur [S] [R], demeurant [Adresse 2]

représenté par Me Denis FERRE, avocat au barreau de MARSEILLE substitué par par Me Vanessa DIDIER, avocat au barreau d'Aix-en-Provence

*-*-*-*-*

COMPOSITION DE LA COUR

L'affaire a été débattue le 17 Novembre 2016 en audience publique devant la Cour composée de :

Madame Catherine LE LAY, Président de Chambre

Madame Hélène FILLIOL, Conseiller

Madame Virginie PARENT, Conseiller

qui en ont délibéré

Greffier lors des débats : Monsieur Kamel BENKHIRA.

Les parties ont été avisées que le prononcé de la décision aurait lieu par mise à disposition au greffe le 13 Janvier 2017.

ARRÊT

Contradictoire,

Prononcé par mise à disposition au greffe le 13 Janvier 2017.

Signé par Madame Catherine LE LAY, Président de Chambre et Monsieur Kamel BENKHIRA, greffier auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

FAITS, PROCÉDURE ET PRÉTENTIONS DES PARTIES

Suivant contrat à durée déterminée du 24 janvier 2011 [S] [R] a été engagé par la SAS [C] en qualité de conducteur de travaux indice B1. La relation s'est poursuivie à durée indéterminée.

Les relations contractuelles entre les parties étaient soumises à la Convention Collective Nationale des travaux publics cadre.

Monsieur [R] a été placé en arrêt maladie à partir du 3 septembre 2012.

Après entretien préalable le 28 mai 2013, [S] [R] a été licencié par la SAS [C] par lettre recommandée avec accusé réception en date du 20 juin 2013 dans les termes suivants:

« A la suite de notre entretien du 28 mai 2013, nous vous informons que nous avons décidé de vous licencier en raison de votre absence de longue durée qui rend nécessaire votre remplacement définitif pour assurer un fonctionnement normal de l'entreprise.

Du fait de vos arrêts de travail successifs, vous n'avez pas repris le travail depuis le 3 septembre 2012, soit une durée totale de plus de neuf mois.

Il ne nous est pas possible, compte tenu des fonctions que vous exercez, cadre- conducteur de travaux, de procéder à votre remplacement temporaire dans des conditions qui permettraient de garantir un fonctionnement satisfaisant du service.

Votre préavis, que nous vous dispensons d'effectuer, débutera le jour de la présentation de la présente lettre 21 juin 2013 et se terminera trois mois plus tard 21 septembre 2013, date à laquelle vous cesserez de faire partie de nos effectifs·

Nous vous informons que vous avez acquis 40 heures au titre du droit individuel à la formation. Vous pouvez demander, pendant votre préavis, à utiliser ces heures pour bénéficier notamment d'une action de formation de bilan de compétences ou de validation des acquis de l'expérience.

Nous vous rappelons qu'à compter de la rupture de votre contrat de travail, vous pouvez conserver le bénéfice des régimes de prévoyance et de couverture des frais médicaux en vigueur au sein de notre entreprise, aux conditions suivantes : confirmation de votre accord sous 10 jours à compter de la fin de votre contrat.

Vous recevrez tous les documents pour solde de tout compte, certificat de travail, bordereau de congés payés et attestation Pôle Emploi avec votre dernier bulletin de salaire.: »

La SAS [C] employait habituellement au moins onze salariés au moment du licenciement.

Contestant son licenciement et estimant ne pas avoir été rempli de ses droits, [S] [R] a saisi le 19 mars 2014 le conseil des prud'hommes de Marseille qui par jugement du 30 janvier 2015 a:

- débouté le salarié de ses prétentions formulées au titre des heures supplémentaires, congés payés incidents, et repos compensateur, ainsi qu'au titre d'une indemnité pour travail dissimulé,

- condamné la SAS [C] avec intérêt au taux légal à compter de la demande en justice et application des dispositions de l'article R 1454-28 du code du travail pour un salaire mensuel moyen brut retenu de 3 979,46 €, à régler à Monsieur [S] [R] au titre du préavis, à hauteur de la demande, soit la somme de 11 938,00 €,

- ordonné si l'astreinte ne s'impose pas, la délivrance des documents sociaux correspondants,

- dit le licenciement sans cause réelle et sérieuse,

- attribué en conséquence avec intérêt au taux légal à compter de la date du jugement à Monsieur [S] [R] des dommages intérêts qui à défaut d'être rapportés à hauteur du préjudice soutenu, seront évalués souverainement sur le fondement des dispositions de l'article L 1235-3 du code du travail, en rapport avec son salaire et son ancienneté, à la somme de 24 000 00 €,

- accordé à Monsieur [S] [R] en vertu des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile, une somme de1 000,00 € à la charge de la SAS [C] qui succombe partiellement, et devra être déboutée de sa demande reconventionnelle du même chef,

- débouté Monsieur [S] [R] de ses demandes autres, ou plus amples,

- retenu qu' aucun caractère d'urgence justifiant d'assortir la présente décision de l'exécution provisoire lorsqu'elle n'est pas de droit, par application des dispositions de l'article 515 du code de procédure civile,

- mis les éventuels dépens à la charge de la SAS [C].

Le 23 février 2015, la SAS [C] a régulièrement interjeté appel de cette décision.

Au visa de ses conclusions écrites et réitérées lors des débats et auxquelles la cour se réfère quant aux prétentions et moyens invoqués, la SAS [C] demande de :

- ordonner la vérification d'écriture des mentions ' absent' figurant dans l'agenda de la société [C] des 16 janvier 2012, 12 mars 2012 et 19 mars 2012, au besoin par la désignation d'un expert graphologue,

- confirmer le jugement ayant débouté Monsieur [R] de sa demande d'indemnité au titre d'heures supplémentaires, repos compensateur et incidence sur les congés payés,

- réformer la décision ayant condamné la SAS [C] à lui payer la somme de 11938 € à des indemnités de préavis et de licenciement jugé sans cause réelle et sérieuse,

- dire et juger que le licenciement de Monsieur [R] est justifié ,

- débouter Monsieur [R] de sa demande judiciaire au titre de l'indemnité conventionnelle de préavis et le condamner au paiement de la somme brute de 11938 €, soit 2945.14 € nette versée par la société [C] en exécution du jugement entrepris,

- débouter Monsieur [R] de l'ensemble de ses demandes, fins et prétentions ,

- le condamner à 4 000 € au titre de l'article 700 du Code de Procédure Civile tant en première . instance d'en appel et aux entiers dépens de l'instance.

Au visa de ses conclusions écrites et réitérées lors des débats et auxquelles la cour se réfère quant aux prétentions et moyens invoqués, [S] [R] demande de :

Vu les dispositions des articles L3131-22, L3171-4, L8221-5, L8223-1, L3121-11, D3121-14, L1235-3 du Code du travail,

Vu les dispositions de la Convention Collective Nationale des Travaux Publics - Cadres,

- réformer le jugement en ce qu'il a débouté Monsieur [R] de sa demande de rappel d'heures supplémentaires;

En conséquence :

- condamner la société [C] à verser à Monsieur [R] la somme de 58761,58 euros en règlement des heures supplémentaires effectuées en 2011 et 2012 ainsi qu'à la somme de 5876,16 euros au titre des congés payés y afférents;

- réformer le jugement en ce qu'il a débouté Monsieur [R] de sa demande de d'indemnité pour travail dissimulé;

En conséquence :

- condamner la société [C] à lui verser la somme de 43 211,46 euros à titre d'indemnité forfaitaire pour travail dissimulé;

- réformer le jugement en ce qu'il a débouté Monsieur [R] de sa demande de d'indemnité due au titre de la compensation obligatoire due en repos;

En conséquence :

- condamner la société [C] à lui verser la somme de 40317,76 à titre d'indemnité due au titre de la compensation obligatoire due en repos;

- confirmer le jugement en ce qu'il a dit et juger que le licenciement de Monsieur [R] est dépourvu de cause réelle et sérieuse;

- réformer le jugement sur le montant alloué à Monsieur [R] à titre de dommages et intérêts ;

Par conséquent:

A titre principal:

- condamner la société [C] à lui verser la somme de 72 019,10 euros à titre de dommages et intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse;

A titre subsidiaire:

- condamner la société [C] à lui verser la somme de 40 000 euros à titre de dommages et intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse;

En tout état de cause :

- confirmer le jugement ce qu'il a condamné la société [C] à lui verser la somme de 11 938,38 euros au titre du préavis ainsi qu'à la somme de 1 193, 84 euros au titre des congés payés y afférent;

- condamner la Société [C] à remettre à Monsieur [R] les bulletins de salaire rectifiés sous astreinte de 100 euros par jour de retard;

- condamner la Société [C] à remettre à Monsieur [R] l'attestation Pôle emploi rectifiée sou astreinte de 100 euros par jour de retard;

- condamner la Société [C] au paiement de la somme de 3 000 euros au titre des dispositions de l'article 700 du Code de procédure civile;

- la condamner aux entiers dépens;

- ordonner la capitalisation des intérêts en application de l'article 1154 du Code civil;

MOTIFS DE LA DECISION

Sur les heures supplémentaires

Aux termes de l'article L.3171-4 du code du travail, en cas de litige relatif à l'existence ou au nombre d'heures de travail effectuées, l'employeur doit fournir au juge les éléments de nature à justifier les horaires effectivement réalisés par le salarié ; le juge forme sa conviction au vu de ces éléments et de ceux fournis par le salarié à l'appui de sa demande après avoir ordonné, en cas de besoin, toutes les mesures d'instruction qu'il estime utiles.

Si la preuve des horaires de travail effectués n'incombe ainsi spécialement à aucune des parties et si l'employeur doit être en mesure de fournir des éléments de nature à justifier les horaires effectivement réalisés par le salarié, il appartient cependant à ce dernier de fournir préalablement au juge des éléments de nature à étayer sa demande.

[S] [R] soutient avoir réalisé 1203 heures supplémentaires en 2011 et 857,75 en 2012, expliquant qu'il travaillait chaque jour de 7h à 20h, bénéficiant parfois d'une pause d'une heure pour le déjeuner, que sur ces heures, l'entreprise ne lui a réglé que 4 heures supplémentaires par semaine ( de la 35ème à 39ème heure) tel que prévu à son contrat de travail , de sorte que de nombreuses heures supplémentaires ne lui ont pas été rémunérées.

Au soutien de sa demande, il produit un décompte récapitulatif des heures effectuées hebdomadairement en 2011et 2012, ainsi qu'un carnet mentionnant les heures effectuées chaque jour avec des commentaires, plusieurs attestations ( Mme [D] aide comptable de la société, [Y] [R] et [F] [R]) et ses bulletins de salaire de 2011 et 2012

Il conteste l'agenda et le planning produits par la société , considérant ceux-ci établis pour les besoins de la cause, conteste aussi l'affichage des horaires collectifs.

Les éléments produits par [S] [R] sont susceptibles d'être discutés par l'employeur et sont donc de nature à étayer ses prétentions .

La société [C] estime que le décompte hebdomadaire versé aux débats par le salarié est mensonger, de même que les mentions manuscrites figurant dans le carnet produit par ce dernier, que les attestations sont de pure complaisance, émanant de ses deux enfants et d'une collègue avec laquelle l'employeur est en contentieux prud'homal. Elle rappelle que l'horaire était collectif : 7h30/12h et 13h30/17h soit 39 heures par semaine comportant une majoration de 25% de salaire de la 36ème heure à la 39ème heure, que cet horaire était bien affiché, l'inspectrice du travail Mme [N] l'ayant d'ailleurs constaté lors d'une visite réglementaire réalisée dans les locaux de l'entreprise le 21 mars 2012. Elle précise que le salarié n'a jamais disposé d'un jeu de clés des bureaux de la société, de sorte qu'il n'a pu travailler de 7h à 20 h comme il le prétend. Elle ajoute que tous les rendez vous professionnels ou personnels sont inscrits par la secrétaire ou les intéressés sur l'éphéméride du bureau, que ces informations sont confirmées par les feuilles de pointage journalier tenues par Monsieur [P] [C] afin de permettre l'établissement des fiches de salaire. Elle observe que le salarié intègre au titre de prétendues heures complémentaires des journées entières d'absence autorisées et payées et des heures non travaillées prises pour convenances personnelles et rémunérées. Elle demande qu'il soit procédé à une vérification d'écriture des mentions ' absent' figurant sur l'agenda de la société aux dates des 16 janvier 2012, 16 mars 2012 et 19 mars 2012.

La cour estime inutile la vérification d'écriture réclamée, les mentions de l'absence du salarié sur les 3 journées évoquées étant corroborées par les mentions des feuilles de pointage versées aux débats qui indiquent pour ces journées 'absence payée', comme en attestent les bulletins de salaire. Aucun élément ne permet de contester la véracité de ces documents et le salarié ne démontre pas qu'ils auraient fait l'objet de rajouts pour les besoins de la cause.

Les attestations des enfants de l'appelant ne seront pas retenues, comme manquant d'impartialité eu égard au lien de famille unissant les témoins et le salarié. S'agissant du témoignage de Mme [D], l'existence d'un contentieux prud'homal entre le témoin et l'employeur n'est pas démontré de sorte qu'il n'y a pas lieu de l'écarter. Celle ci déclare : 'dans l'entreprise [C] les conducteurs de travaux sont tenus de faire des heures supplémentaires sans qu'elles soient payées au delà de 169 heures mensuelles. A ma connaissance depuis mon embauche en novembre 2009 les conducteurs de travaux commençaient leur travail vers 7h15 et jusqu'à minimum 18 h et souvent 20 h. Lors de ma reprise, du 7 novembre 2011 au 19 janvier 2012, Monsieur [S] [R] était toujours présent lorsque je partais du travail vers 18h.'

La justification de l'affichage de l'horaire collectif de travail dans l'entreprise constaté en mars 2012 par l'inspection du travail, est inopérante pour démontrer l'absence de toute heures supplémentaires , ainsi que le relève fort justement le salarié.

La cour relève que le décompte hebdomadaire produit par le salarié reprend les horaires journaliers portés par lui sur un carnet durant les années 2011 et 2012. Il convient d'observer que pour la plupart des journées, outre ses horaires de travail, le salarié apparaît avoir noté de nombreux commentaires relatifs aux chantiers du jour, à l'absence de pause déjeuner , à des pensées personnelles.

Il est toutefois relevé à bon droit par l'employeur que [S] [R] au terme de ces décomptes soutient avoir travaillé :

- le 8 avril 2011 , le 11 avril 2011, alors que l'agenda commun et les feuilles de pointage mentionnent qu'il était absent,

- le 15 juillet 2011 alors que l'agenda commun et les feuilles de pointage mentionnent la fermeture de l'entreprise,

- les 13 janvier 2012, 16 janvier 2012, 16 mars 2012 et 19 mars 2012 alors que l'agenda commun et les feuilles de pointage mentionnent qu'il était absent.

Le salarié ne conteste pas les observations de l'employeur relatives à divers rendez vous personnels durant les heures de travail ( les 18 avril 2011, 3 mai 2011, 4 juillet 2011, 21 novembre 2011, 24 novembre 2011, 20 juillet 2012) alors qu'il n'en tient pas compte dans les décomptes d'heures qu'il soumet à la cour.

La cour observe que l'agenda commun produit par l'employeur porte également mention de rendez vous personnels du salarié pendant les heures de travail prétendument effectuées par ce dernier , et ce pour les 27 mai 2011, 9 septembre 2011, 20 septembre 2011, 11 janvier 2012, 27 janvier 2012, 8 mars 2012, 21 juin 2012.

L'employeur ne démontre par aucune pièce l'inexactitude des indications données pour les autres journées des années 2011 et 2012, telles que retranscrites par le salarié dans son carnet, alors même que le nombre et la nature des commentaires y apposés sont révélateurs d'une incontestable sincérité.

Au vu des éléments ainsi discutés, et écartant les journées précitées, la cour a la conviction que le salarié a effectué des heures supplémentaires, évaluera les heures supplémentaires non rémunérées à

50 % pour l'année 2011 à 722 heures et pour l'année 2012 à 516 heures, soit un solde dû de 24 865,68 € pour 2011 et 17 771,04 € pour 2012.

La cour infirme en conséquence la décision rendue de ce chef et condamne la société [C] à payer à [S] [R] la somme de 42 636,72 € au titre des heures supplémentaires et celle de 4263,67 € au titre des congés payés afférents.

Sur l'indemnité de travail dissimulé

[S] [R] ne démontre pas que l'employeur a intentionnellement dissimulé le nombre d'heures réellement accomplies et doit être débouté de cette demande. La cour confirme le rejet de cette prétention.

Sur le repos compensateur

La Convention Collective applicable fixe à 145 heures le contingent annuel d'heures supplémentaires . Il est justement soutenu par le salarié que toute heure supplémentaire effectuée au delà du contingent annuel donne droit à une contrepartie en repos. En l'espèce, il n'est pas contesté que [S] [R] n'a pas bénéficié de ce repos avant son licenciement .

Le salarié a effectué en 2011, 937 heures au delà du contingent annuel et en 2012, 599 heures supplémentaires au delà du contingent annuel, soit un total dû de 21 513,52 € en 2011 et

13 753,04 € en 2012. La cour condamne l'employeur au paiement de ces sommes à monsieur [R] et infirme la décision rendue.

Sur le licenciement

[S] [R] fait valoir qu'il était toujours au jour de l'audience de plaidoirie indemnisé au titre de sa maladie , considère ainsi son licenciement abusif au motif du non respect d'une clause de garantie d'emploi prévue par les dispositions suivantes de la Convention Collective applicable:

Article 5.5 Disponibilité

'Lorsque le temps donnant droit aux allocations stipulées à l'article précédent est écoulé, le cadre dont l'état de santé nécessite certains soins supplémentaires ou une convalescence peut, sur sa demande, être mis en disponibilité sans rémunération et sur production d'un certificat médical à renouveler, pendant une période maximum de 1 année, au cours de laquelle il conserve le droit de réintégrer l'emploi qu'il occupait et aux mêmes conditions, sauf inaptitude intervenue pendant ce temps.

Après 1 année de mise en disponibilité, le cadre peut être licencié. Il bénéficie dans ce cas de l'indemnité de licenciement prévue au titre VII calculée sur l'ancienneté qu'il avait acquis à la date de sa mise en disponibilité.

Cette disposition ne s'oppose pas à ce qu'intervienne, au cours de l'année de disponibilité, un licenciement pour fin de chantier ou un licenciement pour motif économique ou une mise à la retraite à l'initiative de l'employeur en application des articles 7.6 et suivants de la présente convention.

Il ajoute que la jurisprudence admet que l'absence prolongée ou les absences répétées d'un salarié pour raisons de santé d'origine non professionnelle autorisent le licenciement qu'à la double condition suivante:

- lorsqu'elles perturbent le bon fonctionnement de l'entreprise,

- lorsqu'elles rendent nécessaire son remplacement définitif.

Enfin, il estime que la lettre de licenciement qui mentionne que ' le remplacement de Monsieur [R] absent depuis plusieurs mois du fait de sa maladie permettrait de garantir un fonctionnement satisfaisant du service', contient des termes de nature à rendre le licenciement sans cause réelle et sérieuse , car l'employeur ne se prévaut pas d'une perturbation ; il soutient que le fonctionnement d'une entreprise ou d'un service peut être insatisfaisant sans pour autant être réellement perturbé ou désorganisé.

Il a été à bon droit rappelé par les premiers juges que si aucun salarié ne peut être congédié en raison de son état de santé aux termes de l'article L 1132-1 du code du travail, rien ne s'oppose à son licenciement motivé par la situation objective de l'entreprise qui est dans la nécessité de pourvoir au remplacement définitif du salarié dont l'absence prolongée perturbe le fonctionnement.

Les premiers juges ont à juste titre retenu qu'il était pertinent à défaut d'autre précision, d'admettre sans dénaturer le contenu de l'article 5.5 Disponibilité, que la situation décrite à sa ligne 1 ne visait que la durée du maintien de la rémunération à cent pour cent du salaire , que rien ne permettait au-delà, d'assimiler la période de disponibilité dont le périmètre des privilèges n'est pas explicitement défini, à une garantie d'emploi automatique d'un an pour un contrat de travail suspendu au 3 septembre 2012, sachant de surcroît en l'espèce, qu'aucune demande préalable imposée par le texte, de bénéficier de la période de disponibilité n'a été formulée, ni dépôt de certificat médical de prolongation de soins.

La société [C] objecte donc à juste titre que la clause conventionnelle ( 5.5) invoquée n'implique pas une garantie protectrice d'emploi pour absences prolongées perturbant le bon fonctionnement de l'entreprise et nécessitant un remplacement définitif du salarié durant toute la période d'indemnisation. Ce moyen doit donc être écarté.

Le licenciement pour absence prolongée n'est justifié que lorsque la lettre de licenciement fait état de deux éléments, la perturbation de l'entreprise (à la suite de l'absence) et la nécessité de procéder au remplacement du salarié en cause. L'existence de ces éléments, qu'il appartient à l'employeur de démontrer ne résulte pas nécessairement de formules sacramentelles. En l'espèce la lettre de licenciement mentionne :

'votre absence de longue durée qui rend nécessaire votre remplacement définitif pour assurer un fonctionnement normal de l'entreprise'

ou encore

'..pas possible, compte tenu des fonctions que vous exercez, cadre- conducteur de travaux, de procéder à votre remplacement temporaire dans des conditions qui permettraient de garantir un fonctionnement satisfaisant du service.'

La cour constate, comme les premiers juges, qu'est donc suffisamment motivée au regard de ces exigences la lettre de licenciement , l'anormalité ou le caractère insatisfaisant du fonctionnement de l'entreprise traduisant la perturbation de l'entreprise. Ce moyen tiré du non respect du formalisme de la lettre de licenciement doit donc également être écarté.

Il n'est pas contesté, comme l'explicite l'employeur que le poste occupé par [S] [R] conducteur de travaux consiste à assurer les rendez vous en clientèle pour l'établissement des devis , le chiffrage des devis et des factures, la mise en place, le suivi de chantier et la réception des travaux et l'encadrement et la gestion des ouvriers sur chantier.

Monsieur [R] a été en arrêt maladie depuis le 3 septembre 2012.

A cette date la société [C] justifie par la production de son registre d'entrée et de sortie du personnel que l'entreprise comptait 12 salariés :

- 2 conducteurs de travaux dont Monsieur [R],

- un commercial,

- une comptable,

- une secrétaire

-3 maçons,

- 2 chauffeurs,

- 1 mécanicien,

- 1 conducteur d'engins.

Il est justifié par la société [C] de l'embauche à compter du 19 novembre 2012, par contrat intérim de Monsieur [Y] en qualité de chef de chantier pour remplacer partiellement un salarié absent pour arrêt maladie et ce jusqu'au 2 août 2013, puis de l'embauche de Monsieur [Y] en contrat à durée indéterminée comme conducteur de travaux à compter du 1er septembre 2013. Il est ainsi démontré le remplacement définitif de Monsieur [R].

La société [C] rapporte la preuve de l'augmentation de son activité entre 2012 et 2013 par la production de son compte de résultat.

Au vu de l'ensemble de ces éléments apparaît caractérisée la perturbation de l'activité de l'entreprise par l'absence prolongée d'un des deux seuls conducteurs de travaux.

La cour considère en conséquence le licenciement justifié, déboute le salarié de ses demandes indemnitaires pour licenciement sans cause réelle et sérieuse et infirme la décision querellée sur ce point.

Sur la demande d'indemnité compensatrice de préavis

[S] [R] demande l'application de l'article 7-1 de la convention collective applicable qui prévoit:

' en cas de licenciement autre que pour faute grave, la durée du préavis est fixée à 2 mois si le cadre a moins de 2 ans d'ancienneté dans l'entreprise et à 3 mois à partir de 2 ans d'ancienneté dans l'entreprise.'

Il rappelle qu'embauché le 24 janvier 2011, il avait plus de 2 ans d'ancienneté à la date de la rupture du contrat de travail, celle-ci étant intervenue le 21 septembre 2013 et que l'employeur ayant dispensé le salarié d'exécuter son préavis est tenu de lui verser une indemnité compensatrice de préavis. Son salaire mensuel au dernier état de la relation contractuelle étant de 3979,46 € brut, il demande paiement d'une somme de 11 938, 38 € à ce titre outre 1193,84 € pour l'incidence congés payés.

L'employeur s'oppose à cette demande, objectant que l'indemnité de préavis lui a été versée dans le cadre de la subrogation et du maintien de salaires des cadres dont l'employeur a fait l'avance , avant remboursement par l'organisme de prévoyance . A titre subsidiaire, il demande de retenir que le salarié ne peut y prétendre , le préavis n'ayant pas été exécuté en raison de l'arrêt maladie du salarié.

L'article L 1234-5 du code du travail dispose:

'Lorsque le salarié n'exécute pas le préavis, il a droit, sauf s'il a commis une faute grave, à une indemnité compensatrice.

L'inexécution du préavis, notamment en cas de dispense par l'employeur, n'entraîne aucune diminution des salaires et avantages que le salarié aurait perçus s'il avait accompli son travail jusqu'à l'expiration du préavis, indemnité de congés payés comprise..'

L'inexécution du préavis en l'espèce n'est pas liée à l'incapacité de travail mais à la dispense par l'employeur ( cf lettre de licenciement ).

Ayant dispensé le salarié d'exécuter le préavis, l'employeur était donc tenu de verser, sans déduction des indemnités journalières de la sécurité sociale ou de l'organisme de prévoyance , l'indemnité compensatrice de préavis , peu important que le salarié fût déjà en arrêt de travail pour maladie non professionnelle lors de la dispense d'exécution.

C'est donc à bon droit que le conseil des prud'hommes a fait droit à ces prétentions . La cour écarte les moyens opposés par l'employeur et confirme le jugement déféré sur ce point.

Sur les autres demandes

La cour ordonnera à la société [C] de délivrer à [S] [R] des bulletins de salaire rectifiés et une attestation pôle emploi rectifiée sans qu'il soit nécessaire d'assortir cette condamnation d'une astreinte.

Il est inéquitable de laisser à la charge de [S] [R] la totalité des frais irrépétibles qu'il a exposés à l'occasion de cette instance; il lui sera alloué une somme de 1500 € de ce chef en cause d'appel, la cour confirmant par ailleurs la condamnation prononcée à ce titre en première instance.

La société [C] supportera les entiers dépens.

La cour rappelle que pour les sommes dues en exécution du contrat de travail ( indemnité de préavis , congés payés afférents, rappels de salaire et indemnités de congés payés afférents) qui ne sont pas laissées à l'appréciation du juge, mais qui résultent de l'application de la loi ou de la convention collective, les intérêts des sommes accordées au salarié courent à compter du jour de la demande, soit en l'espèce le 31 octobre 2014. Les intérêts échus par année entière sur les sommes allouées seront capitalisés, conformément aux dispositions du code civil.

PAR CES MOTIFS

LA COUR, statuant par arrêt contradictoire, par mise à disposition au greffe, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues à l'article 450 du code de procédure civile, en matière prud'homale,

Confirme le jugement rendu le 30 janvier 2015 par le conseil des prud'hommes de Marseille en ce qu'il condamné la société [C] à payer à [S] [R] une somme de 11938 € au titre de l'indemnité compensatrice de préavis et une somme de 1000 € sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile,

L'infirme pour le surplus,

Statuant à nouveau et y ajoutant,

Condamne la société [C] à payer à [S] [R] les sommes de :

- 42 636,72 € au titre des heures supplémentaires ( 24 865,68 € pour 2011 et 17 771,04 € pour 2012) et celle de 4263,67 € au titre des congés payés afférents,

- 21 513,52 € en 2011 et 13 753,04 € en 2012 au titre du repos compensateur,

Dit que les sommes allouées porteront intérêts au taux légal à compter du 31 octobre 2014 et que les intérêts échus par année entière sur les sommes allouées seront capitalisés,

Ordonne à la société [C] de délivrer à [S] [R] des bulletins de salaire rectifiés et une attestation pole emploi rectifiée,

Déboute [S] [R] de sa demande d'indemnité pour travail dissimulé

Dit le licenciement de [S] [R] justifié par une cause réelle et sérieuse

Déboute [S] [R] de ses demandes indemnitaires à ce titre,

Condamne la société [C] à payer à [S] [R] une somme de 1500 € sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile,

Condamne la société [C] aux dépens.

LE GREFFIER LE PRÉSIDENT


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel d'Aix-en-Provence
Formation : 9e chambre c
Numéro d'arrêt : 15/03432
Date de la décision : 13/01/2017

Références :

Cour d'appel d'Aix-en-Provence 9C, arrêt n°15/03432 : Infirme partiellement, réforme ou modifie certaines dispositions de la décision déférée


Origine de la décision
Date de l'import : 27/03/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2017-01-13;15.03432 ?
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