COUR D'APPEL D'AIX-EN-PROVENCE
8e Chambre A
ARRÊT AU FOND
DU 05 JANVIER 2017
N° 2017/ 11
Rôle N° 16/09758
S.A.S. STE FRSE DE COM. D'APPAREILS AUTOMATIQUES (SFC2A
C/
[L] [S]
SELARL [T]
Grosse délivrée
le :
à :
SCP JOURDAN
Me MAYNARD
Décision déférée à la Cour :
Jugement du Tribunal de Commerce de GRASSE en date du 23 Mai 2016 enregistré au répertoire général sous le n° 2016L00308.
APPELANTE
S.A.S. STE FRSE DE COM. D'APPAREILS AUTOMATIQUES (SFC2A, dont le siége social est [Adresse 1]
représentée par Me Jean-françois JOURDAN de la SCP JOURDAN / WATTECAMPS ET ASSOCIES, avocat au barreau d'AIX-EN-PROVENCE, assistée par Me Paul-Philippe MASSONI, avocat au barreau de PARIS
INTIMES
Monsieur [L] [S]
pris en sa qualité de représentant légal de la SA [S]
domicilié en cette qualité au sis, demeurant [Adresse 2]
défaillant
SELARL [T]
pris en sa qualité de liquidateur de la SA [S]
demeurant [Adresse 3]
représentée par Me Sylvie MAYNARD, avocat au barreau d'AIX-EN-PROVENCE,
assistée par Me Céline DONAT, avocat au barreau de PYRENEES-ORIENTALES substitué par Me Marie-lorraine VOLAND, avocat au barreau d'AIX-EN-PROVENCE
*-*-*-*-*
COMPOSITION DE LA COUR
L'affaire a été débattue le 16 Novembre 2016 en audience publique. Conformément à l'article 785 du Code de Procédure Civile, Madame Catherine DURAND, Conseiller a fait un rapport oral de l'affaire à l'audience avant les plaidoiries.
La Cour était composée de :
Monsieur Yves ROUSSEL, Président
Madame Catherine DURAND, Conseiller
Madame Anne CHALBOS, Conseiller
qui en ont délibéré.
Greffier lors des débats : Madame France-Noëlle MASSON.
Les parties ont été avisées que le prononcé de la décision aurait lieu par mise à disposition au greffe le 05 Janvier 2017
ARRÊT
Défaut,
Prononcé par mise à disposition au greffe le 05 Janvier 2017,
Signé par Monsieur Yves ROUSSEL, Président et Madame France-Noëlle MASSON, greffier auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.
***
Par jugement du tribunal de commerce de Grasse du 2 mars 2015, la SA [S] suite au non-renouvellement de son autorisation d'exploiter des jeux, a été placée en liquidation judiciaire, la SELARL [T] étant désignée en qualité de liquidateur judiciaire.
Par courrier du 19 mai 2015 la Société SFC2A (Société Française de Commercialisation d'appareils automatiques) a revendiqué 20 machines à sous et les kits de jeu installés sur les mêmes machines, non réglés par le Casino en se prévalant d'une clause de réserve de propriété.
Le mandataire judiciaire lui a répondu ne pouvoir examiner sa demande en l'état d'un crédit vendeur, les conditions de la vente devant être examinées par le juge-commissaire au regard de la législation en vigueur.
Par ordonnance du 9 novembre 2015 le juge-commissaire l'a déboutée de son action en revendication au motif qu'en vertu de l'article 68-7 de l'arrêté du 14 mai 2007 les machines à sous ne pouvaient faire l'objet que d'une vente ferme et définitive à l'exclusion de toute autre forme de cession, et que cette disposition n'était pas compatible avec un paiement échelonné et un transfert de propriété des machines à sous différé résultant de la clause de réserve de propriété.
Il relevait que les machines avaient été facturées le 26 juin 2014, livrées début juillet 2014 mais que la première échéance de paiement était intervenue en janvier 2015 pour en déduire qu'il ne s'agissait pas d'une vente ferme et définitive mais d'un crédit vendeur.
Il disait cette vente non conforme à l'article 68-7 de l'arrêté du 14 mai 2007, disposition d'ordre public de la réglementation sur les jeux, et nulle la clause de réserve de propriété.
Par jugement du 23 mai 2016 le tribunal de commerce de Grasse, statuant sur l'opposition formée le 17 novembre 2015 par la société SFC2A a :
Déclaré l'action en revendication de la société SFC2A recevable en la forme,
Déclaré que la clause de réserve de propriété figurant aux conditions générales de vente applicable à la vente de machines réalisée par la société SFC2A n'est pas conforme à l'article 68-7 de l'arrêté du 14 mai 2007 relatif à la réglementation sur les jeux,
Dit n'y avoir lieu à surseoir à statuer sur la question préjudicielle relative à la légalité de l'article 68-7 de l'arrêté du 14 mai 2007,
Confirmé en conséquence l'ordonnance attaquée,
Dit n'y avoir lieu à ordonner l'exécution provisoire du jugement,
Condamné la société SFC2A au paiement d'une somme de 5.000 euros en application de l'article 700 du code de procédure civile et aux entiers dépens.
Le tribunal a dit que la clause de réserve de propriété s'analysant en une condition suspensive, la vente des machines à sous n'était pas une vente ferme et définitive.
Par acte du 27 mai 2016 la société SFC2A a interjeté appel de cette décision.
Par conclusions déposées et notifiées le 3 novembre 2016, tenues pour intégralement reprises, la société SFC2A demande à la cour de :
Dire l'appel recevable,
Réformer le jugement attaqué,
Statuant à nouveau,
Dire que le manquement aux dispositions de l'article 68-7 de l'arrêté du 14 mai 2007 relatif à la réglementation sur les jeux dans les casinos invoqué par le mandataire liquidateur judiciaire de la SA [S] pour s'opposer à l'action en revendication n'a pas d'incidence sur la validité de la vente et que les dispositions du contrat de vente doivent s'appliquer,
En conséquence,
Dire que la clause de réserve de propriété doit s'appliquer,
Faire droit à son action en revendication,
Sur la revendication des kits de jeu,
Dire que Me [T], ès qualités, ne s'est pas opposé à la revendication des kits de jeu,
Ordonner en conséquence leur restitution,
Dire en toute hypothèse que leur restitution n'est pas affectée par le fait que les machines ne peuvent fonctionner sans ces kits,
Sur la restitution des machines à sous,
Dire que l'octroi de délais de paiement et la clause de réserve de propriété dont elle peut se prévaloir ne remettent pas en cause le caractère ferme et définitif de la vente consentie au [S],
Dire mal fondés les moyens opposés par le liquidateur judiciaire à l'action en revendication,
Ordonner la restitution des 20 machines à sous et des kits de jeu vendus,
Condamner Me [T] ès qualités au paiement de la somme de 7.000 euros en application de l'article 700 du code de procédure civile et aux dépens.
Elle explique que les machines à sous étaient payables en trois échéances et que les kits de jeux faisant l'objet d'une licence étaient payables sous forme de redevance, et précise avoir déclaré sa créance au passif de la procédure collective.
Par conclusions déposées et notifiées le 4 novembre 2016, tenues pour intégralement reprises, la SELARL [T], mandat exercé par Me [T], ès qualités de liquidateur judiciaire de la SA [S], demande à la cour de :
Vu l'arrêté du 14 mai 2007,
Vu le code de Sécurité Intérieure,
Juger de nul effet la clause de réserve de propriété contenue dans les conditions générales de vente s'agissant des machines à sous livrées par la SFC2A,
Juger que l'action en revendication ne saurait prospérer,
La déclarer juridiquement incompatible avec les dispositions d'ordre public de l'article 68-7 de l'arrêté du 14 mai 2007,
Confirmer le jugement entrepris,
Condamner la société SFC2A au paiement d'une somme de 7.000 euros en application de l'article 700 du code de procédure civile et aux dépens.
Elle ajoute que la SFC2A ne peut être propriétaire de machines d'occasion ne pouvant commercialiser que des machines neuves et précise 'pour la moralité des débats' mettre en doute la déclaration de créance fondée sur des factures de juin à décembre 2014 vraisemblablement établies selon elle après la fermeture du Casino.
L'affaire a été fixée à l'audience du 16 novembre 2016 par ordonnance présidentielle en application de l'article 905 du code de procédure civile.
Monsieur [S], pris en sa qualité de représentant de la SA [S], assigné le 7 juillet 2016 par procès-verbal de recherches n'a pas constitué avocat.
Elle a été clôturée en l'état le 9 novembre 2016.
MOTIFS
Attendu qu'en vertu de l'article 68-7 de l'arrêté du 14 mai 2007 les machines à sous ne peuvent faire l'objet que d'une vente ferme et définitive à l'exclusion de toute autre forme de cession ;
Attendu qu'en application de l'article 1583 du code civil une vente est parfaite entre les parties et la propriété en est acquise de droit à l'acheteur à l'égard du vendeur dès qu'on est convenu de la chose et du prix, quoique la chose n'ait pas encore été livrée ni le prix payé ;
Attendu en premier lieu que la faculté accordée par le vendeur à l'acquéreur de régler le prix en trois fois n'a pas d'incidence sur le caractère parfait de la vente, les conditions de paiement du prix n'étant pas de nature à modifier les effets du contrat qui est une vente ferme et définitive ;
Attendu en second lieu que si le vendeur peut retenir la propriété du bien cédé en garantie du paiement du prix par l'effet de la clause de réserve de propriété, sûreté suspendant l'effet translatif du contrat jusqu'à complet paiement du prix, ce transfert retardé de propriété ne remet pas en cause le caractère ferme et définitif de la vente intervenue dès l'accord des parties sur la chose et sur le prix ;
Attendu que l'exercice de l'action en revendication du bien en application de cette clause n'entraîne d'ailleurs pas la résolution de la vente et le vendeur n'est pas tenu de restituer les sommes déjà reçues en exécution du contrat, sauf dans le cas où la valeur du bien restitué excède le montant de celles qui lui restent dues ;
Attendu que par suite la vente des 20 machines à sous et des kits de jeu intégrés était bien ferme et définitive et n'était pas contraire aux dispositions de l'article 68-7 de l'arrêté du 14 mai 2007 comme le soutient la SELARL [T], ès qualités ;
Attendu que la clause de réserve de propriété contenue dans les conditions générales de vente des machines à sous n'est donc pas entachée de nullité ;
Attendu que la société SFC2A n'ayant pas été réglée du prix de cession convenu à l'ouverture de la procédure collective c'est de manière erronée que les premiers juges ont rejeté la demande de revendication des machines à sous et des kits de jeu régulièrement présentée par le vendeur se prévalant de la clause de réserve de propriété, après avoir déclaré sa créance au passif de la procédure collective ;
Attendu qu'il ne sera pas tenu compte de l'allégation de la SELARL [T] ès qualités émise pour 'la moralité des débats' selon laquelle la société SFC2A auraient établi ses factures antidatée après la fermeture du Casino, étayée par aucun élément justificatif, étant précisé que la société SFC2A fait valoir sans être contredite l'absence de contestation de sa déclaration de créance ;
Attendu enfin que la circonstance que la vente de machines à sous d'occasion soit interdite en France ne peut faire obstacle à leur restitution au vendeur non payé du prix, ces machines pouvant être cédées à l'étranger ;
Attendu que le jugement querellé sera par conséquent réformé ainsi que l'ordonnance du juge commissaire du 9 novembre 2015 ;
Attendu qu'il n'y a pas lieu de faire application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile ;
Attendu que les dépens sont employés en frais privilégiés de procédure collective ;
PAR CES MOTIFS
La cour statuant par mise à disposition au greffe, par défaut, publiquement,
Infirme le jugement attaqué,
Statuant à nouveau,
Déclare recevable et bien fondée l'opposition formée par la société SFC2A,
Réforme l'ordonnance du juge commissaire du 9 novembre 2015,
Dit ferme et définitive la vente des 20 machines à sous et de leurs kits de jeu, intervenue entre la société SFC2A et la société [S],
Dit valable la clause de réserve de propriété contenue dans les conditions générales de vente,
Ordonne la restitution à la société SFC2A par la SELARL [T] ès qualités des 20 machines à sous et de leurs kits de jeu vendu à la SA [S],
Dit n'y avoir lieu à application de l'article 700 du code de procédure civile,
Dit les dépens frais privilégiés de procédure collective, ceux d'appel étant recouvrés conformément aux dispositions de l'article 699 du code de procédure civile.
LA GREFFIERE LE PRESIDENT