COUR D'APPEL D'AIX-EN-PROVENCE
8e Chambre A
ARRÊT AU FOND
DU 05 JANVIER 2017
N° 2017/ 26
Rôle N° 15/18194
SCP [V] [J] [K]
C/
[H] [C] divorcée [M]
[W] [M]
Grosse délivrée
le :
à :
- la SCP BADIE SIMON-THIBAUD JUSTON, avocat au barreau d'AIX-EN-PROVENCE
- Me Pierre-vincent LAMBERT, avocat au barreau de NICE
Décision déférée à la Cour :
Jugement du Tribunal de Commerce de NICE en date du 18 Septembre 2015 enregistré(e) au répertoire général sous le n° 2015L01245.
APPELANTE
SCP [V] [J] [K]
prise en la personne de Maître [K], agissant en sa qualité de liquidateur judiciaire de Monsieur [M]
dont le siège social est [Adresse 1]
représentée par la SCP BADIE SIMON-THIBAUD JUSTON, avocat au barreau d'AIX-EN-PROVENCE
assisté de Me Frédéric ROMETTI, avocat au barreau de NICE
INTIMES
Madame [H] [C] divorcée [M]
née le [Date naissance 1] 1962 à [Localité 1],
demeurant [Adresse 2]
représentée par Me Pierre-vincent LAMBERT, avocat au barreau de NICE
Monsieur [W] [M]
né le [Date naissance 2] 1969 à [Localité 2],
demeurant [Adresse 3]
défaillant
*-*-*-*-*
COMPOSITION DE LA COUR
L'affaire a été débattue le 09 Novembre 2016 en audience publique devant la Cour composée de :
Monsieur Yves ROUSSEL, Président magistrat rapporteur
Madame Catherine DURAND, Conseiller
Madame Anne DUBOIS, Conseiller
qui en ont délibéré.
Greffier lors des débats : Madame Lydie BERENGUIER.
Les parties ont été avisées que le prononcé de la décision aurait lieu par mise à disposition au greffe le 15 Décembre 2016 prorogé au 05 janvier 2017.
ARRÊT
Défaut,
Prononcé par mise à disposition au greffe le 05 janvier 2017,
Signé par Monsieur Yves ROUSSEL, Président et Madame Lydie BERENGUIER, greffier auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.
***
Les époux [C]-[M] se sont mariés en 1997.
Ils ont divorcé par consentement mutuel le 2 octobre 2009, le jugement homologuant une convention en date du 6 juillet 2009.
M. [M] exploitait en nom propre le garage [Établissement 1] à [Localité 3].
Le fonds de commerce a été vendu le 16 novembre 2012.
Le 31 octobre 2013, le tribunal de commerce de Nice a prononcé la liquidation judiciaire de M. [M].
Se prévalant d'une créance alimentaire, Mme [H] [C] a saisi le juge-commissaire d'une requête en paiement d'une somme provisionnelle sur les fonds détenus par la SCP [V]-[J]-[K], représentée par Me [P] [K], liquidateur, demande qui a donné lieu à une ordonnance du 11 juin 2015 prononçant le sursis à statuer dans l'attente de la fin des opérations de vérification des créances.
Sur opposition à cette ordonnance, le tribunal de commerce de Nice, statuant par jugement du 18 septembre 2015, a dit qu'en application de l'article L622-4 du Code de Commerce, les créances alimentaires n'avaient pas à être déclarées et échappaient à la procédure de vérification, qu'il n'y avait donc pas lieu d'ordonner le sursis à statuer et, mettant à néant l'ordonnance du juge-commissaire sur l'opposition de Mme [H] [C] divorcée [M], a accordé à celle-ci une provision de 60 000 € sur les fonds détenus par Me [K] et condamné ce dernier, ès qualités, aux frais irrépétibles et aux dépens.
Me [K] a fait appel de ce jugement par déclaration en date du 15 octobre 2016 à l'encontre de Mme [H] [C] et de M. [W] [M].
Vu ses conclusions déposées et notifiées le 30 août 2016,
Il demande à la cour d'infirmer le jugement dont appel, de débouter Mme [C] de ses demandes et de la condamner à lui payer la somme de 2000 € sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile, outre les dépens.
Me [K] fait valoir qu'après qu'il ait reçu la déclaration de créance de Mme [H] [C], au passif de la liquidation judiciaire, comme découlant d'une prestation compensatoire, pour une somme de 52.550 €, il lui a fait connaître par une lettre du 20 juin 2014 que ce type de créances n'avait pas à être déclaré ; qu'elle a donc sollicité auprès du juge-commissaire le paiement d'une provision de 60 000 €, demande sur laquelle il a été sursis à statuer jusqu'à la fin des opérations de vérification de créances, conformément aux dispositions de l'article L.643-3 alinéa 1 du Code de Commerce ; que Mme [C] s'est ensuite désistée de sa déclaration de créance par un courrier du 9 juillet 2015 , ce qui a eu pour effet de l'exclure de la procédure collective, puis elle a fait opposition à l'ordonnance rendue par le juge-commissaire.
Vu les conclusions déposées et notifiées le 31 août 2016 par Mme [C],
Elle demande à la cour de débouter la SCP [V]-[J]-[K] ,es qualités, de son appel, de confirmer le jugement dont appel, sauf à ramener, très subsidiairement, la provision allouée par le premier juge à la somme de 52.500 € et y ajoutant, la condamner à payer à Mme [H] [C] d'une part et M. [W] [M] d'autre part, chacun la somme de 2.500 € au titre des frais irrépétibles, outre les dépens, distraits dans les conditions de l'article 699 du code de procédure civile.
Mme [C] fait valoir que le garage [Établissement 1] était un bien de communauté revenant pour moitié à chacun des deux époux, mais qu'il a été attribué en totalité à M. [M], dont il était l'outil de travail ; que l'immeuble abritant le domicile conjugal était également un bien de communauté acheté en 2003 dont la moitié lui a été attribuée à titre de prestation compensatoire , à charge par M. [M] de rembourser l'emprunt, ce qu'il a cessé de faire lorsque la liquidation judiciaire a été prononcée ; que devant cette situation, elle a dû prendre le relais de M. [W] [M], pourtant débiteur en vertu de l'engagement qu'il avait pris et se trouve donc créancière de la liquidation judiciaire ;que les fonds que détient le mandataire liquidateur proviennent exclusivement de la vente du fonds de commerce du garage [Établissement 1].
Vu l'acte portant assignation devant la cour d'appel et signification de conclusions signifiées le 18 janvier 2016 à M. [W] [M] par dépôt de l'acte à l'étude de l'huissier de justice.
Vu l'ordonnance de clôture en date du 26 octobre 2016.
SUR CE, LA COUR,
1. M. [W] [M] n'ayant pas été assigné à sa personne, il sera statué par arrêt de défaut.
2. Le jugement dont appel mentionne : « à la barre, la SCP [V]-[J]-[K], représentée par Me [P] [K], ès qualités, ne s'oppose pas aux demandes de la requérante ».
La SCP [V]-[J]-[K], qui ne conteste pas qu'elle était ainsi représentée, prétend en revanche qu'elle s'est opposée aux demandes adverses et que le reste de la mention procède donc d'une erreur matérielle.
À l'inverse, s'attachant à la force probante du jugement, au sens de l'article 457 du code de procédure civile, Mme [C] prétend que la cour ne peut que constater le désistement de la SCP [V]-[J]-[K].
3. Mais le jugement frappé d'appel mentionne aussi en première page que la « SCP [V]-[J]-[K], représentée par Me [P] [K] », est « non comparant ».
Cette mention a la même force probante et fait foi jusqu'à inscription de faux.
Or, ne pouvant se concilier avec la mention que conteste le liquidateur, il en résulte une incertitude sur la position qui a été la sienne devant le tribunal.
D'ailleurs, dès la notification du jugement il a introduit une requête en rectification d'erreur matérielle.
Ainsi, la preuve d'un désistement dénué d'ambiguïté, tel qu'il est invoqué par les intimés n'est nullement rapportée et le droit du liquidateur de faire appel du jugement est demeuré intact.
4. L'article L. 622-7 dans sa rédaction issue de l'ordonnance n° 2008-1345 du 18 décembre 2008 dispose que : « le jugement ouvrant la procédure emporte, de plein droit, interdiction de payer toute créance née antérieurement au jugement d'ouverture, à l'exception du paiement par compensation des créances connexes. Il emporte également, le plein droit, interdiction de payer toute créance née après le jugement d'ouverture, non mentionnée au I de l'article L. 622-17. Ces interdictions ne sont pas applicables au paiement des créances alimentaires ».
5. Mme [C] soutient que la prestation compensatoire est de nature alimentaire et qu'elle entre donc dans les prévisions de cet article, ce qui n'est pas contesté.
Elle fait valoir que l'article L 622-7 du code de commerce écarte le principe de l'interdiction de payer toute créance née antérieurement au jugement d'ouverture, en ce qui concerne les créances alimentaires, ce qui signifie qu'elles peuvent et doivent même être payées, sous peine de sanctions pénales ; que la thèse adverse selon laquelle cette obligation ne peut s'exécuter que sur des fonds dont le débiteur conserve la libre disposition et non sur les fonds que détient le mandataire liquidateur est tirée d'une jurisprudence antérieure à l'ordonnance du 18 décembre 2008 ; qu'or, la liquidation judiciaire de M. [M] relève de la loi du 26 juillet 2005 et est postérieure à cette ordonnance, laquelle a instauré le primat des créances alimentaires en les soustrayant à la procédure de déclaration et de vérification de créances, ce qui n'aurait aucun sens si ce paiement ne pouvait lui-même être prioritaire et sans distinction d'assiette sur les biens du débiteur.
6. Mais, avant même l'instauration de la règle issue de l'ordonnance du 18 décembre 2008, codifiée à l'article L. 622-7, la Cour de Cassation a admis que « la créance née de la prestation compensatoire, qui présente pour partie un caractère alimentaire, n'a pas à être déclarée au passif du débiteur soumis à procédure collective et échappe ainsi à l'extinction faute de déclaration » (Cass. com., 8 octobre 2003, n°99-21.682).
Pour autant, tout en énonçant encore que « la créance née de la pension alimentaire peut être payée sans avoir été déclarée au passif du débiteur soumis à procédure collective », elle a jugé que «la créance d'aliments, qui est une dette personnelle du débiteur soumis à une procédure collective, doit être payée sur les revenus dont il conserve la disposition, ou bien être recouvrée par la voie de la procédure de paiement direct ou de recouvrement public des pensions alimentaires » (Cass. com., 8 oct. 2003, n° 00-14.760).
Cet état du droit, n'est pas remis en cause par l'article L. 622-7, modifié par l'ordonnance du 18 décembre 2008, qui n'instaure aucune règle nouvelle quant à la nature des biens sur lesquels les dettes alimentaires doivent être payées.
7. La position du liquidateur judiciaire qui en appelle aux commentaires des dispositions issues de l'ordonnance de 2008 du professeur [F] [F] ( « observons toutefois, d'une part, que les textes nouveaux ne précisent pas sur quels biens le débiteur pourra payer ses dettes alimentaires et, d'autre part, que la règle de l'arrêt des poursuites individuelles n'est pas mise en échec au profit du créancier d'aliments ») et à ceux du professeur [M] [U] (La Semaine Juridique, Edition Générale n°6, 4 février 2009, I 110 : « Ces créances peuvent être payées; elles n'ont pas à être déclarées; pour autant elles ne bénéficient pas du privilège de procédure lorsqu'elles naissent après le jugement d'ouverture, faute de satisfaire au critère des articles L. 622-17 et L.641-13. C'est dire que ces créances sont soumises au régime autonome que la Cour de cassation leur a assigné dans un arrêt bien connu (cf Cass. Com., 8 oct. 2003, n° 00-14.760) : personnelles au débiteur, elles doivent être payées durant la procédure grâce aux revenus dont il conserve la libre disposition ou être recouvrées par la procédure de paiement direct ou de recouvrement public des pensions alimentaires »), est donc fondée, de sorte qu'échappant à la procédure collective, en raison de leur caractère alimentaire, les sommes en cause ne peuvent être recouvrées sur les sommes et actifs soumis au dessaisissement.
En conséquence, le jugement dont appel sera infirmé.
8. Partie perdante, Mme [C] supportera les dépens.
Mais pour des motifs tirés de l'équité, il ne sera pas fait application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile.
PAR CES MOTIFS
Statuant publiquement, par mise à disposition de l'arrêt au greffe, par défaut,
Reçoit la SCP [V]-[J]-[K], ès qualités, en son appel,
Le déclarant fondé,
Infirme le jugement entrepris,
Rejette les demandes de Mme [C] tendant au paiement d'une provision sur les fonds détenus par Me [K], ès qualités,
Rejette toute autre demande,
Condamne Mme [C] aux dépens de première instance et d'appel.
LE GREFFIERLE PRÉSIDENT