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05/01/2017 | FRANCE | N°11/14292

France | France, Cour d'appel d'Aix-en-Provence, 10e chambre, 05 janvier 2017, 11/14292


COUR D'APPEL D'AIX-EN-PROVENCE

10e Chambre



ARRÊT AU FOND

DU 05 JANVIER 2017



N° 2017/ 001













Rôle N° 11/14292







[E] [P]





C/



[K] [V]

[U] [M]

[I] [M]

[M] [M]

[S] [M]

CPAM DES BOUCHES DU RHÔNE





















Grosse délivrée

le :

à :

Me Laurence LEVAIQUE



Me Romain CHERFILS


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Décision déférée à la Cour :

Jugement du Tribunal de Grande Instance d'AIX-EN-PROVENCE en date du 07 Juillet 2011 enregistré au répertoire général sous le n° 06/04730.



APPELANT



Monsieur [E] [P]

né le [Date naissance 1] 1936 à [Localité 1]

de nationalité Française,

demeurant [Adresse 1]

représenté par ...

COUR D'APPEL D'AIX-EN-PROVENCE

10e Chambre

ARRÊT AU FOND

DU 05 JANVIER 2017

N° 2017/ 001

Rôle N° 11/14292

[E] [P]

C/

[K] [V]

[U] [M]

[I] [M]

[M] [M]

[S] [M]

CPAM DES BOUCHES DU RHÔNE

Grosse délivrée

le :

à :

Me Laurence LEVAIQUE

Me Romain CHERFILS

Décision déférée à la Cour :

Jugement du Tribunal de Grande Instance d'AIX-EN-PROVENCE en date du 07 Juillet 2011 enregistré au répertoire général sous le n° 06/04730.

APPELANT

Monsieur [E] [P]

né le [Date naissance 1] 1936 à [Localité 1]

de nationalité Française,

demeurant [Adresse 1]

représenté par Me Laurence LEVAIQUE de la SCP ERMENEUX-LEVAIQUE-ARNAUD & ASSOCIES, avocat au barreau d'AIX-EN-PROVENCE, Me Bruno ZANDOTTI, avocat au barreau de MARSEILLE

INTIMES

INTERVENTION VOLONTAIRE

Monsieur [K] [V] és-qualités d'ayant droit de [P] [V] décédé le [Date décès 1] 2015

né le [Date naissance 2] 1958 à [Localité 2], demeurant [Adresse 2]

Monsieur [U] [M] és-qualités d'ayant droit de [J] [U] épouse [V] décédée le [Date décès 2] 2013

né le [Date naissance 3] 1953 à [Localité 3], demeurant Chez Mr [L] [I] [Adresse 3]

Monsieur [I] [M] és-qualités d'ayant droit de [J] [U] épouse [V] décédée le [Date décès 2] 2013

né le [Date naissance 4] 1958 à [Localité 3], demeurant [Adresse 4]

Monsieur [M] [M] és-qualités d'ayant droit de [J] [U] épouse [V] décédée le [Date décès 2] 2013

né le [Date naissance 5] 1952 à [Localité 3], demeurant [Adresse 5]

Monsieur [S] [M]és-qualités d'ayant droit de [J] [U] épouse [V] décédée le [Date décès 2] 2013

né le [Date naissance 6] 1956 à [Localité 3], demeurant Chez Mme [X] [C] - [Adresse 6]

représentés par Me Romain CHERFILS de la SELARL BOULAN CHERFILS IMPERATORE, avocat au barreau d'AIX-EN-PROVENCE, Me Jean-pierre DARMON substitué par Me Patricia BLOUET-JARDI, avocat au barreau d'AIX-EN-PROVENCE,

CPAM DES BOUCHES DU RHONE,

dont le siège social est [Adresse 7]

défaillante

COMPOSITION DE LA COUR

L'affaire a été débattue le 09 Novembre 2016 en audience publique. Conformément à l'article 785 du Code de Procédure Civile, Madame Françoise GILLY-ESCOFFIER, Conseiller , a fait un rapport oral de l'affaire à l'audience avant les plaidoiries.

La Cour était composée de :

Monsieur Olivier GOURSAUD, Président

Madame Françoise GILLY-ESCOFFIER, Conseiller

Madame Anne VELLA, Conseiller

qui en ont délibéré.

Greffier lors des débats : Madame Sylvaine MENGUY.

Les parties ont été avisées que le prononcé de la décision aurait lieu par mise à disposition au greffe le 05 Janvier 2017

ARRÊT

Réputé contradictoire,

Prononcé par mise à disposition au greffe le 05 Janvier 2017,

Signé par Monsieur Olivier GOURSAUD, Président et Madame Sylvaine MENGUY, greffier auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

***

FAITS ET PROCÉDURE

[J] [V], née le [Date naissance 7] 1927, porteuse d'une prothèse intermédiaire de la hanche gauche, a été réopérée le 1er mars 1996 en raison du descellement de cette prothèse et d'une fracture de la pointe de la tige fémorale. Une reconstruction a été réalisée avec mise en place d'un implant fémoral sans ciment.

L'opération a eu lieu à la polyclinique du Parc Rambot ; le chirurgien était le docteur [Q] [T], l'anesthésiste était le docteur [E] [P].

A son réveil [J] [V] a présenté une hémiplégie gauche.

L'évolution a été marquée secondairement par une thrombophlébite du membre inférieur gauche avec embolie pulmonaire.

Une infection s'est manifestée au mois de novembre 1996 avec apparition d'une fistule cutanée communiquant avec le foyer opératoire de mise en place de la prothèse.

[J] [V] a obtenu en référé la désignation du professeur [E] qui a rendu un premier rapport d'expertise réalisé au contradictoire du docteur [T] et de la polyclinique du Parc Rambot et un second rapport réalisé au contradictoire de M. [P] après recueil de l'avis d'un sapiteur anesthésiste, le docteur [F].

Par actes des 18, 25 et 27 juillet 2006 [J] [V] a fait assigner M. [T], M. [P], et la société Polyclinique du Parc Rambot, en présence de la caisse primaire d'assurance maladie des Bouches du Rhône (CPAM), prise en sa qualité de tiers payeur, devant le tribunal de grande instance d'Aix en Provence qui par jugement du 17 mars 2008, rectifié le 29 janvier 2009, a ordonné une nouvelle expertise confiée à un collège d'experts les professeurs [X] et [Q] et le docteur [H].

Après dépôt de ce rapport d'expertise, [J] [V] et son époux [P] [V], intervenu volontairement à l'instance, ont demandé que M. [T] et M. [P] soient condamnés à réparer leurs préjudices direct et par ricochet consécutifs aux complications de l'opération du 1er mars 1996.

La polyclinique du Parc Rambot était partie à l'instance mais aucune demande n'a été formée contre elle.

La caisse primaire d'assurance maladie des Bouches du Rhône a été régulièrement appelée en la cause.

Par jugement du 7 juillet 2011 le tribunal a :

- donné acte à [P] [V] de son intervention volontaire,

- constaté qu'aucune demande n'a été formée contre la polyclinique du Parc Rambot et mis celle-ci hors de cause,

- déclaré M. [P] entièrement responsable du préjudice subi par [J] et [P] [V] à la suite de l'intervention chirurgicale du 1er mars 1996,

- fixé à 936.432,96 € la réparation du préjudice corporel de [J] [V],

- condamné M. [P] à lui payer cette somme outre la somme de 25.000 € en réparation de son préjudice moral et celle de 15.000 € en application de l'article 700 du code de procédure civile,

- condamné M. [P] à payer à [P] [V] la somme de 25 000 € en réparation de son préjudice moral et celle de 1.500 € en application de l'article 700 du code de procédure civile,

- condamné M. [P] à payer au docteur [T] la somme de 3 000 € en application de l'article 700 du code de procédure civile,

- condamné M. [P] à payer à la polyclinique du Parc Rambot la somme de 2 000 € en application de l'article 700 du code de procédure civile,

- ordonné l'exécution provisoire du jugement,

- dit que la moitié des sommes allouées sera consignée chez Maître Darmon, avocat, constitué séquestre,

- condamné M. [P] aux dépens incluant ceux des référés et les frais de toutes les expertises.

Par déclaration du 6 octobre 2011 M. [P] a interjeté appel général de ce jugement.

Par arrêt du 7 novembre 2012 la présente cour a :

- confirmé le jugement en ce qu'il a mis la polyclinique du Parc Rambot hors de cause,

- infirmé ce jugement en ce qu'il a condamné M. [P] à payer à M. [S] et à la polyclinique du Parc Rambot une indemnité en application de l'article 700 du code de procédure civile,

- rejeté les demandes de M. [P] dirigées contre M. [T],

- dit en conséquence n'y avoir lieu de statuer sur les demandes présentées par [P] [V] et [J] [V] contre M. [T] à titre subsidiaire, dans l'hypothèse où il serait fait droit aux demandes de M. [P],

- sursis à statuer sur les prétentions de [J] [V] et [P] [V] dirigées contre M. [P],

- avant dire droit sur ces prétentions ordonné une contre-expertise confiée à un collège de trois experts messieurs [A] [G], anesthésiste réanimateur, [W] [A], médecin de médecine physique et rééducation et [V] [N], neurologue, avec pour mission de :

* convoquer et entendre les parties

* recueillir leurs observations et se faire remettre toutes pièces utiles à l'accomplissement de leur mission

* déterminer la cause de l'hémiplégie dont est atteinte [J] [V]

* dire en particulier si elle trouve son origine certaine et directe dans l'hypotension présentée par la patiente lors de l'opération du 1er mars 1996

* dire si l'hypotension a été correctement contrôlée par M. [P]

* examiner [J] [V]

* indiquer son état antérieur à l'accident médical du 1er mars 1996

* décrire les lésions qui lui ont été causées par cet accident médical à l'exclusion de celles consécutives à l'infection nososcomiale (donc les lésions en lien certain et direct avec l'hémiplégie)

* en exposer les conséquences

° estimer la durée du déficit fonctionnel temporaire total et/ou partiel en indiquant la date de consolidation de l'état de la patiente

° apprécier le degré des souffrances physiques et psychiques endurées

° évaluer le taux de déficit fonctionnel permanent qui subsiste

° indiquer si l'état de la patiente nécessite l'assistance d'une tierce personne, en préciser la nature et l'ampleur

° dire si l'état de la patiente nécessite l'aménagement de son domicile et préciser la nature de ces adaptations

° donner son avis sur le préjudice esthétique

° ainsi que sur le préjudice d'agrément spécifique

* indiquer l'évolution prévisible dans le temps de l'état de la victime

* répondre précisément aux dires des parties après leur avoir fait part de ses conclusions provisoires et leur avoir imparti un délai pour présenter ces dires, qui ne saurait être inférieur à un mois

- condamné [J] [V] et [P] [V] in solidum à prendre en charge les dépens exposés par la polyclinique du Parc Rambot et par M. [T] en première instance et en appel et dit que ceux d'appel seront recouvrés conformément aux dispositions de l'article 699 code de procédure civile, - sursis à statuer pour le surplus sur les dépens et sur les indemnités pour frais irrépétibles.

[J] [V] est décédée le [Date décès 2] 2013.

M. [U] [M], M. [I] [M], M. [M] [M] et M. [S] [M] sont intervenus volontairement à l'instance en leur qualité d'héritiers de leur mère, [J] [V], par conclusions du 7 février 2014.

[P] [V] est décédé le [Date décès 1] 2015.

Les experts ont déposé leur rapport le 7 avril 2016.

M. [K] [V] est intervenu volontairement à l'instance en qualité d'héritier de son père, [P] [V], par conclusions du 28 juin 2016.

L'affaire a été fixée à plaider à l'audience du 9 novembre 2016 avec clôture de la procédure au 24 octobre 2016.

PRÉTENTIONS ET MOYENS DES PARTIES

M. [P] demande dans ses conclusions du 21 octobre 2016, en application des articles 1147 du code civil et 276 du code de procédure civile, infirmant le jugement, de :

à titre principal

- juger que le rapport d'expertise ne peut recevoir homologation,

- ordonner une nouvelle expertise concernant la détermination des seuls chefs de préjudice en lien avec l'hémiparésie ayant affecté [J] [V],

à titre subsidiaire

- juger que sa responsabilité ne pourrait être engagée que dans le cadre de la notion de perte de chance qu'il conviendra de fixer à hauteur de 75 % et pour les seules conséquences de l'hémiparésie,

à titre infiniment subsidiaire

- réduire les sommes sollicitées par les consorts [V] à de plus justes proportions et les débouter de leurs demandes injustifiées,

- procéder à une indemnisation prorata temporis pour les postes de préjudices concernés par la durée de vie de [J] [V],

condamner tous contestants à lui verser une somme de 5 000 € sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile,

condamner tous contestants aux dépens d'appel avec distraction.

Il fait valoir que le rapport d'expertise est nul car les experts n'ont pas respecté la mission qui leur a été confiée par la cour en n'établissant pas de pré-rapport mais surtout en n'apportant aucune réponse au dire établi par son conseil dans ses intérêts le 19 avril 2016, que ceci lui cause un grief dans la mesure où il n'a pas obtenu de réponse à ses observations et qu'il attirait l'attention des experts sur le fait que le rapport était affecté d'une contradiction et d'une erreur flagrante d'appréciation.

Sur la contradiction contenue dans le rapport, il indique que les experts ont estimé que l'accident vasculaire cérébral qu'a présenté [J] [V] a été d'origine ischémique en période péri-opératoire et serait dû aux épisodes d'hypotension liée aux effets des agents anesthésiques, épisodes qui n'auraient pas été pris en charge de façon conforme aux bonnes pratiques, que cependant les experts ont également indiqué 'on ne peut affirmer avec certitude que l'accident vasculaire cérébral dont a été victime Mme [V] dans les circonstances que l'on sait peut être entièrement attribué à ces périodes d'hypotension' et ce sans en tirer les conséquences au niveau de la perte de chance qu'ils ont néanmoins fixée à 90 % alors qu'il proposait qu'elle soit établie à hauteur de 75 %.

Sur l'erreur flagrante d'appréciation commise par les experts, il soutient que la cour avait précisé que seules devraient être prises en considération les lésions en lien certain et direct avec l'hémiplégie à l'exclusion de celles consécutives à l'infection nosocomiale, mission qu'il rappelait dans son dire du 19 avril 2016, que cependant les experts ont évalué le préjudice de [J] [V] dans sa globalité et non pas au regard des seules conséquences de l'accident vasculaire cérébral ; il précise en outre que les experts sont allés au-delà des demandes formulées par les consorts [V] devant le premier juge et que leurs évaluations sont manifestement excessives eu égard aux seules conséquences de l'accident vasculaire cérébral.

Il offre d'indemniser le préjudice de [J] [V] ainsi qu'il suit :

- déficit fonctionnel temporaire sur une base mensuelle de 650 €

- souffrances endurées : 25'000 €

- déficit fonctionnel permanent : 76'500 €

- préjudice d'agrément : 5 000 €

- préjudice esthétique permanent : 15'000 €

- préjudice sexuel : 10'000 €

- préjudice moral : aucune somme, ce chef de préjudice étend intégré dans le déficit fonctionnel permanent autonome.

Il estime que la demande de réparation d'un préjudice moral qui aurait été subi par [P] [V], doit, pour les mêmes raisons, être rejetée et que la demande formulée au titre d'un préjudice extra patrimonial de celui-ci n'est pas justifiée.

M. [U] [M], M. [I] [M], M. [M] [M] M. [S] [M] et M. [K] [V] demandent à la cour dans leurs conclusions du 30 septembre 2016, en application des articles 724 et 1147 du code civil et 1142-1 alinéa premier du code de la santé publique, de :

confirmer le jugement en ce qu'il a retenu la responsabilité de M. [P] en ce qui concerne la non prise en compte de l'hypotension que présentait [J] [V] et l'absence de traitement de cette pathologie conformément aux données acquises en la matière,

infirmer le jugement en ce qu'il a

- condamné M. [P] à réparer l'intégralité du préjudice subi par [J] [V] et par [P] [V] à la suite de l'intervention du 1er mars 1996,

- fixé à 936'432,96 € la réparation du préjudice corporel de [J] [V], à 25'000 € la réparation de son préjudice moral et à 15'000 € l'indemnité lui revenant au titre de l'article 700 du code de procédure civile,

- fixé à 25'000 € la réparation du préjudice moral de [P] [V], à la somme de 1500 € l'indemnité lui revenant au titre de l'article 700 du code de procédure civile et en ce qu'il l'a débouté de sa demande d'indemnisation du préjudice extra-patrimonial exceptionnel,

statuant de nouveau

- juger que les fautes commises par M. [P] sont à l'origine pour [J] [V] d'une perte de chance de 90 % d'éviter les séquelles de l'accident vasculaire cérébral péri-opératoire et qu'en conséquence le préjudice subi par [J] [V] et par [P] [V] est indemnisable par M. [P] à hauteur de 90 %,

- fixer en conséquence à la somme de 2'469'704,60 € le montant total des préjudices patrimoniaux et extra-patrimoniaux subis par [J] [V] et détaillée ainsi qu'il suit :

° frais divers (honoraires du docteur [O]) : 3 000 €

° frais d'assistance par tierce personne avant consolidation : 697'013,60 €

° frais d'assistance par tierce personne du 1er janvier 2002 au [Date décès 2] 2013 : 1'498'543,20€

° déficit fonctionnel temporaire : 70'000 €

° souffrances endurées : 80'000 €

° préjudice esthétique temporaire : 20'000 €

° déficit fonctionnel permanent : 235'559,56 €

° préjudice esthétique permanent : 45'000 €

° préjudice sexuel : 35'000 €

° préjudice d'agrément : 60'000 €

total : 2 744 116,30 €

part indemnisable (90 %) : 2'469'704,66 €,

- fixer à la somme de 80'000 € l'indemnisation du préjudice moral de [J] [V] et à 72'000€ le préjudice indemnisable de ce chef au titre de la perte de chance de 90 %,

- fixer à la somme de 147'200 € le montant total des préjudices indemnisables subis par [P] [V] et répartie comme suit :

° préjudice d'affection : 80'000 €

° préjudice extra-patrimonial exceptionnel : 80'000 €

total : 160'000 €

part indemnisable : 140'000 €

° frais divers (honoraires d'assistance à expertise des docteurs [O] et [D]) : 3 200€,

- condamner en deniers ou quittance M. [P] à leur verser la somme de 2'541'704,60 € à titre de solde indemnitaire définitif des préjudices patrimoniaux, extra-patrimoniaux et moral indemnisables subis par [J] [V],

- condamner en deniers ou quittance M. [P] à payer à M. [K] [V] la somme de 147'200 € à titre de solde indemnitaire définitif des préjudices indemnisables subis par [P] [V],

infirmer le jugement en ce qui concerne le quantum des sommes allouées à [J] [V] et à [P] [V] au titre de l'article 700 du code de procédure civile

statuant à nouveau

- condamner M. [P] à leur verser la somme de 100'000 € au titre de l'article 700 du code de procédure civile,

- condamner M. [P] à verser à M. [K] [V] la somme de 30'000 € au titre de l'article 700 du code de procédure civile,

- condamner M. [P] aux dépens de première instance et d'appel dont le coût des expertises judiciaires ordonnées en référé, en première instance et en cause d'appel avec distraction.

Ils soutiennent que la nullité du rapport d'expertise au regard de l'article 276 du code de procédure civile a été couverte dans la mesure où M. [P] a, postérieurement au dépôt du rapport d'expertise, fait valoir des défenses au fond en notifiant le 1er juillet 2016 des conclusions, que M. [P] ne peut pas reprocher aux experts de ne pas avoir répondu à un dire établi le 19 avril 2016 alors qu'à cette date le rapport d'expertise avait été déposé et que les experts étaient dessaisis, qu'en outre à la suite de la réunion expertale du 31 janvier 2015 M. [P] n'a adressé aucun dire aux experts alors qu'il a disposé d'un délai de 14 mois pour le faire avant le dépôt du rapport, qu'enfin M. [P] qui critique le rapport d'expertise dans ses dernières conclusions fait valoir divers éléments de nature à permettre à la cour d'apprécier s'il y a lieu ou non de remettre en discussion les conclusions expertales en instituant le cas échéant une nouvelle mesure d'expertise de sorte que M. [P] n'établit pas le grief que lui a causé l'absence de dépôt d'un pré-rapport.

Sur le fond ils indiquent que les experts ont estimé au vu du résultat du scanner que l'accident subi par [J] [V] n'est pas d'origine hémorragique mais ischémique secondaire à une insuffisance de perfusion cérébrale quelle qu'en soit l'étiologie et ont répondu à la question d'un éventuel lien de causalité entre cet accident et l'hypotension artérielle profonde, prolongée et non contrôlée de la patiente au cours de l'anesthésie générale, à la lecture de la feuille d'anesthésie et des indications données par M. [P] qui leur ont permis de reconstituer les faits per-opératoires.

Ils relèvent que les experts ont caractérisé les fautes commises par M. [P] en lien avec l'accident vasculaire cérébral de [J] [V] puisqu'ils ont précisé que celle-ci pouvait être considérée comme porteuse d'un coeur sain, qu'elle n'avait pas d'antécédents cardiaque ou hypertensif, qu'elle n'était pas porteuse d'anomalie des vaisseaux du cou en particulier des carotides, qu'une hypotension artérielle importante a été notée à plusieurs reprises pendant des périodes prolongées, que ces épisodes d'hypotension profonde et prolongée ont débuté dès avant l'incision donc à une période où il n'y avait aucun saignement, que ce type d'hypotension était éminemment traitable par remplissage vasculaire et en cas de résultat insuffisant par l'adjonction de catécholamines et en particulier d'Ephédrine, que cette dernière a bien été utilisée mais très tardivement et selon une forme totalement inadaptée pour espérer une quelconque efficacité, qu'ainsi les épisodes d'hypotension n'ont pas été pris en compte et traités de façon conforme aux bonnes pratiques et aux données acquises en la matière à l'époque des faits, qu'aucun anesthésiste se prêtant à ses obligations de formation initiale et continue ne saurait ignorer, et que l'accident vasculaire cérébral peut être entièrement attribué à ces épisodes d'hypotension.

Ils ajoutent que selon les experts la non prise en compte de l'hypotension a entraîné une perte de chance d'au moins 90 % d'éviter les séquelles en rapport avec un accident vasculaire cérébral péri-opératoire.

Ils affirment que les experts ont bien apprécié les dommages au regard de la seule hémiplégie et qu'ils ont notamment précisé que la totalité des préjudices est imputable au défaut de prise en charge lors de l'anesthésie.

La CPAM assignée par acte d'huissier du 14 novembre 2011 délivré à personne habilitée et contenant dénonce de l'appel n'a pas constitué avocat.

L'arrêt sera réputé contradictoire conformément aux dispositions de l'article 474 du code de procédure civile.

MOTIFS DE LA DÉCISION

Il y a lieu de constater l'intervention volontaire en cause d'appel de M. [U] [M], M. [I] [M], M. [M] [M] et M. [S] [M] en qualité d'héritiers de [J] [V] et de M. [K] [V] en qualité d'héritier de [P] [V].

Sur la demande de nullité du rapport d'expertise :

M. [P] demande l'instauration d'une nouvelle mesure d'expertise au motif précisé dans le corps de ses conclusions du 21 octobre 2016 que le rapport déposé par le collège d'experts est entaché de nullité car les experts n'ont pas déposé de pré-rapport ni répondu à un dire de son conseil du 19 avril 2016 qui relevait leurs contradictions et erreurs d'appréciation et que ce vice lui cause grief dans la mesure où il n'a pas pu fournir ses observations.

Si la demande de nullité d'une expertise ne constitue pas une exception de procédure mais une défense au fond, elle demeure soumise, en application de l'article 175 du code de procédure civile, aux dispositions qui régissent la nullité des actes de procédure.

Selon l'article 112 du code de procédure civile la nullité 'est couverte si celui qui l'invoque a, postérieurement à l'acte critiqué, fait valoir des défenses au fond ou opposé une fin de non-recevoir sans soulever la nullité'.

Il ressort des conclusions de M. [P] notifiées et déposées le 1er juillet 2016 que celui-ci a présenté des défenses au fond avant de soulever la nullité du rapport d'expertise dans ses dernières conclusions du 21 octobre 2016 ; la nullité est donc couverte.

Sur la responsabilité

En raison de la date de réalisation des interventions chirurgicales litigieuses, antérieures à l'entrée en vigueur de la loi du 4 mars 2002 qui s'applique aux actes réalisés à compter du 5 septembre 2001, la responsabilité de M. [P] à l'égard de [J] [V] est régie par l'article 1147 du code civil.

Il se forme entre le médecin et son patient un véritable contrat comportant pour le praticien l'engagement de donner des soins attentifs, consciencieux, et, sous réserve de circonstances exceptionnelles, conformes aux données acquises de la science.

La violation même involontaire de cette obligation, qui revêt la nature juridique d'une obligation de moyens, engage sa responsabilité contractuelle.

Sur les données de l'expertise

Les experts les docteurs [A] [G], [W] [A] et [V] [N] ont indiqué dans leur rapport du 16 mars 2016, en pages 10 à 14, que :

- [J] [V], droitière, a été opérée d'un descellement d'une prothèse de hanche gauche le 1er mars 1996 ; à son réveil elle présentait une hémiplégie gauche en rapport avec un infarctus Sylviane droit ; malgré une rééducation prolongée des séquelles importantes persistèrent laissant la patiente qui vivait à son domicile dépendante,

- elle a été victime en période péri-opératoire d'un accident vasculaire cérébral d'origine ischémique (non hémorragique),

- cet accident est incontestablement, au vu du résultat du scanner non pas d'origine hémorragique mais ischémique, c'est-à-dire par privation d'oxygène et de glucose secondaire à une insuffisance de perfusion cérébrale quelque en soit l'étiologie,

- le maintien de la pression artérielle tout au long de la période opératoire est l'un des impératifs de la prise en charge des opérés,

- l'anesthésie induit des modifications du tonus vasculaire par le biais d'un effet dépresseur sur le tonus sympathique et une altération du contrôle baroréflexe de la pression artérielle de sorte que celle-ci devient un paramètre beaucoup plus dépendant des variations du débit cardiaque et/ou de tonus vasculaire,

- si les variations per et post-opératoires de la pression artérielle sont habituellement bien tolérées avec une influence minime sur la morbidité chez les patients jeunes et sains il n'en est pas de même chez les sujets âgés où il y a notamment une perte de l'autorégulation du débit artériel cérébral, raison pour laquelle il convient de corriger au plus vite toute variation de pression artérielle potentiellement délétère surtout sur ces terrains,

- en conséquence l'hypotension artérielle qui altère la pression de perfusion peut lorsqu'elle est importante et prolongée ou de survenue brutale, surtout sur une personne âgée et athéromateuse, compromettre la perfusion de différents organes, au premier chef le myocarde, le rein mais aussi, bien que plus rarement, le cerveau, entraînant un déséquilibre entre les besoins et les apports en oxygène générateur d'ischémie,

- l'un des impératifs de la conduite de l'anesthésie est de maintenir la pression artérielle la plus proche possible de la pression artérielle dite de repos,

- l'hypotension artérielle per-opératoire relève de trois causes principales : la défaillance de contractilité du myocarde, l'hypovolémie, par saignements insuffisamment compensés ou par pertes hydriques mal évaluées, l'action des agents anesthésiques lesquels peuvent entraîner une dépression de la fonction contractile du muscle myocardique, une diminution du tonus artériel et veineux, l'inhibition des systèmes régulateurs de la pression artérielle, ces deux dernières actions constituant de très loin les causes principales des hypotensions artérielles péri-opératoires chez les patients à c'ur antérieurement sain,

- la survenue d'une hypotension peut se définir par une diminution de 20 à 30 % de la pression artérielle moyenne par rapport aux chiffres pré-opératoires,

- même si l'hypotension artérielle péri-opératoire est mal définie dans sa durée et son intensité il n'en demeure pas moins qu'aujourd'hui il est établi un lien de causalité entre ces épisodes d'hypotension et la survenue d'accidents vasculaires cérébraux péri-opératoires,

- le traitement des épisodes d'hypotension artérielle comporte trois volets : la diminution des agents d'anesthésie hypotenseurs comme les anesthésiques volatiles halogénés et le Propofol, un remplissage vasculaire suffisant en terme qualitatif et quantitatif pour rétablir un volume circulant normal, si l'hypotension artérielle persiste l'administration d'agents sympathomimétiques dont le plus couramment utilisé est l'Ephédrine, de maniement facile,

- [J] [V] pouvait être considérée comme porteuse d'un c'ur sain, en effet elle n'avait pas d'antécédents cardiaque ou hypertensif, l'examen cardiologique pré-opératoire n'a montré aucune anomalie et l'état cardiaque est resté normal après l'intervention, elle n'était pas porteuse d'anomalies des vaisseaux du cou, en particulier des carotides comme l'a confirmé l'échographie Doppler post-opératoire,

- une hypotension artérielle importante a été notée à plusieurs reprises pendant des périodes prolongées (une période d'au moins 40 minutes),

- ces épisodes d'hypotension que nous pouvons qualifier à coup sûr de profonde et prolongée ont débuté dès avant l'incision donc à une période où il n'y avait aucun saignement, le saignement global a d'ailleurs été modeste eu égard au type d'intervention,

- le remplissage vasculaire a été correct,

- il en découle que l'on ne peut expliquer les épisodes d'hypotension profonde et prolongée par une hypovolémie significative et encore moins par une hypovolémie par hémorragie,

- ces épisodes d'hypotension ne peuvent être mis que sur le compte des effets des agents anesthésiques,

- ce type d'hypotension était éminemment traitable, par remplissage vasculaire et en cas de résultats insuffisants par l'adjonction de catécholamines et en particulier d'Ephédrine,

- le traitement de l'hypotension doit être d'autant plus énergique et urgent que l'hypotension est profonde, chaque minute d'hypotension augmentant le risque de complications,

- les périodes d'hypotension per-opératoire par leur caractère profond voire même très profond n'ont pu qu'avoir un retentissement délétère sur le débit cardiaque donc sur la perfusion des circulations régionales, cérébrale en particulier.

Ils ont ainsi estimé que :

- les épisodes d'hypotension n'ont pas été pris en compte et traités de façon conforme aux bonnes pratiques et aux données acquises en la matière à l'époque des faits,

- l'hypothèse hautement vraisemblable voire quasi certaine quant à l'étiologie de l'accident vasculaire cérébral est bien cette hypotension très profonde et très prolongée et si tant est que l'initiation de cet accident ait pu être d'une autre origine, l'hypotension n'a pu que l'aggraver,

- compte tenu des réserves émises ci-dessus on peut considérer que la non pris en compte de cette hypotension par M. [P] a entraîné une perte de chance d'au moins 90 % d'éviter les séquelles en rapport avec un accident vasculaire cérébral péri-opératoire.

Sur la faute technique

Les observations des experts, ci-avant énoncées, sont détaillées, claires et cohérentes ; elles sont fondées sur l'étude du dossier médical de [J] [V] et par référence à des paramètres techniques spécifiques et à une documentation médicale qui est précisée ; elles ne sont pas remises en cause par des documents techniques contraires ; il en résulte la preuve que M. [P] n'a pas mis en oeuvre tous les moyens à sa disposition, eu égard aux données acquises de la science médicale à l'époque des faits, dans la conduite de l'anesthésie de [J] [V] en laissant s'installer des épisodes d'hypotension profonde et prolongée et en ne traitant pas cette hypotension de façon adaptée, notamment par injection à dose adéquate d'Ephédrine ; il a ainsi commis des fautes qui engagent sa responsabilité en application des dispositions légales précitées.

Les parties s'accordent pour considérer, si des fautes sont retenues, que celles-ci n'ont entraîné qu'une perte de chance d'échapper aux séquelles de l'accident vasculaire cérébral ; en revanche elle s'opposent sur le taux de cette perte de chance.

[J] [V], ainsi que relevé par les experts, avait un coeur sain et n'était pas atteinte d'une anomalie des vaisseaux du cou ; eu égard à ces éléments et à la circonstance que l'hypotension était traitable et devait l'être de façon d'autant plus urgente et énergique qu'elle était profonde, afin d'éviter les complications, ce qui n'a pas été le cas, plusieurs épisodes d'hypotension profonde et prolongée s'étant installés, le taux de perte de chance doit être fixé à 90 % ainsi que retenu par les experts.

Sur les préjudices

Le rapport des experts [A] [G], [W] [A] et [V] [N] est en revanche très succinct sur l'analyse des conséquences de l'accident vasculaire cérébral dont a été atteint [J] [V] et est en outre manifestement exagéré, notamment sur le taux d'incapacité permanente au regard du barème indicatif d'évaluation des taux d'incapacité en droit commun publié par le Concours médical en 2001 qui réserve à l'hémiplégie majeure un taux d'incapacité permanente de 90 % soit lorsqu'à la station debout impossible et au membre supérieur inutilisable est associé un déficit cognitif important telle qu'une aphasie, ce qui n'est pas le cas des séquelles que présentait [J] [V], même si des troubles de la parole ont été relevés par ces experts.

Il y a lieu en conséquence d'écarter les conclusions de ces experts sur l'évaluation du préjudice corporel de [J] [V] et de se référer sur ce point au rapport d'expertise des docteurs [I] [X], [O] [Q] et [T] [H], spécialistes respectivement en médecine légale, orthopédie et anesthésie-réanimation, en date du 23 juin 2009, qui a été critiqué uniquement sur l'appréciation des responsabilités et non sur l'évaluation des préjudices et qui est plus conforme à la réalité de ceux-ci.

Il résulte de ce rapport d'une part, qu'il n'y a pas de lien de cause à effet direct et certain entre les fautes commises par M. [P] et l'infection (fistule) dont [J] [V] a été atteinte dans les suites de l'intervention chirurgicale du 1er mars 1996, cette infection pouvant être contractée du seul fait de l'intervention, indépendamment des fautes de M. [P] et ayant été traitée de façon correcte, d'autre part que les préjudices subis par [J] [V] en rapport avec les fautes commises par M. [P] sont les suivants :

- déficit fonctionnel temporaire total du 1er mars 1996 au 31 décembre 1999,

- déficit fonctionnel temporaire partiel à 70 % du 31 décembre 1999 au 19 mai 2000

- consolidation le 20 mai 2000

- souffrances endurées 6/7

- préjudice esthétique 5/7

- préjudice d'agrément pour la musique, la conduite en voiture, les sorties

- préjudice sexuel définitif

- préjudice professionnel nul

- déficit fonctionnel permanent à 50 % dont 45 % au titre de l'hémiplégie gauche et 5 % imputables à l'infection

- assistance par tierce personne : quatre heures par jour tous les jours soit soins infirmiers à domicile trois quarts d'heure le soir, le reste en aide ménagère.

Sur le préjudice de [J] [V]

L'évaluation du préjudice corporel subi par [J] [V] sera déterminé au vu de ce rapport, des diverses pièces justificatives produites, de l'âge de la victime née le [Date naissance 7] 1927 décédée le [Date décès 2] 2013, de sa situation de retraitée, de la date de consolidation, afin d'assurer sa réparation intégrale et en tenant compte, conformément aux articles 29 et 31 de la loi du 5 juillet 1985, de ce que le recours subrogatoire des tiers payeurs s'exerce poste par poste sur les seules indemnités qui réparent des préjudices qu'ils ont pris en charge, à l'exclusion de ceux à caractère personnel sauf s'ils ont effectivement et préalablement versé à la victime une prestation indemnisant de manière incontestable un tel chef de dommage.

Par ailleurs, l'évaluation du dommage doit être faite au moment où la cour statue ; et le barème de capitalisation utilisé sera celui publié par la Gazette du Palais du 26 avril 2016, demandé par les héritiers de [J] et [P] [V] qui apparaît le plus approprié eu égard aux données démographiques et économiques actuelles.

Préjudices patrimoniaux

temporaires (avant consolidation)

- Frais divers3 000 €

Ils sont représentés par les honoraires d'assistance à expertise par le docteur [O], médecin conseil, selon note d'honoraires du 4 novembre 2008 de 3000 €.

Cette dépense supportée par la victime, née directement et exclusivement de l'accident, est par la même indemnisable, à concurrence du pourcentage de perte de chance de 90 % soit 2 700 € (3 000 € x 90 %).

- Assistance temporaire de tierce personne71 188 €

La nécessité de la présence auprès de [J] [V] d'une tierce personne n'est pas contestée dans son principe pour l'aider dans les actes de la vie quotidienne, préserver sa sécurité, suppléer sa perte d'autonomie mais elle reste discutée dans sa durée et son coût.

Les experts précisent que [J] [V] a eu besoin d'une aide pour les actes de la vie courante en raison de l'hémiplégie gauche.

Cette aide doit être fixée à 3 h 15 minutes par jour tous les jours en déduisant les soins infirmiers qui n'entrent pas dans ce cadre.

En application du principe de la réparation intégrale et quelles que soient les modalités choisies par la victime, le tiers responsable est tenu d'indemniser le recours à cette aide humaine indispensable qui ne saurait être réduit en cas d'aide familiale ni subordonné à la production des justificatifs des dépenses effectuées.

Eu égard à la nature de l'aide requise, des tarifs d'aide à domicile en vigueur dans la région, l'indemnisation se fera sur la base d'un taux horaire moyen de 16 €.

L'indemnité de tierce personne s'étend ainsi, en excluant les périodes d'hospitalisation, du 29 mai 1996 au 28 décembre 1996, soit 214 jours, du 2 janvier 1997 au 2 juillet 1997, soit 182 jours, du 9 juillet 1997 au 25 novembre 1997, soit 140 jours, du 1er janvier 1998 au 12 mars 1998, soit 71 jours et du 19 avril 1998 au 19 mai 2000, soit 762 jours, soit un total de 1 369 jours ; le préjudice s'établit à 71 188 € (3,25 heures x 1 369 jours x 16 €).

En retenant le pourcentage de 90 % de perte de chance il est dû 64 069,20 € (71 188 € x 90 %).

permanents (après consolidation)

- Assistance permanente de tierce personne 247 104 €

A compter du 20 mai 2000 jusqu'au jour du décès de [J] [V] intervenu le [Date décès 2] 2013, ce chef de préjudice est de :

4 752 jours x 3,25 heures x 16 € = 247 104 €.

Après application du pourcentage de perte de chance il est dû 222 393,60 € (247 104 € x 90 %).

Préjudices extra-patrimoniaux

temporaires (avant consolidation)

- Déficit fonctionnel temporaire44 300 €

Ce poste inclut la perte de la qualité de la vie et des joies usuelles de l'existence et le préjudice d'agrément et le préjudice sexuel pendant l'incapacité temporaire.

Il doit être réparé sur la base d'environ 900 € par mois, eu égard à la nature des troubles et de la gêne subie soit 41 400 € (900 € x 46 mois) pendant la période d'incapacité totale de 46 mois et proportionnellement pendant la période d'incapacité partielle à 70 % de 4,6 mois soit 2 898 € (900 € x 70 % x 4,6 mois) soit au total 44 298 € arrondi à 44 300 € ; après application du pourcentage de perte de chance, il est dû : 39 870 € (44 300 € x 90 %).

- Souffrances endurées 50 000 €

Ce poste prend en considération les souffrances physiques et psychiques et les troubles associés supportés par la victime en raison de l'hospitalisation prolongée, des examens et soins ; évalué à 6/7 par l'expert, il justifie l'octroi d'une indemnité de 50 000 € ; après application du pourcentage de perte de chance il est dû 45 000 € (50 000 € x 90 %).

- Préjudice esthétique temporaire20 000 €

Ce poste de dommage cherche à réparer les atteintes physiques et plus généralement les éléments de nature à altérer l'apparence physique ; il n'a pas été évalué par les experts, qui mentionnenet seulement un préjudice esthétique permanent mais il résulte de la nature et de la gravité des séquelles soit l'hémiplégie imposant les déplacements en fauteuil roulant ; il doit être indemnisé à hauteur de 20 000 € ; après application du pourcentage de perte de chance il est dû 18 000 € (20 000 € x 90 %)

permanents (après consolidation)

- Déficit fonctionnel permanent81 000 €

Ce poste de dommage vise à indemniser la réduction définitive du potentiel physique, psychosensoriel ou intellectuel résultant de l'atteinte anatomo-physiologique à laquelle s'ajoutent les phénomènes douloureux et les répercussions psychologiques et notamment le préjudice moral et les troubles dans les conditions d'existence (personnelles, familiale et sociales).

Il est caractérisé par une hémiplégie gauche atteignant le bras gauche chez une droitière et la jambe gauche, ce qui conduit à un taux de 45 % justifiant une indemnité de 81 000 € pour une femme âgée de 72 ans à la consolidation ; [J] [V] avait à cette date une espérance de vie de 10,8 ans{82,8 ans (source INSEE) - 72 ans} ; elle est décédée à l'âge de 85 ans, dépassant son espérance de vie ; l'indemnité réparant le déficit fonctionnel permanent est donc de 81 000 € ; après application du pourcentage de perte de chance il est dû 72 900 € (81 000 € x 90 %).

- Préjudice esthétique 30 000 €

Qualifié de 5/7 au titre de l'hémiplégie et des déplacements en fauteuil roulant , il doit être indemnisé à hauteur de 30 000 € ; après application du pourcentage de perte de chance il est dû 27.000 € (30.000 € x 90 %)

- Préjudice d'agrément15 000 €

Ce poste de dommage vise exclusivement l'impossibilité ou la difficulté pour la victime à poursuivre la pratique d'une activité spécifique sportive ou de loisir.

Les héritiers de [J] [V] justifient par attestations concordantes qu'elle pratiquait régulièrement le violon avant l'accident, activité qu'elle n'a plus pu exercer, ce qui justifie l'octroi d'une indemnité de 15 000 € ; après application du pourcentage de perte de chance il est dû 13 500 € (15 000 € x 90 %).

- Préjudice sexuel15 000 €

Ce poste comprend divers types de préjudices touchant à la sphère sexuelle et notamment celui lié à l'acte sexuel lui-même qui repose sur la perte du plaisir lié à l'accomplissement de l'acte sexuel.

Les experts retiennent ce chef de préjudice dont l'existence même n'est pas contestée par M. [P].

Il sera évalué à 15 000 €, ce qui après application du pourcentage de perte de chance conduit à un une indemnité de 13 500 € pour les ayant droits de la victime.

- Préjudice moral

Il n'est pas justifié d'un préjudice particulier non indemnisé par les sommes ci-dessus évaluées notamment au titre des souffrances endurées ; aucune somme supplémentaire ne sera allouée de ce chef.

Le préjudice corporel global subi par [J] [V] s'établit ainsi à la somme de 576.592€, dont 518.932,80 € indemnisables revenant à ses héritiers et ceux de son conjoint, provisions non déduites qui, en application de l'article 1153-1 du code civil, porte intérêts au taux légal à compter du prononcé du jugement, soit le 7 juillet 2011.

Sur le préjudice de [P] [V]

- Préjudice d'affection

Le préjudice d'affection répare le dommage moral que subissent certains proches à la vue de la souffrance et de ne pas la reconnaître telle qu'elle était avant le fait dommageable, la seule preuve exigible étant celle d'un préjudice personnel, direct et certain.

En l'espèce le préjudice d'affection subi par [P] [V] doit être évalué à 25 000 € ; il est dû à son héritier 90 % de cette somme soit 22 500 € (25 000 € x 90 %).

- Préjudice extra-patrimonial exceptionnel

Ce poste de préjudice qui englobe les troubles dans la vie quotidienne à domicile ou en milieu hospitalier ainsi que le retentissement sexuel pour le conjoint pendant la maladie traumatique et après consolidation.

En l'espèce [P] [V] a subi un bouleversement dans ses habitudes de vie lié au handicap de son épouse, à la perte d'autonomie de celle-ci et à l'intervention à son domicile d'une tierce personne et un bouleversement dans sa vie affective et sexuelle qui est la conséquence directe et certaine à proportion de 90 % de la faute commise par M. [P] ; ce préjudice doit être évalué à 25 000 € de sorte qu'il est dû à ce titre à son héritier la somme de 22 500 €.

- Préjudice matériel

[P] [V] a exposé les sommes de 1 200 € et 2 000 € d'honoraires d'assistance à l'expertise ordonnée par la cour d'appel, selon notes du docteur [O] du 5 janvier 2015 et du docteur [D] du 23 janvier 2015, postérieures au décès de [J] [V], dont il doit être indemnisé à concurrence de 90 % soit 2 880 € (3 200 € x 90 %).

- Total du préjudice de [P] [V] :

53 200 € (25 000 € + 25 000 € + 3 200 €) dont 90 % indemnisables soit 47 880 € (22 500 € + 22.500 € + 2880 €).

Sur les demandes annexes

Les dispositions du jugement relatives aux dépens hormis ceux exposés par M. [T] et la polyclinique du parc Rambot sur lesquels il a déjà été statué par la cour dans l'arrêt du 7 novembre 2012, doivent être confirmées ainsi que cells relatives à l'application de l'article 700 du code de procédure civile.

M. [P] qui succombe supportera la charge des entiers dépens d'appel, en ce compris les frais de l'expertise ordonnée par la cour, avec application de l'article 699 du code de procédure civile.

L'équité ne commande pas d'allouer à l'une ou l'autre des parties une indemnité au titre des frais irrépétibles d'appel.

PAR CES MOTIFS

La Cour,

- Vu l'arrêt du 7 novembre 2012,

- Dit que la nullité du rapport d'expertise soulevée par M. [E] [P] est couverte,

- Confirme le jugement,

hormis sur l'incidence de la faute commise par M.[E] [P] sur le préjudice de [J] [V] et de [P] [V], sur le montant de l'indemnisation des victimes et des sommes leur revenant,

Statuant à nouveau sur les points infirmés et y ajoutant,

- Dit que la faute commise par M. [E] [P] est en relation de cause à effet avec les préjudices de [J] [V] et de [P] [V] à proportion de 90 %,

- Fixe le préjudice corporel global de [J] [V] à la somme de 576 592 €,

- Dit que l'indemnité revenant à cette victime s'établit à 518 932,80 €,

- Condamne M. [E] [P] à payer à ce titre à M. [U] [M], M. [I] [M], M. [M] [M] M. [S] [M] et M. [K] [V], chacun à proportion de leurs droits dans les successions de [J] [V] et de [P] [V], la somme de 518 932,80 €, sauf à déduire les provisions versées, avec intérêts au taux légal à compter du 7 juillet 2011,

- Evalue le préjudice subi par [P] [V] à la somme de 53 200 € dont 47 880 € indemnisables,

- Condamne M. [E] [P] à verser à ce titre à M. [K] [V] la somme de 47.880 € avec les intérêts au taux légal à compter du 7 juillet 2001 à concurrence de 25 000 € et du 5 janvier 2017 à concurrence de 22 880 €,

- Rejette les demandes fondées sur l'article 700 du code de procédure civile en cause d'appel,

- Condamne M. [E] [P] auxdépens d'appel dont les frais de l'expertise ordonnée par l'arrêt du 7 novembre 2012, qui seront recouvrés conformément aux dispositions de l'article 699 du Code de procédure civile.

LE GREFFIERLE PRESIDENT


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel d'Aix-en-Provence
Formation : 10e chambre
Numéro d'arrêt : 11/14292
Date de la décision : 05/01/2017

Références :

Cour d'appel d'Aix-en-Provence 10, arrêt n°11/14292 : Infirme partiellement, réforme ou modifie certaines dispositions de la décision déférée


Origine de la décision
Date de l'import : 27/03/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2017-01-05;11.14292 ?
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