COUR D'APPEL D'AIX-EN-PROVENCE
3e Chambre A
ARRÊT AU FOND
DU 01 DECEMBRE 2016
N° 2016/438
Rôle N° 15/10747
[M] [L] épouse [Y]
C/
[C] [K]
[L] [K]
SARL ERA SUDESTIMMO
SA GENERALI IARD
Grosse délivrée
le :
à :
Me Didier ARENA
Me Michel LAO
Me Pierre-Yves IMPERATORE
Décision déférée à la Cour :
Jugement du Tribunal de Grande Instance de MARSEILLE en date du 19 Février 2015 enregistré au répertoire général sous le n° 11/02356.
APPELANTE
Madame [M] [L] épouse [Y]
de nationalité Française, demeurant [Adresse 1]
représentée par Me Didier ARENA, avocat au barreau de GRASSE
INTIMES
Monsieur [C] [K], demeurant [Adresse 2]
représenté et plaidant par Me Michel LAO, avocat au barreau de MARSEILLE
Madame [L] [K], demeurant [Adresse 2]
représentée et plaidant par Me Michel LAO, avocat au barreau de MARSEILLE
SARL ERA SUDESTIMMO prise en la personne de son représentant légal en exercice, demeurant [Adresse 3]
représentée et plaidant par Me Pierre-Yves IMPERATORE de la SELARL BOULAN CHERFILS IMPERATORE, avocat au barreau d'AIX-EN-PROVENCE
SA GENERALI IARD, demeurant [Adresse 4]
représentée par Me Carole ROMIEU, avocat au barreau d'AIX-EN-PROVENCE, plaidant par Me Christian PATRIMONIO, avocat au barreau de PARIS, substitué par Me Laura NUYTEEN, avocat au barreau de PARIS
*-*-*-*-*
COMPOSITION DE LA COUR
L'affaire a été débattue le 19 Octobre 2016 en audience publique. Conformément à l'article 785 du Code de Procédure Civile, Madame Sylvie CASTANIE, Présidente, a fait un rapport oral de l'affaire à l'audience avant les plaidoiries.
La Cour était composée de :
Madame Sylvie CASTANIE, Présidente (rapporteur)
Mme Béatrice MARS, Conseiller
Mme Florence TANGUY, Conseiller
qui en ont délibéré.
Greffier lors des débats : Madame Jocelyne MOREL.
Les parties ont été avisées que le prononcé de la décision aurait lieu par mise à disposition au greffe le 01 Décembre 2016
ARRÊT
Contradictoire,
Prononcé par mise à disposition au greffe le 01 Décembre 2016,
Signé par Madame Sylvie CASTANIE, Présidente et Madame Jocelyne MOREL, greffier auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.
***
Faits, procédure, moyens et prétentions des parties :
Les époux [K] achètent, selon acte authentique en date du 13 juillet 2004, à [M] [L] qui en était elle-même propriétaire en vertu d'un acte en date du 21 juillet 1999, une petite maison d'habitation construite dans les années 1930-1935, située [Adresse 5] dans le 11ème arrondissement, moyennant le prix de 229'000 €, net vendeur, par l'intermédiaire de la SARL Era Sudestimmo, agent immobilier.
Dès le mois d'août 2004, des fissures extérieures et intérieures apparaissent.
Les époux [K] font intervenir l'expert de leur assureur, la société GMF qui dépose un rapport le 1er février 2005.
La commune de [Localité 1] est classée en catastrophe naturelle, selon un arrêté en date du 25 août 2004 publié au journal officiel du 26 août, pour le phénomène de sécheresse survenu durant la période comprise entre le 1er janvier 2002 et le 30 juin 2002.
Les époux [K] provoquent, à leurs frais avancés, selon ordonnance de référé en date du 27 octobre 2006, au contradictoire de [M] [L] et de leur assureur multirisques habitation la société Continent, une mesure d'expertise confiée à [U] [D] dont les opérations sont étendues, à l'initiative de [M][L] et à ses frais avancés à l'agence immobilière Era et à son propre auteur, les consorts [Z].
[M] [L] n'ayant pas versé la consignation complémentaire, le rapport d'expertise est déposé « en l'état » le 22 avril 2010.
Les époux [K] assignent, selon acte en date du 9 février 2011, CorinneAvakian, son assureur la société Continent devenue la société Générali et la société Era Sudestimmo devant le tribunal de grande instance de Marseille.
Statuant par jugement en date du 19 février 2015, assorti de l'exécution provisoire à hauteur de la moitié des condamnations prononcées, cette juridiction :
condamne [M] [L] à payer aux époux [K] la somme de 150'000 €, à titre de dommages et intérêts, correspondant à la réduction du prix de vente, outre les intérêts au taux légal à compter de la date du jugement,
rejette pour le surplus les demandes formées par les époux [K],
condamne [M] [L] aux entiers dépens en ce compris le coût de l'expertise judiciaire,
condamne la SARL Sudestimmo à payer aux époux [K] la somme de 10'000 € à titre de dommages et intérêts,
condamne [M] [L] à payer aux époux [K] la somme de 2500 €, sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile,
déboute la société Générali sa demande au titre de l'article 700 du code de procédure civile,
déboute CorinneAvakian de son appel en garantie formé à l'encontre de la SARL Sudestimmo.
CorinneAvakian épouse [Y] relève appel de ce jugement selon déclaration au greffe en date du 12 juin 2015.
Dans ses dernières écritures en date du 19 septembre 2016, [M] [L] épouse [Y] conclut à l'infirmation du jugement entrepris. Elle demande au principal que les demandes formées à son encontre par les époux [K], sur le fondement des articles 1792, 1147 et enfin 1641 suivants du Code civil soient rejetées. Il doit être jugé, subsidiairement, au visa des articles 1992 et suivants du Code civil que la société Era Sudestimmo a commis des fautes dans l'exécution de son mandat de vente, notamment au titre de son devoir d'information et de conseil, ayant induit en erreur les époux [K] sur la portée de leur acquisition. Cette société doit en conséquence être condamnée à la relever et garantir de toutes condamnations prononcées à son encontre, la société Sudestimmo étant déboutée de ses prétentions formées à son égard. Sa demande formée à l'encontre de la société Generali, assureur « catastrophe naturelle » doit être déclarée recevable et fondée, la société Generali étant par voie de conséquence condamnée à la relever et garantir de toutes condamnations. Elle demande enfin et en tout état de cause que les époux [K] soient déboutés de leur demande tendant à la voir condamnée à leur payer la somme de 37'600 € et celle de 15'000 €, à titre de dommages et intérêts. Tout succombant sera condamné à lui payer la somme de 3000 €, sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile, outre les entiers dépens.
Dans leurs dernières écritures en date du 19 août 2015, les époux [K] concluent à la confirmation du jugement entrepris en ce qu'il a retenu la responsabilité, d'une part, de [M] [L], demandant cependant qu'il soit fait application au principal des articles 1792 et suivants du Code civil et subsidiairement de l'article 1147 de ce même code, la garantie des vices cachés prévus par l'article 1641 étant retenue à titre infiniment subsidiaire et, d'autre part, celle de la société Sudestimmo, en raison de son manquement à son devoir de conseil et d'information. Ils demandent, par infirmation partielle, que [M] [L], la société Continent Assurances et la société Era soient condamnées solidairement à leur payer la somme de 146'157,59 euros, au titre des travaux de reprise, cette somme étant indexée sur l'évolution de l'indice BT 01 à compter du jour du dépôt du rapport d'expertise, la somme de 37'600 €, en réparation du trouble de jouissance et celle de 15'000 € au titre du préjudice moral, ces sommes étant assorties des intérêts au taux légal à compter du 22 avril 2010, avec capitalisation, conformément aux dispositions de l'article 1154 du Code civil. Les mêmes devront enfin être condamnées à leur payer la somme de 5000 €, en application de l'article 700 du code de procédure civile, outre les entiers dépens de l'instance, étant dit qu'à défaut de règlement spontané des condamnations prononcées et en cas d'exécution forcée, les sommes retenues par l'huissier instrumentaire en application de l'article 10 du décret du 8 mars 2001 devront être supportées par les requis.
Dans ses dernières écritures en date du 22 septembre 2016, la société Generali, venant aux droits de la société Continent Assurances conclut au principal à l'irrecevabilité des demandes formées par [M] [L] à son encontre, s'agissant de demandes nouvelles en cause d'appel et s'agissant, en toute hypothèse, de demandes atteintes par la prescription et subsidiairement à leur rejet comme étant non fondées et injustifiées. [M] [L] devra être condamnée à lui payer la somme de 3000 €, sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile, outre les entiers dépens d'appel.
Dans ses dernières écritures en date du 12 février 2016, la SARL Era Sudestimmo demande, par la voie de l'appel incident, qu'il soit jugé au principal qu'elle n'a commis aucune faute dans l'exercice de sa mission. Sa mise hors de cause doit en conséquence être ordonnée. Subsidiairement, elle demande que [M] [L] soit condamnée à la relever et garantir de toutes condamnations, en principal, intérêts, frais et dépens pouvant être prononcées à son encontre. [M] [L] et les époux [K] devront en toute hypothèse être déboutés de leurs demandes formées contre elle. [M] [L] devra enfin être condamnée à lui payer la somme de 5000 €, sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile, remboursement des frais irrépétibles de première instance et d'appel, outre les entiers dépens de première instance et d'appel, en ce compris les frais d'expertise.
L'ordonnance de clôture est en date du 28 septembre 2016.
SUR CE
Il résulte du rapport d'expertise judiciaire, dont les conclusions techniques ne sont pas utilement combattues par les parties, les éléments objectifs suivants :
-la maison est entièrement fissurée. Il s'agit de fissures traversantes nécessitant une reprise complète des fondations, avec micro pieux.
-Ces nombreuses fissures sont certainement très anciennes et proviennent du fait que la maison repose sur un terrain argileux très sensible à l'eau. L'alternance de périodes de fortes pluies et de périodes de sécheresse entraîne des mouvements de terrain.
-L'auteur de [M] [L], présent lors des opérations d'expertise, indique qu'en 1999 la maison était déjà fissurée, le carrelage ayant même sauté.
-Les fissures ont été bouchées, entre 1999 et 2004, à l'aide de mastic à base de silicone, sans traitement de la cause des désordres.
-Un professionnel peut voir ces fissures mais pas forcément un profane, l'enduit de façade ayant été plusieurs fois refait.
-Il est indispensable de reprendre les fondations de cette maison dont la solidité n'est plus assurée et dont l'habitabilité n'est pas satisfaisante, les fissures traversantes et largement ouvertes nécessitant un fort chauffage en raison des déperditions de température.
1) Sur les demandes formées par les époux [K] à l'encontre de [M] [L] :
Le premier juge doit être approuvé en ce qu'il a considéré que la nature des travaux exécutés par [M] [L] sur l'ouvrage litigieux, entre 1999 et 2004, période durant laquelle elle en a été propriétaire, ne suffisait pas à lui conférer la qualité de constructeur au sens des articles 1792 et 1792-1 du Code civil.
De même, c'est à juste titre qu'il a estimé qu'il n'était pas démontré que [M] [L], en colmatant et en rebouchant les fissures avec du mastic à base de silicone, lors de la vente du bien aux époux [K], a eu la volonté de les tromper délibérément et a ainsi commis une faute susceptible d'engager sa responsabilité, sur le fondement de l'article 1147 du Code civil.
C'est en revanche par des motifs pertinents en fait et en droit adoptés par la cour que le premier juge a fait droit à l'action en garantie des vices cachés exercée par les époux [K] à l'encontre de [M] [L], considérant à bon droit que la clause d'exclusion de garantie prévue au contrat de vente du 13 juillet 2004 était sans application, dès lors qu'il résultait des circonstances de la cause que la venderesse connaissait, au moment de l'acte, l'existence des fissures colmatées et donc invisibles aux yeux de profanes, dont elle n'avait pas révélé l'existence aux acquéreurs, la remise des clés un mois avant la signature étant en effet insuffisante à établir que les époux [K] avaient eu tout loisir pour constater l'état de la maison et procéder à des investigations.
Le premier juge mérite enfin d'être approuvé en ce qu'il a dit que les époux [K] ne pouvaient, dans le cadre de l'action estimatoire exercée à l'encontre de leur venderesse, que demander une restitution d'une partie du prix de vente et non le paiement de la totalité des travaux de reprise ainsi que la réparation du trouble de jouissance du préjudice moral, dont il a exactement fixé le montant, compte tenu du coût des réparations et de la gêne résultant de leur exécution, à la somme de 150'000 €, correspondant à la baisse de prix que les acquéreurs auraient pu obtenir s'ils avaient été informés en temps utile des vices qu'ils ont découverts par la suite.
2) Sur les demandes formées par les époux [K] à l'encontre de la société Generali et de la SARL Era Sudestimmo :
Les époux [K] qui n'indiquent pas sur quel fondement ils agissent à l'encontre de la société Generali, qui paraît recherchée en page 10 de leurs écritures en tant qu'assureur décennal de [M] [L], qualité qu'elle n'a pas, doivent être déboutés de leurs demandes formées à son encontre.
L'agence immobilière Era Sudestimmo, engagée à la fois avec la venderesse et avec les acquéreurs, a commis une faute envers les acquéreurs, en présentant, dans la notice de vente, le bien comme « une charmante maison de 70 m², entièrement rénovée (...), à voir absolument » et en précisant qu'il s'agissait d'un type de construction : « en pierre et de qualité ».
S'il ne peut être exigé d'une agence immobilière, qui n'est pas une professionnelle de la construction ou du bâtiment qu'elle remplisse à l'égard de ses clients, candidats à l'acquisition d'un bien immobilier, une mission d'assistance technique, il apparaît au cas présent que la SARL Era Sudestimmo a manqué vis-à-vis d'eux à son devoir d'information et de conseil, en faisant de la maison, objet de la vente, une description exagérément flatteuse et ne correspondant pas à son état réel, dont elle aurait pu aisément se convaincre par l'examen attentif des lieux. L'agence évoque ainsi une maison « entièrement rénovée », alors que les travaux exécutés par le vendeur ont consisté pour l'essentiel en de simples embellissements. Elle indique également à tort que l'infrastructure est en pierre, l'erreur commise par le cabinet « Polyexpert » qualifiant ainsi le bien dans son rapport d'expertise en date du 1er février 2005 ne l'exonérant pas de sa propre négligence.
Le manquement de la SARL Era Sudestimmo à son obligation d'information et de conseil étant ainsi caractérisé, le jugement entrepris doit être confirmé en ce qu'il a dit que celle-ci avait engagé sa responsabilité contractuelle vis-à-vis des époux [K] et l'a en conséquence condamnée à leur payer la somme de 10'000 € à titre de dommages et intérêts.
3) Sur les appels en garantie formés par [M] [L] :
a) à l'encontre de la SARL Era Sudestimmo :
[M] [L] recherche la responsabilité de l'agent immobilier sur le fondement de l'article 1192 du Code civil selon lequel le mandataire répond non seulement du dol mais encore des fautes qu'il commet dans sa gestion, lui reprochant de ne pas avoir informé les acquéreurs de l'existence des désordres affectant le bien vendu, qu'en sa qualité de professionnel il ne pouvait ignorer et d'avoir ainsi manqué à son devoir d'information et de conseil.
[M] [L] à laquelle il incombait au premier chef d'informer exactement et loyalement son cocontractant des caractéristiques du bien vendu et qui est jugée débitrice envers lui de la garantie des vices cachés l'affectant, est non fondée en son appel en garantie formé à l'encontre de la SARL Era Sudestimmo, dont elle doit en conséquence être déboutée.
b) à l'encontre de la société Generali :
L'examen du dispositif des conclusions II déposées par [M] [L] devant le tribunal de grande instance de Marseille montre que celle-ci n'avait saisi la juridiction d'aucune demande à l'encontre de la société Generali, son assureur multirisques habitation, garantissant entre autres le risque « catastrophe naturelle ».
[M] [L] se contente d'affirmer, dans ses écritures devant la cour, sans en justifier, qu'elle « n'a pas manqué de solliciter les garanties des assureurs CAT NAT devant les juges de première instance ».
Cette prétention nouvelle en cause d'appel doit en conséquence être sanctionnée, au visa de l'article 564 du code de procédure civile, par son irrecevabilité.
4) Sur les autres demandes :
[M] [L] succombant en son appel doit être déboutée de sa demande formée en application de l'article 700 du code de procédure civile et condamnée, sur le fondement de ce texte, à payer aux époux [K] la somme de 2500 €, au titre des frais irrépétibles exposés en appel.
Les autres demandes formées au titre de l'article 700 du code de procédure civile doivent être rejetées, de même que la demande des époux [K] tendant à ce que les sommes retenues par l'huissier instrumentaire en application de l'article 10 du décret du 8 mars 2001, soient, à défaut de règlement spontané des condamnations, supportées par [M] [L].
PAR CES MOTIFS
La cour statuant publiquement, par arrêt contradictoire et après en avoir délibéré,
Confirme le jugement entrepris dans toutes ses dispositions et y ajoutant :
Déclare l'appel en garantie formé par [M] [L] à l'encontre de la société Generali, irrecevable,
Condamne [M] [L] à payer aux époux [K] la somme de 2500 € en application de l'article 700 du code de procédure civile, au titre des frais irrépétibles exposés en appel,
Rejette les autres demandes formées en application de l'article 700 du code de procédure civile,
Rejette la demande des époux [K] tendant à ce que les sommes retenues par l'huissier instrumentaire en application de l'article 10 du décret du 8 mars 2001, soient, à défaut de règlement spontané des condamnations, supportées par [M] [L],
Condamne [M] [L] aux dépens d'appel, avec droit de recouvrement direct au profit des avocats de la cause, conformément aux dispositions de l'article 699 du code de procédure civile.
LA GREFFIÈRELA PRÉSIDENTE