COUR D'APPEL D'AIX-EN-PROVENCE
11e Chambre B
ARRÊT AU FOND
DU 24 NOVEMBRE 2016
N° 2016/494
Rôle N° 16/01883
SCI CYLIEL
C/
[K] [N]
SELARL PHARMACIE [N]
Grosse délivrée
le :
à :
SCP BADIE
SCP COHEN
Décision déférée à la Cour :
Jugement du Tribunal de Grande Instance de MARSEILLE en date du 18 Décembre 2014 enregistré au répertoire général sous le n° 18/12/2014.
APPELANTE
SCI CYLIEL Inscrite au RCS DE MARSEILLE sous le N° 380 879 973, prise tant en sa qualité de bailleur de Monsieur [K] [N] qu'en sa qualité de propriétaire des murs du local incendié, voisin de celui loué à Monsieur [N] et anciennement exploité sous l'enseigne SCHLEKER, bailleur de Monsieur [K] [N], prise en la personne de son représentant légal en exercice, M onsieur [X] [S], domicilié en cette qualité audit siè ge social, demeurant [Adresse 1]
représentée par Me Roselyne SIMON-THIBAUD de la SCP BADIE SIMON-THIBAUD JUSTON, avocat au barreau d'AIX-EN-PROVENCE,
et assisté par Me Michaël ASSOULINE, avocat au barreau de MARSEILLE
INTIMES
Monsieur [K] [N], demeurant [Adresse 1]
représenté par la SCP COHEN GUEDJ MONTERO DAVAL GUEDJ, avocat au barreau d'AIX-EN-PROVENCE,
et assisté par Me Etienne PIERI, avocat au barreau de MARSEILLE
SELARL PHARMACIE [N] Inscrite au RCS de MARSEILLE sous le N° D 490 939 634, poursuites et diligences de son représentant légal en exercice y domicilié
demeurant [Adresse 1]
représenté par la SCP COHEN GUEDJ MONTERO DAVAL GUEDJ, avocat au barreau d'AIX-EN-PROVENCE,
et assisté par Me Etienne PIERI, avocat au barreau de MARSEILLE
*-*-*-*-*
COMPOSITION DE LA COUR
L'affaire a été débattue le 11 Octobre 2016 en audience publique. Conformément à l'article 785 du Code de Procédure Civile, Françoise FILLIOUX, conseiller, a fait un rapport oral de l'affaire à l'audience avant les plaidoiries.
La Cour était composée de :
Madame Catherine KONSTANTINOVITCH, Présidente
Mme Brigitte PELTIER, Conseiller
Mme Françoise FILLIOUX, Conseiller
qui en ont délibéré.
Greffier lors des débats : Mme Anaïs ROMINGER.
Les parties ont été avisées que le prononcé de la décision aurait lieu par mise à disposition au greffe le 24 Novembre 2016
ARRÊT
Contradictoire,
Prononcé par mise à disposition au greffe le 24 Novembre 2016,
Signé par Madame Catherine KONSTANTINOVITCH, Présidente et Mme Anaïs ROMINGER, greffier auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.
***
FAITS, PRÉTENTIONS DES PARTIES ET PROCÉDURE :
Suivant acte du 23 octobre 2002, la SCI Cyliel a donné à bail commercial à Monsieur [K] [N], un local situé [Adresse 1], d'environ 60m² pour exploiter une pharmacie.
Le 16 mai 2005, elle lui a consenti un bail pour un local mitoyen d'une surface de 37m².
Par jugement contradictoire du 16 décembre 2014, le tribunal de grande instance de Marseille a pris acte de l'intervention volontaire de la société Pharmacie [N] à la procédure, condamné la SCI Cyliel à lui payer la somme de13 025€ au titre des frais de remise en état, 3 463,51€ au titre des frais de procédure et 1 500 € au titre de l'article 700 du code de procédure civile et a rejeté pour le surplus.
La juridiction a estimé que la responsabilité du bailleur en raison des dégâts des eaux dans le local principal ne pouvait être retenue en l'état d'une clause dérogatoire du bail l'exonérant de toute responsabilité en cas d'infiltrations, qu'en revanche, en l'absence d'une telle clause dans le bail du 16 mai 2015 liant les parties et relatif à un local annexe, le bailleur devra indemniser le preneur du préjudice subi en raison des infiltrations affectant la partie arrière du local, et a retenu que par jugement du 1er avril 2008, la société Schleker seule a été déclarée responsable des dommages causés par l'incendie survenu le 11 mai 2006 dans un local mitoyen et qu'aucune faute ne peut être reprochée à la SCI Cyliel à ce titre, qu'enfin la société Pharmacie [N] ne pouvait pas se prévaloir du préjudice résultant du départ de son sous locataire, s'agissant d'un acte auquel le bailleur n'a pas consenti et qui lui est inopposable.
Le 18 décembre 2014 la SCI Cyliel a interjeté régulièrement appel de ce jugement.
Dans ses conclusions déposées et notifiées le 26 février 2016, elle demande à la cour de :
* infirmer le jugement en ce qu'il a retenu par erreur l'absence de clause exonératrice dans le bail de 2005 et condamner la SCI Cyliel à prendre en charge les travaux,
*confirmer pour le surplus,
*condamner la société Pharmacie [N] à lui régler :
- 12 428,54€ avec intérêt au taux légal et capitalisation
- 5 500€ au titre de l'article 700 du code de procédure civile et à prendre en charge les dépens, avec distraction.
Elle soutient que le 30 octobre 2008, la société Pharmacie [N] lui a dénoncé l'existence d'un dégât des eaux en provenance de l'appartement situé à l'étage supérieur, qu'en novembre 2009, la SCI Cyliel a procédé à des travaux de réfection des locaux au lieu et place de la société Pharmacie [N] pour un montant de 12 428,54€ et qu'aucun désordres n'est plus survenu depuis cette date.
Elle fait valoir que les deux baux, contrairement à ce qu'a retenu la juridiction de première instance, contiennent des clauses similaires exonérant le bailleur en cas d'infiltrations ou fuites d'eaux, que toutefois, les deux baux contenant des clauses identiques, il convient d'exonérer le bailleur de toute responsabilité en cas de dégâts des eaux ainsi que l'a retenu le juge de première instance pour le bail de 2002, que les travaux entrepris relèvent de la responsabilité du locataire puisqu'il ne s'agit pas de grosses réparations au sens de l'article 606 du code civil et ne concernent pas la structure des locaux.
Elle soutient que la société Pharmacie [N] a subi également des infiltrations en raison de la destruction d'un immeuble mitoyen suite à un incendie en 2006 et des travaux de sécurisation des lieux entrepris par la société Axa, mais qu'elle ne peut être condamnée en sa qualité de bailleresse, des conséquences de cet incendie, s'agissant du fait d'un tiers de nature à l'exonérer de toute responsabilité, qu'il appartient à la locataire d'agir contre les auteurs du trouble, que les infiltrations d'eau qui ont pour origine les travaux consécutifs à l'incendie intervenu en 2006 et dont la société Schlecker a été reconnue seule responsable relève de la responsabilité de cette dernière.
Elle sollicite également la confirmation concernant la sous-location, en indiquant que n'ayant pas été appelée à concourir à l'acte de sous-location, elle lui est inopposable.
Enfin, elle sollicite la condamnation de la société Pharmacie [N] à l'indemniser des travaux d'étanchéité entrepris, en raison de la carence de la locataire, qu'en revanche, elle ne peut être condamnée à assumer le coût des travaux d'aménagement et d'entretien dont la locataire sollicite le remboursement.
Aux termes de ses écritures déposées et notifiées le 7 mars 2016, l'intimée demande à la cour de rejeter l'appel principal et de
* condamner la société Pharmacie [N] à lui régler :
- 17 800€
- 15 560€
- 10 00€
en réparation de ses préjudices,
- 8 000€ au titre de l'article 700 du code de procédure civile,
et à prendre en charge les dépens, avec distraction.
Elle expose que le 11 mai 2006 un incendie dont la société Schlecker, locataire des lieux a été reconnue responsable par jugement du 1er avril 2008, a ravagé un immeuble mitoyen, propriété de la SCI Cyliel, laissant à découvert les locaux entre 2006 et 2009, date de la réalisation de travaux de reprise, causant des infiltrations dans le local loué par la société Pharmacie [N].
Elle soutient que s'il est acquis que les deux baux contiennent des clauses identiques stipulant que le preneur prend à sa charge les réparations autres que celles de l'article 606 du code civil et que le bailleur n'est pas responsable des conséquences d'infiltrations et dégâts des eaux, il convient de les interpréter strictement, que la clause mettant à la charge du preneur les travaux ne peut trouver à s'appliquer dans le cas d'une modification de la chose louée, notamment en raison de la survenance d'un incendie, que tel est le cas en l'espèce, le mur du local s'est trouvé mise à nu et exposé aux intempéries et qu'il a fallu créer l'étanchéité, que de surcroît, la création de l'étanchéité d'un mur relève des gros travaux au sens de l'article 606 du code civil, que la clause d'exclusion ne vise que le préjudice résultant de la perte de jouissance et ne dispense pas le bailleur de mettre un terme à la cause du trouble en effectuant les réparations adéquates, que de surcroît, le texte de la clause vise les infiltrations de quelque nature que ce soit , sans concerner les infiltrations rendues possibles par la mise à nu de la structure.
Elle fait valoir que les dispositions de l'article 1725 du code civil qui exonère le bailleur de toute responsabilité lorsque la jouissance paisible du preneur est troublée par un tiers, n'ont pas vocation à s'appliquer lorsque le trouble est causé par un colocataire qui n'a pas la qualité de tiers vis à vis du bailleur, que la société Schlecker est locataire de la SCI Cyliel, de sorte que le bailleur est responsable des troubles causés par un autre locataire, que de surcroît, l'obligation de délivrance du bailleur est d'ordre public et qu'aucune clause ne peut exonérer le bailleur de son obligation de délivrance.
Elle produit un constat d'huissier permettant d'évaluer l'importance des désordres, que son préjudice a été justement évalué par l'expert judiciaire, Monsieur [P], à la somme de 17 800~, que le préjudice concernant le local annexé, indépendamment de toute sous-location, résulte dans l'impossibilité de jouir paisiblement des locaux, soit la somme de 15 560€ soit un loyer de 720e pendant 20 mois.
L'ordonnance de clôture est intervenue le 27 septembre 2016.
Sur ce
Attendu que la locataire sollicite la prise en charge par le bailleur des conséquences financières d'un dégât des eaux constaté par procès verbal du 3 novembre 2008 dressé par Maître [F] huissier et au sujet duquel Monsieur [P] , expert judiciaire qui avait été désigné par ordonnance de référé du 10 septembre 2010, a rédigé un rapport ;
Attendu que l'expert exclut les dégâts des eaux relatifs à une zone concentrée près de la porte d'entrée ayant pour origine l'appartement situé à l'étage supérieur et pour lesquels une indemnisation a été allouée par l'intermédiaire des compagnies d'assurance ;
Attendu que l'expert a constaté des dégâts des eaux récurrents affectant le local litigieux suite à la destruction par incendie en 2006 d'un immeuble mitoyen loué à la société Schleker et des travaux de sécurisation réalisés en 2007 consistant notamment en la destruction d'un mur menaçant ruine , la bailleresse n'ayant entrepris des travaux de pose d'un enduit hydrofuge sur les murs intérieurs de la société Schleker et la réfection de la totalité de l'étanchéité de la terrasse située au-dessus qu'en 2009 ; que l'expert relève que les sinistres ont cessé suite à la réalisation des travaux ;
Attendu que le bail du 23 octobre 2002 contient une clause en vertu de laquelle le bailleur est exonéré de toute responsabilité en cas ' d'infiltrations ou fuites d'eau de quelque nature ou origine qu'elles soient y compris les eaux pluviales....et mêmes si elles sont dues à la nature du sol ou à un vice de construction ' que les parties s'accordent pour dire que le bail du 16 mai 2005 comporte une clause similaire ;
Attendu que la locataire entend limiter la portée de cette clause au seul préjudice résultant d'un trouble de jouissance causé par les infiltrations, à l'exclusion des travaux de remise en état des lieux, en invoquant le fait que cette clause se trouve sous l'intitulé ' jouissance des lieux ' alors que dans la partie du bail consacrée à 'l'entretien, l'usage et la réparation', une seconde clause met à la charge du bailleur les grosses réparations de l'article 606 du code civil ;
Attendu qu'il convient de noter au préalable que la société preneuse sollicite la prise en charge du coût de remplacements des dalles du faux plafond et des travaux de peinture, de sorte que la question de la nature des travaux relatifs à la pose d'une étanchéité sur un mur extérieur et sur une terrasse, effectués par la bailleresse en 2007 est sans conséquence sur le présent litige ;
Attendu que la clause exonératrice de responsabilité du bailleur prévue au bail d'une portée générale vise l'ensemble des cas dans lesquelles le preneur subit un dommage en raison de la présence d'infiltrations de quelque nature que ce soit , que l'expert décrit précisément les dégâts subis dans les lieux loués en raison de présence de coulures, de salpêtre et de boursouflures des revêtements, phénomènes caractéristiques de la présence d'infiltrations d'eau ; qu'il est constant que les dégâts, dont la locataire sollicite réparations, ont été causés par des infiltrations ;
Attendu que les travaux préconisés par l'expert pour remettre les lieux en l'état, à savoir la réfection des revêtements des murs et de plafonds, n'entrent nullement dans la catégorie des travaux visés par l'article 606 du code civil, qu'ainsi conformément aux clauses du bail, leur réalisation incombe au preneur ;
Attendu que si le bailleur ne peut s'exonérer de son obligation de délivrance, il peut néanmoins la restreindre ou la limiter, qu'en s'exonérant de toute responsabilité en cas d'infiltrations d'eau dans le local donné à bail durant l'occupation, la société Cyliel ne s'est nullement affranchie de son obligation de délivrance, le local restant exploitable par la locataire ;
Attendu que la responsabilité de la bailleresse ne peut être mise en cause par la locataire en raison de la clause dérogatoire contenue dans les deux baux conclus entre les parties et ce quel qu'en soit le fondement juridique de sa demande, la clause dérogatoire faisant également obstacle à sa demande basée sur l'abstention fautive de la bailleresse à faire réaliser en temps utile, les travaux sur l'immeuble mitoyen, de nature à mettre fin aux sinistres ;
Attendu que la société Cyliel sollicite le remboursement d'une somme de 12 428,54€ en produisant à l'appui de cette demande un devis d'un montant de 43 073,94€ daté du 5 octobre 2008, que faute de justifier de la réalisation des travaux visés, de leur règlement par elle et de la nature exacte des travaux dont elle sollicite réparation, la société Cyliel doit être déboutée d'une telle demande ;
Attendu qu'il n'y a pas lieu de faire application de l'article 700 du code de procédure civile à l'une quelconque des parties ni pour la procédure de première instance ni pour celle d'appel.
PAR CES MOTIFS
LA COUR
Infirme le jugement déféré,
Déboute la société Pharmacie [N] et la société Cyliel de leurs demandes
Dit n'y avoir lieu à application de l'article 700 du Code de Procédure Civile
Condamne la société Pharmacie [N] aux dépens de première instance et d'appel.
LE GREFFIERLE PRÉSIDENT