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17/11/2016 | FRANCE | N°16/07742

France | France, Cour d'appel d'Aix-en-Provence, 3e chambre b, 17 novembre 2016, 16/07742


COUR D'APPEL D'AIX EN PROVENCE

3e Chambre B



ARRÊT AU FOND

DU 17 NOVEMBRE 2016



N°2016/366













Rôle N° 16/07742







SA MAAF ASSURANCES





C/



[L] [P]

[H] [P]

[F] [E]





Grosse délivrée

le :

à :

Me O. DUFLOT

Me L. DENIS-PERALDI

Me A. ERMENEUX





Décision déférée à la Cour :



Ordonnance du Juge de la mise en état de GRASSE en da

te du 25 Mars 2016 enregistrée au répertoire général sous le n° 14/02719.





APPELANTE



SA MAAF ASSURANCES

prise en la personne de son représentant légal en exercice domicilié en cette qualité au siège [Adresse 1]

représentée et assistée par Me Olivia DUFLOT CAMPAGNOLI de la...

COUR D'APPEL D'AIX EN PROVENCE

3e Chambre B

ARRÊT AU FOND

DU 17 NOVEMBRE 2016

N°2016/366

Rôle N° 16/07742

SA MAAF ASSURANCES

C/

[L] [P]

[H] [P]

[F] [E]

Grosse délivrée

le :

à :

Me O. DUFLOT

Me L. DENIS-PERALDI

Me A. ERMENEUX

Décision déférée à la Cour :

Ordonnance du Juge de la mise en état de GRASSE en date du 25 Mars 2016 enregistrée au répertoire général sous le n° 14/02719.

APPELANTE

SA MAAF ASSURANCES

prise en la personne de son représentant légal en exercice domicilié en cette qualité au siège [Adresse 1]

représentée et assistée par Me Olivia DUFLOT CAMPAGNOLI de la SCP FRANCOIS-CARREAU FRANCOIS TRAMIER DUFLOT, avocate au barreau d'AIX-EN-PROVENCE

INTIMES

Monsieur [L] [P]

demeurant [Adresse 2]

Représenté et assisté Me Laurent DENIS- PERALDI, avocat au barreau de NICE, substitué par Me Joseph MAGNAN, avocat au barreau d'AIX-EN-PROVENCE

Madame [H] [P]

demeurant [Adresse 2]

Représentée et assistée Me Laurent DENIS- PERALDI, avocat au barreau de NICE, substitué par Me Joseph MAGNAN, avocat au barreau d'AIX-EN-PROVENCE

Monsieur [F] [E] exerçant sous l'enseigne ABC BAT DECO, inscrit au R.C.S. d'ANTIBES sous le numéro [E],

né le [Date naissance 1] 1967 à [Localité 1],

demeurant [Adresse 3]

représenté par Me Agnès ERMENEUX-CHAMPLY de la SCP ERMENEUX-LEVAIQUE-ARNAUD & ASSOCIES, avocate au barreau d'AIX-EN-PROVENCE

assisté de Me Valérie GINET, avocate au barreau de GRASSEE

*-*-*-*-*

COMPOSITION DE LA COUR

En application des dispositions des articles 785,786 et 910 du Code de Procédure Civile, l'affaire a été débattue le 05 Octobre 2016 en audience publique, les avocats ne s'y étant pas opposés, devant :

M. Jean-François BANCAL, Président,

Mme Patricia TOURNIER, Conseillère,

qui en ont rendu compte dans le délibéré de la Cour composée de 

M. Jean-François BANCAL, Président

Mme Patricia TOURNIER, Conseillère (rédactrice)

Mme Sophie LEYDIER, Conseillère

Greffier lors des débats : Mme Josiane BOMEA.

Les parties ont été avisées que le prononcé de la décision aurait lieu par mise à disposition au greffe le 17 Novembre 2016.

ARRÊT

Contradictoire,

Prononcé par mise à disposition au greffe le 17 Novembre 2016.

Signé par M. Jean-François BANCAL, Président et Mme Josiane BOMEA, greffier auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

Exposé du litige :

Monsieur et Madame [P] ont entrepris des travaux de construction d'une villa au Cannet (06), sur un terrain acquis le 1er juin 2007, situé en contrebas de la propriété de la SCI les Alizées et de celle de la société Cannes Foncière, acquise ensuite par Monsieur et Madame [U].

Une étude géotechnique de type G11 (mission préliminaire) a été réalisée par le BET 3G Expertises.

Monsieur [F] a établi le dossier permis de construire.

Monsieur et Madame [P] ont confié les travaux de gros-oeuvre, terrassement, charpente, VRD à Monsieur [E] à l'enseigne ABC BAT DECO, assuré par la MAAF, selon marché de travaux en date du 7 janvier 2008.

Monsieur [E] a sous-traité les terrassements à la SARL Terrassements Tardieu, assurée par la SMABTP, et le gros-oeuvre à la SARL EBC, assurée par l'AUXILIAIRE.

Une étude béton armé a été confiée à la société CG Tech.

Lors des travaux de terrassement, un glissement de terrain s'est produit, affectant les propriétés situées au-dessus, à savoir la maison existante appartenant à la SCI les Alizées et une partie du terrain de Monsieur et Madame [U].

Après un rapport d'expertise établi le 3 avril 2008 par Monsieur [C] sur ordonnance du tribunal administratif de Nice, un arrêté de péril a été pris le 23 avril 2008 par le maire du Cannet ;

Monsieur et Madame [L], associés de la SCI les Alizées, ont été contraints de quitter leur habitation le 14 novembre 2008.

Trois mesures d'expertise ont été ordonnées successivement par le juge des référés du tribunal de grande instance de Grasse et confiées au même expert, Monsieur [T] :

l'une par décision en date du 11 juin 2008, à la demande de Monsieur et Madame [L] et de la SCI les Alizées,

la seconde par décision en date du 11 mars 2009, à la demande de Monsieur et Madame [U],

la troisième par décision en date du 17 juillet 2009, à la demande de Monsieur et Madame [P].

Par décision en date du 17 juin 2010, la cour d'appel d'Aix en Provence statuant sur appel d'une ordonnance de référé en date du 17 avril 2009 a notamment :

- infirmant partiellement la décision déférée, condamné in solidum Monsieur et Madame [P], la société Terrassements Tardieu et la SMABTP à payer :

' à la SCI les Alizées, la somme de 450 636,94 € TTC à titre de provision (réalisation d'une micro-berlinoise et reprise des fondations de la villa),

' à Monsieur et Madame [L], la somme de 81 636,74 € à titre de provision (frais de relogement et accessoires pour la période du 14 novembre 2008 au 30 avril 2011),

' à la SCI les Alizées et à Monsieur et Madame [L], la somme de 20 000 € à titre de provision ad litem,

- confirmé le surplus de la décision déférée en ce qu'elle a rejeté les appels en garantie, a condamné in solidum Monsieur et Madame [P], la société Terrassements Tardieu et la SMABTP à payer aux demanderesses la somme de 5000 € au titre de l'article 700 du code de procédure civile, et à payer les dépens,

- condamné in solidum la société Terrassements Tardieu et la SMABTP à payer à la SCI les Alizées et à Monsieur et Madame [L], la somme de 2000 € au titre de l'article 700 du code de procédure civile en cause d'appel.

Par décision en date du 30 juin 2010, le juge des référés du tribunal de grande instance de Grasse a condamné in solidum Monsieur et Madame [P], la société Terrassements Tardieu et la SMABTP à payer à Monsieur et Madame [U] une provision de 288 112,45€ à valoir sur la liquidation de leur préjudice, outre une somme de 3000 € au titre de l'article 700 du code de procédure civile.

Par actes d'huissier en date des 31 août, 3, 6 et 21 septembre 2010, la société Terrassements Tardieu a fait assigner Monsieur et Madame [P], Monsieur et Madame [U], la MAAF, la SCI les Alizées, Monsieur et Madame [L], la société CG Tech, le BET 3G Expertises, Monsieur [E], la société Cannes Foncière, Monsieur [F], la MAF, la société EBC, l'AUXILIAIRE et la commune du Cannet, devant le tribunal de grande instance de Grasse, à l'effet essentiellement de voir Monsieur et Madame [P] déclarés responsables des désordres, et subsidiairement d'être garantie en cas de condamnation prononcée à son encontre.

Monsieur et Madame [P] ont appelé en garantie la société PACIFICA, la société ALLIANZ, la SMABTP, ainsi que la société EUROMAF en tant qu'assureur de la société CG Tech.

Ils ont également appelé en cause les organes des procédures collectives ouvertes à l'égard de la société CG Tech et de la société EBC.

Ces différentes instances ont été jointes à l'instance initiale.

Monsieur [T] a déposé ses rapports le 16 août 2013 (dossier [U]) et le 31 octobre 2013 (dossiers SCI les Alizées et [P]).

Par conclusions d'incident, Monsieur et Madame [P] ont demandé au juge de la mise en état de condamner in solidum Monsieur [E], la MAAF, Maître [A], mandataire judiciaire de la société CG Tech, la SMABTP, la société CG Tech et la MAF en tant qu'assureur de celle-ci, à leur verser :

- une provision de 240 960 € pour les travaux spécifiques à prendre en compte pour la reprise du projet de construction de leur villa,

- une indemnité mensuelle de 2700 € par mois à titre d'indemnité provisoire de relogement jusqu'à ce qu'ils puissent intégrer leur villa, soit depuis le 17 octobre 2008 et jusqu'au 17 octobre 2014, la somme de 194 400 €,

et de condamner in solidum l'entreprise ABC BAT DECO, la MAAF, la société Terrassements Tardieu, la SMABTP, la société CG Tech et la MAF à leur verser une provision ad litem de 40 000 €,

outre une indemnité de procédure.

Maître [A] est intervenu volontairement à l'instance en tant que liquidateur à la liquidation judiciaire de la société Terrassements Tardieu.

Par décision en date du 25 mars 2016, le juge de la mise en état a :

- donné acte à Maître [A] de son intervention volontaire en sa qualité de liquidateur à la liquidation judiciaire de la société Terrassements Tardieu,

- condamné Monsieur [E] à payer à Monsieur et Madame [P] :

' la somme provisionnelle de 218 497,62 € à valoir sur la réparation de leur préjudice matériel,

' la somme de 22 000 € à titre de provision ad litem,

- condamné la MAAF à garantir Monsieur [E] de cette condamnation à hauteur de 106 151,96 €,

- débouté les parties du surplus de leurs demandes,

- renvoyé l'affaire à une audience de mise en état,

- fait injonction à Monsieur et Madame [P], à Monsieur [E], à la société ALLIANZ et aux autres parties de conclure selon un calendrier précisé,

- dit que les dépens de l'incident suivront le sort de ceux de l'instance au fond.

La MAAF a interjeté appel à l'encontre de cette décision par déclaration reçue au greffe le 26 avril 2016.

Par ordonnance en date du 14 juin 2016, le conseiller de la mise en état a constaté :

- le dessaisissement partiel de la cour concernant l'ensemble des parties intimées à l'exception de Monsieur et Madame [P], ainsi que de Monsieur [E],

- la poursuite de l'instance à l'égard de ceux-ci,

et a condamné la MAAF au paiement des dépens de l'instance éteinte.

Par ses dernières conclusions notifiées le 4 octobre 2016 auxquelles il est renvoyé pour l'exposé des moyens et des prétentions, la MAAF demande à la cour, au visa de l'article 771 du code de procédure civile, des articles 1147 et 1134 du code civil, et subsidiairement de l'article 1382 du code civil :

- de réformer la décision déférée en ce qu'elle a condamné la concluante à garantir Monsieur [E] des condamnations prononcées à son encontre à hauteur de 106 151,96 €,

- de dire que les conditions d'application de la garantie effondrement ne sont pas réunies,

- en conséquence, de débouter Monsieur [E] de ses demandes à l'encontre de la concluante,

- en tout état de cause, de dire que l'application de la garantie effondrement se heurte à l'existence d'une contestation sérieuse,

- de se déclarer incompétent,

- de confirmer la décision déférée en ce qu'elle a débouté Monsieur et Madame [P] de leurs demandes telles que formulées à l'encontre de la concluante,

- de condamner Monsieur [E] à payer à la concluante la somme de 1500 € au titre de l'article 700 du code de procédure civile, ainsi qu'aux dépens.

Par ses dernières écritures notifiées le 16 septembre 2016, auxquelles il est renvoyé pour l'exposé des moyens et des prétentions, Monsieur [E] a formé appel incident et demande à la cour au visa de l'article 771 du code de procédure civile :

- de dire que les causes du sinistre sont multiples et concernent tout autant le maître d'ouvrage professionnel que divers intervenants, co-contractants ou sous-traitants, notamment les sociétés 3G Expertises, CG Tech et Terrassements Tardieu,

- de dire que les moyens opposés par les assureurs de ces intervenants, en liquidation judiciaire, pour exclure leur garantie, ne paraissent pas fondés,

- de dire en outre que la faute contractuelle du concluant n'est pas établie et ne peut être discutée que dans le cadre d'un débat au fond,

- de dire en conséquence que les demandes formulées initialement par Monsieur et Madame [P] se heurtaient à des contestations sérieuses et ne pouvaient donc prospérer devant le juge de la mise en état,

- de constater que la somme allouée à hauteur de 218 497,62 € au titre du préjudice matériel inclut le coût d'études et d'ouvrages d'environ 140 000 € pourtant nécessaires depuis l'origine, au regard de la configuration du terrain, et dont les maîtres d'ouvrage ont fait l'économie,

- de dire en conséquence que le juge de la mise en état ne pouvait condamner le concluant à régler une provision comprenant ce budget que Monsieur et Madame [P] auraient dû régler dans tous les cas,

- de réformer en conséquence la décision concernant le quantum alloué et de le réduire à la somme de 106 151,96 €,

- de réformer la décision déférée en ce qu'elle a condamné le concluant au paiement d'une provision ad litem, le débat sur les responsabilités et leur éventuelle répartition excédant la compétence du juge de la mise en état,

- de réformer en conséquence la décision déférée en toutes ses dispositions,

- de débouter la MAAF et toutes autres parties de toutes leurs demandes à l'encontre du concluant,

Subsidiairement, au visa de l'article L 112-4 du code des assurances,

- de dire qu'il y a bien eu effondrement et/ou menace d'effondrement des fondations en cours d'exécution,

- de dire que les demandes de Monsieur et Madame [P] étaient relatives au financement des travaux spécifiques à prendre en compte pour la reprise du projet de construction initial et ne portaient pas sur un confortement du talus,

- de dire que ces demandes correspondent strictement à la garantie offerte par la MAAF acquise pour les mesures d'urgence et le coût de remplacement ou reconstruction de la partie endommagée, en l'espèce les fondations,

- de dire que le moyen soulevé sur ce point par la MAAF est abusif et infondé,

- de dire que le contrat d'assurance MAAF souscrit par le concluant prévoit la situation de sous-traitance,

- de dire qu'aucune exclusion de garantie pour les ouvrages exécutés par le sous-traitant n'est mentionnée à l'article 6 des conventions spéciales,

- de dire que la MAAF n'a jamais soulevé ce moyen d'exclusion auparavant et qu'elle a déjà indemnisé à diverses reprises dans le passé, les conséquences dommageables de travaux effectués par un sous-traitant du concluant,

- de dire que les moyens d'exclusion soulevés par la MAAF sont inopérants et ne peuvent être considérés comme des contestations sérieuses s'opposant à la mise en jeu de la garantie de l'assureur et à sa condamnation à relever indemne le concluant,

- de dire que le juge de la mise en état a statué ultra petita en limitant la garantie de l'assureur,

- de dire à tout le moins, que les condamnations provisionnelles prononcées à l'encontre du concluant ne pouvaient excéder le coût des travaux engagés en pure perte (75 808,96 €), la mise en sécurité du terrain (7320 €), et le coût de la démolition et des évacuations des ouvrages réalisés (23 023 €), soit 106 151,96 €,

- de réformer en conséquence la décision déférée,

- de dire que la MAAF devra relever et garantir indemne son assuré de toute condamnation qui pourrait être prononcée à titre provisionnel au bénéfice de Monsieur et Madame [P],

- de condamner tout succombant au paiement de la somme de 3000 € au titre de l'article 700 du code de procédure civile, et aux entiers dépens.

Par leurs dernières conclusions notifiées le 30 septembre 2016, auxquelles il est renvoyé pour l'exposé des moyens et des prétentions, Monsieur et Madame [P] ont formé appel incident et demandent à la cour :

- de confirmer la décision déférée en ce qu'elle a condamné Monsieur [E] à payer aux concluants la somme de 218 497,62 € à titre de provision à valoir sur la réparation du préjudice matériel des concluants, ainsi que la somme de 22 000 € à titre de provision ad litem,

- de confirmer également la décision déférée en ce qu'elle a dit que la garantie effondrement due par la MAAF, est incontestablement due à Monsieur [E], et que la MAAF devait donc le relever et garantir des condamnations prononcées à son encontre,

- d'infirmer la décision déférée en ce qu'elle a limité l'obligation de garantie de la MAAF à 106 151,96 €,

- statuant à nouveau de ce chef, de dire que la MAAF devra garantir Monsieur [E] à hauteur de 218 497,62 €,

- de condamner in solidum Monsieur [E] et la MAAF à payer aux concluants la somme de 5000 € au titre de l'article 700 du code de procédure civile, ainsi qu'aux entiers dépens tant au titre de l'incident que de l'appel.

L'affaire a été fixée à l'audience de plaidoirie du 5 octobre 2016, par ordonnance en date du 12 mai 2016, prise en application de l'article 905 du code de procédure civile.

MOTIFS DE LA DÉCISION :

En application de l'article 771 du code de procédure civile, le juge de la mise en état a compétence pour accorder une provision au créancier lorsque l'existence de l'obligation n'est pas sérieusement contestable.

* Sur la responsabilité de Monsieur [E] :

Il résulte du rapport de Monsieur [T] concernant Monsieur et Madame [P], les éléments suivants :

- à la suite d'un important terrassement en pleine masse sur 6 mètres de hauteur pour la réalisation de la plate-forme générale de la construction [P], un glissement a affecté les propriétés amont, le 16 mars 2008 ;

le chantier [P] en était alors au début des fouilles en rigole du vide sanitaire après exécution des travaux de terrassement en pleine masse ;

- lors de l'expertise [C], il a été décidé de procéder en urgence à un remblaiement de pied de la zone terrassée en amont de la parcelle de Monsieur et Madame [P], d'exécuter le voile en béton armé de leur villa sur son premier niveau et de remblayer le vide à l'arrière du voile par un ballast, dans le but de contenir la poussée des terres glissées, par la structure en béton armé de la villa ;

- les semelles de fondation, les longrines et la structure en béton armé du vide sanitaire ont été réalisées d'avril à juin 2008 ;

du fait de conditions météorologiques défavorables, le glissement s'est développé, intéressant un volume de terres de plus en plus important en avril puis en mai 2008, de sorte que la poussée sur les éléments construits a augmenté au point d'entraîner des déformations substantielles des voiles ;

- les travaux ont été arrêtés suite à l'ordonnance du 11 juin 2008 ;

- lors de sa visite des lieux le 18 juillet 2008, l'expert a constaté que la poussée des terres glissées s'exerçait sur le voile enterré du vide sanitaire de la maison [P] située en contrebas du glissement, par l'intermédiaire du ballast de remplissage mis en place, que la longrine située perpendiculairement aux voiles enterrés du vide sanitaire subissait un excès de compression conduisant à un écrasement du béton et que le sol du vide sanitaire présentait un aspect bombé ;

- à la suite de pluies importantes début décembre 2008, les voiles du vide sanitaire se sont couchés n'assurant plus aucune butée provisoire ;

- l'expert a alors demandé aux parties de remblayer le terrain d'urgence pour rétablir une butée de pied, et donc de démolir la villa en construction et de remblayer partiellement la fouille et les travaux confortatifs dans la zone des terres glissées ;

- l'étude géotechnique réalisée par le BET 3G Expertises le 18 juin 2007, mettait l'accent sur la nécessité de réaliser les travaux de terrassement par phases, afin d'éviter tout risque de glissement de terrain et de protéger le personnel, et indiquait qu'une étude complémentaire serait nécessaire si au cours du terrassement des fouilles de fondations, des anomalies apparaissaient par rapport aux prévisions ;

le projet établi par Monsieur [F] ne prévoyait qu'un seul niveau enterré à l'amont sur un vide sanitaire d'une hauteur classique de 0,50 m, ce qui ne nécessitait pas de recourir à une étude plus poussée ;

en phase APD, le projet a évolué par rapport au plan du permis de construire accordé, avec création d'un vide sanitaire de 2,50 m de haut, reconduite en phase EXE, les plans de ces deux phases ayant été établis par le BET CG Tech ;

la hauteur de terrassement passant à 6 mètres environ, il aurait été nécessaire de procéder à une étude de sol pour apprécier leurs caractéristiques géomécaniques et les niveaux d'eau à prendre en compte dans les calculs, effectuer un dimensionnement correct des ouvrages contre terre, étudier un phasage approprié et prévoir un véritable ouvrage de soutènement, ce qui n'a pas été fait ;

le BET CG Tech n'a pas avisé Monsieur et Madame [P] de cette nécessité, n'a prévu aucun soutènement, n'a pas étudié les phases provisoires, ni le butonnage, ni le phasage ;

Monsieur [E] à qui le rapport du BET 3G Expertises avait été communiqué, n'a pas sollicité du BET CG Tech un plan de phasage, et n'a pas prévu de faire travailler ensemble, selon un phasage précis, les deux entreprises auxquelles il a sous-traité les travaux de terrassement et de gros-oeuvre, mais de les faire intervenir l'une après l'autre, de sorte que les terrassements en pleine masse ne pouvaient être phasés avec l'exécution d'un voile butonné à l'avancement ;

la société Terrassements Tardieu a exécuté les terrassements commandés sans s'interroger sur l'opportunité de procéder à un phasage ;

le glissement s'est produit parce que les travaux de terrassement ont été réalisés en pleine masse sur une hauteur de 6 mètres sans aucun phasage ; si les fouilles avaient été ouvertes par passes limitées avec blocage simultané par réalisation des infrastructures en béton armé, le sinistre ne se serait pas produit ou aurait été très limité ;

- avant le glissement du 16 mars 2008, Monsieur et Madame [P] avaient réglé à Monsieur [E] la somme de 75 808,96 € TTC, exposée en pure perte ;

ils ont réglé une somme de 7320 € TTC pour la mise en sécurité du terrain ;

le coût de démolition et d'évacuation des parties d'ouvrages réalisées sur la propriété [P] a été évalué à la somme de 23 023 € TTC ;

des études géotechniques ont été réalisées pour permettre l'élaboration des solutions de confortement pour un montant de 14 172,60 € TTC ;

pour limiter les terrassements de la maison [P], il faut procéder à des fondations profondes de type micro pieux de gros diamètre et forte inertie et à un mur de soutènement sur semelles ce qui entraîne un surcoût de 81 730 € TTC ;

l'édification de micro-berlinoises pour bloquer le mouvement des terrains tout le long du côté amont qui a été prise en compte dans le cadre du dossier [U], a généré un surcoût pour Monsieur et Madame [P] évalué à la somme de 16 443,06 € TTC.

Il se déduit de ces éléments à l'encontre desquels Monsieur [E] n'apporte aucune pièce contraire à l'appui de ses contestations, que la responsabilité de Monsieur [E], lié contractuellement avec Monsieur et Madame [P], tenu envers eux d'une obligation de résultat en application de l'article 1147 du code civil, et responsable à leur égard des fautes de ses sous-traitants, est engagée sans contestation sérieuse possible à raison des dommages consécutifs aux travaux de terrassement qui faisaient partie de son marché de travaux et qu'il a sous-traités à la société Terrassements Tardieu ;

la preuve d'une faute n'a pas à être rapportée à son encontre et seule celle d'une cause étrangère est susceptible de le faire échapper à cette responsabilité, preuve qu'il ne rapporte pas:

l'activité de marchand de bien antérieure de Monsieur [P] n'implique pas sa connaissance des techniques du bâtiment et aucun élément ne permet de retenir que Monsieur et Madame [P] se seraient abstenus en connaissance de cause de solliciter une étude de sol approfondie et un plan de phasage après modification de la hauteur du vide-sanitaire ;

l'absence de maître d'oeuvre d'exécution avait pour conséquence de renforcer l'obligation de conseil de Monsieur [E] à l'égard des maîtres d'ouvrage ;

la responsabilité éventuelle d'autres intervenants à la construction n'est pas de nature à faire échapper Monsieur [E] à sa responsabilité envers Monsieur et Madame [P], et la cour rappelle que les sociétés 3G Expertises, CG Tech et Terrassements Tardieu ainsi que leurs assureurs ne sont plus parties à la procédure d'appel.

Le juge de la mise en état a en conséquence exactement condamné Monsieur [E] au paiement d'une provision.

Il a également chiffré à juste titre cette provision à la somme de 218 497,62 €, correspondant aux postes ci-dessus évalués par l'expert, qui contrairement à ce que soutient Monsieur [E] n'incluent pas des prestations qui auraient été nécessaires en tout état de cause, mais prennent en compte uniquement celles ayant été générées par le glissement.

La décision déférée doit également être confirmée pour les mêmes motifs, en ce qu'elle a mis à la charge de Monsieur [E] une provision ad litem de 22 000 €.

* Sur la mise en oeuvre de la garantie effondrement :

La cour rappelle qu'en application de l'article 954 du code de procédure civile, elle ne statue que sur les prétentions énoncées au dispositif des conclusions.

Il s'ensuit qu'en l'espèce, Monsieur et Madame [P] n'y sollicitant pas l'infirmation de la décision en ce qu'elle a rejeté leur demande de condamnation de la MAAF à leur payer la somme sollicitée, in solidum avec Monsieur [E], la cour n'examinera pas ce point, n'étant saisie d'aucune contestation à son encontre.

Elle n'examinera pas davantage le moyen qu'ils invoquent dans leurs motifs tiré de l'irrecevabilité résultant de la prescription biennale.

Il résulte des conventions spéciales du contrat d'assurance souscrit par Monsieur [E] auprès de la MAAF que sont garantis les dommages résultant d'un effondrement avant réception des travaux, dans les conditions suivantes :

'Nous vous garantissons avant réception les dommages matériels résultant de l'effondrement total ou partiel d'un ouvrage de fondation, d'ossature, de clos ou de couvert causés aux travaux neufs que vous, ou votre entreprise, avez réalisés dans le cadre des activités déclarées aux conditions particulières.

Par effondrement, il faut entendre l'écroulement des ouvrages de fondations, d'ossature, de clos (à l'exception de leurs parties mobiles), et de couvert, nécessitant le remplacement ou la reconstruction de la partie endommagée.

Cette garantie s'étend aux cas de menaces imminentes d'effondrement des ouvrages cités ci-dessus ayant justifié les mesures d'urgence nécessaires pour éviter une aggravation du dommage ou pour prévenir les accidents pouvant atteindre des personnes.

La garantie porte sur la perte de votre main d'oeuvre et/ou de vos matériaux que vous avez mis en oeuvre, y compris les frais de démolition, de déblaiement, de dépose ou de démontage éventuellement nécessaires.'

Si l'assuré, désigné par 'vous' dans les conventions, est défini préalablement comme étant le souscripteur désigné aux conditions particulières, chef d'entreprise, ou toute autre personne dûment mandatée qui a pu se substituer dans la direction de l'entreprise,

ainsi que les représentants légaux ou statutaires de la personne morale, titulaire du contrat,

et si dans le chapitre 'responsabilité après réception', il est mentionné un paragraphe 3-2 visant les 'travaux exécutés par vous, non titulaire du marché, dans le cadre des activités déclarées aux conditions particulières et travaux dont l'exécution est confiée par vous, non titulaire du marché, à une autre entreprise',

il ne peut pour autant en être déduit que les conditions de mise en jeu de la garantie effondrement avant sinistre impliquent que les travaux soient exécutés par l'entreprise assurée elle-même et non par un sous-traitant, cette condition de la garantie qu'invoque la MAAF n'étant pas mentionnée dans les conditions générales du contrat et n'ayant donc pas été portée à la connaissance de l'assuré.

Par ailleurs, il résulte du rapport de Monsieur [T] que si les fondations de la villa ont été démolies à la demande de celui-ci, cette prescription a fait suite au constat de l'excès de compression subi par la longrine située perpendiculairement aux voiles enterrés du vide sanitaire conduisant à un écrasement du béton et à l'aspect bombé présenté par le sol du vide sanitaire, puis au fait que les voiles du vide sanitaire s'étaient couchés ;

il y a donc eu effondrement d'un ouvrage de fondation au sens du contrat.

Il s'ensuit que la MAAF n'oppose aucune contestation sérieuse au principe de sa garantie due à Monsieur [E].

La décision déférée sera en conséquence confirmée en ce qu'elle a retenu que la MAAF devait sa garantie à celui-ci.

Elle doit être également confirmée en ce qu'elle a limité à la somme de 106 151,96 € l'étendue de cette garantie dans le cadre de l'article 771 du code de procédure civile, l'application ou non de ladite garantie aux travaux et études complémentaires rendus nécessaires par le glissement de terrain relevant de l'appréciation du juge du fond au regard de la définition de l'étendue de la garantie rappelée ci-dessus ;

la MAAF est recevable à soutenir ce moyen en appel en application de l'article 563 du code de procédure civile, même s'il n'avait pas été invoqué en première instance.

* Sur les dépens et l'application de l'article 700 du code de procédure civile :

La MAAF, qui a initié l'appel, succombant en ses prétentions, supportera les dépens de la présente instance et sera déboutée de sa demande au titre de l'article 700 du code de procédure civile ;

il n'est pas inéquitable de la condamner sur ce fondement au paiement de la somme de 1500 € à Monsieur et Madame [P] d'une part, à Monsieur [E] d'autre part.

PAR CES MOTIFS :

La cour d'appel, statuant publiquement, contradictoirement, dans les limites de la saisine de la cour suite à l'ordonnance du 14 juin 2016,

Confirme la décision du juge de la mise en état du tribunal de grande instance de Grasse en date du 25 mars 2016.

Condamne la SA MAAF Assurances aux dépens de la présente instance et la déboute de sa demande fondée sur l'article 700 du code de procédure civile.

Condamne la SA MAAF Assurances à payer à Monsieur [L] [P] et Madame [H] [P] épouse [P], la somme de 1500 € au titre de l'article 700 du code de procédure civile.

Condamne la SA MAAF Assurances à payer à Monsieur [F] [E] la somme de 1500 € au titre de l'article 700 du code de procédure civile.

LA GREFFIÈRELE PRÉSIDENT


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel d'Aix-en-Provence
Formation : 3e chambre b
Numéro d'arrêt : 16/07742
Date de la décision : 17/11/2016

Références :

Cour d'appel d'Aix-en-Provence 3B, arrêt n°16/07742 : Confirme la décision déférée dans toutes ses dispositions, à l'égard de toutes les parties au recours


Origine de la décision
Date de l'import : 27/03/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2016-11-17;16.07742 ?
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