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17/11/2016 | FRANCE | N°15/22638

France | France, Cour d'appel d'Aix-en-Provence, 10e chambre, 17 novembre 2016, 15/22638


COUR D'APPEL D'AIX-EN-PROVENCE

10e Chambre



ARRÊT AU FOND

DU 17 NOVEMBRE 2016



N° 2016/ 423













Rôle N° 15/22638







[M] [Q]





C/



[N] [W]

CPAM DES ALPES MARITIMES





















Grosse délivrée

le :

à :



Me Nathalie AMILL



Me [R] OLIVER-D'OLLONNE



Me Benoît VERIGNON













Décision déférée à la Cour :



Jugement du Tribunal de Grande Instance de GRASSE en date du 19 Novembre 2015 enregistré au répertoire général sous le n° 14/01082.





APPELANT



Monsieur [M] [Q]

assuré social XXXXXXXXXXXXX

né le [Date naissance 1] 1981 à [Localité 1]

de nationalité Française,

demeurant [Adresse 1]

...

COUR D'APPEL D'AIX-EN-PROVENCE

10e Chambre

ARRÊT AU FOND

DU 17 NOVEMBRE 2016

N° 2016/ 423

Rôle N° 15/22638

[M] [Q]

C/

[N] [W]

CPAM DES ALPES MARITIMES

Grosse délivrée

le :

à :

Me Nathalie AMILL

Me [R] OLIVER-D'OLLONNE

Me Benoît VERIGNON

Décision déférée à la Cour :

Jugement du Tribunal de Grande Instance de GRASSE en date du 19 Novembre 2015 enregistré au répertoire général sous le n° 14/01082.

APPELANT

Monsieur [M] [Q]

assuré social XXXXXXXXXXXXX

né le [Date naissance 1] 1981 à [Localité 1]

de nationalité Française,

demeurant [Adresse 1]

représenté par Me Nathalie AMILL de la SCP FERLAUD-MENABE-AMILL, avocat au barreau de DRAGUIGNAN substituée par Me Charles REINAUD, avocat au barreau d'AIX-EN-PROVENCE

INTIMES

Monsieur [N] [W]

(bénéficie d'une aide juridictionnelle Partielle numéro 002/2016/4866 du 06/06/2016 accordée par le bureau d'aide juridictionnelle de AIX-EN-PROVENCE)

né le [Date naissance 2] 1982 à [Localité 2],

demeurant [Adresse 2]

représenté par Me [R] OLIVER-D'OLLONNE, avocat au barreau de GRASSE

CPAM DES ALPES MARITIMES,

dont le siège social est : [Adresse 3]

représentée par Me Benoît VERIGNON, avocat au barreau de GRASSE

*-*-*-*-*

COMPOSITION DE LA COUR

L'affaire a été débattue le 05 Octobre 2016 en audience publique. Conformément à l'article 785 du Code de Procédure Civile, Madame Anne VELLA, Conseiller , a fait un rapport oral de l'affaire à l'audience avant les plaidoiries.

La Cour était composée de :

Monsieur Olivier GOURSAUD, Président

Madame Françoise GILLY-ESCOFFIER, Conseiller

Madame Anne VELLA, Conseiller

qui en ont délibéré.

Greffier lors des débats : Madame Sylvaine MENGUY.

Les parties ont été avisées que le prononcé de la décision aurait lieu par mise à disposition au greffe le 17 Novembre 2016

ARRÊT

Contradictoire,

Prononcé par mise à disposition au greffe le 17 Novembre 2016,

Signé par Monsieur Olivier GOURSAUD, Président et Madame Sylvaine MENGUY, greffier auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

***

EXPOSÉ DES FAITS ET PROCÉDURE

M. [M] [Q] expose que le 5 août 2010, à 20h30, après son service, il a été victime de violences volontaires de la part de M. [N] [W] qui lui a administré un coup de poing au niveau du coude droit.

Il a saisi le juge des référés, qui par ordonnance du 6 mars 2013 a désigné le docteur [G] en qualité d'expert pour évaluer les conséquences médico-légales des blessures.

Par actes des 6 et 14 février 2014, M. [Q] a fait assigner M. [W] devant le tribunal de grande instance de Grasse, afin de voir engager sa responsabilité sur le fondement de l'article 1382 du code civil, obtenir l'indemnisation de son préjudice corporel, et ce en présence de la Cpam des Alpes Maritimes.

Selon jugement rendu le 19 novembre 2015, le tribunal a :

- dit que la faute de M. [W] n'est pas établie ;

- dit en conséquence que la responsabilité de M. [W] n'est pas engagée ;

- débouté M. [Q] de l'ensemble de ses demandes d'indemnisation ;

- débouté la Cpam des Alpes Maritimes de l'ensemble de ses demandes ;

- rejeté les demandes formulées au titre de l'article 700 du code de procédure civile ;

- condamné M. [Q] aux dépens recouvrés conformément aux dispositions relatives à l'aide juridictionnelle.

Par déclaration d'appel du 23 décembre 2015 a l'égard de M. [W], et du 12 janvier 2016 à l'égard de Cpam des Alpes Maritimes, dont la régularité et la recevabilité, ne sont pas contestées M. [Q] a relevé appel général de ce jugement.

A l'audience du 5 octobre 2016, à l'occasion de laquelle, le conseil de M. [W] ne s'est pas présenté et n'a pas déposé de dossier, la cour a soulevé la difficulté tenant à la communication de ses conclusions par remise le 24 mai 2016 d'une copie au greffe, non conforme aux dispositions de l'article 930-1 du code de procédure civile.

En cours de délibéré et par courrier RPVA du 24 octobre 2016, M° [R] [R] fait état auprès du greffe de la cour, de difficulté d'utilisation de sa clé RPVA depuis le début du mois de septembre 2016, et sollicite l'autorisation de déposer son dossier de plaidoirie.

Prétention et moyens des parties

Selon ses conclusions du 17 février 2016, M. [Q] demande à la cour de:

' réformer le jugement ;

' juger que M. [W] a engagé sa responsabilité civile à l'occasion des violences commises sur lui le 5 août 2010 ;

' juger que M. [W] est entièrement responsable des préjudices qu'il a subis ;

' chiffrer l'indemnisation à la somme de 126'276,43€, dont 33'542,99€ correspondant aux débours de la Cpam des Alpes Maritimes, soit une somme de 92'733,44€ lui revenant ;

' condamner M. [W] à lui verser la somme de 4000€ en application de l'article 700 du code de procédure civile ;

' le condamner aux entiers dépens de première instance et d'appel comprenant les frais d'expertise du docteur [G], et distraits au profit de son conseil.

Il conteste la motivation retenue par le premier juge qui a considéré, d'une part qu'il aurait accepté les risques de l'altercation physique et que d'autre part la faute de M. [W] ne serait pas suffisamment établie.

Il soutient qu'il résulte des éléments du dossier pénal que c'est bien M. [W], qui avait régulièrement un comportement agressif à son égard, qui l'a attendu à la sortie du restaurant pour lui porter des coups. C'est bien M. [W] qui était énervé, et que l'un des témoins, M. [T], a tenté de raisonner. M. [W] est à l'origine de l'embuscade de son collègue à la sortie de leur lieu de travail, et c'est ce dernier qui l'a attendu pour en découdre et commettre des violences sur lui.

M. [W] a commis plusieurs fautes qui ont contribué à la réalisation du dommage à savoir :

- la provocation et l'agressivité à son encontre,

- l'organisation du guet-apens à la sortie du travail,

- son maintien sur les lieux pour en découdre, alors qu'il était, pour sa part, retourné dans le restaurant pour y déposer ses affaires,

- l'administration du premier coup.

Le tribunal a exclu la responsabilité de M. [W] au motif que M. [Q] ne s'est pas enfui. Cela revient à exonérer de toute responsabilité, tout auteur de violences volontaires, dès lors que la victime ne s'enfuit pas ou ne tente pas de fuir. D'autre part en entrant de nouveau dans le restaurant au prétexte d'y déposer ses effets personnels, il pensait que M. [W] aurait quitté les lieux.

En toute hypothèse la victime d'un dommage à qui on oppose la théorie de l'acceptation des risques, conserve le droit d'agir sur le fondement de l'article 1382 du code civil si une faute a été commise, ce qui est le cas en l'espèce.

Aucune faute ne peut être retenue à son égard, car, contrairement à ce que prétend M. [W], il n'y a pas eu d'altercation qui lui serait imputable dans le courant de la soirée, et c'est bien M. [W] qui était énervé et qui a dû être calmé par un autre employé.

Il n'a pas commis de faute caractéristique de la force majeure. Il ne présentait pas d'imprégnation alcoolique puisque les services hospitaliers n'ont pas estimé utile de faire pratiquer un tel dépistage. Il a été opéré en urgence d'une fracture complète sous anesthésie générale, ce qui n'aurait pas été possible s'il avait été alcoolisé

Aux termes de conclusions du 31 mai 2016, la Cpam des Alpes Maritimes demande à la cour, de :

' réformer le jugement ;

' condamner M. [W] à lui régler au titre des débours qu'elle a exposés avec intérêts au taux légal à compter du 31 mars 2015, date de la signification de ses premières écritures devant le tribunal de grande instance, soit les sommes de :

- 4147,83€ au titre des dépenses de santé actuelles,

- 26'752,72€ au titre de la perte de gains professionnels actuels, avec intérêts au taux légal à compter du 31 mars 2015,

- 2642,44€ dépenses de santé futures

' condamner M. [W] à lui régler la somme de 1047€, montant applicable à compter du 1er janvier 2016, au titre de l'indemnité forfaitaire, et ce sur le fondement de l'ordonnance du 24 janvier 1996 ;

' le condamner à lui régler la somme de 1500€ sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile au titre des frais exposés en première instance, et celle de 1500€ sur le même fondement au titre des frais exposés en appel ;

' le condamner aux entiers dépens distraits au profit de son conseil.

L'arrêt est contradictoire, conformément à l'article 467 du code de procédure civile.

MOTIFS DE LA DÉCISION

Sur la recevabilité des conclusions de M. [W]

L'article 930-1 du code de procédure civile énonce qu'à peine d'irrecevabilité relevée d'office, les actes de procédure sont remis à la juridiction par voie électronique. Lorsqu'un acte ne peut être transmis par voie électronique pour une cause étrangère à celui qui l'accomplit, il est établi sur support papier et remis au greffe.

En l'espèce, le mode de transmission utilisé par le conseil de M. [W] pour la signification de ses conclusions n'est pas conforme aux dispositions précitées, et l'existence d'une cause étrangère au 24 mai 2016, date à laquelle M° [R] [R] a déposé ses conclusions, n'est ni alléguée ni soutenue. Les conclusions de M. [W] sont donc déclarées irrecevables.

Sur la responsabilité

En vertu de l'article 1382 du code civil, tout fait quelconque de l'homme, qui cause à autrui un dommage, oblige celui par la faute duquel il est arrivé à le réparer. Il incombe à celui qui se prétend victime d'un fait dommageable de rapporter l'existence d'une faute commise par son auteur, d'un dommage et d'un lien de causalité entre ces deux derniers.

En l'espèce la réalité de l'altercation est établie.

Des déclarations de M. [Q], reçues le 9 août 2011 par la gendarmerie, il ressort que les relations qu'il entretenait avec M. [W] étaient tendues depuis environ une année avant les faits. Plus tôt dans la soirée du 5 août 2010, et dans la cuisine du restaurant, M. [Q] a eu une première altercation verbale avec M. [W], accompagnée de mauvais gestes puisqu'il l'a repoussé au niveau du torse et à l'agrippé par la chemise. La réalité de l'animosité entre les deux hommes et de cette altercation, est attestée par deux témoignages de M. [P] [T], chef de cuisine.

En revanche, il n'y a pas eu de témoin de la seconde altercation au cours de laquelle M. [Q] a été blessé. Ce dernier relate que M. [W] l'a menacé durant toute la suite du service en l'informant qu'il allait l'attendre à la sortie pour se battre. Il explique qu'il a quitté son lieu de travail, pensant que M. [W] avait renoncé à ses intentions belliqueuses et qu'en abordant le tunnel qui se trouve sur le port [Établissement 1], M. [W] s'y trouvait et lui a dit 'allez maintenant viens tu vas voir'.

M. [Q] explique qu'il est alors retourné dans le vestiaire du restaurant, pour y déposer ses effets personnels, à savoir ses lunettes, son téléphone portable et ses clés, 'pour ne pas les abîmer' dit-il 'car je savais que je ne pouvais plus faire marche arrière et que je devais me défendre comme je pouvais.' Après avoir posé ses affaires, M. [Q] indique qu'il est retourné vers le tunnel et dit 'je lui ai donné un coup de poing en premier car il était en train de me courir dessus... J'ai tapé dans le vide... Nous nous sommes donnés des coups de poings et de pied tous les deux... dans le corps mais pas au visage... Puis tout d'un coup j'ai reçu un coup de poing au niveau du coude droit.... je suis reparti au vestiaire prenant la fuite pour protéger mon bras. A ce moment là mes autres collègues... sont venus vers moi en entendant les cris. [W] ne m'a pas suivi.'

M. [W] soutient dans son audition qu'il n'attendait pas M. [Q] mais qu'il l'a rencontré par hasard à la sortie du restaurant, et qu'une empoignade s'en est suivie, au cours de laquelle ils ont tous deux perdu l'équilibre et sont allés percuter le mur du tunnel contre lequel M. [Q] a heurté le coude et s'est blessé.

De ces éléments il résulte d'une part que le lien de causalité entre l'empoignade et les préjudices subis par M. [Q] est établi, mais aussi que celui-ci a concouru à la réalisation de son dommage, dès lors qu'il déclare lui-même avoir vu M. [W] l'attendre au niveau du tunnel, et qu'au lieu d'utiliser une autre issue, ou encore d'aviser ses collègues employés et la directrice de l'établissement de cette attitude provocatrice, comme il le fera après avoir été blessé, il a pris soin de mettre à l'abri ses effets personnels les plus fragiles, avant de partir à la rencontre de celui qui l'avait menacé et de lui administrer le premier coup. En agissant ainsi, M. [Q] a manifesté son intention d'en découdre et ce comportement caractérisant une faute imputable à la victime, qui a concouru à la réalisation de son propre dommage, est de nature à limiter la responsabilité de M. [W], en sa qualité d'auteur, et à hauteur de 50%.

Sur le préjudice corporel

L'expert, le docteur [G], indique que M. [Q] a présenté une fracturé de l'humérus droit et qu'il conserve comme séquelles des troubles de la sensibilité de la face postérieure de l'avant bras droit, et une petite diminution de mobilité du coude droit d'environ 15°.

Il conclut à :

- un arrêt total des activités jusqu'au 2 novembre 2011,

- un déficit fonctionnel temporaire total du 5 août 2010 au 9 août 2010,

- un déficit fonctionnel temporaire partiel au taux de :

'75% du 10 août 2010 au 10 octobre 2010,

' 50% du 11 octobre 2010 au 11 mars 2011,

' 25% du 12 mars 2011 au 12 août 2011,

' 10% du 13 août 2011 au 13 septembre 2011,

' dégressif jusqu'au 2 novembre 2011,

- une consolidation au 2 novembre 2011

- des souffrances endurées de 3/7

- un déficit fonctionnel permanent de 6%

- un préjudice esthétique permanent de 1,5/7

- un préjudice d'agrément formulé pour le tennis

- un besoin d'assistance de tierce personne de 5h par semaine, pendant 2 mois,

- des dépenses de santé futures discutables pour l'ablation du matériel,

- pas d'incidence sur la perte de gains professionnels futurs

- incidence professionnelle : une pénibilité pour le port de charges lourdes.

Son rapport constitue une base valable d'évaluation du préjudice corporel subi à déterminer au vu des diverses pièces justificatives produites, de l'âge de la victime née le [Date naissance 3] 1981, de son activité de serveur au moment des faits, de la date de consolidation, afin d'assurer sa réparation intégrale et en tenant compte, conformément aux articles 29 et 31 de la loi du 5 juillet 1985, de ce que le recours subrogatoire des tiers payeurs s'exerce poste par poste sur les seules indemnités qui réparent des préjudices qu'ils ont pris en charge, à l'exclusion de ceux à caractère personnel sauf s'ils ont effectivement et préalablement versé à la victime une prestation indemnisant de manière incontestable un tel chef de dommage.

Préjudices patrimoniaux

temporaires (avant consolidation)

- Dépenses de santé actuelles 4.351,37€

Ce poste correspond aux :

* frais d'hospitalisation, frais médicaux et pharmaceutiques, actes de radiologie, massages pris en charge par la Cpam soit la somme de 4147,83€,

* frais restés à la charge de la victime, correspondant en l'espèce au frais pharmaceutiques, imageries médicales, et franchises facturées par la Cpam, pour un montant justifié de 203,54€.

Ce poste s'établit à la somme de 4.351,37€ (4.147,83€ + 203,54€). En vertu de la limitation du droit à indemnisation, M. [W] est tenu au paiement de 50% de cette somme, soit celle de 2.175,68€. M [Q] recevra en vertu de son droit de priorité l'intégralité de la somme de 203,54€ et le tiers payeur percevra le solde de 1.972,14€ (2.175,68€ - 203,54€).

- Frais divers6,90€

Si le docteur [A], médecin au centre hospitalier de [Localité 3], a délivré le 7 septembre 2010 à M. [Q], une autorisation de sortir du département pour se rendre à [Localité 1] du 29 septembre 2010 au 17 octobre 2010, celui-ci ne produit pas la copie du billet d'avion qui viendrait prouver qu'il s'est effectivement rendu en Bretagne dans sa famille, et qu'il a déboursé une somme de 200€ pour ce déplacement. En conséquence cette demande ne peut être accueillie.

En revanche M. [Q] justifie de la somme de 6,90€ (P. 44) qu'il a dû acquitter pour obtenir la copie de son dossier médical, réduite à 3,45€ en raison du pourcentage de limitation du droit à indemnisation.

- Perte de gains professionnels actuels26.752,72€

Ce poste vise à compenser une incapacité temporaire spécifique concernant les répercussions du dommage sur la sphère professionnelle de la victime et doit être évalué au regard de la preuve d'une perte effective de revenus.

M. [Q] ne sollicite pas de perte de gains professionnels actuels au titre des salaires qu'il a perçus pendant sa période d'arrêt temporaire des activités professionnelles mais demande l'indemnisation de sa perte liée à la non-perception des pourboires, qu'il chiffre à la somme mensuelle de 200€. Toutefois ce poste de préjudice ne prévoit l'indemnisation des pourboires que s'ils sont justifiés. Or et en l'espèce, M. [Q] ne produit aucun document attestant qu'il en a perçus et à hauteur de la somme qu'il réclame. En conséquence sa demande est rejetée de ce chef.

Ce poste correspond, par ailleurs, au montant des indemnités journalières versées par la Cpam pour la période du 6 août 2010 au 25 septembre 2011, et pour la somme de 26.752,72€, indemnisable par M. [W] à concurrence de 13.376,36€.

- Assistance de tierce personne480€

La nécessité de la présence auprès de M. [Q] d'une tierce personne n'est pas contestée dans son principe ni son étendue pour l'aider dans les actes de la vie quotidienne, préserver sa sécurité, suppléer sa perte d'autonomie.

L'expert précise, en effet, qu'il a eu besoin d'une aide par tierce personne, à raison de 5h par semaine, pendant 2 mois.

En application du principe de la réparation intégrale et quelles que soient les modalités choisies par la victime, le tiers responsable est tenu d'indemniser le recours à cette aide humaine indispensable qui ne saurait être réduit en cas d'aide familiale ni subordonné à la production des justificatifs des dépenses effectuées.

Eu égard à la nature de l'aide requise et du handicap qu'elle est destinée à compenser, des tarifs d'aide à domicile en vigueur dans la région, l'indemnisation se fera sur la base d'un taux horaire moyen de 12€.

L 'indemnité de tierce personne s'établit à : 12€ x 40 h (5h x 8 semaines) = 480€.

En raison de la limitation à 50% du droit de la victime, M. [W] est tenu à indemnisation à hauteur de 240€.

Préjudices patrimoniaux

permanents (après consolidation)

- Dépenses de santé futures2.642,44€

Ce poste vise les frais hospitaliers, médicaux, paramédicaux, pharmaceutiques et assimilés, même occasionnels mais médicalement prévisibles, rendus nécessaires par l'état pathologique de la victime après la consolidation et incluent les frais liés soit à l'installation de prothèses soit à la pose d'appareillages spécifiques nécessaires afin de suppléer le handicap physiologique.

Il est constitué des frais futurs prévus par l'organisme social à hauteur de 2.642,44€, réduit à 1.321,22€, lui revenant, en raison du pourcentage de limitation du droit à indemnisation.

- Perte de gains professionnels futursRejet

Ce poste est destiné à indemniser la victime de la perte ou de la diminution directe de ses revenus à compter de la date de consolidation, consécutive à l'invalidité permanente à laquelle elle est désormais confrontée dans la sphère professionnelle à la suite du fait dommageable.

M. [Q] fait état de la rupture conventionnelle de son contrat de travail, signée avec la société La Voile Bleue, exploitant le restaurant qui l'employait, effective à compter du 17 décembre 2011 et il soutient que son employeur a décidé de ne plus le maintenir dans l'entreprise en l'état des relations conflictuelles existant entre M. [W] et lui.

Toutefois, ce poste répare une invalidité permanente qui aurait empêché M. [Q] de poursuivre son activité professionnelle de serveur, et non pas des événements conjoncturels, dont au demeurant, il ne rapporte pas la preuve. Avant toute chose il n'établit pas que M. [W] faisait encore partie des effectifs du personnel en octobre 2011. Qui plus est, aucune des pièces versées au dossier, aucun témoignage, ne viennent démontrer que cette rupture conventionnelle a été directement motivée par l'altercation du 5 août 2010, ou encore qu'elle n'aurait pas été souhaitée par M. [Q], lui-même. Le formulaire de demande d'homologation qui est produit aux débats et qui a été validé le 16 décembre 2011, par le directeur régional du Ministère du travail, ne mentionne rien de particulier, si ce n'est que M. [Q] n'a pas souhaité être assisté lors du premier entretien du 20 octobre 2011, ce qui dénote qu'il ne s'est pas opposé à cette rupture conventionnelle, qui n'apparaît pas en lien avec les conséquences dommageables dont il a été victime, l'expert, après avoir fixé le déficit fonctionnel permanent à 6%, n'ayant fait état dans son rapport d'aucune inaptitude à la reprise de son activité de serveur, si ce n'est une contre-indication au port de charges lourdes.

En conséquence, M. [Q] est débouté de la demande formulée au titre de l'indemnisation de ce poste de préjudice.

- Incidence professionnelle10.000€

Ce chef de dommage a pour objet d'indemniser non la perte de revenus liée à l'invalidité permanente de la victime mais les incidences périphériques du dommage touchant à la sphère professionnelle en raison, notamment, de sa dévalorisation sur le marché du travail, de sa perte d'une chance professionnelle ou de l'augmentation de la pénibilité de l'emploi qu'elle occupe imputable au dommage, ou encore l'obligation de devoir abandonner la profession exercée au profit d'une autre en raison de la survenance de son handicap.

Il est constant qu'après sa rupture conventionnelle de travail en décembre 2011, M. [Q] a pu retrouver une activité de serveur au sein d'une autre entreprise en janvier 2012. Il n'a donc pas dû abandonner l'activité professionnelle qu'il a choisi d'exercer, et la proximité des dates de son licenciement conventionnel et de sa nouvelle embauche démontre l'absence de dévalorisation sur le marché du travail.

En raison de la sensibilité de la face postérieure de l'avant bras droit, et d'une petite diminution de mobilité du coude droit d'environ 15°, l'expert a retenu dans son rapport une pénibilité pour le port de charges lourdes, et c'est effectivement cette pénibilité accrue au travail et dans le secteur dans lequel M. [Q], âgé de 30 ans, exerce son activité qui doit donner lieu à une indemnisation que la cour évalue à la somme de 10.000€.

En vertu de la limitation du droit à indemnisation, M. [W] est tenu au paiement de 50% de cette somme, soit celle de 5.000€

Préjudices extra-patrimoniaux

temporaires (avant consolidation)

- Déficit fonctionnel temporaire4.480€

Ce poste inclut la perte de la qualité de la vie et des joies usuelles de l'existence et le préjudice d'agrément et le préjudice sexuel pendant l'incapacité temporaire.

Il doit être réparé sur la base d'environ 800€ par mois, eu égard à la nature des troubles et de la gêne subie soit 133€ pendant la période d'incapacité totale de 5 jours et proportionnellement pendant la période d'incapacité partielle à 75% de 2 mois soit 1.200€, à 50% de 5 mois soit 2.000€, à 25% de 5 mois soit 1.000€, à 10% de 1 mois soit 80€, et à 5% pendant 1 mois et demi soit 60€, et au total la somme de 4.473€, arrondie à 4.480€, réduite à 2240€ en raison du pourcentage de limitation du droit à indemnisation.

- Souffrances endurées6.000€

Ce poste prend en considération les souffrances physiques et psychiques et les troubles associés supportés par la victime en raison du traumatisme initial, d'une intervention chirurgicale, et de nombreuses séances de rééducation ; évalué à 3/7 par l'expert, il justifie l'octroi d'une indemnité de 6.000€. En vertu de la limitation du droit à indemnisation, M. [W] est tenu au paiement de 50% de cette somme, soit celle de 3.000€

permanents (après consolidation)

- Déficit fonctionnel permanent12.300€

Ce poste de dommage vise à indemniser la réduction définitive du potentiel physique, psychosensoriel ou intellectuel résultant de l'atteinte anatomo-physiologique à laquelle s'ajoutent les phénomènes douloureux et les répercussions psychologiques et notamment le préjudice moral et les troubles dans les conditions d'existence (personnelles, familiale et sociales).

Il est caractérisé par des troubles de la sensibilité de la face postérieure de l'avant-bras droit, des sensations de décharges électriques en cas de contact au niveau de la partie supérieure de la cicatrice de la face postérieure du bras, une petite diminution de 15° de la mobilité du coude droit, ce qui conduit à un taux de 6% justifiant une indemnité de 12.300€ pour un homme âgé de 30 ans à la consolidation.

En raison de la limitation à 50% du droit de la victime, M. [W] est tenu à indemnisation à hauteur de 6.150€.

- Préjudice esthétique1.500€

Ce poste de dommage cherche à réparer les atteintes physiques et plus généralement les éléments de nature à altérer l'apparence physique.

Qualifié de 1,5/7 au titre d'une saillie sous cutanée de la partie basse de la plaque au niveau de la face externe du coude droit et par une cicatrice disgracieuse de la face postérieure du bras droit, il doit être indemnisé à hauteur de 1.500€, comme sollicitée par la victime, réduite à 750€ en raison du pourcentage de limitation du droit à indemnisation.

Le préjudice corporel global subi par M. [Q] s'établit ainsi à la somme de 68.513,43€, indemnisable par M. [W] à hauteur de 34.256,71€ soit, après imputation des débours de la Cpam chiffrés à 16.669,72€, une somme de 17.586,99€ lui revenant qui, en application de l'article 1153-1 du code civil, porte intérêts au taux légal à compter du prononcé du jugement, soit le 19 novembre 2015.

De son côté la CPAM est fondée à solliciter le remboursement des prestations versées à la victime du chef de l'accident dans la limite de l'indemnité mise à la charge du tiers responsable, soit la somme de 16.669,72€.

Sur les demandes annexes

M. [W] qui succombe partiellement dans ses prétentions et qui est tenu à indemnisation supportera la charge des entiers dépens de première instance et d'appel.

Aux termes de l'article L 376-1 du code de la sécurité sociale, en contrepartie des frais qu'elle engage pour obtenir le remboursement des prestations mises à sa charge, la caisse d'assurance maladie à laquelle est affiliée la victime recouvre une indemnité forfaitaire de gestion, d'un montant en l'espèce de 1.047€, à la charge du responsable au profit de l'organisme national d'assurance maladie, indemnité qui diffère tant par ses finalités, que par ses modalités d'application, des frais irrépétibles exposés non compris dans les dépens de l'instance.

L'équité commande d'allouer à M. [Q] une indemnité de 2.000€, et à la Cpam des Alpes Maritimes celle de 500€, au titre des frais irrépétibles exposés en première instance et devant la cour.

PAR CES MOTIFS

La cour

- Infirme le jugement,

Statuant à nouveau sur les points infirmés et y ajoutant,

- Déclare irrecevables les conclusions de M. [W] ;

- Dit que M. [W] est responsable des conséquences dommageables de l'altercation l'ayant opposé à M. [Q] ;

- Dit que la faute imputable à M. [Q], qui a concouru à la réalisation de son propre dommage, limite la responsabilité de M. [W], en sa qualité d'auteur, et à hauteur de 50% ;

- Fixe le préjudice corporel global de M. [Q] à la somme de 68.513,43€ ;

- Dit que l'indemnité revenant à cette victime s'établit à 17.586,99€ ;

- Condamne M. [W] à payer à M. [Q] les sommes de :

* 17.586,99€ , sauf à déduire les provisions versées, avec intérêts au taux légal à compter du 19 novembre 2015,

* 2.000€ sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile pour les frais exposés en première instance et en appel ;

- Condamne M. [W] à payer à la Cpam des Alpes Maritimes les sommes de :

* 16.669,72€, au titre des dépenses de santé actuelles, indemnités journalières et dépenses de santé futures avec intérêts au taux légal à compter du 31 mars 2015, date de la signification de ses premières écritures devant le tribunal de grande instance ;

* 1.047€ au titre de l'indemnité forfaitaire ;

* 500€ au titre des frais exposés en première instance et en appel ;

- Condamne M. [W] aux entiers dépens de première instance et d'appel qui seront recouvrés conformément aux dispositions de l'article 699 du code de procédure civile.

LE GREFFIERLE PRESIDENT


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel d'Aix-en-Provence
Formation : 10e chambre
Numéro d'arrêt : 15/22638
Date de la décision : 17/11/2016

Références :

Cour d'appel d'Aix-en-Provence 10, arrêt n°15/22638 : Infirme partiellement, réforme ou modifie certaines dispositions de la décision déférée


Origine de la décision
Date de l'import : 27/03/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2016-11-17;15.22638 ?
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