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17/11/2016 | FRANCE | N°14/21859

France | France, Cour d'appel d'Aix-en-Provence, 3e chambre b, 17 novembre 2016, 14/21859


COUR D'APPEL D'AIX-EN-PROVENCE

3e Chambre B



ARRÊT MIXTE

DU 17 NOVEMBRE 2016



N° 2016/363













Rôle N° 14/21859







SAS A.P.R.C





C/



SA PROVENCE TOMATES







Grosse délivrée

le :

à :

Me R. CHERFILS

Me P. PASCAL















Décision déférée à la Cour :



Jugement du Tribunal de Commerce de TARASCON en date du 20

Octobre 2014 enregistré au répertoire général sous le n° 2014/00500.





APPELANTE



SAS A.P.R.C prise en la personne de son représentant légal en exercice

[Adresse 1]

représentée par Me Romain CHERFILS, avocat au barreau d'AIX-EN-PROVENCE,

plaidant par Me Laurence BREMENS de la SELAS CMS BU...

COUR D'APPEL D'AIX-EN-PROVENCE

3e Chambre B

ARRÊT MIXTE

DU 17 NOVEMBRE 2016

N° 2016/363

Rôle N° 14/21859

SAS A.P.R.C

C/

SA PROVENCE TOMATES

Grosse délivrée

le :

à :

Me R. CHERFILS

Me P. PASCAL

Décision déférée à la Cour :

Jugement du Tribunal de Commerce de TARASCON en date du 20 Octobre 2014 enregistré au répertoire général sous le n° 2014/00500.

APPELANTE

SAS A.P.R.C prise en la personne de son représentant légal en exercice

[Adresse 1]

représentée par Me Romain CHERFILS, avocat au barreau d'AIX-EN-PROVENCE,

plaidant par Me Laurence BREMENS de la SELAS CMS BUREAU FRANCIS LEFEBVRE LYON, avocate au barreau de LYON, substituée par Me Guillaume BELLUC, avocat au barreau de LYON

INTIMEE

SA PROVENCE TOMATES,

[Adresse 2]

représentée et plaidant par Me Patrice PASCAL, avocat au barreau de TARASCON

*-*-*-*-*

COMPOSITION DE LA COUR

L'affaire a été débattue le 13 Septembre 2016 en audience publique. Conformément à l'article 785 du Code de Procédure Civile, Monsieur Jean-François BANCAL, Président, a fait un rapport oral de l'affaire à l'audience avant les plaidoiries.

La Cour était composée de :

M. Jean-François BANCAL, Président (rédacteur)

Mme Patricia TOURNIER, Conseillère

Mme Sophie LEYDIER, Conseillère

qui en ont délibéré.

Greffier lors des débats : Mme Josiane BOMEA.

Les parties ont été avisées que le prononcé de la décision aurait lieu par mise à disposition au greffe le 17 Novembre 2016

ARRÊT

Contradictoire,

Prononcé par mise à disposition au greffe le 17 Novembre 2016,

Signé par M. Jean-François BANCAL, Président et Mme Josiane BOMEA, greffier auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

***

Vu le contrat de construction conclu le 2.11.2008 entre la S.A. TOMATOLAND, actuellement dénommée PROVENCE TOMATES, en qualité de maître de l'ouvrage, et la S.A.S. A.P.R.C. en qualité d'entreprise générale, concernant l'édification à [Localité 1] ( Bouches du Rhône) d'un bâtiment à usage industriel pour la transformation de tomates en divers produits : sauce, pulpe, concentré etc,

Vu les demandes en paiement de l'entreprise au titre d'un solde de travaux auxquelles le maître de l'ouvrage s'est opposé,

Vu la désignation de l'expert [T] [O] par ordonnance de référé du président du tribunal de commerce de Tarascon rendue le 26.3.2010,

Vu l'ordonnance du juge chargé du contrôle des mesures d'instruction au tribunal de commerce de Tarascon rendue le 24.1.2012, par laquelle, après avoir constaté que la S.A. PROVENCE TOMATES n'avait pas consigné dans le délai imparti la provision complémentaire de 74000€ à valoir sur la rémunération de l'expert, a ordonné à l'expert de déposer son rapport en l'état,

Vu le 'rapport en l'état' de l'expert [T] [O] du 27.3.2012,

Vu le jugement rendu le 20.10.2014 par lequel le tribunal de commerce de Tarascon a :

' constaté la validité du rapport d'expertise « en l'état » de Monsieur [T] [O],

' condamné la société Provence Tomates à payer à la société APRC la somme de 46'524,61 € TTC au titre d'un solde de travaux

' fixé la réception judiciaire de l'ouvrage à la date du jugement,

' condamné la société APRC à remettre la société Provence Tomates, sous astreinte de 100 € par jour de retard à compter de la signification du jugement, la police responsabilité décennale ainsi qu'une attestation d'assurance décennale au jour de l'ouverture du chantier pour elle-même et pour chacun de ces sous traitants,

' débouté les parties de leurs autres demandes,

' ordonné l'exécution provisoire,

' dit que les dépens y compris les frais d'expertise seront supportés par moitié par chacune des parties,

Vu l'appel interjeté le 19 novembre 2014 par la S.A. A.P.R.C. ,

Vu les conclusions de la S.A. A.P.R.C. avec bordereau de communication de pièces signifiées par le R.P.V.A. le 29 mai 2015,

Vu les conclusions de la S.A. PROVENCE TOMATES avec bordereau de communication de pièces signifiées par le R.P.V.A. le 29 juin 2015,

Vu l'ordonnance de clôture rendue le 30 août 2016,

MOTIFS DE LA DÉCISION

Sur le 'rapport en l'état' de l'expert [T] [O] :

L'article 175 du code de procédure civile énonce : « la nullité des décisions et actes d'exécution relatifs aux mesures d'instruction est soumise aux dispositions qui régissent la nullité des actes de procédure ».

En conséquence, en application de ce texte et des articles 112 et suivants du code de procédure civile, la nullité d'un rapport d'expertise ne peut être prononcée qu'à charge pour celui qui l'invoque de prouver le grief que lui cause l'irrégularité.

En l'espèce, il résulte des explications des parties, des pièces communiquées par elles par bordereaux, et notamment de la lecture attentive du rapport en l'état de l'expert commis et de ses annexes :

que le technicien [T] [O] a été commis par ordonnance du président du tribunal de commerce de Tarascon rendue le 26 mars 2010,

qu'une provision à valoir sur sa rémunération d'un montant de 3000 € a été consignée par la société Provence Tomates,

qu'une seule réunion a été tenue par l'expert le 22 juin 2010, objet d'un procès-verbal d'accédit établi le lendemain, 23 juin 2010 (annexe 1),

qu'après cette réunion, les parties ont adressé plusieurs dires à l'expert,

que par ordonnance du 29 mars 2011, le juge du tribunal de commerce de Tarascon chargé du contrôle des mesures d'instruction a, à la requête de l'expert, enjoint à la société APRC d'avoir à lui communiquer la décomposition détaillée du prix global et forfaitaire,

que par ordonnance du 16 mai 2011, faisant suite à une requête en rétractation de cette dernière société, ce magistrat a dit n'y avoir lieu à rétracter sa précédente ordonnance, et a précisé que, faute pour la société concernée de fournir le document en question sous huitaine, l'expert judiciaire aura pour mission de refaire l'entier métré des travaux litigieux, de les quantifier, de chiffrer le montant des travaux initialement prévus d'une part et le montant des travaux effectivement réalisés, d'autre part,

Que par ordonnance du 25 août 2011, faisant suite à une demande de l'expert, le magistrat chargé du contrôle des mesures d'instruction a ordonné à la société Provence Tomates de consigner une provision complémentaire de 74'000 € à valoir sur la rémunération de l'expert,

Que cette société n'a pas consigné cette somme,

Que par ordonnance du 24 janvier 2012, le juge du tribunal de commerce de Tarascon, chargé du contrôle des mesures d'instruction, constatait la carence de la partie chargée de consigner la provision complémentaire et ordonnait à l'expert de déposer son rapport en l'état,

Que l'expert commis clôturait son rapport le 27 mars 2012 et le déposait au greffe du tribunal de commerce de Tarascon,

que ce rapport comporte :

' des « réponses aux questions posées par le tribunal » (pages 8 à 11) avec une proposition d'apurement des comptes entre parties selon laquelle il resterait dû par le maître de l'ouvrage une somme de 46'524,61 € TTC,

' des « réponses aux dires » (pages 12 et 13),

' des « conclusions » (page 14),

Que ces réponses et conclusions n'ont nullement été soumises aux parties avant que le rapport ne soit déposé, parties qui n'avaient pas été réunies par l'expert depuis le 22 juin 2010,

Qu'après dépôt de ce rapport, par ordonnance du 28 mars 2012, le juge du tribunal de commerce de Tarascon chargé du contrôle des mesures d'instruction a taxé les honoraires de l'expert à la somme de 17'773,49 € TTC, autorisé la remise à l'expert de la somme de 3000 €, précédemment consignée, et ordonné à la société Provence Tomates de verser à l'expert une somme complémentaire de 14'773,49 €.

La société Provence Tomates demande d'écarter le rapport de l'expert en invoquant sa nullité pour trois raisons :

' n'avoir pas respecté les termes de l'ordonnance du 24 janvier 2012 lui ordonnant de déposer son rapport en l'état,

' avoir violé le dernier alinéa de l'article 238 du Code de procédure civile qui dispose que le technicien ne doit jamais porter d'appréciations d'ordre juridique,

' n'avoir pas respecté le principe du contradictoire par la rédaction d'un rapport sans laisser préalablement aux parties le soin de formuler leurs observations.

S'il est exact qu'en application de l'article 238 du code de procédure civile, le technicien commis ne doit jamais porter d'appréciations d'ordre juridique, l'inobservation de cette disposition n'est pas sanctionnée par la nullité.

Par contre, alors que l'expert doit procéder à ses diligences de façon contradictoire et donc permettre à chacune des parties à l'expertise de faire valoir ses observations, qu'il doit soumettre aux parties le résultat des investigations techniques auxquelles il a procédé hors leur présence, afin de leur permettre d'être éventuellement à même d'en débattre contradictoirement avant le dépôt de son rapport, il ressort du déroulement de l'expertise qu'après une seule réunion des parties le 22 juin 2010, l'expert ne les a plus réunies avant de clôturer son rapport le 27 mars 2012, et qu'à aucun moment, il ne leur a communiqué le contenu et le résultat des investigations techniques auxquelles il a procédé hors leur présence, tels qu'ils figurent dans son rapport.

Il convient d'ailleurs de relever que mis en demeure, par ordonnance du 24 janvier 2012, d'avoir à déposer « en l'état » son rapport, l'expert a mis deux mois à s'exécuter, en établissant un rapport étoffé, comme indiqué précédemment, auquel était jointe une note de frais et honoraires d'un montant significatif : 17'773,49 € TTC.

Il est donc établi que le technicien commis a procédé à des diligences techniques hors la présence des parties, sans les leur soumettre, afin de leur permettre d'être éventuellement à même d'en débattre contradictoirement avant le dépôt de son rapport.

Ce faisant, il n'a pas respecté le principe du contradictoire.

Alors que ce rapport comportait un certain nombre de dispositions relatives à la qualification du marché et au montant des sommes qui resteraient dues par le maître de l'ouvrage, que le maître de l'ouvrage n'a pas été à même de faire valoir son point de vue avant dépôt du rapport, que le premier juge a purement et simplement entériné ces dispositions, la S.A. Provence Tomates justifie bien avoir subi un préjudice en raison de cette irrégularité.

Il convient donc de prononcer la nullité de ce rapport, le jugement déféré devant ici être réformé.

Sur le contrat et sa qualification: marché forfaitaire ou exigibilité de travaux supplémentaires:

Dans le contrat de construction daté du 4 novembre 2008, dont l'exemplaire produit ici en photocopie n'est signé que par l'entreprise générale, mais dont le maître de l'ouvrage ne conteste nullement l'application, plusieurs conditions suspensives étaient énoncées dont :

' la fourniture par le maître d'ouvrage de la garantie de paiement légale au profit de l'entreprise, dans un délai d'un mois après la signature du contrat,

' l'obtention du financement du maître d'ouvrage.

(article 3 du contrat)

Par lettre recommandée datée du 13 mars 2009 (pièce 1 de l'entreprise), la société APRC, rappelant que la situation de travaux du 17 février 2009 d'un montant de 850'000€ hors-taxes demeurait impayée, que la fourniture de la garantie de paiement constituait une condition suspensive du contrat, mettait en demeure le maître de l'ouvrage d'avoir à lui fournir la garantie de paiement de l'article 1799 ' 1 du Code civil et d'avoir à payer cette situation, en estimant, qu'à défaut de réalisation de la condition suspensive, « le contrat nous liant n'a donc jamais pris effet » .

S'il n'est pas contesté que le maître de l'ouvrage n'a pas fourni la garantie de paiement contractuellement prévue, il n'en demeure pas moins que, comme le révèle la lecture des différents courriers et mels échangés entre les parties, de procès-verbaux de chantier et de comptes rendus de réunion, les relations contractuelles des parties se sont poursuivies jusqu'à la prise de possession du bâtiment, sans donner lieu à signature d'un nouveau contrat de construction.

Ainsi, par mel du 20 mars 2009, le maître de l'ouvrage proposait à l'entreprise générale un échéancier de paiement, puis par mel du 27.3.2009, faisait part de ses propositions de règlement en demandant à l'entreprise de confirmer son accord et le passage des commandes pour les travaux à venir et le planning modifié (pièces 10 et 11 de l'entreprise).

Par ailleurs, s'il est exact qu'à l'article 6 du contrat concernant le prix des travaux figure la mention « le prix étant global, forfaitaire et non révisable », l'annexe 2 du contrat prévoit expressément la possibilité de travaux supplémentaires puisque y figure la phrase suivante « si des spécifications techniques du marché de base devaient être modifiées, celles-ci feront l'objet d'un avenant à ce contrat incluant le prix des travaux supplémentaires qui en découlent ».

Par la suite, le 20.2.2009, le maître de l'ouvrage a signé :

' un « Avenant n°1 au contrat de construction du 20 octobre 2008 » portant sur un montant de 84'597,93 € hors-taxes,

' un « Avenant n°2 au contrat de construction du 20 octobre 2008 » portant sur un montant de 68'321 € hors-taxes (photocopies comportant les signatures du maître de l'ouvrage en annexe du rapport d'expertise, photocopies des avenants sans signature, pièces 18 et 19 de l'entreprise).

Ces signatures ne sont pas contestées par le maître de l'ouvrage.

Par mail du 27 février 2009, l'entreprise a adressé au maître de l'ouvrage un « Avenant n°3 au contrat de construction du 20 octobre 2008 » portant sur un montant de 203'280€ hors-taxes concernant des « travaux supplémentaires nappe d'eau sur la STEP » (pièce 6 de l'entreprise).

Par mel du 27.3.2009, le maître de l'ouvrage acceptait de façon claire et non équivoque de régler des travaux supplémentaires puisqu'il écrivait :

« concernant les plus-values de 1'100'000 € (HT), nous sommes d'accord pour un règlement par traites avalisées sur 3 années qui vous seront remises aux plus tard le 31/05/2009 en échange d'une garantie de bonne exécution des travaux pour le 15/07/2009 ».

Le maître de l'ouvrage a signé 11 devis de travaux supplémentaires établis le 27.5.2009 par l'entreprise pour un montant total de 414.832,66€ (pièce 16 de l'entreprise).

Enfin, par une attestation explicite du 27.7.2009, le maître de l'ouvrage acceptait de régler l'intégralité des factures de travaux supplémentaires, dans les termes suivants :

« Je soussigné [G] [U], PDG de TOMATOLAND S.A., certifie par la présente que la société TOMATOLAND S.A. s'engage à régler l'intégralité des factures APRC de travaux supplémentaires que nous vous avons confirmé (s) à la condition suspensive suivante : levée de l'ensemble des réserves sur le chantier de notre usine de [Localité 1]».( Pièce 20 de l'entreprise).

Les relations contractuelles étaient donc régies tant par le contrat initial, que par divers avenants et devis de travaux supplémentaires acceptés par le maître de l'ouvrage.

Alors qu'en vertu de l'article 1156 du Code civil « on doit dans les conventions rechercher quelle a été la commune intention des parties contractantes, plutôt que de s'arrêter au sens littéral des termes », que les travaux initialement prévus ont été modifiés en raison de demandes d'entreprises extérieures intervenant dans le 'process' de la production, comme des demandes du maître de l'ouvrage, que la S.A. PROVENCE TOMATES a accepté de façon expresse et non équivoque les travaux supplémentaires effectués par l'entreprise, elle ne peut invoquer utilement le caractère prétendument forfaitaire du marché conclu par elle pour échapper aux demandes en paiement de travaux supplémentaires.

Le jugement déféré doit donc être partiellement réformé en ce que les premiers juges ont considéré que le contrat liant les parties était un marché forfaitaire.

Sur la réception :

Si le premier juge a décidé de fixer la réception judiciaire de l'ouvrage à la date du jugement rendu par lui, il n'a nullement motivé sa décision, puisqu'il a procédé par une simple affirmation: « attendu qu'il y a lieu de fixer judiciairement la réception d'ouvrage à la date du présent jugement ».

Alors qu'il n'a pas été établi de procès-verbal de réception de l'ouvrage, qu'il n'est nullement fait état d'une réception tacite, l'entreprise générale demande de prononcer la réception judiciaire au 19 août 2009, en indiquant que le maître de l'ouvrage a pris possession de l'ouvrage, qu'il a pu mener normalement sa campagne 2009 grâce à son nouvel outil de production, qu'il y a eu des opérations préalables à la réception organisées les 29 juillet, 5 août et 19 août 2009, mais que « la société Provence Tomates n'a pas entendu, compte tenu de la stratégie dilatoire qu'elle a adoptée, prononcer la réception de l'ouvrage » .

En l'espèce, alors qu'au cours de l'été 2009, le maître de l'ouvrage a pris possession de l'ouvrage, de façon non équivoque, puisqu'il ne conteste pas avoir commencé dès cette période sa campagne de production après avoir réglé des sommes fort importantes à l'entreprise, pour un montant qu'il estime aujourd'hui dépasser le montant des travaux exécutés, que des réunions se sont tenues à plusieurs reprises : le 29.7.2009 en vue d'une réception définitive prévue pour le 5.8.2009, (pièce 37 de l'entreprise), le 19.8.2009 (pièce 39), enfin, les 16.10.2009 (pièce 40) et 4.11.2009 (pièce 41) pour la levée des réserves, qu'il en résulte qu'au 19.8.2009 l'ouvrage était en état d'être reçu, que c'est donc de façon abusive que le maître de l'ouvrage a refusé de recevoir l'ouvrage, même avec réserves, alors que la production avait démarré dans le bâtiment construit, qu'il avait donc accepté l'ouvrage de façon claire et non équivoque, il convient de prononcer la réception judiciaire au 19.8.2009.

Sur les comptes entre parties :

Aucune preuve de malfaçons ou désordres concernant l'ouvrage réalisé par l'entreprise n'est actuellement rapportée par le maître de l'ouvrage qui ne produit qu'un procès-verbal de constat d'huissier du 26.3.2015 concernant la clôture, établi plusieurs années après la fin du chantier.

Il ne verse aucune pièce postérieure aux différents procès-verbaux des réunions de fin de chantier évoquées précédemment.

Si, dans ses écritures, il évoque un procès-verbal de constat d'huissier du 20.11.2009 qui aurait été établi à sa demande, il ne le produit pas, ce document ne figurant pas sur son bordereau de communication de pièces.

L'entreprise demande la condamnation du maître de l'ouvrage à lui payer le coût de travaux supplémentaires pour une somme de 1'107'189,18 € TTC, alors que ce dernier qui estime avoir trop payé réclame la condamnation de l'entreprise à lui verser un 'trop perçu' de 1'039'667,57€ TTC, sollicitant à titre subsidiaire une expertise et une provision de 950'000€.

Alors que les parties sont contraires, chacune se prétendant créancière de l'autre, que la précédente expertise n'a pas été menée à son terme, que le rapport déposé par le technicien commis est annulé, qu'il est nécessaire de procéder d'abord à des investigations techniques relativement à la comptabilité du chantier portant notamment sur le montant des travaux réellement effectuées, les moins values susceptibles de s'appliquer en raison de travaux inexécutés, les 'plus values' concernant des travaux supplémentaires, que la cour n'est donc pas en mesure de statuer, il convient d'ordonner une nouvelle expertise confiée à un économiste de la construction dans les conditions précisées au dispositif.

L'entreprise étant demandeur en paiement d'un solde de travaux devra consigner la provision à valoir sur la rémunération de l'expert.

Le maître de l'ouvrage ne justifiant pas, en l'état, de la créance qu'il invoque doit être débouté de sa demande de provision.

PAR CES MOTIFS

LA COUR :

Statuant publiquement,

Contradictoirement,

1°/ sur la demande de production de pièces concernant la S.A.S. APRC :

CONFIRME le jugement déféré,

2°/ sur la qualification du marché de travaux liant la S.A. TOMATOLAND, actuellement dénommée PROVENCE TOMATES, en qualité de maître de l'ouvrage, et la S.A.S. A.P.R.C. en qualité d'entreprise générale et l'exigibilité de travaux supplémentaires :

REFORME le jugement déféré en ce que les premiers juges ont estimé qu'il s'agissait d'un marché forfaitaire,

STATUANT A NOUVEAU,

DIT que le marché de travaux liant la S.A. TOMATOLAND, actuellement dénommée PROVENCE TOMATES, en qualité de maître de l'ouvrage, et la S.A.S. A.P.R.C. en qualité d'entreprise générale pour l'édification d'un bâtiment industriel à TARASCON n'est pas un marché forfaitaire et qu'en conséquence les sommes correspondant au coût des travaux supplémentaires commandés et approuvés par la S.A. PROVENCE TOMATES sont dues par cette société,

3°/ sur la régularité de l'expertise de [T] [O] :

REFORME le jugement déféré en ce que les premiers juges ont constaté la validité du rapport d'expertise « en l'état » de Monsieur [T] [O],

STATUANT A NOUVEAU,

ANNULE le rapport d'expertise « en l'état » de Monsieur [T] [O] clôturé le 27.3.2012,

4°/ sur la réception judiciaire :

CONFIRME partiellement le jugement déféré en ce que les premiers juges ont prononcé la réception judiciaire mais le REFORME en ce qu'ils ont fixé cette réception à la date du jugement rendu,

STATUANT A NOUVEAU,

PRONONCE la réception judiciaire au 19.8.2009,

5°/ sur les autres demandes :

AVANT DIRE DROIT AU FOND,

ORDONNE une expertise,

COMMET pour y procéder :

[R] [I] ,

expert inscrit sur la liste des experts de la Cour d'appel d'Aix-en-Provence

[Adresse 3]

[Localité 2]

Avec pour mission, après s'être fait communiquer toutes pièces utiles, avoir convoqué les parties et recueilli les explications des personnes dont l'audition paraît utile à la mission expertale :

Compte tenu des pièces produites et notamment du contrat initial de construction, des avenants et accords pour des travaux supplémentaires, des solutions dégagées par le présent arrêt concernant notamment l'exigibilité des travaux supplémentaires et l'absence de démonstration de désordres ou malfaçons, proposer un apurement des comptes entre parties relativement aux travaux d'édification d'un bâtiment industriel à [Localité 1] confiés par la S.A PROVENCE TOMATES à la S.A.S. A.P.R.C.

Dit que l'expert accomplira sa mission conformément aux dispositions des articles 273 à 283 du Code de Procédure Civile ;

Dit qu'au terme de ses opérations il communiquera ses premières conclusions écrites aux parties en les invitant à présenter leurs observations dans le délai d'un mois ;

Fixe à la somme de 8000€ le montant de la consignation à valoir sur la rémunération de l'expert qui devra être consignée par la S.A.S. A.P.R.C. entre les mains du Régisseur d'Avances et de Recettes de la Cour, avant le 15.3.2017

Dit qu'à défaut de consignation à l'expiration de ce délai, la désignation de l'expert sera caduque et privée de tout effet ;

Dit que, lors de la première réunion ou au plus tard de la deuxième réunion des parties, l'expert dressera un programme de ses investigations et évaluera d'une manière aussi précise que possible le montant prévisible de ses honoraires et de ses débours ;

Dit qu'à l'issue de cette réunion, l'expert fera connaître au juge et aux parties la somme globale qui lui paraît nécessaire pour garantir, en totalité, le recouvrement de ses honoraires et de ses débours et solliciter, le cas échéant, le versement d'une consignation complémentaire ;

Dit que l'expert déposera au Greffe un rapport écrit de ses opérations dans le délai de 10 MOIS, à compter de sa saisine et en fera tenir copie à chacune des parties ;

Désigne Jean-François BANCAL, président de chambre, à défaut Patricia TOURNIER, conseiller, comme magistrat chargé du contrôle pour surveiller les opérations d'expertise à qui il devra en être référé en cas de difficulté ;

Dit qu'en cas de refus ou d'empêchement, l'expert commis sera remplacé sur simple requête ;

Dit que l'affaire sera rappelée à la mise en état du jeudi 6 avril 2017 à10H15 - [Adresse 4].

Réserve les dépens.

LA GREFFIÈRELE PRÉSIDENT


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel d'Aix-en-Provence
Formation : 3e chambre b
Numéro d'arrêt : 14/21859
Date de la décision : 17/11/2016

Références :

Cour d'appel d'Aix-en-Provence 3B, arrêt n°14/21859 : Expertise


Origine de la décision
Date de l'import : 27/03/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2016-11-17;14.21859 ?
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