COUR D'APPEL D'AIX-EN-PROVENCE
11e Chambre A
ARRÊT AU FOND
DU 15 NOVEMBRE 2016
N° 2016/ 524
Rôle N° 15/16484
SARL LE CAP D'AIL
C/
[U] [N]
[M] [N] née [I]
Grosse délivrée
le :
à :
Me René SCHILEO
Me Yves BRUGIERE
Décision déférée à la Cour :
Jugement du Tribunal d'Instance de MENTON en date du 21 Juillet 2015 enregistré au répertoire général sous le n° 13-000578.
APPELANTE
SARL LE CAP D'AIL, demeurant [Adresse 1]
représentée par Me René SCHILEO, avocat au barreau de NICE, plaidant
INTIMES
Monsieur [U] [N]
né le [Date naissance 1] 1933 à [Localité 1], demeurant [Adresse 2]
représenté par Me Yves BRUGIERE, avocat au barreau de NICE, plaidant
Madame [M] [N] née [I], demeurant [Adresse 2]
représentée par Me Yves BRUGIERE, avocat au barreau de NICE, plaidant
*-*-*-*-*
COMPOSITION DE LA COUR
L'affaire a été débattue le 05 Octobre 2016 en audience publique. Conformément à l'article 785 du Code de Procédure Civile, Véronique BEBON, Présidente, a fait un rapport oral de l'affaire à l'audience avant les plaidoiries.
La Cour était composée de :
Mme Véronique BEBON, Présidente
Madame Frédérique BRUEL, Conseillère
Madame Sylvie PEREZ, Conseillère
qui en ont délibéré.
Greffier lors des débats : Mme Natacha BARBE.
Les parties ont été avisées que le prononcé de la décision aurait lieu par mise à disposition au greffe le 15 novembre 2016.
ARRÊT
Contradictoire,
Prononcé par mise à disposition au greffe le 15 Novembre 2016,
Signé par Mme Véronique BEBON, Présidente et Mme Natacha BARBE, greffier auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.
***
EXPOSÉ DU LITIGE
Suivant acte authentique du 14 avril 1997, la S.A devenue S.A.R.L. "le Cap d'Ail" prise en la personne de son représentant légal [V] [A] a acquis de Me [Z], mandataire liquidateur des biens de Madame [M] [N] et, parmi d'autres biens immobiliers de l'ensemble immobilier dénommé "[Adresse 3]" sis à [Adresse 2], la pleine propriété des lots n° 117 (un studio),118 (un appartement), 46, 47 et 31 (emplacements de parkings) dépendant de la communauté de biens existant entre les époux [N] occupants de ces lots, moyennant un prix de 500.000 Francs.
L'acte de vente indiquait en page 14 que "l'acquéreur sera propriétaire des biens vendus par le seul fait des présentes à compter de ce jour" et qu'en ce qui concernait l'entrée en jouissance des lots dépendant de "[Adresse 3]" "l'acquéreur fera son affaire à l'entière décharge du vendeur de la présence dans les lieux de Monsieur et Madame [N] dont ces lots constituent la résidence principale" ;
Par acte sous seing privé du même jour, la société Le Cap d'Ail vendait les dits lots 117, 118,47 et 31 de l'immeuble [Adresse 3] à [W] [L] [S] [N] et à son épouse [N] [Y] (fils et bru des époux [N]) dans la proportion de moitié indivise pour chacun des époux pour le prix de 500.000 Frs, payable sur leurs deniers personnels comptant en totalité sans intérêts ni indexation au plus tard le jour de la signature de l'acte authentique réitératif impérativement dans le délai de deux ans, les modalités de la réitération ayant été portées par mention manuscrite, "comme condition essentielle des présentes, sans laquelle les parties n'auraient point contracté'.
Les parties sont restées en l'état sans qu'une réitération de l'acte authentique ne soit intervenue.
La société Cap d'ail a mis en demeure les époux [N] de quitter les lieux le 26 février 2010 à la fin du mois suivant au motif qu'ils seraient occupants sans droit ni titre.
Par jugement en date du 21 juillet 2015, le tribunal d'instance de Menton l'a déboutée de ses demandes d'expulsion et condamnée à payer aux époux [N] la somme de 850 € en application de l'article 700 du code de procédure civile.
La S.A.R.L le Cap d'Ail a relevé appel de cette décision le 15 septembre 2015.
Dans ses dernières conclusions en date du 16 septembre 2016 auxquelles il est fait expressément référence pour plus ample exposé, la S.A.R.L le Cap d'Ail demande à la cour de :
- infirmer en toutes ses dispositions le jugement rendu,
- principalement,
- dire et juger que les époux [N] n'apportent pas la preuve de l'existence d'un prêt à usage ou commodat conclu avec la société CAP d'AIL portant sur les lots n°l17, 118, 46,47 et 31 dépendants du bâtiment A de l'immeuble dénommé [Adresse 3], sis à [Localité 2],
- constater que par courrier en date du 26 février 2010, les époux [N] ont été mis en demeure de quitter les lieux pour fin mars 2010,
- constater qu'ils s'y sont maintenus depuis cette date :
- dire et juger que les époux [N] sont occupants sans droit ni titre,
- ordonner leur expulsion immédiate et sans délai des lieux occupés au besoin avec le concours de la force publique, ainsi que celle de tous occupants de leur chef ;
subsidiairement,
dans la seule hypothèse où la Cour retiendrait que leur occupation s'est effectuée en vertu d'un prêt à usage,
- dire et juger que ce prêt est venu à terme au jour de l'expiration du délai de réitération par acte authentique de l'ASSP du 14 avril 1997, soit à la date du 14 avril 1999 ;
Par voie de conséquence,
- dire et juger que les époux [N] sont occupants sans droit ni titre depuis cette date
Vu la mise en demeure de quitter les lieux du 26 février 2010 restée infructueuse ;
- ordonner leur expulsion pure et simple, immédiate et sans délai, des lieux occupés ainsi que celle de tous occupants de leur chef au besoin avec le concours de la Force Publique
en toute hypothèse,
- les condamner au paiement d'une indemnité d'occupation mensuelle d'un montant de 2500 euros prenant effet à compter du 1 er jour du mois suivant le prononcé de la présente décision et ce jusqu'à leur départ effectif des lieux;
- les condamner au paiement de la somme de 3.500 euros du chef des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile ainsi qu'aux dépens de première Instance et d'appel.
Dans leurs dernières conclusions en date du 19 septembre 2016 auxquelles il est fait expressément référence pour plus ample exposé, Monsieur et Madame [U] [N] demandent à la cour de :
- ordonner un sursis à statuer dans l'attente de l'issue de la procédure en vente forcée engagée relativement aux biens en litige à l'encontre de la S.A.R.L. LE CAP D'AIL par M. et Mme [W] [N] devant le Tribunal de grande instance de NICE suivant assignation du 9 juin 2016,
A défaut,
- confirmer la décision entreprise.
- débouter la S.A.R.L. LE CAP D'AIL de l'ensemble de ses demandes,
- la condamner à verser à M. et Mme [U] [N] la somme de 2.500 euros sur le fondement des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile,
- condamner la S.A.R.L. LE CAP D'AIL aux entiers dépens.
MOTIFS DE LA DÉCISION
- Sur le sursis à statuer
Aucune des parties ne conteste la qualité à agir de la société cap d'ail en tant que propriétaire des lieux, le transfert de propriété au profit des enfants [N] étant retardé entre acheteur et vendeur selon les termes de l'acte consenti à leur profit au jour de la signature de l'acte authentique 'qui devra être signé dans un délai de deux ans de ce jour'.
Dans ces conditions, il n'y a pas lieu de surseoir à statuer sur le sort de cet acte signé au profit des enfants [N], lequel aux termes de ses clauses ne confère aucun droit à leurs parents.
- Sur le prêt à usage
Les époux [N] tirent leur droit d'occupation de l'acte d'acquisition de la société Cap d'Ail du 14 avril 1997, lequel indique que ' l'acquéreur fera son affaire à l'entière décharge du vendeur de la présence dans les lieux de Monsieur et Madame [U] [N] dont ces lots constituent la résidence principale" .
Pour se maintenir dans les lieux en dépit de la mise en demeure qui leur a été faite de les libérer, les époux soutiennent qu'ils occupent les lieux en vertu d'un prêt à usage que leur aurait consenti la société le Cap d'Ail dans l'acte d'achat du fait de l'engagement pris par leur fils et belle fille d'acquérir les lieux suivant l'acte sous seing privé signé le même jour.
Cependant, la volonté de la SA CAP D'AIL de consentir un prêt à usage au bénéfice des époux [N] ne ressort d'aucun élément écrit des actes souscrits le 14 avril 1997, la simple durée de l'occupation n'étant pas à elle seule la preuve suffisante de la volonté des parties en l'absence d'éléments de proximité susceptibles de les dispenser du recours de l'écrit contraire ou différent des actes signés exigé par les articles 1341 et 1347 du code civil pour la mise à disposition d'un bien dont la valeur était estimé à 500 000 francs.
Il en résulte que le droit d'occupation des époux [N] ne constituait qu'une simple tolérance pendant le délai prévu pour l'achat de l'appartement par leurs enfants fixé au plus tard au 14 avril 1999.
Même à supposer que la mise à disposition gratuite du logement pendant les dix années suivantes, détachées cette fois de toute connexion contractuelle,au delà du 14 avril 1999, puisse être qualifiée de prêt à usage en raison de la durée de l'occupation et de l'acquittement des charges de copropriété par les époux [N] à la suite des appels de fonds adressés par le syndic indifféremment à la société le cap d'ail ou à Monsieur [N], ce prêt à usage aurait été alors en tout état de cause convenu sans terme et les propriétaires pouvait donc y mettre fin à tout moment en respectant un délai raisonnable.
Les époux [N] ne peuvent soutenir que ce prêt à usage leur aurait été consenti à titre viager, dès lors qu'il résulte du courrier de Maître [S] Notaire qu'en début d'année 2001 ils avaient au contraire tenté une démarche auprès de la société le cap d'ail pour racheter leur propre appartement avec les fonds issus de la reddition des comptes de la liquidation, ce qui contredit la thèse d'une mise à disposition gratuite du bien leur vie durant.
Le délai raisonnable pour quitter les lieux suite à la mise en demeure du 26 février 2010 était largement dépassé au jour de l'assignation du 14 octobre 2013.
L'expulsion de Monsieur et Madame [N] sera donc ordonnée par infirmation du jugement entrepris.
L'indemnité d'occupation mensuelle sera fixée à 2.500€ comme correspondant à la valeur locative du bien en non contredite par la partie adverse et sera payable, ainsi que le demande l'appelante à compter du premier jour du mois suivant la date de la signification du présent arrêt.
Les dépens seront laissés à la charge des époux [N], parties perdantes.
Ils seront condamnés en poutre à payer une somme de 2.500€ sur le fondement des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile.
PAR CES MOTIFS
LA COUR, statuant publiquement, par décision contradictoire, après en avoir délibéré,
Infirme le jugement et statuant à nouveau,
Constate que Monsieur [U] [N] et Madame [M] [I] épouse [N] sont occupants sans droit ni titre au delà du 26 février 2010,
Ordonne leur expulsion ainsi que tous occupants de leur chef et de leur mobilier avec le concours le cas échéant de la force publique, à défaut de libération volontaire des lieux dans un délai de deux mois à compter de ce jour,
Les condamne solidairement à verser une indemnité d'occupation mensuelle de 2.500€ à compter du premier jour du mois suivant la signification du présent arrêt et ce jusqu'à leur départ effectif,
Les condamne in solidum à payer à la S.A.R.L Le Cap d'Ail la somme de 2.500€ au titre des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile,
Les condamne in solidum aux dépens de première instance et d'appel.
LA GREFFIÈRE, LA PRÉSIDENTE,