COUR D'APPEL D'AIX-EN-PROVENCE
11e Chambre B
ARRÊT AU FOND
DU 10 NOVEMBRE 2016
N° 2016/462
Rôle N° 15/20931
SARL ELYDRO.C
C/
SA SOCIETE IMMOBILIERE DU LITTORAL
Grosse délivrée
le :
à :
SCP BADIE
ME BERGER GENTIL
Décision déférée à la Cour :
Jugement du Tribunal de Grande Instance de MARSEILLE en date du 27 Mai 2014 enregistré au répertoire général sous le n° 11/03173.
APPELANTE
SARL ELYDRO.C Inscrite au RCS de Marseille sous le n°B329.724.611, pris en la personne de son représentant légal en exercice domicilié en cette qualité audit siège, demeurant [Adresse 1]
représentée par Me Sébastien BADIE de la SCP BADIE SIMON-THIBAUD JUSTON, avocat au barreau d'AIX-EN-PROVENCE
et assisté par Me Geneviève MAILLET de la SELARL SELARL MAILLET-DOSSETTO, avocat au barreau de MARSEILLE substituée par Me Michel DOSSETTO, avocat au barreau de MARSEILLE, plaidant
INTIMEE
SA SOCIETE IMMOBILIERE DU LITTORAL, demeurant [Adresse 1]
représentée par Me Blandine BERGER-GENTIL, avocat au barreau de MARSEILLE plaidant
*-*-*-*-*
COMPOSITION DE LA COUR
L'affaire a été débattue le 04 Octobre 2016 en audience publique. Conformément à l'article 785 du Code de Procédure Civile, Brigitte PELTIER, Conseiller, a fait un rapport oral de l'affaire à l'audience avant les plaidoiries.
La Cour était composée de :
Madame Catherine KONSTANTINOVITCH, Présidente
Mme Brigitte PELTIER, Conseiller
Mme Sylvie PEREZ, Conseiller
qui en ont délibéré.
Greffier lors des débats : Mme Anaïs ROMINGER.
Les parties ont été avisées que le prononcé de la décision aurait lieu par mise à disposition au greffe le 10 Novembre 2016
ARRÊT
Contradictoire,
Prononcé par mise à disposition au greffe le 10 Novembre 2016,
Signé par Madame Catherine KONSTANTINOVITCH, Présidente et Mme Anaïs ROMINGER, greffier auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.
***
Par acte du 26 juin1996, la société Immobilière du Littoral a donné à bail commercial à la société ELYDRO.C, avec effet au 1er octobre 1995, un 'hangar de 350 m2 dénommé ex ateliers de gréage', situé [Adresse 1] moyennant un prix annuel de 47 920 francs.
Lui reprochant d'utiliser une parcelle contiguë non incluse au bail, et d'avoir effectué des transformations non autorisées, la Société Immobilière du Littoral a fait assigner, par acte du 14 février 2011, la société ELYDRO.C à fin de voir constater l'acquisition, au 20 décembre 2010, de la clause résolutoire, ordonner l'expulsion de la société ELYDRO.C sous astreinte, et lui payer une indemnité d'occupation.
Par jugement du 27 mai 2014, le Tribunal de Grande Instance de Marseille l'a déboutée de sa demande de constatation de la résiliation du bail et a ordonné l'enlèvement des bungalows posés par la société ELYDRO.C sur les parties communes dans un délai d'un mois à compter de la signification du jugement sous astreinte de 150 € par jour de retard.
Se référant à la commune intention des parties, le premier juge a considéré que la Société Immobilière du Littoral avait donné à bail uniquement un hangar de 170 m2 et non pas un terrain de 350 m2 ; qu'il résultait d'un constat d'huissier établi le 12 avril 2012 que la société ELYDRO.C avait posé deux bungalows sur le terrain attenant au hangar loué, alors qu'elle ne disposait d'aucun titre l'autorisant à occuper ces parties du terrain ; que la pose de ces bungalows ne constituait pas des travaux dont la réalisation non autorisée était susceptible d'entraîner la résiliation du bail.
La société ELYDRO.C a relevé appel de cette décision.
Aux termes de ses dernières écritures en date du 29 septembre 2016, auxquelles il convient de se référer pour plus ample exposé, elle conclut à la confirmation du jugement déféré en ce qu'il a débouté la société Immobilière du Littoral de sa demande de constatation de la résiliation du bail ; à sa réformation en ce qu'il a jugé que la surface louée aux termes du bail du 26 juin 1996 est de 170 m2 et ordonné l'enlèvement des bungalows posés sur les parties communes ; au débouté adverse ; au paiement d'une somme de 50.000 euros de dommages et intérêts au titre du préjudice économique, 10.000 euros à titre de dommages et intérêts pour procédure abusive et 5.000 euros sur le fondement des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile outre entiers dépens.
Elle soutient que
- le bailleur est de mauvaise foi : qu'un désaccord persistant existe sur la superficie du hangar qui n'est que de 170 m2 selon le bailleur au lieu des 350 m2 portés au contrat de bail, ainsi facturés depuis 1996 ; que les bungalows sont donc installés sur une partie du terrain qu'elle loue ; que contrairement aux affirmations du premier juge, elle n'est pas restée silencieuse pendant 14 ans sur la question de la surface louée aux termes du bail ; que le bailleur a lui-même admis la surface louée en offrant de régulariser un avenant devant être considéré comme un aveu judiciaire ; qu'après avoir été qualifiés de parking, les terrains attenants, objets du litige, sont devenues dans ses écritures des parties communes ; qu'elle conteste l'authenticité de la facture relative à l'enlèvement du chenil ;
- la clause « travaux Transformation » n'est pas applicable : que les « travaux » dont le bailleur fait état pour solliciter la résolution du bail ont constitué en la pose de deux bungalows, qui sont des constructions légères, non scellées, amovibles, de type baraque de chantier ALGECO, installés sur la parcelle de terrain qui lui est louée ; qu'elle s'est limitée à retirer une des plaques de tôle du hangar ; qu'ainsi cette installation, qui ne peut être considérée comme des travaux ou transformations au sens de l'article IX du bail, ne nécessitait pas l'accord du bailleur ; qu'aucun manquement ne peut lui être reproché ; qu'à aucun moment, la solidité de la structure d'ensemble du hangar n'a été affectée ; qu'elle a procédé au retrait des 2 bungalows en exécution de la décision du juge de l'exécution du 3 septembre 2015 ; qu'elle n'a pas modifié la destination du hangar ;
- qu'il n'existe pas de faute de nature à justifier la résolution du bail ;
- qu'elle démontre les man'uvres du bailleur ; que le harcèlement du bailleur lui a causé un préjudice justifiant sa demande en paiement.
Aux termes de ses dernières écritures en date du 30 septembre 2016, auxquelles il convient de se référer pour plus ample exposé, l'intimée conclut à l'irrecevabilité des prétentions nouvelles de l'appelante à fin de paiement de dommages et intérêts au titre d'un prétendu préjudice économique ; la confirmation du jugement déféré en ce qu'il a considéré que la surface louée était limitée à celle du hangar d'une superficie de 170 m2 et en ce qu'il a condamné la société ELYDRO C à procéder à l'enlèvement des bungalows sous astreinte ; à sa réformation en ce qu'il l'a déboutée de sa demande en constatation de la résiliation du bail aux torts du locataire ; à la constatation de la résiliation et l'expulsion de la locataire ; au paiement d'une indemnité d'occupation de 1.500 euros jusqu'à complète libération ; au débouté adverse ; au paiement d'une somme de 10.000 euros à titre de dommages et intérêts pour résistance abusive outre 5.000 euros sur le fondement des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile outre entiers dépens, en ce compris le coût des constats d'huissier de justice.
Elle fait valoir que
- la prétention nouvelle est irrecevable, par application de l'article 564 du Code de procédure civile, s'agissant d'une demande n'ayant pas le même objet que celle formée en première instance ;
- seul un bâtiment désigné sous le vocable de « hangar », d'une superficie de 170 m2, était visé par le bail, à l'exclusion de toute parcelle de terrain contiguë audit hangar ; que la société ELYDRO.C, qui était sous locataire des locaux depuis 1986, les connaissait parfaitement ; que l'erreur de plume, mentionnée dans le bail et répétée dans de nombreux actes entre les parties demeure sans effet ; que la locataire a refusé toute rectification de cette erreur, que de surcroît, cette erreur est sans conséquence sur le présent litige ; que l'offre de régulariser un avenant au bail, ayant eu pour objet de mettre un terme au litige, ne peut être considérée comme un aveu judiciaire ;
- la locataire a procédé à une dé-spécialisation partielle irrégulière en modifiant la destination des lieux loués en violation manifeste du bail commercial en y transférant son siège social ;
- la locataire a effectué des transformations des lieux en édifiant deux bungalows à côté du hangar loué et en perçant le mur du hangar afin de créer un passage entre le dit hangar et ces nouveaux locaux, sans autorisation du bailleur ; qu'elle n'a pas déféré au commandement délivré; qu'il convient de mettre en jeu la clause résolutoire ; qu'aucun délai ne peut être accordé à la société ELYDRO.C pour régulariser la situation, en raison de sa mauvaise foi manifeste ; qu'elle a cessé de régler ses loyers et charges, générant de ce fait une importante dette locative irrécouvrable et a cessé toute activité dans le hangar donné à bail à compter du mois de Septembre 2015;
- les bungalows n'ont pas été enlevés, ce qu'elle a fait constater par procès-verbal d'huissier de justice en date du 29 septembre 2014, le juge de l'exécution ayant liquidé l'astreinte par jugement en date du 3 septembre 2015 à la somme de 36.000 euros en la portant à la somme de 300 euros par jour de retard à l'expiration du délai d'un mois suivant la date de signification de sa décision ;
- la demande en dommages et intérêts de la société ELYDRO.C, laquelle ne justifie pas d'un lien de causalité entre sa situation financière et les mauvaises relations entretenues avec elle, est infondée.
L'ordonnance de clôture est intervenue le 30 septembre 2016.
SUR CE
Sur la fin de non recevoir :
En application de l'article 564 du Code de procédure civile « A peine d'irrecevabilité relevée d'of'ce, les parties ne peuvent soumettre à la cour de nouvelles prétentions si ce n'est pour opposer compensation, faire écarter les prétentions adverses ou faire juger les questions nées de l'intervention d'un tiers, ou de la survenance ou de la révélation d'un fait. »
Si la société ELYDRO.C réclamait précédemment paiement de dommages et intérêts pour procédure abusive, il est constant qu'elle n'évoquait pas l'existence d'un préjudice économique imputable au bailleur ; l'intimé est en conséquence fondé à entendre déclarer irrecevable cette nouvelle prétention, formée la veille de la date de la clôture d'une procédure débutée en 2011 devant le premier juge.
Sur le fond :
Il est constant que le bail du 26 juin 1996, liant les parties, porte sur la location d'un « hangar de 350 m2 dénommé ex atelier de gréage », alors que cette structure ne couvre qu'une surface de 170 m2 ; il est également établi que la société ELYDRO.C occupait déjà les locaux depuis le 1er novembre 1986 en vertu du contrat de sous-location signé avec la société SOMOTRANS, locataire principale « de locaux d'ateliers et de garages », et que ce contrat de sous-location portait également sur la mise à disposition d'un « hangar d'une superficie de 350 m2 dénommé ex atelier de gréage et situé à l'intérieur des locaux précités » ; or, si la société ELYDRO.C reconnaît que ce n'est qu'à compter des années 2000 que les parties se sont opposées quant à la surface des lieux loués, elle n'établit pas avoir disposé antérieurement des terrains attenants au hangar, anciennement chenil du gardien du site (jusqu'en 2007 comme cela résulte des attestations produites aux débats) et ensuite loués comme parking au profit d'autres locataires commerciaux, ni avoir émis des protestations faute de pouvoir en disposer notamment du fait de la présence d'un chenil, observation devant être faite qu'elle ne prétend pas non plus que la superficie de 350 m2 incluant le hangar était matérialisée par la configuration des lieux ; le jugement déféré sera en conséquence confirmé en ce qu'il a déclaré injustifiée la revendication d'une superficie supérieure à celle du hangar, mentionnée au bail comme étant de 350 m2, au lieu de 170 m2, par suite d'une erreur purement matérielle, qui a été reproduite sur divers actes (offre de renouvellement) et documents (factures) ultérieurs ; dès lors, le jugement déféré sera également confirmé en ce qu'il a ordonné l'enlèvement des dits bungalows sous astreinte, peu important que la société ELYDRO.C ait ultérieurement à la condamnation prononcée par le juge de l'exécution procédé à l'enlèvement des bungalows et cessé son activité.
Par ailleurs, il est constant que le bail liant les parties prévoit en son article X une clause résolutoire aux termes de laquelle « Le BAILLEUR se réserve la possibilité de demander la résiliation judiciaire du bail fondée sur l'inexécution par le PRENEUR d'une de ses obligations contractuelles ou légales. / Les parties conviennent expressément qu'en cas de manquement par le PRENEUR à l'une quelconque de ses obligations qui sont toutes de rigueur (') le bail sera résilié de plein droit un mois après mise en demeure (') par exploit d'huissier restée sans effet : les conditions d'acquisition de la clause résolutoire seront constatées judiciairement et l'expulsion de PRENEUR devenu occupant sans droit, ni titre, ordonnée par le juge ».
Il ressort du procès-verbal de constat du 23 novembre 2007, régulièrement dénoncé à la société ELYDRO.C avec sommation d'avoir à libérer l'emplacement objet du constat, que cette dernière avait entreposé divers matériaux sur la bande de terrain attenante au hangar ; il ressort également du procès-verbal de constat du 8 mars 2010, que la société ELYDRO.C a ensuite posé contre le hangar, et sur l'emprise de cette parcelle, deux bungalows superposés et a procédé à une ouverture de la structure du hangar pour en permettre l'accès par incorporation au hangar ; il n'est pas contesté que la bailleur a notifié une première mise en demeure le 22 avril 2010 d'avoir à libérer cet espace, puis une sommation le 10 mai 2010 d'avoir à remettre les lieux en l'état, puis encore une troisième mise en demeure le 21 octobre 2010, avant qu'elle ne lui délivre un commandement en date du 9 novembre 2010, visant la clause résolutoire pour manquement à la clause « IX Conditions générales » aux termes de laquelle le preneur s'était engagé à « ne faire aucun changement, démolition, percement des murs ou cloisons, etc., sans le consentement préalable, exprès ou par écrit du bailleur ou de son mandataire » ; or, il n'est pas discuté que la société ELYDRO.C a procédé à des ouvertures dans la cloison du hangar afin de le relier aux bungalows déposés contre celui-ci ; si la société ELYDRO.C fait valoir que l'adjonction de containers ne présente pas de caractère de fixité, toutefois la solidité et la pérennité de la modification résulte des constats d'huissier de justice sus visés ainsi que des débats établissant que les bungalows équipés de fenêtres, superposés, ouverts sur le hangar doté d'un escalier, étaient utilisés à l'usage de vestiaire et de bureaux ; dès lors, le bailleur est fondé à entendre constater l'acquisition de la clause résolutoire visée au dit commandement, à effet du 9 décembre 2010, du fait de la réalisation, sans son consentement, de l'ouverture d'une partie des cloisons et de la modification de la structure de celui-ci par l'adjonction de deux containers métalliques, de surcroît déposés sur une parcelle non comprise dans le bail ; le jugement déféré sera en conséquence réformé de ce chef sans qu'il n'y ait lieu d'ordonner l'expulsion puisqu'il résulte des débats que la société ELYDRO.C a définitivement quitté les lieux au mois de septembre 2015 ; il convient en revanche de fixer l'indemnité d'occupation jusqu'à cette date au montant du loyer contractuel outre charges.
En l'état de l'erreur matérielle dans la rédaction du bail, la demande en dommages et intérêts pour résistance abusive formée par l'intimé n'est pas justifiée ; le jugement déféré sera confirmé en ce qu'il a rejeté cette demande par des motifs exacts et au terme d'une juste appréciation des faits de la cause.
Enfin, les dépens ainsi qu'une somme de 1.500 euros sur le fondement des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile, seront mis à la charge de l'appelant qui succombe et sera débouté de sa demande non fondée formée à titre de dommages et intérêts pour procédure abusive ; en revanche, alors que la contestation ne portait pas sur les éléments constatés aux termes des procès-verbaux de constats dressés, il n'y a pas lieu d'inclure ceux-ci dans les dépens.
PAR CES MOTIFS
La cour, statuant publiquement, contradictoirement
Déclare irrecevable la demande nouvelle formée par la société ELYDRO.C à titre de dommages et intérêts pour préjudice économique.
Réforme le jugement déféré en ce qu'il a débouté la société Immobilière du Littoral de sa demande à fin de constatation de l'acquisition de la clause résolutoire, et statuant de nouveau,
Constate l'acquisition de la clause résolutoire en date du 9 décembre 2010 et fixe l'indemnité d'occupation due à compter de cette date jusqu'au mois de septembre 2015, date de libération des lieux au montant du loyer contractuel outre charges.
Confirme le jugement déféré pour le surplus.
Condamne la société ELYDRO.C à payer à la société Immobilière du Littoral une somme de 1.500 euros sur le fondement des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile.
Condamne la société ELYDRO.C aux entiers dépens.
LE GREFFIERLE PRÉSIDENT