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04/11/2016 | FRANCE | N°14/12962

France | France, Cour d'appel d'Aix-en-Provence, 9e chambre c, 04 novembre 2016, 14/12962


COUR D'APPEL D'AIX EN PROVENCE

9e Chambre C



ARRÊT AU FOND

DU 04 NOVEMBRE 2016



N° 2016/ 631





Rôle N° 14/12962





[U] [X]





C/



SAS MASTRAN























Grosse délivrée

le :



à :



Me Louis-Alain LEMAIRE, avocat au barreau D'AVIGNON



Me Patrick CAGNOL, avocat au barreau de MARSEILLE









Copie certifiée c

onforme délivrée aux parties le :





Décision déférée à la Cour :



Jugement du Conseil de prud'hommes - Formation de départage d'ARLES - section E - en date du 28 Mai 2014, enregistré au répertoire général sous le n° 11/395.







APPELANT



Monsieur [U] [X], demeurant [Adresse 1]



représenté...

COUR D'APPEL D'AIX EN PROVENCE

9e Chambre C

ARRÊT AU FOND

DU 04 NOVEMBRE 2016

N° 2016/ 631

Rôle N° 14/12962

[U] [X]

C/

SAS MASTRAN

Grosse délivrée

le :

à :

Me Louis-Alain LEMAIRE, avocat au barreau D'AVIGNON

Me Patrick CAGNOL, avocat au barreau de MARSEILLE

Copie certifiée conforme délivrée aux parties le :

Décision déférée à la Cour :

Jugement du Conseil de prud'hommes - Formation de départage d'ARLES - section E - en date du 28 Mai 2014, enregistré au répertoire général sous le n° 11/395.

APPELANT

Monsieur [U] [X], demeurant [Adresse 1]

représenté par Me Louis-Alain LEMAIRE, avocat au barreau D'AVIGNON

INTIMÉE

SAS MASTRAN, demeurant [Adresse 2]

représentée par Me Patrick CAGNOL, avocat au barreau de MARSEILLE substitué par Me Sophie GRASSI, avocat au barreau de MARSEILLE

*-*-*-*-*

COMPOSITION DE LA COUR

L'affaire a été débattue le 04 Octobre 2016 en audience publique devant la Cour composée de :

Madame Catherine LE LAY, Président de Chambre

Madame Hélène FILLIOL, Conseiller

Madame Virginie PARENT, Conseiller

qui en ont délibéré

Greffier lors des débats : Monsieur Kamel BENKHIRA.

Les parties ont été avisées que le prononcé de la décision aurait lieu par mise à disposition au greffe le 04 Novembre 2016.

ARRÊT

Contradictoire,

Prononcé par mise à disposition au greffe le 04 Novembre 2016.

Signé par Madame Catherine LE LAY, Président de Chambre et Monsieur Kamel BENKHIRA, greffier auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

FAITS, PROCEDURE ET PRETENTIONS DES PARTIES

Monsieur [U] [X] a été embauché le 18 janvier 1988 par la SAS MASTRAN, filiale du groupe VINCI Construction France, dans le cadre d'un contrat de travail à durée indéterminée.

Il occupait à compter du 1er janvier 2004 le poste de directeur de filiale.

Les relations contractuelles entre les parties étaient soumises à la convention collective de la Métallurgie des Bouches du Rhône.

Une nouvelle organisation du groupe était mise en place au cours du mois d'avril 2011.

Monsieur [U] [X] été convoqué par courrier recommandé du 22 juin 2011 à un entretien préalable fixé au 4 juillet 2011 puis licencié pour faute grave par courrier recommandé du 13 juillet 2011 en ces termes exactement reproduits :

' Monsieur,

Par courrier en date du 22 juin 2011, nous vous avons convoqué pour le 4 juillet 2011 à un entretien préalable afin de nous entretenir d'une éventuelle mesure de licenciement pour motif disciplinaire que nous envisagions de prendre à votre encontre.

A la suite de cette convocation, vous vous êtes présenté assisté d'un conseiller du salarié comme la loi vous y autorise et nous vous avons indiqué les motifs de la décision envisagée et vous avez pu, de votre côté fournir vos explications.

Nous vous notifions par la présente notre décision de vous licencier pour faute grave en raison de votre refus de signer l'ensemble des documents nécessaires à l'exercice de vos fonctions de Directeur de l'entreprise MASTRAN.

A travers votre refus de signer le mandat, les directives ainsi que la délégation de pouvoirs, vous avez créé les conditions rendant impossible la poursuite de votre contrat de travail, vos fonctions de direction et de représentation de la Société MASTRAN impliquant nécessairement la signature de tels documents.

En outre, votre comportement est d'autant moins compréhensible,

- que ces documents indispensables à la mise en 'uvre de vos prérogatives organisationnelles aussi bien au sein de la Société MASTRAN qu'à l'égard de ses partenaires extérieurs ne faisaient que reprendre les attributions antérieures que vous aviez exercées jusqu'à présent concernant votre

secteur d'intervention, à savoir les « Monuments Historiques'Réhabilitation et petits travaux»

- que votre qualification, votre autonomie, vos responsabilités et votre rémunération demeuraient inchangées compte tenu du maintien de vos pouvoirs sur l'activité susmentionnée, A ce titre, le nouveau schéma directionnel mis en place au sein de la Direction Régionale n'avait aucun impact sur vos prérogatives et relevait du seul pouvoir de direction qu'il ne vous appartient pas de remettre en cause.

Dans ces conditions, et compte tenu de la mise en péril prévisible de l'activité de la Société MASTRAN par votre comportement, il ne nous est plus possible de poursuivre notre collaboration, et avions déjà demandé en vain par écrit de bien vouloir infléchir votre position.

En conséquence, nous n'avons d'autre choix que de vous licencier pour faute grave...'

C'est dans ces circonstances que Monsieur [U] [X] a saisi le 31 août 2011 le Conseil de Prud'hommes d'ARLES aux fins d'obtenir le paiement de ses indemnités de rupture et de dommages et intérêts pour licenciement abusif.

Par jugement de départage rendu le 28 mai 2014, le conseil de Prud'hommes d'Arles a :

- dit que le licenciement pour faute grave de Monsieur [U] [X] est justifié,

- débouté Monsieur [U] [X] de l'intégralité de ses demandes,

- condamné Monsieur [U] [X] à payer à la SAS MASTRAN la somme de 200€ sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile,

- condamné Monsieur [U] [X] aux dépens.

Monsieur [U] [X] a régulièrement relevé appel de cette décision le 24 juin 2014.

A l'audience collégiale du 4 octobre 2016 à laquelle l'affaire a été appelée après un renvoi, Monsieur [U] [X] demande à la Cour d'infirmer le jugement, de dire que son licenciement est dépourvu de cause réelle et sérieuse et de condamner la SAS MASTRAN au payement des sommes suivantes :

. 14.400€ au titre de l'indemnité de préavis,

. 1.440€ au titre des congés payés y afférents,

. 64.702€ au titre de l'indemnité conventionnelle de licenciement,

. 243.600€ à titre de dommages et intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse,

. 34.800€ pour rupture abusive du contrat de travail,

. 2500€ sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile.

La SAS MASTRAN demande à la cour de confirmer le jugement, de débouter Monsieur [X] de l'intégralité de ses demandes et de le condamner au paiement d'une somme de 2.500€ sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile.

Pour un plus ample exposé des faits de la procédure des moyens et des prétentions des parties, il y a lieu de se référer au jugement du conseil de prud'hommes et aux écritures déposées, oralement reprises.

MOTIFS DE LA DÉCISION

Sur le licenciement :

Attendu qu'aux termes de la lettre de licenciement qui fixe les termes du litige, il est reproché à Monsieur [U] [X] d'avoir refuser de signer l'ensemble des documents nécessaires à l'exercice de ses fonctions de Directeur de l'entreprise MASTRAN ;

Attendu que le salarié ne conteste pas avoir refusé de signer ces documents mais justifie son refus par le fait que son employeur aurait, au motif d'une simple réorganisation de la structure de la société, modifié unilatéralement des éléments essentiel de son contrat de travail, à savoir d'une part ses prérogatives en lui retirant l'activité des travaux neufs et en réduisant ses fonctions aux seuls monuments historiques, et d'autre part son positionnement hiérarchique en nommant à sa place un nouveau responsable de centre profit et ce faisant en ajoutant un niveau supplémentaire de subordination par rapport à la hiérarchie précédente ;

Attendu qu'il ressort des éléments de la cause et en particulier des organigrammes, mandats, directives et délégations de signature produites aux débats :

- qu'avant la mise en oeuvre de la réorganisation du groupe, intervenue en avril 2011, Monsieur [U] [X] était directeur de la filiale MASTRAN, responsable du centre de profit de MASTRAN ; que ses pouvoirs et les directives lui étaient délégués et données par le directeur d'activité 1 de la Direction Régionale Provence ; que sur l'organigramme il apparaissait comme directeur de filiale MASTRAN et était rattaché au directeur d'activité 1, lui même rattaché au Directeur Régional Provence ;

- qu'à partir du mois d'avril 2011, il est directeur de filiale MASTRAN mais n'est plus responsable du centre de profit de MASTRAN mais responsable de centre de profit monuments historiques; ; que ses pouvoirs et directives lui sont déléguées et données par un nouveau responsable de centre de profit Mastran, Monsieur [O] et non plus par le directeur d'activité de la direction régionale Provence ; que sur l'organigramme, il apparaît toujours comme directeur de filiale mais est rattaché non plus au directeur d'activité mais à Monsieur [O], directeur de filiale MERIDIENNE DE CONSTRUCTION ET BATIMENT (MCB), lui même rattaché au directeur d'activité 2 de la direction régionale Provence ;

Attendu au regard de ce qui précède que c'est à bon droit que le salarié invoque une modification de son positionnement hiérarchique, un niveau intermédiaire entre lui et son ancien supérieur hiérarchique, le directeur d'activité de la direction régionale Provence, ayant été ajouté, avec son rattachement direct au directeur de la filiale MCB, nouveau responsable des centres de profit MCB et MASTRAN (contrat de mutation de Monsieur [O] du 31 mars 2011/note de service du 4 avril 2011) ;

Attendu qu'il est également établi, en particulier par l'analyse des parts de travaux monuments historiques/ travaux neufs MASTRAN 100% et travaux neufs :

-qu'avant avril 2011, les attributions de Monsieur [X] portaient à la fois sur la restauration des monuments historiques mais aussi, pour une part importante, sur les travaux neufs ; que les travaux fournis par la filiale Mastran se répartissaient ainsi en trois secteurs 'monuments historiques', 'travaux neufs (100% Mastran)' et 'travaux neufs aidés' ; qu'à titre d'exemple, les chiffres étaient les suivants:

- en 2006 :901 819€ de' travaux monuments historiques', 1 101 561€ de 'travaux neufs 100% Mastran';

- en 2008 :1 499 181€ de' travaux monuments historiques', 685.539€ de 'travaux neufs 100% Mastran' et 685.000€ de 'travaux aidés' sur un total de 2 869 720€;

- en 2010 : 2 517 000€ de' travaux monuments historiques', 0 € de 'travaux neufs 100% Mastran' et 1.331 000€ de 'travaux aidés' sur un total de 3 848.000€;

Que l'argument invoqué par l'employeur selon lequel l'activité dédiée aux secteurs neufs s'accomplissait alors par l'intermédiaire de société en participation spécialement constituées pour chaque marché est inopérant dès lors qu'il ressort des éléments de la cause que la société Mastran intervenait dans ces marchés aux côtés d'autres sociétés, comme en atteste notamment le marché de requalification des trois aires d'autoroutes A.S.F du 3 novembre 2010 signé par Monsieur [X] et une autre société et que le secteur des travaux neufs constituait une part importante de son activité;

Que de même, il importe peu, contrairement à ce qu'ont relevé les premiers juges, qu'en 2010 la part des 'travaux neufs 100% Mastran 'ait été égale à 0 sur un total de 3 848 000€ comprenant 2 517 000€ de 'travaux monuments historiques' et 1 331 000€ de 'travaux neufs aidés', dès lors qu'il résulte de ce qui précède que les travaux neufs constituait une partie importante de l'activité de la société MASTRAN ;

-qu'après avril 2011, l'activité des travaux neufs (travaux 100% Mastran/ travaux neufs aidés) a été retirée du périmètre des fonctions de Monsieur [X] et confiée à Monsieur [O], nouveau responsable des centres de profit Mastran et MCB ; que ses fonctions ont ainsi été circonscrites aux monuments historiques comme en atteste son nouveau titre de responsable des monuments historiques et les observations écrites de l'employeur dans ses conclusions ' la nouvelle organisation décidée au mois d'avril 2010 conservait Monsieur [U] [X] dans son métier de prédilection les monuments historiques' ;

Attendu qu'il importe peu, contrairement à ce qu'a relevé le conseil de prud'hommes que les délégations de pouvoirs, les mandats et directives postérieures à avril 2011 'ne fassent que reprendre les attributions antérieures exercées' ou plus précisément les pouvoirs précédemment délégués à Monsieur [X] dès lors qu'il est établi que les dits pouvoirs ne pouvaient plus s'exercer sur le secteur des travaux neuf qui lui avait été retiré et se trouvaient cantonnés au secteur des monuments historiques ;

Attendu que le changement de positionnement hiérarchique de Monsieur [U] [X], associé à la suppression de ses fonctions dans le domaine des travaux neufs, constituaient une modification unilatérale du périmètre de ses fonctions que l'employeur ne pouvait lui imposer sans son accord ;

Attendu qu'il s'en suit que son refus d'accepter cette modification était justifié et que le licenciement est sans cause réelle et sérieuse ;

Attendu que Monsieur [U] [X] justifie être gérant depuis le 5 septembre 2011 de la SARL C.0.S METRES dont l'activité est l' économie de la construction ;

Qu'il justifie du montant de ses revenus en 2010 de 67 044€ en 2011 de 56 244€ et en 2012 de 20 655€ par la production de ses avis d'imposition ;

Qu'en considération de son ancienneté ( 23 ans) dans son emploi, de son âge ( Il est né en 1965) de son salaire mensuel brut lors de son licenciement de 4700€ , il y a lieu en application de l'article L.1235-3 du code du travail et compte tenu du préjudice subi, de lui allouer une somme de 100 000€ à titre de dommages et intérêts ;

Attendu que les parties n'ont pas discuté les montants réclamés par Monsieur [U] [X] au titre de l'indemnité conventionnelle de licenciement, de l'indemnité de préavis et des congés payés y afférents ; qu'il y a lieu d'accueillir ces chefs de demandes à hauteur des montants réclamés par le salarié ;

Attendu que le salarié ne justifie pas de l'existence d'un préjudice distinct du licenciement proprement dit résultant des circonstances du licenciement ; qu'il doit être débouté de sa demande sur ce point ;

Sur l'article 700 du code de procédure civile et les dépens :

Attendu que les dispositions du jugement relatives à l'article 700 du code de procédure civile et aux dépens sont infirmées ;

Attendu qu'il y a lieu de condamner la SAS MASTRAN à payer à Monsieur [U] [X] une somme de 1500€ sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile pour l'ensemble de la procédure ;

Attendu que les dépens resteront à la charge de l'employeur qui succombe;

PAR CES MOTIFS

La Cour statuant par arrêt contradictoire prononce publiquement par mise a disposition au greffe, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues a l article 450 du code de procédure civile,

Infirme le jugement.

Statuant à nouveau :

Dit que le licenciement de Monsieur [U] [X] est dépourvu de cause réelle et sérieuse.

Condamne en conséquence la SAS MASTRAN à payer à Monsieur [U] [X] les sommes suivantes :

. 14.400€ au titre de l'indemnité de préavis,

. 1.440€ au titre des congés payés y afférents,

. 64.702€ au titre de l'indemnité conventionnelle de licenciement,

. 100.000€ à titre de dommages et intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse,

Déboute Monsieur [U] [X] de sa demande de dommages et intérêts pour 'rupture abusive du contrat de travail',

Condamne la SAS MASTRAN à payer à Monsieur [U] [X] la somme de 1500€ sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile pour l'ensemble de la procédure,

Condamne la SAS MASTRAN aux dépens de première instance et d'appel.

LE GREFFIER LE PRÉSIDENT


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel d'Aix-en-Provence
Formation : 9e chambre c
Numéro d'arrêt : 14/12962
Date de la décision : 04/11/2016

Références :

Cour d'appel d'Aix-en-Provence 9C, arrêt n°14/12962 : Infirme la décision déférée dans toutes ses dispositions, à l'égard de toutes les parties au recours


Origine de la décision
Date de l'import : 27/03/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2016-11-04;14.12962 ?
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