COUR D'APPEL D'AIX EN PROVENCE
14e Chambre
ARRÊT AU FOND
DU 02 NOVEMBRE 2016
N°2016/1362
Rôle N° 15/12396
SA RICARD
C/
URSSAF PROVENCE ALPES COTE-D'AZUR
MNC - MISSION NATIONALE DE CONTROLE ET D'AUDIT DES ORGANISMES DE SECURITE SOCIALE
Grosse délivrée
le :
à :
- Me Frédérique GARNIER
- URSSAF PROVENCE ALPES COTE-D'AZUR
Copie certifiée conforme délivrée aux parties le :
Décision déférée à la Cour :
Jugement du Tribunal des Affaires de Sécurité Sociale des BOUCHES DU RHONE en date du 28 Mai 2015, enregistré au répertoire général sous le n° 21104539.
APPELANTE
SA RICARD, demeurant [Adresse 1]
représentée par Me Frédérique GARNIER, avocat au barreau de MARSEILLE substitué par Me Elise BOUSTIERE, avocat au barreau de MARSEILLE
INTIMEE
URSSAF PROVENCE ALPES COTE-D'AZUR, venant aux droits de L'URSSAF DES BOUCHES DU RHÔNE, demeurant [Adresse 2]
représenté par Mme [M] [E] (Inspectrice du contentieux) en vertu d'un pouvoir spécial
PARTIE INTERVENANTE
MNC - MISSION NATIONALE DE CONTROLE ET D'AUDIT DES ORGANISMES DE SECURITE SOCIALE, demeurant [Adresse 3]
non comparante
*-*-*-*-*
COMPOSITION DE LA COUR
En application des dispositions de l'article 945-1 du Code de Procédure Civile, l'affaire a été débattue le 21 Septembre 2016, en audience publique, les parties ne s'y étant pas opposées, devant Madame Florence DELORD, Conseiller, chargé d'instruire l'affaire.
Ce magistrat a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la Cour composée de :
Monsieur Jean-Luc CABAUSSEL, Conseiller
Madame Florence DELORD, Conseiller
Madame Marie-Claude REVOL, Conseiller
Greffier lors des débats : Mme Pascale ROCK.
Les parties ont été avisées que le prononcé de la décision aurait lieu par mise à disposition au greffe le 02 Novembre 2016
ARRÊT
Contradictoire,
Prononcé par mise à disposition au greffe le 02 Novembre 2016
Signé par Madame Florence DELORD, Conseiller et Mme Pascale ROCK, greffier auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.
La SA RICARD a fait appel d'un jugement du tribunal des affaires de sécurité sociale des Bouches du Rhône du 28 mai 2015 qui a maintenu le redressement de l'URSSAF portant sur les indemnités transactionnelles conclues avec neuf des dix salariés licenciés pour faute grave dans la période 2008 à 2009 et l'a condamnée à payer à l'URSSAF la somme de 299 695 euros dont 152 556 euros et 147 139 euros de majorations de retard.
Par ses dernières conclusions développées à l'audience de plaidoirie du 21 septembre 2016, elle a demandé à la Cour d'infirmer le jugement, sauf concernant le cas de M. [Z], et de condamner l'URSSAF à lui rembourser la somme de 27 976 euros, et à lui payer la somme de 2 500 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile.
Par ses dernières conclusions développées à l'audience, l'URSSAF a contesté la partie du jugement concernant M.[Z], mais a demandé à la Cour de confirmer le jugement, de débouter l'appelante de ses demandes et de la condamner à lui payer la somme de 4 000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile.
La MNC a été avisée de l'appel.
MOTIFS DE LA DECISION
Le redressement a concerné sept établissements de la société RICARD et a porté à chaque fois sur trois ou quatre points (frais professionnels, avantages en nature-véhicule, cotisations sur indemnité transactionnelle suite à dix licenciements, CSG-CRDS sur ces mêmes indemnités).
La saisine de la commission de recours amiable n'a porté que sur les cotisations portant sur les indemnités transactionnelles, pour des montants totalisant une somme de 27 976 euros.
La commission a rejeté le recours par décision du 23 février 2011.
L'URSSAF avait demandé au tribunal la confirmation de la décision de la commission de recours amiable.
Le tribunal a validé le redressement concernant les transactions conclues avec neuf salariés sur dix, mais a condamné la société RICARD à régler à l'URSSAF la totalité du redressement, statuant donc au-delà de la demande de l'URSSAF.
**********
L'URSSAF a réintégré dans l'assiette des cotisations la part de l'indemnité transactionnelle représentative du préavis, versée à dix salariés licenciés pour faute grave, selon protocoles conclus dans la période 2007, 2008 et 2009 dans sept établissements de la société RICARD répartis sur le territoire national.
L'URSSAF a fait valoir que la transaction emportait renonciation de l'employeur à se prévaloir de la faute grave du salarié et que ces protocoles ne permettaient pas de dire que les salariés concernés avaient renoncé expressement à leurs indemnités de préavis par la formule « je renonce ... ». Ces indemnités devaient donc soumises à cotisations sociales.
La société RICARD a contesté ces arguments.
Le tribunal a suivi la position de l'URSSAF à l'exception du cas de M.[Z], au seul motif qu'il avait fait l'objet d'une mise à pied conservatoire.
La Cour donne acte à l'URSSAF de son appel incident concernant les indemnités versées à M.[Z], dont il a été constaté qu'il n'était pas le seul salarié concerné par le redressement pour l'établissement de [Localité 1].
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Il convient de rappeler que seuls les salariés peuvent demander l'annulation des protocoles transactionnels, induisant la compétence exclusive de la juridiction prud'homale qui interdit à la juridiction sociale de rechercher si les transactions étaient valablement conclues, notamment quant aux conditions de réciprocité, mais, à titre surabondant, il a été précisé, au cours de l'audience de plaidoirie du 21 septembre 2016, que près de huit ans plus tard, aucun de ces protocoles n'avait été annulé.
Vu les articles 1134 et 1135 du code civil,
Chaque protocole indique :
1) « le mode de rupture est confirmé, et il est rappelé qu'il ne donne pas droit à indemnité de préavis et de licenciement (') »,
2) « le salarié renonce expressément à toute demande tendant au paiement de toute indemnité et/ou somme de toute nature résultant de la conclusion, de l'exécution et/ou de la rupture de son contrat. ».
Les termes de ces protocoles sont clairs, précis et sans ambiguïté.
En effet:
1) la rupture du contrat de travail reste un licenciement pour faute grave
La cause de la rupture qui a précédé la signature de la transaction reste maintenue et le document ne contient pas de clause mentionnant une renonciation de l'employeur à s'en prévaloir.
Il est clair que l'employeur n'a pas renoncé à se prévaloir de la faute grave du salarié.
Le salarié n'exécutera pas de préavis.
Le salarié s'engage à ne demander aucune autre indemnité et à n'engager aucun contentieux: l'objet de la transaction est donc clair sur ce point également.
La société RICARD a justifié de ce qu'aucun salarié n'avait effectué de préavis : le tableau figurant dans sa lettre du 21 juillet 2010 puis dans ses conclusions (page 9) permet de constater, salarié par salarié, que les dates d'expiration du préavis, s'il avait été effectué, sont toujours antérieures de deux ou trois mois à la date de la rupture effective de chaque contrat de travail. L'URSSAF n'avait jamais contesté ce tableau depuis juillet 2010.
2) l'indemnité transactionnelle ne comporte aucune indemnité de préavis et de licenciement, et le salarié renonce expressément à en demander ultérieurement le paiement dans le cadre d'un recours contentieux.
Si la volonté des parties y est clairement exprimée, la présentation matérielle des protocoles transactionnels importe peu.
Il importe peu que la phrase « je renonce à demander une indemnité de préavis » ne figure pas en toutes lettres dans chaque document.
Il importe peu que la phrase « le salarié renonce expressément à toute demande tendant au paiement de toute indemnité et/ou somme de toute nature résultant de la conclusion, de l'exécution et/ou de la rupture de son contrat » ne figure pas à l'article 4 « Renonciations et concessions », comme l'a souligné la commission de recours amiable, mais à un autre endroit du protocole.
La Cour considère que la rédaction de l'ensemble de chaque protocole fait ressortir une démarche claire et précise, en donnant à l'indemnité transactionnelle un fondement exclusivement indemnitaire, et qui, au visa des articles 1134 et 1135 du code civil, doit être respectée.
La Cour n'a d'ailleurs trouvé aucun élément de fait permettant de dire que l'URSSAF aurait puisé, dans les dossiers des établissements contrôlés ou d'autres organismes, des informations permettant à ses agents de dire qu'une partie de cette indemnité transactionnelle comprendrait de manière certaine et incontestable des éléments de rémunération soumis à cotisations et de justifier alors un redressement.
Dès lors, en présumant, sur la base d'une jurisprudence isolée, que du seul fait de la transaction, l'employeur avait nécessairement renoncé à la qualification de faute grave, l'URSSAF a dénaturé les termes clairs et précis du protocole d'accord transactionnel, violant ainsi l'article 1134 du code civil.
En conséquence, l'URSSAF n'était pas fondée à reconstituer fictivement les montants d'indemnités purement hypothétiques, de les soustraire de l'indemnité transactionnelle et de dire qu'elles devaient être soumises à cotisations sociales, et ceci pour les dix protocoles.
La Cour, ayant constaté ci-dessus que le tribunal avait statué « ultra pétita » et que le dispositif du jugement manquait de clarté, infirme le jugement déféré dans sa totalité et fait droit aux demandes de l'appelante.
PAR CES MOTIFS
La Cour statuant contradictoirement et en matière de sécurité sociale,
Infirme le jugement du tribunal des affaires de sécurité sociale des Bouches du Rhône du 28 mai 2015,
Et statuant à nouveau :
Vu la décision de la commission de recours amiable en date du 23 février 2011,
Annule le redressement relatif aux indemnités transactionnelles versées aux dix salariés de la SA RICARD entre le 1er janvier 2007 et le 31 décembre 2009,
Condamne l'URSSAF à rembourser à la SA RICARD la somme de 27 976 euros,
Condamne l'URSSAF à payer à la SA RICARD la somme de 2 500 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile.
LE GREFFIER,LE CONSEILLER,