COUR D'APPEL D'AIX-EN-PROVENCE
8e Chambre A
ARRET SUR RENVOI DE CASSATION
ARRÊT AU FOND
DU 20 OCTOBRE 2016
N°2016/
Rôle N° 15/01675
Société PALM TER
C/
SA CMA - CGM
Grosse délivrée
le :
à :
Me SIMONI
SCP BADIE
Arrêt en date du 20 Octobre 2016 prononcé sur saisine de la Cour suite à l'arrêt rendu par la Cour de Cassation le 14/10/2014, qui a cassé et annulé l'arrêt n° 74 rendu le 21/02/2013 par la Cour d'Appel d' AIX -en-PROVENCE (2ème Chambre).
DEMANDERESSE SUR RENVOI DE CASSATION
SOCIETE PALM TER,
dont le siége social est [Adresse 1]Girona Espagne
représentée par Me Corine SIMONI, avocat au barreau d'AIX-EN-PROVENCE
assistée par Me Helen MC LEAN, avocat au barreau de MARSEILLE,
DEFENDERESSE SUR RENVOI DE CASSATION
SA CMA - CGM,
dont le siége social est [Adresse 2]
représentée par Me Sébastien BADIE de la SCP BADIE SIMON-THIBAUD JUSTON, avocat au barreau d'AIX-EN-PROVENCE,
assistée par Me Henri NAJJAR, avocat au barreau de PARIS substitué par Me Arthur GIBON, avocat au barreau de MARSEILLE
*-*-*-*-*
COMPOSITION DE LA COUR
L'affaire a été débattue le 07 Septembre 2016 en audience publique.Conformément à l'article 785 du Code de Procédure Civile, Monsieur Yves ROUSSEL, Président a fait un rapport oral de l'affaire à l'audience avant les plaidoiries devant la Cour composée de :
Monsieur Yves ROUSSEL, Président,
Madame Catherine DURAND, Conseiller
Madame Anne CHALBOS, Conseiller
qui en ont délibéré.
Greffier lors des débats : Madame France-Noëlle MASSON.
Les parties ont été avisées que le prononcé de la décision aurait lieu par mise à disposition au greffe le 20 Octobre 2016.
ARRÊT
Contradictoire,
Prononcé par mise à disposition au greffe le 20 Octobre 2016
Signé par Monsieur Yves ROUSSEL, Président et Madame France-Noëlle MASSON, greffier auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.
***
Suivant connaissement n CL1253674 émis le 23 mai 2006 au Chili, la société CMA CGM a procédé au transport maritime de 35 palmiers vivants empotés par la société de droit Chilien Wechsler Y Cia Ltda dans huit conteneurs « open top » du port de [Localité 1] au Chili au port de [Localité 2] en Espagne.
Le 2 juillet 2006, les conteneurs ont été déchargés au port [Localité 3] en Espagne du navire Callao Express en vue de leur acheminement par le navire Trein Maersk.
A la suite d'un retard, sept conteneurs ont finalement été débarqués au port de [Localité 2] le 11 juillet 2006 et le huitième a été déchargé le 20 juillet 2006.
Ils ont été livrés par la société Transportes Neptuno à la société Palm Ter, leur destinataire, les 13 juillet, 14 juillet et 20 juillet 2006 à [Localité 4] dans la province de [Localité 5].
Le 14 juillet 2006, la société Palm Ter a fait procéder à un examen technique des palmiers.
Il a été constaté leur état de déshydratation en relation avec leur stationnement prolongé sur le port [Localité 3] par une forte chaleur.
Par courrier du 2 juillet 2007, la société CMA CGM et ses assureurs ont accordé à la société Palm Ter un report de prescription, jusqu'au 14 janvier 2008.
Par acte du 10 janvier 2008, la société Palm Ter a assigné la société CMA CGM devant le Tribunal de Commerce de Marseille au visa de la convention de Bruxelles de 1924 amendée, aux fins de condamnation à lui payer la somme de 200.144,24 euros au titre du dommage subi avec intérêts au taux légal à compter du 12 juillet 2006, avec capitalisation des intérêts, et condamnation à lui payer la somme de 7 000 euros par application de l'article 700 du code de procédure civile et les dépens.
Par jugement contradictoire du 24 septembre 2010, le Tribunal de Commerce a déclaré applicable au litige la loi française du 18 juin 1966 et son décret d'application du 31 décembre 1966, déclaré le chargeur responsable des dommages à la marchandise pour insuffisance d'emballage de celle-ci, débouté la société Palm Ter de toutes ses demandes à l'encontre du transporteur la société CMA CGM, condamné la société Palm Ter à payer à la société CMA CGM la somme de 4 000 euros par application de l'article 700 du code de procédure civile, rejeté toutes autres demandes et condamné la société Palm Ter aux dépens.
Sur l'appel interjeté contre ce jugement, la cour d'appel d'Aix-en-Provence, 2e chambre, a déclaré irrecevables les conclusions de la société CMA CGM du 15 janvier 2013, dit n'y avoir lieu de révoquer l'ordonnance de clôture, débouté les parties du surplus de leur demandes formées par voie de conclusions de procédure et, statuant au fond, infirmé le jugement entrepris en toutes ses dispositions, déclaré applicable au litige la Convention de Bruxelles de 1924 amendée, débouté la société CMA CGM de sa demande tendant à voir déclarer prescrite l'action de la société Palm Ter engagée à son encontre, déclaré la société CMA CGM responsable du dommage subi par la marchandise, dit que la société CMA CGM avait commis une faute inexcusable excluant l'application des dispositions relatives à la limitation de responsabilité, condamné la société CMA CGM à payer à la société Palm Ter la somme de 165798,52 euros en réparation du préjudice subi, avec intérêts au taux légal à compter de l'assignation devant le tribunal de commerce du 10 janvier 2008 et capitalisation des intérêts conformément aux dispositions de l'article 1154 du code civil, débouté la société Palm Ter de sa demande de dommages et intérêts et la société CMA CGM de toutes ses demandes, et condamné celle-ci à payer à la société Palm Ter la somme de 10 000 euros par application de l'article 700 du code de procédure civile pour les frais irrépétibles engagés tant en première instance qu'en cause d'appel, outre les entiers dépens de première instance et d'appel.
La Cour de Cassation, statuant par arrêt du 14 octobre 2014 a cassé et annulé ledit arrêt en toutes ses dispositions et remis la cause et les parties devant la même cour, autrement composée, au motif que la cour d'appel n'avait pas donné de base légale à sa décision rejetant la demande de la société CMA CGM tendant à ce que soit ordonnée la révocation de l'ordonnance de clôture.
Vu les conclusions déposées et notifiées le 26 juillet 2016 par la société Palm Ter.
Elle demande à la cour, Vu la Convention du 25 août 1924 amendée, Vu le connaissement CMA CGM n°CL 1253674 du 23 mai 2006, d'infirmer le jugement dont appel, de constater que CMA-CGM ne produit pas les conditions applicables au transport du 23 mai 2006 qu'elle oppose, ni qu'elles ont été portées à la connaissance du chargeur et a fortiori du destinataire Palm Ter au moment de la conclusion du contrat, de constater que seule a été communiquée une traduction libre et incomplète de la clause dite paramount , de juger que ladite clause n'est pas valable et qu'elle est inopposable, Vu les pièces 40&41, de juger que seule est démontrée l'acceptation du renvoi à la Convention de Bruxelles amendée, par les deux parties, Vu l'article 4 de la Convention de Rome I, Vu la clause 30 du connaissement CMA CGM n°CL 1253674 du 23 mai 2006, dire et juger qu'il y a lieu de faire application de la Convention amendée et, à défaut, de la loi française du 18 juin 1966 dont les dispositions ont été transposées dans le Code des Transports, Vu l'article 3.4 de la Convention de la Convention de Bruxelles du 25 août 1924 amendée; Vu l'article L 5422- 3 du Code des Transports; Vu l'article 27 de la Loi du 18 juin 1966, dire et juger que la CMA CGM est présumée responsable des dommages en l'absence de réserves au connaissement lors de la prise en charge des marchandises, dire et juger CMA-CGM ne rapporte pas la preuve d'un cas exonératoire de responsabilité, retenir la faute exclusive de CMA CGM comme étant à l'origine des préjudices subis par la société Palm Ter, juger qu'il s'agit d'une faute dolosive ou inexcusable de CMA CGM exclusive de toute limitation de responsabilité et la condamner à lui payer la somme principale de 200.144,24 € outre intérêts aux taux légal à compter du 12 juillet 2006, avec capitalisation, la somme de 30.000 € à titre de dommages et intérêts pour résistance abusive, la somme de 15 000 € titre de l'article 700 du code de procédure civile et les dépens de première instance et d'appels dont distraction au profit de son avocat constitué.
Vu les conclusions déposées et notifiées le 6 septembre 2016 par la société CMA CGM.
Elle demande à la cour, vu les conditions générales du connaissement de la société CMA CGM, Vu la Convention de Bruxelles originelle de 1924, Vu l'article 1134 du Code Civil, Vu l'article 9 du Code de Procédure Civile, d'infirmer le jugement rendu par le tribunal de commerce le 24 septembre 2010 en ce qu'il a appliqué la loi du 18 juin 1966 et dire que le litige est régi par la Convention de Bruxelles originelle de 1924, de déclarer l'action de la société Palm Ter irrecevable pour prescription, s'il devait être considéré que la clause 6-1 du connaissement de la société CMA CGM n'a pas été acceptée par la société Palm Ter , à titre principal de débouter la société Palm Ter de l'intégralité de ses demandes pour absence de preuve de la réalité des dommages et de leur survenance durant la période de transport maritime réalisé par la société CMA CGM, à titre subsidiaire de confirmer le jugement déféré en ce qu'il a débouté la société Palm Ter de l'ensemble de ses demandes pour absence de responsabilité de la société CMA CGM, à titre plus subsidiaire de débouter la société Palm Ter de l'intégralité de ses demandes pour absence de preuve de la valeur des dommages, plus subsidiairement encore de dire que la responsabilité de la société CMA CGM pour le dommage allégué ne pourra excéder la somme de 3.500 Livres Sterling-or (823,97 DTS), soit 28.838,95 DTS, ou son équivalent en euros, en tout état de cause de condamner la société Palm Ter à payer à la société CMA CGM la somme de 15.000 euros, au titre de l'article 700 du Code de Procédure Civile, outre les dépens.
Aucune partie n'a émis de protestations ni de réserves sur la date de notification et de dépôt des conclusions par l'autre partie.
Vu l'ordonnance de clôture en date du 7 septembre 2016.
SUR CE, LA COUR,
1. Il n'est pas contesté que le transport litigieux , qui a un caractère international, n'est régi par aucune convention internationale ni par aucune loi applicable de plein droit , car, le Chili, lieu d'émission du connaissement et lieu de situation du port de départ, n'est pas signataire de la Convention de Bruxelles de 1924 telle qu'amendée par les Protocoles de 1968 et 1979, tandis que la convention de Hambourg, qu'il a ratifiée, n'est pas applicable par le juge français en tant que convention internationale, puisque la France n'y est pas partie.
2. La CMA CGM invoque la clause paramount , incluse dans le connaissement, comme désignant la Convention de Bruxelles originelle en tant que régime applicable.
3. A cette prétention, Palm Ter oppose la clause 30 du connaissement CMA CGM qui prévoit que tout litige né à l'occasion de l'exécution du connaissement, sera réglé sauf dispositions contraires, par la loi française et renvoie aux dispositions de la loi du 18 juin 1966, qu'elle indique être d'ordre public et dont l'application est, selon elle, conforme à la règle européenne dès lors qu'il s'agit de la loi de celui qui fournit la prestation caractéristique, en l'occurrence, CMA CGM (article 4, Convention de Rome I).
4. Mais, elle a nécessairement accepté les conditions générales de la société CMA CGM, y compris celles de la clause 6-1, lors du report de prescription que celle-ci lui a fait notifier par lettre du 2 juillet 2007 par Pandi Claims et qui mentionnait, en première page, qu'elle était faite « sans préjudice de toute responsabilité et soumise aux termes et conditions du connaissement, y compris la clause de compétence », (traduction de l'anglais original : « subject to all Bill of lading terms and conditions»), sauf à considérer que le report de prescription ainsi accordé est sans effet, du fait de l'absence d'acceptation ou de connaissance des conditions générales du connaissement CMA CGM et que l'action de la société Palm Ter est alors prescrite, car engagée le 10 janvier 2008, soit plus d'un an après la livraison intervenue le 11 juillet 2006, ce que ne soutient bien évidemment pas Palm Ter.
S'y ajoute le fait que Palm Ter a signé le verso du connaissement litigieux, dont l'original a été produit devant la cour, signature valant, au-delà de l'endos régularisé pour les besoins de la livraison, preuve de l'adhésion de Palm Ter, destinataire, au contrat de transport de la marchandise ayant accepté, comme tel, les conditions générales régissant ledit transport.
6. Palm Ter soutient aussi que la CMA CGM a accepté l'application de la Convention de Bruxelles amendée, puisque le report des effets de la prescription consenti par la société Pandi Claims Services Spain habilitée en cela par CMA CGM et son Club de Protection et d'Indemnité, se réfère expressément à l'application de cette convention dans un courrier du 13 décembre 2006.
Mais, les déclarations de M. [Z] [D], s'exprimant pour l'assureur, dans ce courrier du 13 décembre 2006, sont postérieures à la négociation et à l'exécution du contrat de transport et n'avaient pas pour finalité d'établir la loi applicable à ce contrat, s'agissant d'un courrier contestant uniquement la responsabilité de la société CMA CGM à raison d'un retard, question qui n'est pas en cause devant la cour comme fondement de la responsabilité du transporteur.
D'autre part, c'est à juste titre que CMA CGM soutient qu'à supposer que M. [D] ait voulu se prononcer sur l'applicabilité de la Convention de Bruxelles amendée, son interprétation ne vaut pas démonstration de la volonté du transporteur de modifier son intention telle qu'exprimée à la clause 6-1 paramount, d'autant que, dans son courrier, M. [D], indique « agir pour le compte et en tant que représentant du Steamship Mutual Underwriting Association » et non pour le compte de la société CMA CGM.
7. La clause 6-1 du connaissement no. CL1253674, ou clause paramount, applicable au transport litigieux, est ainsi rédigée : « When loss or damage has occurred between the time of loading of the Goods by the Carrier, or any Underlying Carrier, at the Port of Loading and the time of discharge by the Carrier, or any Underlying Carrier, at the Port of Discharge, the responsibility of the Carrier shall be determined in accordance with the Hague Rules or any national law incorporating or making the Hague Rules, or any amendments thereto, compulsorily applicable to this Bill of Lading. ».
Sa traduction, non contestée, est la suivante: « Lorsque la perte ou le dommage survient entre le chargement des Marchandises par le Transporteur ou par tout Transporteur Substitué au port de chargement, et le déchargement par le Transporteur ou par tout Transporteur Substitué au port de déchargement, la responsabilité du Transporteur sera déterminée conformément aux Règles de La Haye ou à toute loi nationale rendant les Règles de La Haye ou tous amendements y relatifs, impérativement applicables à ce Connaissement ».
Cette clause doit se lire à la lumière de la définition donnée aux « Règles de la Haye », à la clause 1 du même connaissement : « Hague Rules » means the provisions of the International Convention for the unification of certain Rules relating to Bills of Lading signed at Brussels on 25th August 1924 and includes the amendments by the Protocol signed at Brussels on 23rd February 1968 and 21st December 1979, but only if such amendments are compulsorily applicable to this Bill of Lading » (traduisible ainsi : « Règles de la Haye » désigne les dispositions de la Convention Internationale de Bruxelles du 25 août 1924 sur l'unification de certaines règles en matière de connaissements, et inclut les modifications apportées par les Protocoles signés à Bruxelles le 23 février 1968 et le 21 décembre 1979, mais seulement si ces modifications sont impérativement applicables à ce Connaissement ») .
Or, la version amendée de la Convention de Bruxelles de 1924 ( article 10 : « Les dispositions de la présente Convention s'appliqueront à tout connaissement relatif à un transport de marchandises entre ports relevant de deux États différents, quand : a) le connaissement est émis dans un État Contractant ou b) le transport a lieu au départ d'un port d'un État Contractant »), n'est pas impérativement applicable en l'espèce, car le connaissement a été émis le 13 mai 2006 à Santiago au Chili, et le port de chargement était [Localité 1], également situé au Chili, pays non signataire de ladite Convention.
8. Seule est donc applicable la Convention de Bruxelles de 1924, ceci sans qu'il puisse être fait grief à CMA CGM de faire un tri sélectif de ses dispositions, puisqu'elle en sollicite l'application pure et simple, observation étant faite que la clause paramount n'est pas écartée par la clause 30 du connaissement de la société CMA CGM ainsi rédigée : « Except as specifically provided elsewhere herein, French law shall apply to the ternis and conditions of this bill of lading and French law shall also be applied in interpreting the terms and conditions hereof » (traduit par : « Sous réserve des dispositions contraires prévues par le présent titre, le droit français régira les termes et conditions de ce connaissement et s'appliquera à leur interprétation »), car cette clause ne vise pas la loi du 18 juin 1966 mais le droit français dans sa globalité, y compris donc les textes internationaux et européens applicables en France (Règlement Rome 1) régissant l'autonomie de la volonté des parties et les dispositions du Code civil concernant l'interprétation de la volonté des parties.
A ce dernier égard, il est exact que les parties sont libres de choisir la loi applicable à un contrat international, de sorte que c'est à tort que Palm Ter soutient que les clauses paramount ne produisent pas d'effet lorsqu'elles renvoient à la Convention de Bruxelles non amendée dont aucune disposition ne s'oppose à ce que le texte puisse s'appliquer en vertu d'une clause stipulée au connaissement.
9. CMA CGM soutient que la preuve des dommages n'est pas rapportée. Elle fait valoir que si elle n'a jamais nié la constatation d'une déshydratation des palmiers lors de l'inspection du 20 juillet 2006, il n'est pas démontré que les préjudices allégués sont réellement survenus et trouvent leur cause dans le transport maritime.
Mais, dès réception des marchandises, il a été apposé des réserves sur les bons de livraison du voiturier Transportes Neptuno mandaté par le transporteur maritime CMA CGM et la preuve des dommages résulte suffisamment des photographies et des films enregistrés lors de la livraison et pendant le dépotage des conteneurs de CMA CGM, à quoi s'ajoutent les constatations exemptes d'ambiguïté du notaire de Santa Coloma de Farners (acte de présence du 14 juillet 2006), le fait que le 20 juillet 2006, la société Control System Survey société d'expertise requise par CMA CGM, a elle-même constaté les dommages et qu'au bout d'un an les 35 arbres ont fait l'objet d'une nouvelle expertise par M [F], membre de l'Ordre Officiel des Ingénieurs Techniques Agricoles et Experts Agricoles de Catalogne qui a constaté que 26 plantes avaient fait l'objet d'un traitement qui avait permis de les sauver et que neuf arbres étaient morts, éléments complétés par l'attestation de la société Terres Torrent SL selon laquelle en avril 2007 neufs palmiers déshydratés lui ont été livrés par la société Palm Ter pour être triturés afin d'être transformés en substrat.
10. La société CMA CGM soutient, ce qui n'est pas contesté que la responsabilité du transporteur maritime pour tout dommage dû au retard est exclue contractuellement par la clause 8.3 du connaissement.
11. La société Palm Ter reproche à la CMA CGM une faute exclusive de tout bénéfice de cas exonératoire.
Elle fait valoir que lors du transbordement à bord du navire Trein Maersk elle a rappelé au transporteur la nature sensible des marchandises et la nécessité qu'il y avait « à trouver une solution pour la livraison, s'agissant de plantes vivantes » ; que pourtant, CMA CGM n'a pris aucune précaution particulière pour préserver la cargaison ; que les conteneurs n'auraient jamais dû rester stationnés à Algesiras sans aucune protection, à des températures supérieures à 40° durant 9 jours; que faute par CMA CGM d'avoir pris les mesures propres à remédier aux conséquences de ces températures, en hydratant les plantes, ce qu'il était aisé de faire à travers les ouvertures des conteneurs, elle a commis une négligence grave, avec conscience qu'un dommage en résulterait probablement.
Mais, en l'absence d'instructions particulières, acceptées par le transporteur maritime, ce dernier n'est tenu que d'apporter les soins ordinaires au transport maritime (cf. l'art. 3.2 de la Convention de Bruxelles).
Or, ainsi que les premiers juges l'ont relevé, il n'existe aucune preuve de consignes spécifiques données par le chargeur au transporteur concernant les soins à donner aux arbres et CMA CGM souligne d'ailleurs, non sans à propos, que le rapport de M. [O] [F], produit par la société Palm Ter, met lui-même l'accent sur le fait que les cocotiers sont « des plantes très résistantes aux températures élevées et à de longues périodes de sécheresse ».
Ce même expert conclut que : « le système radiculaire a été réduit à sa plus simple expression (cernage), ce qui conditionne directement la transpiration de la plante, affectant l'état végétatif en général, très sensible aux changements extrêmes susceptibles de se produire au niveau des conditions atmosphériques », ce qui constitue alors une situation pathologique.
Cet avis est concordant avec celui d'un autre expert, M. [A] [K] : «Dans le cadre de l'expédition litigieuse, il aurait été (')nécessaire que soient prodigués sur la marchandise, au cours des différents voyages, et en particulier pendant son stationnement à Algeciras, des soins particuliers (') Aucune instruction claire et précise, relative aux mesures conservatoires à prendre, n'a été donnée au transporteur par le propriétaire de la marchandise, pourtant informé en temps utile, de ce qu'à la suite d'un problème technique, les conteneurs n'avaient pas été chargés sur le navire «Trein Maersk ». Ainsi, la société CMA CGM ne pouvait deviner que les palmiers remis par la société Wechsler étaient d'une nature particulièrement délicate, du fait de la nature de leur empotage, alors qu'il est au contraire notoire que ces arbres, notamment les Jubae Chilensis, sont « d'une très grande résistance à la sécheresse ».
En réalité, Palm Ter, qui a été informée dès le 3 juillet 2006, par l'agent de la société CMA CGM à [Localité 2], que les palmiers n'arriveraient à destination qu'aux alentours du 17 juillet 2006, s'est contentée de réserver ses droits et n'a pas jugé utile d'envoyer un représentant au port [Localité 3] ou de demander à la société CMA CGM d'apporter un traitement spécifique aux palmiers ou de les hydrater dans l'attente de leur chargement.
Elle ne peut donc lui reprocher de ne pas avoir pris une initiative qu'elle-même n'a pas suggérée et CMA CGM avance à juste raison que dans son rapport, M. [A] [K] a mis l'accent sur le fait qu'elle ne pouvait « en l'absence d'instructions claires et précises du propriétaire, prodiguer des soins sur ladite marchandise, toute erreur d'appréciation étant susceptible de nuire à la qualité des palmiers ».
Par ailleurs, le grief pris de l'exposition des palmiers à de fortes températures n'est pas fondé, puisque les pics de température enregistrés par les enregistreurs placés dans les conteneurs ne dépassent pas les 40°C, ce qui n'a rien d'anormal pour un transport réalisé en juillet, s'agissant au surplus de pics de température brefs, comme le relève le relevé de température produit en pièce 14 par la société Palm Ter.
CMA CGM n'a donc commis aucune faute.
12. La société Palm Ter prétend aussi qu'il n'y a pas démonstration par CMA CGM d'un cas excepté.
121. Mais, l'article 4-2 de la Convention de Bruxelles de 1924 prévoit que « ni le transporteur, ni le navire ne seront responsables pour perte ou dommage résultant ou provenant : i) d'un acte ou d'une omission du chargeur ou propriétaire des marchandises, de son agent ou représentant ».
Or, il est clair que la marchandise aurait dû être transportée dans un conteneur reefer, à température dirigée, comme cela résulte des rapports d'expertise («It should have been feasible to organize transportation in reefer units, where temperature and humidity are under control according to the request. » , traduisible par : «Il aurait été possible d'organiser le transport en conteneurs réfrigérés, où la température et l'humidité sont sous contrôle en fonction des instructions »). Si la société Palm Ter prétend que la taille des plantes ne permettait pas de les transporter dans des conteneurs frigorifiques, cette affirmation n'est pas étayée. De plus, elle ne s'explique pas sur le fait, relevé par le transporteur maritime, que la hauteur des arbres, qui ne dépassait pas 2,32m, autorisait le transport dans des conteneurs reefer de 45 pieds. Au lieu de cela, le chargeur a préféré opter pour des conteneurs open top, moins onéreux, comme le relève le cabinet d'expertise [A] [K] : « L'intérêt pour le chargeur d'avoir fait le choix d'utiliser des conteneurs de type open top f...] est double : [...] réaliser des économies importantes au niveau des coûts liés au fret maritime, à l'emballage, au conditionnement, sachant par ailleurs que l'utilisation de conteneurs de type frigorifique implique un empotage de type horizontal, et donc la nécessité d'utiliser une quantité de conteneurs plus importante (') Le chargeur, qui a fait le choix d'utiliser pour ce type de marchandise, et pour un transport aussi long, des conteneurs de type open top, a donc pris un risque en connaissance de cause ».
Le chargeur a donc pris des risques, qui ont exposé les plantes à la déshydratation.
122. La Convention de Bruxelles de 1924 prévoit aussi dans son article 4-2 que « ni le transporteur, ni le navire ne seront responsables pour perte ou dommage résultant ou provenant : n) d'une insuffisance d'emballage ».
La question de l'emballage revêt ici une réelle importance, s'agissant de plantes vivantes.
Le chargeur aurait dû choisir un conteneur reefer à température dirigée, comme relevé précédemment et non des containers en métal qui conservent la chaleur.
Il a été également utilisé du film plastique.
A ce propos, le commissionnaire d'avarie a été d'avis qu'il existait « des accessoires fabriqués pour maintenir l'humidité des racines qui sont bien plus efficaces que le film transparent qui a été utilisé dans cette affaire » ( « there are accessories made to maintain the humidity in the roots which are a lot more effective that the transparent film used in this case ») , ce qui rejoint l'avis d'expert émis par la société Control System Survey: «Selon notre point de vue, la cause principale de l'assèchement sévère résidait dans l'emballage insuffisant et la préparation des palmiers avant le chargement. En fait, ainsi que nous l'avons démontré, une simple bande de plastique a été mise autour des racines pour les protéger. Cela n'est pas suffisant pour empêcher l'assèchement, de notre point de vue. De nombreux types d'emballages sont sur le marché et auraient convenus, tel que des équipements plastiques d'arrosage, relâchant sur la terre une certaine quantité d'eau pendant la durée du voyage : la longue durée du trajet pendant l'été, dans un conteneur exposé au soleil avec des températures allant jusqu'à 60°C et plus auraient dû être prévue ».
Si la société Palm Ter prétend que le choix de l'emballage était approprié, les factures de transport qu'elle produit, pour faire la preuve de leur utilisation et de l'absence de dommages, ne précisent ni la nature des plantes transportées, ni les conditions de leur emballage, ni les circonstances du transport, ni leur état et leur condition à la livraison, ni les entretiens fournis après la livraison et ne font pas la preuve qu'elle prétend faire.
La cour confirmera ainsi le jugement dont appel en ce qu'il a exonéré la société CMA CGM de toute responsabilité pour le dommage allégué, cette exonération s'imposant sur la base de l'article 4-2 n) de la Convention de Bruxelles.
13. Les demandes de la société Palm Ter, totalement infondées, sont intégralement rejetées. Partie perdante, elle sera condamnée au paiement, ainsi que sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile.
PAR CES MOTIFS
Statuant publiquement, par mise à disposition de l'arrêt au greffe, contradictoirement,
Infirmant le jugement dont appel en ce qu'il a appliqué la loi du 18 juin 1966,
Dit que la société Palm Ter a accepté la clause 6-1 du connaissement de la société CMA CGM,
En conséquence,
Dit que le litige est régi par la Convention de Bruxelles originelle de 1924,
Dit que l'action de la société Palm Ter n'est pas prescrite,
Confirme le jugement dont appel en ce qu'il a débouté la société Palm Ter de l'ensemble de ses demandes pour absence de responsabilité de la société CMA CGM,
Rejette toute autre demande,
Condamne la société Palm Ter à payer à la société CMA CGM la somme de 10 000 €, au titre de l'article 700 du code de procédure civile,
La condamne aux dépens,
LA GREFFIERE, LE PRESIDENT,