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07/10/2016 | FRANCE | N°14/24486

France | France, Cour d'appel d'Aix-en-Provence, 18e chambre b, 07 octobre 2016, 14/24486


COUR D'APPEL D'AIX EN PROVENCE

18e Chambre B



ARRÊT AU FOND

DU 07 OCTOBRE 2016



N° 2016/1619













Rôle N° 14/24486





[T] [K]





C/



Société MONIER

















Grosse délivrée

le : 12 Octobre 2016

à :



Me Mickaël BENAVI, avocat au barreau de MARSEILLE



Me Yves FROMONT, avocat au barreau de PARIS





Copie certifiée con

forme délivrée aux parties le :12 octobre 2016





Décision déférée à la Cour :



Jugement du Conseil de Prud'hommes - Formation paritaire de MARSEILLE - section I - en date du 04 Décembre 2014, enregistré au répertoire général sous le n° 13/4077.







APPELANT



Monsieur [T] [K], demeu...

COUR D'APPEL D'AIX EN PROVENCE

18e Chambre B

ARRÊT AU FOND

DU 07 OCTOBRE 2016

N° 2016/1619

Rôle N° 14/24486

[T] [K]

C/

Société MONIER

Grosse délivrée

le : 12 Octobre 2016

à :

Me Mickaël BENAVI, avocat au barreau de MARSEILLE

Me Yves FROMONT, avocat au barreau de PARIS

Copie certifiée conforme délivrée aux parties le :12 octobre 2016

Décision déférée à la Cour :

Jugement du Conseil de Prud'hommes - Formation paritaire de MARSEILLE - section I - en date du 04 Décembre 2014, enregistré au répertoire général sous le n° 13/4077.

APPELANT

Monsieur [T] [K], demeurant [Adresse 1]

représenté par Me Mickaël BENAVI, avocat au barreau de MARSEILLE

INTIMEE

Société MONIER, demeurant [Adresse 2]

représentée par Me Yves FROMONT de la SCP FROMONT - BRIENS & ASSOCIES, avocat au barreau de PARIS substituée par Me Olivier THIBAUD, avocat au barreau de PARIS

*-*-*-*-*

COMPOSITION DE LA COUR

L'affaire a été débattue le 24 Juin 2016 en audience publique devant la Cour composée de :

Madame Marie-Annick VARLAMOFF, Présidente de chambre

Mme Marina ALBERTI, Conseiller

Monsieur Yann CATTIN, Conseiller

qui en ont délibéré

Greffier lors des débats : Madame Chantal DESSI.

Les parties ont été avisées que le prononcé de la décision aurait lieu par mise à disposition au greffe le 07 Octobre 2016.

ARRÊT

Contradictoire,

Prononcé par mise à disposition au greffe le 07 Octobre 2016.

Signé par Madame Marie-Annick VARLAMOFF, Présidente de chambre et Madame Chantal DESSI, greffier auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

Exposé des faits et de la procédure

M. [T] [K] est employé par la société Monier, dans son établissement de [Localité 1], en qualité de conducteur préparateur terre, suivant contrat à durée indéterminée.

La société Monier a pour activité la conception et la fabrication de toitures complètes : tuiles et accessoires, composants solutions d'isolation et cheminées, et dépend de la convention collective nationale de l'industrie des tuiles et des briques.

Le 24 septembre 2013, M. [T] [K] a saisi, avec vingt-sept autres salariés et le syndicat CGT Monier, le conseil de prud'hommes de Marseille aux fins d'obtenir la condamnation de son employeur à lui verser un rappel de prime d'habillage et de déshabillage, outre des dommages et intérêts pour exécution fautive du contrat de travail, en faisant valoir qu'exerçant un métier salissant, il est astreint au port de vêtements de travail spécifiques fournis par celui-ci.

Par jugement du 4 décembre 2014, cette juridiction, après avoir prononcé la jonction de l'ensemble des dossiers, a débouté les vingt-huit salariés et le syndicat CGT Monier de leurs demandes, les condamnant aux dépens, au motif que les conditions de mise en place d'une contrepartie financière aux temps d'habillage et de déshabillage n'étaient pas réunies et qu'en tout état de cause, une telle prime avait été accordée dans le cadre d'un accord en date du 6 février 2014.

Tous les salariés, dont M. [T] [K], ainsi que le syndicat CGT Monier, ont interjeté appel de cette décision suivant déclaration en date du 16 décembre 2014. Chacune de ces déclarations a fait l'objet d'un enrôlement individuel.

Prétentions et moyens des parties

Dans ses conclusions écrites, déposées et plaidées à la barre, communes à tous les autres salariés, M. [T] [K] demande l'infirmation du jugement,

pour qu'il soit constaté :

- qu'il est astreint comme ses collègues, en permanence, au port d'une tenue de travail réglementaire, fournie, entretenue et réparée par la société Monier, pour des raisons d'image, d'hygiène, de sécurité et de salubrité,

- que le port de cette tenue de travail est imposé par le règlement intérieur de l'entreprise,

- que l'obligation de s'habiller et de se déshabiller sur le lieu de travail résulte des injonctions de l'employeur mais également des circonstances de fait dans lesquelles s'exerce son activité,

pour qu'il soit dit et jugé :

- que la société Monier est tenue d'indemniser ce temps d'habillage et de déshabillage conformément aux dispositions de l'article L. 3121-3 du code du travail,

- qu'il a subi un préjudice financier manifeste pendant plusieurs années et qu'il y a donc lieu à rappel de prime et incidence dans la limite de la prescription triennale,

et qu'en conséquence, pour que l'intimée soit condamnée à lui verser les sommes suivantes :

- 720 euros à titre de rappel de prime d'habillage et de déshabillage et 72 euros à titre d'incidence congés payés ou, subsidiairement, celles de 450 euros et de 45 euros,

- 5 000 euros à titre de dommages et intérêts en réparation des préjudices économique et moral résultant des refus répétés et abusifs de mise en place d'une telle prime pendant plusieurs années,

sommes qui seront augmentées des intérêts de droit, avec capitalisation,

- 500 euros au titre de ses frais irrépétibles.

Il sollicite encore qu'il soit fait injonction à la société Monier, sous astreinte de 100 euros par jour de retard à compter de la notification de l'arrêt à intervenir, d'avoir à établir et à lui délivrer un bulletin de salaire récapitulatif mentionnant les rappels de prime et incidence judiciairement fixés et de régulariser sa situation auprès des organismes sociaux, l'ensemble de ces dispositions devant être assorti de l'exécution provisoire.

Dans ses écritures, communes à toutes les instances inscrites au rôle, déposées et plaidées à l'audience, la société Monier conclut à titre principal à la confirmation du jugement en ce qu'il débouté M. [T] [K] de ses demandes, subsidiairement, à ce qu'il soit dit et jugé que la prime d'habillage et de déshabillage fixée dans le cadre des négociations annuelles du 6 février 2014 est d'un montant raisonnable et doit être pris comme montant de référence, et en tout état de cause, qu'il soit constaté que tant les salariés que le syndicat CGT ne justifient d'aucun préjudice et les condamner solidairement à lui payer la somme de 500 euros en application de l'article 700 du code de procédure civile ainsi qu'aux entiers dépens.

Pour plus ample exposé des prétentions et moyens des parties, il sera référé à leurs écritures oralement soutenues à l'audience.

MOTIFS DE LA DÉCISION

Sur la demande au titre de la prime d'habillage et de déshabillage

Aux termes de l'article L. 3121-3 du code du travail, le temps nécessaire aux opérations d'habillage et de déshabillage, lorsque le port d'une tenue de travail est imposé par des dispositions légales, des stipulations conventionnelles, le règlement intérieur ou le contrat de travail et que l'habillage et le déshabillage doivent être réalisés dans l'entreprise ou sur le lieu du travail, fait l'objet de contreparties qui peuvent être accordées sous forme de repos ou sous forme financière.

M. [T] [K] soutient que les conditions relatives à l'application de ces dispositions sont réunies en l'espèce dans la mesure où :

- le port d'une tenue de travail, fournie par l'employeur, est imposé par le règlement intérieur de l'entreprise (cf. article 2.2.2/vestiaires, article 2.3/interdictions relatives à la sécurité et à l'hygiène, article 3.2/horaires de travail), cette obligation étant rappelée par divers panneaux d'affichage apposés dans les locaux de travail ainsi que dans le cadre des procès-verbaux du comité d'entreprise,

- l'obligation de s'habiller et de se déshabiller sur le lieu du travail résulte des injonctions de l'employeur mais également des conditions d'insalubrité dans lesquelles il exerce son activité qui est tout à la fois salissante et potentiellement dangereuse puisque impliquant la manipulation de produits chimiques, de goudrons, de granulats...,

- l'employeur met d'ailleurs à sa disposition des armoires vestiaires et des casiers individuels fermés à clé afin de lui permettre de se changer en début et fin de journée ce qui démontre à l'évidence qu'il est contraint de le faire sur place,

- enfin, les tenues fournies sont tout à la fois encombrantes, voyantes et très identifiables ce qui l'empêche d'arriver ainsi vêtu sur le lieu du travail.

La société Monier admet que compte tenu de leurs fonctions, les salariés exerçant dans son établissement de [Localité 1] sont astreints, tel que prévu au règlement intérieur, au port d'une tenue de travail qu'elle leur fournit et dont elle prend en charge le nettoyage une fois par semaine et la réalisation des retouches qui s'avèrent nécessaires et qu'elle met par ailleurs à disposition de ceux qui le souhaitent des casiers fermés permettant de déposer vêtements et objets personnels ainsi que des douches.

Cependant, elle objecte qu'elle n'a jamais fait obligation à ceux-ci de se vêtir ou de se dévêtir sur le lieu du travail, les laissant libres de le faire hors de l'entreprise, ajoutant que leur activité professionnelle, si elle est salissante, voire parfois très salissante, ne peut être considérée comme exercée dans des conditions d'insalubrité, seules de nature à imposer, pour des raisons d'hygiène, un habillage ou un déshabillage sur le lieu du travail.

Il est effectivement admis que le temps d'habillage et de déshabillage du salarié astreint au port d'une tenue de travail ne peut donner lieu à contrepartie que s'il doit s'effectuer sur le lieu du travail pour des raisons d'hygiène résultant des conditions d'insalubrité dans lesquelles il travaille, le caractère salissant de cette activité étant insuffisant à justifier que ces opérations aient obligatoirement lieu sur place.

En l'espèce, si M. [T] [K] soutient que son activité est potentiellement dangereuse du fait de l'emploi de certains produits chimiques ou substances qui pourraient être nuisibles pour la santé, il ne verse aux débats aucun élément qui en justifie, ne produisant en ce sens que des photographies de diverses tenues de travail (équipements de protection individuels dit EPI), d'ailleurs propres, des casiers mis à sa disposition par l'employeur pour assurer l'entretien du linge ou encore de panneaux comportant des consignes de sécurité, éléments insuffisants pour justifier du caractère insalubre des produits qu'il dit manipuler.

Par ailleurs, il ne peut être retenu, pour la période antérieure, le fait qu'un accord est intervenu le 6 février 2014 entre la direction de la société Monier et les différentes organisations syndicales relatif à l'octroi d'une contrepartie financière à compter du 1er janvier précédant dans la mesure où il y est expressément mentionné (cf. article 3) que 'les conditions légale et jurisprudentielle de mise en place d'une contrepartie aux opérations d'habillage et de déshabillage n'étaient pas réunies au sein de la société'.

Enfin, l'avis de l'inspecteur du travail adressé le 7 février 2013 au secrétaire du comité d'entreprise, avec beaucoup de réserves, au seul vu des éléments communiqués par celui-ci, doit être considéré comme dépourvu de toute valeur probante.

En conséquence, à défaut de justification par M. [T] [K] de l'exercice de son activité dans des conditions insalubres, le jugement sera confirmé en ce qu'il l'a débouté de l'intégralité de ses demandes.

Sur l'application de l'article 700 du code de procédure civile et les dépens

Il n'apparaît pas inéquitable de laisser à la société Monier la charge de ses frais irrépétibles.

M. [T] [K], qui succombe, supportera les entiers dépens.

PAR CES MOTIFS :

La cour, statuant publiquement, contradictoirement et en matière prud'homale,

Confirme le jugement déféré en toutes ses dispositions,

Y ajoutant,

Déboute la société Monier de sa demande au titre des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile,

Condamne M. [T] [K] aux entiers dépens.

LE GREFFIER LE PRÉSIDENT


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel d'Aix-en-Provence
Formation : 18e chambre b
Numéro d'arrêt : 14/24486
Date de la décision : 07/10/2016

Références :

Cour d'appel d'Aix-en-Provence B8, arrêt n°14/24486 : Confirme la décision déférée dans toutes ses dispositions, à l'égard de toutes les parties au recours


Origine de la décision
Date de l'import : 27/03/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2016-10-07;14.24486 ?
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