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15/09/2016 | FRANCE | N°15/14006

France | France, Cour d'appel d'Aix-en-Provence, 3e chambre b, 15 septembre 2016, 15/14006


COUR D'APPEL D'AIX-EN-PROVENCE

3e Chambre B



ARRÊT AU FOND

DU 15 SEPTEMBRE 2016



N° 2016/259













Rôle N° 15/14006







SA AXA FRANCE IARD





C/



[Y] [Z]

[L] [P] épouse [Z]

S.C.I. SCHIESSERLE







Grosse délivrée

le :

à :

Me VV. DEMICHELIS

Me S. MAYNARD

















Décision déférée à la Cour :

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Jugement du Tribunal de Grande Instance de DRAGUIGNAN en date du 25 Juin 2015 enregistré au répertoire général sous le n° 15/02665.





APPELANTE



SA AXA FRANCE IARD

agissant poursuites et diligences de son représentant légal en exercice domicilié en cette qualité au siège [Adresse 2]

représentée par Me Vé...

COUR D'APPEL D'AIX-EN-PROVENCE

3e Chambre B

ARRÊT AU FOND

DU 15 SEPTEMBRE 2016

N° 2016/259

Rôle N° 15/14006

SA AXA FRANCE IARD

C/

[Y] [Z]

[L] [P] épouse [Z]

S.C.I. SCHIESSERLE

Grosse délivrée

le :

à :

Me VV. DEMICHELIS

Me S. MAYNARD

Décision déférée à la Cour :

Jugement du Tribunal de Grande Instance de DRAGUIGNAN en date du 25 Juin 2015 enregistré au répertoire général sous le n° 15/02665.

APPELANTE

SA AXA FRANCE IARD

agissant poursuites et diligences de son représentant légal en exercice domicilié en cette qualité au siège [Adresse 2]

représentée par Me Véronique DEMICHELIS, avocate au barreau d'AIX-EN-PROVENCE,

plaidant par Me Virginie POURTIER, avocate au barreau de PARIS

INTIMES

Monsieur [Y] [Z]

né le [Date naissance 1] 1960 à [Localité 2],

demeurant [Adresse 1]

représenté par Me Sylvie MAYNARD, avocate au barreau d'AIX-EN-PROVENCE

plaidant par Me Jean Philippe FOURMEAUX de la SELARL CABINET FOURMEAUX ET ASSOCIES, avocat au barreau de DRAGUIGNAN,

Madame [L] [P] épouse [Z]

née le [Date naissance 2] 1953 à [Localité 4],

demeurant [Adresse 1]

représentée par Me Sylvie MAYNARD, avocat au barreau d'AIX-EN-PROVENCE

plaidant par Me Jean Philippe FOURMEAUX de la SELARL CABINET FOURMEAUX ET ASSOCIES, avocat au barreau de DRAGUIGNAN

S.C.I. SCHIESSERLE

immatriculée au RCS [Localité 3] sous le n°527 595 672, représentée par son représentant légal domicilié en cette qualité au siège sis

[Adresse 1]

représentée par Me Sylvie MAYNARD, avocate au barreau d'AIX-EN-PROVENCE

plaidant par Me Jean Philippe FOURMEAUX de la SELARL CABINET FOURMEAUX ET ASSOCIES, avocat au barreau de DRAGUIGNAN

*-*-*-*-*

COMPOSITION DE LA COUR

L'affaire a été débattue le 24 Mai 2016 en audience publique. Conformément à l'article 785 du Code de Procédure Civile, Madame Patricia TOURNIER, Conseillère, a fait un rapport oral de l'affaire à l'audience avant les plaidoiries.

La Cour était composée de :

M. Jean-François BANCAL, Président

Mme Patricia TOURNIER, Conseillère (rédactrice)

Mme Marie-José DURAND, Conseillère

qui en ont délibéré.

Greffier lors des débats : Mme Josiane BOMEA.

Les parties ont été avisées que le prononcé de la décision aurait lieu par mise à disposition au greffe le 15 Septembre 2016

ARRÊT

Contradictoire,

Prononcé par mise à disposition au greffe le 15 Septembre 2016,

Signé par M. Jean-François BANCAL, Président et Mme Josiane BOMEA, greffier auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

***

Exposé du litige :

Selon actes d'engagement en date du 25 février 2006, Madame [H] a confié à la SARL Maisons Prestige les lots maçonnerie, charpente couverture, menuiserie, électricité, piscine et plage, façade et carrelage plage, afférents à la construction d'une villa avec piscine à [Localité 1] 83600.

Les travaux ont été réceptionnés le 25 mai 2007 avec des réserves qui ont été levées le 26 juin 2007.

Après permis de construire modificatif sollicité pour régulariser la situation de la construction et délivré le 12 mars 2010 à Monsieur et Madame [V], portant sur la modification de la hauteur des surfaces, l'aspect extérieur et l'aménagement des abords par la création de locaux aménageables pour l'habitation en sous-sol et le réaménagement de restanques, une déclaration d'achèvement des travaux a été effectuée le 15 avril 2010.

Selon acte notarié en date du 9 octobre 2010, Monsieur [V] et Madame [H] épouse [V] ont vendu ladite villa à la SCI Schiesserle, dont Monsieur et Madame [Z] sont les associés.

Selon contrat en date du 30 octobre 2010, la SCI Schiesserle a donné à bail à Monsieur [Z] la villa susvisée à l'exception de la zone du rez-de-chaussée, à compter du 1er janvier 2011, avec mention de la réalisation par le locataire de travaux à exécuter pour adapter la villa en meublé de tourisme avec notamment la pose d'une séparation dans l'entrée pour isoler la partie habitable du rez-de-chaussée du reste de la villa.

La SCI Schiesserle a déclaré à la société AXA France iard, assureur responsabilité civile décennale de la société Maisons Prestige, plusieurs sinistres à partir de 2012 consistant en un phénomène de basculement des murs de soutènement de la piscine, en des infiltrations et des fissurations de la maison d'habitation.

Des mesures d'investigation ont été diligentées par la société AXA France iard.

En l'absence d'accord sur le règlement amiable des sinistres, la SCI Schiesserle, arguant également d'un non-respect des normes parasismiques, a sollicité du juge des référés du tribunal de grande instance de Draguignan, une mesure d'expertise au contradictoire de la société AXA France iard ;

il a été fait droit à cette demande par décision en date du 24 juillet 2013 ;

les opérations d'expertise ont ensuite été étendues à Monsieur et Madame [Z], par décision en date du 26 février 2014, puis à Monsieur et Madame [V] et Monsieur [W] (intervenu sur la partie administrative du permis de construire de 2005), par décision en date du 28 mai 2014 ;

l'expert, Monsieur [Q], a clôturé son rapport le 3 février 2015.

Par acte d'huissier en date du 25 mars 2015, Monsieur et Madame [Z] et la SCI Schiesserle, autorisés par ordonnance en date du 20 mars 2015, ont fait assigner à jour fixe la SA AXA France iard devant le tribunal de grande instance de Draguignan, à l'effet, au visa des articles 1792 et suivants du code civil, L 124-3, L241-1 et L243-9 du code des assurances, de voir :

- dire que la société Maisons Prestige, désormais en liquidation judiciaire, est responsable de l'ensemble des désordres objectivés par l'expert judiciaire, dans son rapport déposé le 3 février 2015,

- dire que les concluants sont recevables et fondés à exercer une action directe à l'encontre de la SA AXA France iard, assureur décennal de la société Maisons Prestige,

- condamner la SA AXA France iard à payer à la SCI Schiesserle :

' la somme de 1 429 856,67 € au titre des travaux de réparation des dommages matériels, avec indexation sur l'indice BT01 du coût de la construction à compter du mois de février 2015, jusqu'à complet règlement,

' la somme de 144 000 € sous réserve d'actualisation, au titre des préjudices immatériels,

- condamner la SA AXA France iard à payer à Monsieur et Madame [Z] la somme de 37 415 €, sous réserve d'actualisation au titre des préjudices de jouissance et des préjudices financiers,

- ordonner l'exécution provisoire,

- condamner la SA AXA France iard aux dépens incluant les frais d'expertise, ainsi qu'au paiement d'une indemnité de procédure.

La SA AXA France iard s'est opposée à ces demandes.

Par jugement en date du 25 juin 2015, le tribunal de grande instance de Draguignan a: - dit que la société AXA Assurances doit garantir les désordres constitués de la dégradation du mur de soutènement de la piscine, des infiltrations dans la maison, de l'absence de respect des normes parasismiques, en qualité d'assureur responsabilité civile décennale de la société Maisons Prestige,

- rejeté les demandes en réparation concernant les infiltrations dans le rez-de-jardin,

- condamné la société AXA France iard à verser à la SCI Schiesserle les sommes de :

' 376 850,40 € TTC au titre du coût de réparation du mur de soutènement sous la piscine,

' 938 696,41 € TTC au titre du coût de démolition et reconstruction de la villa,

' 54 000 € au titre de la perte de jouissance pendant le temps des travaux,

- rejeté les demandes de Monsieur [Z] à l'encontre de la société AXA France iard,

- condamné la société AXA France iard à payer à Monsieur et Madame [Z] la somme de 4500 € en réparation du préjudice de jouissance pendant les travaux de réparation,

- rejeté les demandes supplémentaires de dommages-intérêts de Monsieur et Madame [Z],

- ordonné l'exécution provisoire de la décision,

- condamné la société AXA France iard à verser à la SCI Schiesserle, Monsieur et Madame [Z] ensemble, la somme de 8000 € au titre des frais irrépétibles de procédure,

- rejeté la demande de la société AXA France iard au titre de l'article 700 du code de procédure civile,

- condamné la société AXA France iard aux dépens, avec application de l'article 699 du code de procédure civile pour leur recouvrement.

La SA AXA France iard a interjeté appel à l'encontre de cette décision par déclaration reçue au greffe le 29 juillet 2015.

Au terme de ses dernières conclusions notifiées le 25 mars 2016, auxquelles il est renvoyé pour l'exposé des moyens et des prétentions, la société AXA France iard demande à la cour au visa des articles 1134, 1964 et 1104 du code civil, L 113-1 du code des assurances:

- de déclarer la concluante recevable et bien fondée en sa demande,

- de dire qu'en créant un montage juridique conduisant à réunir entre les mains de la seule société Maisons Prestige, tous les pouvoirs de conception et de réalisation, et privant le maître d'ouvrage de tout véritable contrôle de la maîtrise d'oeuvre, la société Maisons Prestige a permis le non-respect de la réglementation conduisant au présent litige,

- de dire que la société Maisons Prestige n'a pas respecté les normes parasismiques pourtant imposées par la construction, ce qu'elle n'ignorait pas,

- de dire que ce faisant, la société Maisons Prestige a commis deux fautes dolosives faisant disparaître l'aléa inhérent au contrat d'assurance,

- de déclarer le contrat d'assurance nul et subsidiairement, caduc à compter des fautes dolosives,

- subsidiairement,

' de dire que la société Maisons Prestige a construit une maison individuelle sans fourniture de plan,

' de dire que les désordres sont imputables à la conception des travaux relevant d'une activité de maîtrise d'oeuvre,

' de dire que la société Maisons Prestige n'est assurée ni pour la construction de maison individuelle, ni pour une activité de maîtrise d'oeuvre,

' de dire que le contrat souscrit par la société Maisons Prestige n'a pas vocation à s'appliquer au litige,

- d'infirmer la décision déférée en toutes ses dispositions et de mettre la concluante hors de cause,

- plus subsidiairement, de condamner la SCI Schiesserle à affecter l'indemnisation allouée à la réparation de la maison et de la piscine, et de dire qu'à défaut, la concluante sera fondée à solliciter le remboursement de l'indemnité réglée,

- encore plus subsidiairement,

' de dire que la stricte réparation de la non-conformité aux règles parasismiques consiste en la réparation de la maison selon les préconisations de la société DETERMINANT,

' d'infirmer la décision déférée en ce qu'elle a alloué une indemnité de 938 696,41 € TTC au titre de la solution démolition/reconstruction de la maison,

' de limiter le coût de la stricte réparation de la non-conformité à la somme de 215 715,47 € TTC,

- en tout état de cause,

' de rejeter l'appel incident de Monsieur et Madame [Z] et de la SCI Schiesserle au titre des préjudices immatériels et de confirmer le jugement déféré de ce chef,

' de condamner la SCI Schiesserle au paiement de la somme de 10 000 € en application de l'article 700 du code de procédure civile.

Par leurs dernières conclusions notifiées le 20 avril 2016, auxquelles il est renvoyé pour l'exposé des moyens et des prétentions, Monsieur et Madame [Z] et la SCI Schiesserle ont formé appel incident et demandent à la cour au visa des articles 1792 et suivants du code civil, L 113-1, L 124-3, L 241-1 et L 243-9 du code des assurances :

- de confirmer la décision déférée en ce qu'elle a dit que la société AXA France iard doit garantir les désordres constitués par la dégradation du mur de soutènement de la piscine, des infiltrations dans la maison et de l'absence de respect des normes parasismiques en qualité d'assureur responsabilité civile décennale de la société Maisons Prestige,

- de condamner la société AXA France iard à payer à la SCI Schiesserle :

' la somme de 1 429 856,67 € au titre du coût des travaux de réparation des dommages matériels, avec indexation sur l'indice BT01 du coût de la construction à compter du mois de février 2015 jusqu'à complet règlement,

' la somme de 144 000 € sous réserve d'actualisation au titre des préjudices immatériels,

- de condamner la société AXA France iard à payer à Monsieur et Madame [Z] la somme de 37 415 € sous réserve d'actualisation, au titre des préjudices de jouissance et des préjudices financiers subis par eux,

- de dire irrecevables les demandes de la société AXA France iard tendant à ce que la SCI Schiesserle soit condamnée à affecter l'indemnité qui lui sera allouée, à la réparation des désordres,

- en toute hypothèse, de débouter la société AXA France iard de cette demande,

- de condamner la société AXA France iard aux entiers dépens, avec application de l'article 699 du code de procédure civile pour le recouvrement de ceux d'appel, ainsi qu'au paiement de la somme de 30 000 € aux concluants en application de l'article 700 du code de procédure civile.

La clôture de la procédure est en date du 10 mai 2016.

En cours de délibéré, par courrier du 26 mai 2016, le conseil des intimés a adressé à la cour un arrêt de la cour de cassation en date du 26 février 2013, qualifié d'intéressant et récent;

par courrier en réplique daté du 2 juin 2016, le conseil de l'appelante a demandé à la cour de ne pas tenir compte de cet arrêt.

MOTIFS DE LA DÉCISION :

Si conformément à l'article 445 du code de procédure civile, après la clôture des débats, les parties ne peuvent déposer aucune note à l'appui de leurs observations sauf à la demande du président en application des articles 442 et 444 du code de procédure civile, la cour observe que la demande de la société AXA France iard tendant à ce qu'il ne soit pas tenu compte de l'arrêt communiqué est inopérante, dès lors qu'il incombe en toute hypothèse à la cour de connaître la jurisprudence de la Cour de cassation, qu'elle ait été visée ou non par les parties.

La cour n'est saisie d'aucun moyen d'irrecevabilité de l'appel et aucune cause d'irrecevabilité n'a lieu d'être relevée d'office, de sorte que l'appel sera déclaré recevable.

* Sur la garantie de la société AXA France iard :

Il résulte de l'article L113-1 du code des assurances que l'assureur ne répond pas des

pertes et des dommages provenant d'une faute intentionnelle ou dolosive de l'assuré.

Il s'ensuit que l'assureur doit démontrer que l'assuré a non seulement voulu l'action génératrice du dommage, mais également le dommage tel qu'il s'est réalisé.

En l'espèce, il résulte des pièces produites et du rapport d'expertise les éléments suivants:

- le permis de construire accordé le 24 octobre 2005 à Madame [H] mentionnait expressément que la commune est classée en zone de sismicité 1a, de sorte que la construction devait être réalisée conformément aux dispositions des règles parasismiques faisant partie intégrante des règles générales de construction ;

l'étude géotechnique sollicitée par Monsieur [V] début 2006 rappelait l'obligation de respecter les normes de construction parasismiques ;

- la construction réalisée par la société Maisons Prestige n'est pas conforme aux normes parasismiques :

elle n'est pas adaptée au terrain qui est très pentu, repose sur trois plates-formes décalées avec 5 mètres de dénivelé entre les plates-formes amont et aval, et l'adaptation au terrain naturel a nécessité la construction de murs de soutènement d'une hauteur de plus de 3 mètres sur 3 côtés;

elle aurait dû être divisée en trois blocs indépendants séparés par des joints de construction ;

il n'y a pas de chaînage vertical continu sur toute la hauteur de la façade (autre qu'aux angles) de sorte qu'il n'y a pas de panneaux de contreventement ; le décalage des ouvertures entre le rez-de-chaussée et l'étage empêche également la réalisation de panneaux de contreventement suffisants ;

- l'étude géotechnique préalable était insuffisante, en ce que cette étude concernait une maison de 150 m² construite sur deux niveaux (la maison construite ne correspond pas au projet de permis de construire déposé en 2005, le sous-sol a été aménagé en partie habitable dès le début de la construction en 2006), et en ce que le permis de construire modificatif fait état d'un éboulement de la plate-forme aval avant le début de la construction, éboulement qui n'a pas donné lieu à une étude plus poussée ;

- les extraits Kbis du registre du commerce et des sociétés produits par la société AXA France iard font apparaître que le gérant de la société Maisons Prestige était Monsieur [U], que Monsieur [V] était le gérant d'une société Les mas du Golfe ayant pour objet la rénovation ou construction immobilière et les activités de marchand de biens, sociétés qui avaient le même siège social à partir du 3 mai 2006 ;

que Monsieur [V] était également le gérant d'une société Bati Concept Développement ayant pour objet l'architecture, le bureau d'étude et la maîtrise d'oeuvre en bâtiment, atelier de conception, de coordination et conseils techniques, société créée en juillet 2006 et ayant le même siège social que les précédentes, société dans laquelle Monsieuer [U] possédait des parts.

Ces éléments sont toutefois insuffisants à caractériser la volonté de la société Maisons Prestige de causer le dommage tel qu'il s'est réalisé, ni même qu'elle ait voulu l'action génératrice de celui-ci :

les relations professionnelles unissant le gérant de la société Maisons Prestige et Monsieur [V] ne permettent pas de déduire la volonté de créer un montage juridique tendant à réunir entre les mains de la société Maisons Prestige les pouvoirs de conception et de réalisation, ce qui en tout état de cause, n'impliquerait pas la volonté d'avoir ainsi la possibilité de procéder à des travaux ne respectant pas les règles de construction ;

les choix constructifs erronés qui ont été effectués et les carences en matière d'étude géotechnique, s'ils ont eu pour conséquence le non-respect des normes parasismiques, ne permettent pas de déduire la volonté effective d'y aboutir, ni même la conscience de leur caractère erroné et de leur insuffisance.

La société AXA France iard ne peut en conséquence utilement arguer de fautes dolosives commises par la société Maisons Prestige ayant entraîné la disparition de tout aléa et doit être déboutée de sa demande en nullité ou en caducité du contrat d'assurance.

Les pièces produites permettent par ailleurs de retenir les éléments suivants :

- les conditions particulières du contrat multirisque artisan du bâtiment, souscrit par la société Maisons Prestige auprès de la société AXA France iard, mentionnent que la garantie est acquise pour notamment les activités de fondations maçonnerie, charpente-couverture, électricité, menuiserie, revêtement de sols et murs intérieurs ou extérieurs en matériaux durs ; - les conditions générales du dit contrat comportent la mention que celui-ci n'a pas pour objet de garantir une personne agissant en tant que constructeur de maison individuelle avec ou sans fourniture de plans ;

- les marchés de travaux conclus entre Madame [H] et la société Maisons Prestige ont porté sur les lots maçonnerie, charpente couverture, menuiserie, électricité, piscine et plage, façade et carrelage plage ;

les plans du permis de construire avaient été établis par Monsieur [W] ;

les travaux d'aménagement intérieurs ont été réalisés par un intervenant autre que la société Maisons Prestige.

Il se déduit de ces éléments que l'intervention de la société Maisons Prestige correspondait à celle d'un constructeur de maison individuelle sans fourniture de plan, au sens de l'article L 231-2 du code de la construction et de l'habitation, dès lors qu'elle a réalisé les travaux de gros-oeuvre, de mise hors d'eau et de mise hors d'air.

Ce cadre juridique effectif d'intervention ne saurait cependant utilement être invoqué par la société AXA France iard pour voir écarter sa garantie :

la clause susvisée insérée dans le contrat d'assurance doit être réputée non écrite en application des articles L 241-1, L 243-8, A 243-1 du code des assurances et de l'annexe I de ce dernier article, dès lors qu'elle a pour conséquence d'exclure de la garantie certains travaux du bâtiment réalisés par l'assuré et fait ainsi échec aux règles d'ordre public relatives à l'étendue de l'assurance de responsabilité obligatoire en matière de construction ;

les travaux réalisés par la société Maisons Prestige relevaient d'activités pour lesquelles une garantie avait été souscrite auprès de la société AXA France iard ;

cette garantie s'étend nécessairement à la détermination des travaux à laquelle la société Maisons Prestige a procédé, étant relevé que si l'expert parle de défaut de conception à l'origine des désordres, il indique également qu'un permis de construire ne permet pas de conduire les travaux, et qu'une construction se fait toujours d'après des plans d'exécution réalisés postérieurement à l'obtention du permis de construire avec l'intervention en principe d'un ingénieur béton, de sorte que la conception à laquelle l'expert fait référence n'est pas celle du maître d'oeuvre mais celle de l'entreprise qui établit les plans d'exécution.

Il s'ensuit que le tribunal a exactement retenu que la société AXA France iard doit sa garantie à la société Maisons Prestige pour les désordres de nature décennale affectant les constructions réalisées par celle-ci.

La société AXA France iard ne conteste plus que la société Maisons Prestige a réalisé les murs de soutènement situés en-dessous de la piscine ;

elle ne conteste pas davantage le caractère décennal des désordres mis en évidence par l'expert :

- basculement des murs de soutènement de la piscine, avec affaissement de celle-ci d'au moins 3 cm entre le côté Nord et le côté Sud, et rupture des canalisations,

- remontées d'humidité et infiltrations au niveau du sous-sol aménagé de la villa,

- non-respect des normes parasismiques pour la construction de la villa,

ces désordres ayant pour effet de rendre les ouvrages impropres à leur destination au sens de l'article 1792 du code civil.

* Sur la nature et le montant des réparations :

L'expert a considéré que pour remédier aux désordres affectant les murs de soutènement de la piscine et celle-ci, il est nécessaire de réaliser une paroi berlinoise, de démolir et reconstruire la piscine avec des fondations sur micro-pieux, et a évalué ces travaux à la somme de 376 850,40 € TTC, conformément sur ce point à la proposition de la société AXA France iard.

Il a par ailleurs estimé que la proposition faite par la société DETERMINANT pour remédier au non-respect des normes parasismiques, ne donne aucune garantie sur la conformité de la villa à ces normes après travaux, que la modélisation réalisée par cette société n'est pas satisfaisante (les paramètres retenus sont contestables, la modélisation ne tient pas compte de ce que la villa comprend des éléments horizontaux en console, de ce que les fondations ne sont pas disposées dans le même plan horizontal et de ce que le mur Nord de la villa sert également de soutènement au terrain, et ne prend pas en compte l'influence d'un séisme sur les éléments non structuraux de la villa) ;

qu'en l'absence de tout renseignement sur les plans d'exécution de la villa, la démolition-reconstruction de celle-ci est la seule solution permettant d'avoir la certitude d'un respect des règles de construction parasismiques ;

il a chiffré le coût de cette démolition-reconstruction à la somme de 782 247,01 € HT, à laquelle doit s'ajouter le coût d'une police dommages ouvrage à hauteur de 23 000 €, en précisant que ce mode réparatoire rend inutile le traitement des fissurations et infiltrations de la villa.

L'analyse de l'expert a à juste titre été retenue par le tribunal, la société AXA France iard n'apportant aucun élément technique pertinent pour la contester, le courrier de la société DETERMINANT qu'elle produit en réplique au rapport, n'étant étayé par aucun autre avis émanant d'un technicien, et la solution de démolition-reconstruction de la villa étant la seule de nature à permettre la réparation intégrale du préjudice.

Le tribunal a par ailleurs exactement écarté la demande de la SCI Schiesserle tendant à voir ajouter au coût de la démolition- reconstruction, celui des reprises des fissurations et infiltrations, les premières n'étant pas de nature décennale et les secondes se trouvant réparées par la solution retenue pour mettre fin aux désordres.

La décision déférée sera en conséquence confirmée en ce qu'elle a chiffré la réparation des désordres aux sommes de 376 850,40 € TTC et 938 696,41 € TTC.

Ces sommes devront toutefois être réactualisées en fonction de l'évolution de l'indice BT01 du coût de la construction entre la date du rapport d'expertise et celle de la présente décision, avec intérêts au taux légal à compter de celle-ci.

La société AXA France iard est recevable à solliciter en cause d'appel, que la SCI Schiesserle soit condamnée à affecter l'indemnité à la réparation des désordres, dès lors que par application de l'article 566 du code de procédure civile, il s'agit d'un complément apporté aux défenses soumises au premier juge, et que les intimés ne démontrent pas qu'elle a changé de position en droit, et que ce changement allégué serait de nature à les induire en erreur sur ses intentions, la décision de référé du premier président à laquelle il est fait référence n'étant pas produite ;

elle doit en revanche être déboutée de cette demande.

En effet, la SCI Schiesserle est le tiers victime et non l'assuré de la société AXA France iard, qui ne peut se prévaloir des principes posés en matière d'assurance dommages ouvrage dans les rapports d'un maître d'ouvrage avec son assureur, celui-ci intervenant au surplus dans un cadre spécifique, celui du préfinancement des travaux de réparation des désordres avant toute recherche de responsabilité, ce qui rend obligatoire l'affectation de l'indemnité versée à la reprise des désordres ;

la SCI Schiesserle est fondée à obtenir la réparation de son préjudice par le responsable de celui-ci ou l'assureur du responsable, par le versement d'une indemnité, dont elle a nécessairement la libre disposition ;

la transmission de l'action en garantie décennale aux acquéreurs successifs de l'immeuble, ne saurait avoir pour conséquence de conférer à l'indemnité versée au maître d'ouvrage par l'assureur du constructeur, la nature d'accessoire de l'immeuble.

Concernant le préjudice locatif subi par la SCI Schiesserle, les pièces produites établissent le versement de loyers par Monsieur [Z] pour les années 2010 à 2012 et l'absence de versement en 2013 et 2014 (attestation de la SA KPMG, expert- comptable, en date du 6 novembre 2015).

Il s'ensuit que le préjudice de la SCI Schiesserle lié à l'absence de perception de loyers depuis le 1er janvier 2013 en raison de l'impossibilité pour Monsieur [Z], de louer la villa au regard des désordres affectant la piscine, doit être fixé à la somme de 144 000 € :

en effet, Monsieur [Z] aurait dû verser un loyer mensuel de 3000 € et la durée des travaux est évaluée par l'expert à 18 mois, de sorte que la SCI Schiesserle est fondée à solliciter l'indemnisation de son préjudice pour une durée de 4 années, soit du 1er janvier 2013 au 1er janvier 2017.

La décision déférée qui a fixé l'indemnisation de ce préjudice à la somme de 54 000 €, sera en conséquence infirmée de ce chef.

Elle doit en revanche être confirmée en ce qui concerne les préjudices immatériels subis par Monsieur et Madame [Z] :

comme l'a exactement relevé le tribunal, ces derniers n'occupent la partie de la villa non louée que de façon ponctuelle pendant certaines périodes et ne justifient pas de la fréquence exacte de cette occupation ;

par ailleurs, ils ne justifient pas avoir personnellement exposé des frais suite aux pertes d'eau de la piscine et les frais qu'ils soutiennent avoir exposés pour se rendre aux réunions d'expertise, relèvent de l'application de l'article 700 du code de procédure civile.

Elle sera également confirmée en ce qu'elle a rejeté la demande d'indemnisation de Monsieur [Z], la cour n'étant saisie d'aucun moyen de contestation de ce chef.

* Sur les dépens et l'application de l'article 700 du code de procédure civile :

La société AXA France iard succombant en ses prétentions, doit supporter la charge des dépens de la présente instance ;

elle sera déboutée en conséquence de sa demande au titre de l'article 700 du code de procédure civile ;

il n'est pas inéquitable de la condamner sur ce fondement au paiement de la somme de 8 000 € au titre des frais de procédure exposés en cause d'appel.

PAR CES MOTIFS :

La cour d'appel, statuant publiquement, contradictoirement,

Déclare recevable, l'appel interjeté par la SA AXA France iard.

Confirme la décision du tribunal de grande instance de Draguignan en date du 25 juin 2015, excepté en ce qui concerne l'indemnisation du préjudice de jouissance de la SCI Schiesserle.

Statuant à nouveau du chef infirmé et ajoutant à la décision,

Condamne la SA AXA France iard à payer à la SCI Schiesserle la somme de 144 000€ en réparation de la perte locative qu'elle a subie.

Dit que les sommes de 376 850,40 € TTC et 938 696,41 € TTC allouées à la SCI Schiesserle au titre de l'indemnisation des préjudices matériels devront être réévaluées en fonction de l'évolution de l'indice BT01 du coût de la construction entre le 3 février 2015 et la date de la présente décision, avec intérêts au taux légal à compter de celle-ci.

Déclare recevable mais non fondée, la demande de la SA AXA France iard relative à la condamnation de la SCI Schiesserle à affecter l'indemnité allouée à la réparation de la maison et de la piscine, et à défaut, au droit pour l'assureur de solliciter le remboursement de l'indemnité réglée.

Déboute en conséquence la SA AXA France iard de la demande ci-dessus.

Condamne la SA France iard aux dépens de la présente instance, avec application de l'article 699 du code de procédure civile pour leur recouvrement.

Condamne la SA AXA France iard à payer à la SCI Schiesserle, à Monsieur [Y] [Z] et Madame [L] [P] épouse [Z], la somme de 8000 € au titre de l'article 700 du code de procédure civile en cause d'appel.

Déboute la SA AXA France iard de sa demande au titre de l'article 700 du code de procédure civile.

Dit que le greffe adressera une copie du présent arrêt à l'expert, Monsieur [N] [Q].

LA GREFFIÈRELE PRÉSIDENT


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel d'Aix-en-Provence
Formation : 3e chambre b
Numéro d'arrêt : 15/14006
Date de la décision : 15/09/2016

Références :

Cour d'appel d'Aix-en-Provence 3B, arrêt n°15/14006 : Infirme partiellement, réforme ou modifie certaines dispositions de la décision déférée


Origine de la décision
Date de l'import : 27/03/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2016-09-15;15.14006 ?
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