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09/09/2016 | FRANCE | N°14/06504

France | France, Cour d'appel d'Aix-en-Provence, 9e chambre c, 09 septembre 2016, 14/06504


COUR D'APPEL D'AIX EN PROVENCE

9e Chambre C



ARRÊT AU FOND



DU 09 SEPTEMBRE 2016



N°2016/ 472















Rôle N° 14/06504







[F] [F]





C/



SAS TEXA SERVICE























Grosse délivrée le :



à :



-Me Lisa VESPERINI, avocat au barreau de [Localité 1]



- Me Jean-Michel CHEULA, avocat au barreau de PARIS<

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Copie certifiée conforme délivrée aux parties le :



Décision déférée à la Cour :



Jugement du Conseil de Prud'hommes - Formation paritaire de [Localité 1] - section AD - en date du 03 Mars 2014, enregistré au répertoire général sous le n° 14/74.





APPELANTE



Madame [F] [F], demeurant [Adresse...

COUR D'APPEL D'AIX EN PROVENCE

9e Chambre C

ARRÊT AU FOND

DU 09 SEPTEMBRE 2016

N°2016/ 472

Rôle N° 14/06504

[F] [F]

C/

SAS TEXA SERVICE

Grosse délivrée le :

à :

-Me Lisa VESPERINI, avocat au barreau de [Localité 1]

- Me Jean-Michel CHEULA, avocat au barreau de PARIS

Copie certifiée conforme délivrée aux parties le :

Décision déférée à la Cour :

Jugement du Conseil de Prud'hommes - Formation paritaire de [Localité 1] - section AD - en date du 03 Mars 2014, enregistré au répertoire général sous le n° 14/74.

APPELANTE

Madame [F] [F], demeurant [Adresse 1]

représentée par Me Lisa VESPERINI, avocat au barreau de [Localité 1]

INTIMEE

SAS TEXA SERVICE, demeurant [Adresse 2]

représentée par Me Jean-Michel CHEULA, avocat au barreau de PARIS

*-*-*-*-*

COMPOSITION DE LA COUR

En application des dispositions de l'article 945-1 du Code de Procédure Civile, l'affaire a été débattue le 16 Juin 2016, en audience publique, les parties ne s'y étant pas opposées, devant Madame Virginie PARENT, Conseiller, chargé d'instruire l'affaire.

Ce magistrat a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la Cour composée de :

Madame Catherine LE LAY, Président de Chambre

Madame Hélène FILLIOL, Conseiller

Madame Virginie PARENT, Conseiller

Greffier lors des débats : Madame Florence ALLEMANN-FAGNI.

Les parties ont été avisées que le prononcé de la décision aurait lieu par mise à disposition au greffe le 09 Septembre 2016

ARRÊT

CONTRADICTOIRE

Prononcé par mise à disposition au greffe le 09 Septembre 2016

Signé par Madame Catherine LE LAY, Président de Chambre et Madame Florence ALLEMANN-FAGNI, greffier auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

FAITS, PROCÉDURE ET PRÉTENTIONS DES PARTIES

Suivant contrat à durée indéterminée du 4 janvier 1993, avec reprise d'ancienneté au 23 août 1990, [F] [F] a été engagée par la société BETAG INGENIERIE en qualité de secrétaire sténo-dactylo confirmée au coefficient 240.

La société BETAG INGENIERIE a été reprise le 1er octobre 2002 par la SA TEXA SERVICE. Un contrat de collaboration était signé entre la société TEXA SERVICE et [F] [F] le 30 septembre 2002.

A compter du 2 février 2009, [F] [F] a exercé ses fonctions à mi-temps thérapeutique.

[F] [F] a été licenciée pour inaptitude et impossibilité de reclassement par la SA TEXA SERVICE par lettre recommandée avec accusé réception du 29 décembre 2009.

Estimant ne pas avoir été remplie de ses droits, invoquant un harcèlement moral et sollicitant des rappels de salaire, [F] [F] a saisi le 22 juillet 2011 le conseil des prud'hommes de [Localité 1] qui par jugement du 3 mars 2014 a :

- condamné la SA TEXA SERVICE à verser à Madame [F] [F] les sommes suivantes:

* 5000 Euros au titre de préjudice moral

* 300 Euros au titre de rappel de primes qualité

* 500 Euros au titre de l'article 700 du Code de Procédure Civile

- condamné le défendeur aux entiers dépens.

Le 13 mars 2014, [F] [F] a régulièrement interjeté appel de cette décision.

Au visa de ses conclusions écrites et réitérées lors des débats et auxquelles la cour se réfère quant aux prétentions et moyens invoqués, [F] [F] demande de :

- recevoir l'appel de Madame [F], le dire régulier en la forme et fondé quant au fond,

- dire et juger que Madame [F] a été victime de harcèlement moral de la part de son employeur.

- condamner la société TEXA à payer à Madame [F] la somme de 50.000 € à titre de préjudice moral.

- condamner la société TEXA à payer à Madame [F] la somme de 3.600 € au titre de rappels des primes qualité.

- condamner la société TEXA à payer à Madame [F] la somme de 8.176,80 € au titre de rappels de salaires.

- condamner la société TEXA à payer à Madame [F] la somme de 3.000 € au titre de l'article 700 du CPC.

- ordonner l'exécution provisoire du jugement à intervenir.

- dire et juger que les condamnations mises à la charge de la société TEXA porteront intérêts légaux et capitalisation à compter de la saisine du Conseil des Prud'hommes.

Au visa de ses conclusions écrites et réitérées lors des débats et auxquelles la cour se réfère quant aux prétentions et moyens invoqués, la société TEXA SERVICE demande de :

- dire irrecevable et mal fondé l'appel de Madame [F] ;

- rejeter toutes les demandes de Madame [F] en cause d'appel en toutes leurs fins et conclusions ;

- infirmer la jugement du Conseil de Prud'hommes de [Localité 1] en ce qu'il a condamné la société TEXA SERVICES à verser à Madame [F] les sommes suivantes:

* 5 000 euros au titre du préjudice moral

* 300 euros au titre de rappel de prime qualité

* 500 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile

- dire que Madame [F] n'a pas été victime d'un harcèlement moral ;

- rejeter toutes ses demandes de dommages et intérêt au titre d'un prétendu harcèlement moral.

- rejeter les demandes au titre de rappels de salaires et les dire infondées.

- condamner Madame [F] à la somme de 2.000,00 € au titre de l'article 700 du code de procédure civile.

MOTIFS DE LA DECISION

Sur le harcèlement moral

Aux termes de l'article L. 1152-1 du code du travail aucun salarié ne doit subir les agissements répétés de harcèlement moral qui ont pour objet ou pour effet une dégradation des conditions de travail susceptible de porter atteinte à ses droits et à sa dignité, d'altérer sa santé physique ou mentale ou de compromettre son avenir professionnel ;

En application de l'article L. 1154-1 du code du travail, lorsque le salarié établit la matérialité des faits précis et concordants constituant selon lui un harcèlement, il appartient au juge d'apprécier si ces éléments, pris dans leur ensemble, permettent de présumer l'existence d'un harcèlement moral et, dans l'affirmative, il incombe à l'employeur de prouver que ces agissements ne sont pas constitutifs d'un tel harcèlement et que sa décision est justifiée par des éléments objectifs, étrangers à tout harcèlement ;

[F] [F] , au soutien de ses allégations de harcèlement moral subi de 1997 à 2009, fait état des faits suivants :

- elle a subi quotidiennement les humiliations de [B] [U] (sa supérieure hiérarchique, chef de groupe) ; celle-ci se moquant de son phrasé, elle a été contrainte d'aller voir une orthophoniste ;

Les pièces qu'elle produit au soutien de cette affirmation, à savoir une carte de visite d'un cabinet d'orthophonie et le justificatif de remboursement par la sécurité sociale de séances d'orthophonie au nom de la salariée, ne permettent pas de démontrer l'existence de moqueries de Mme [U] sur le phrasé de la salariée et le lien de causalité avec les soins entrepris.

- elle a subi une pression mentale, constatée par le médecin, du fait des plaisanteries douteuses de Mme [U] à son endroit

Elle produit:

- le justificatif d'une visite chez le médecin du travail le Dr [T] le 29 octobre 2004 qui l'a déclarée apte mais qui a fait le même jour un courrier à un confrère en ces termes : Elle (Mme [F]) subit depuis plusieurs années une pression mentale forte ce qui la perturbe. Je lui conseille d'envisager une psychothérapie pour l'aider à surmonter ses difficultés, et je la mets en garde contre les répercussions possibles sur le lieu de travail.

- une attestation de [B] [Z] qui déclare : j'ai pu constater dès mon arrivée dans la société que Madame [U] n'appréciait pas Madame [F]. En effet elle faisait sans cesse des plaisanteries douteuses sur son éventuelle dépendance à l'alcool (ce qui était totalement faux, sur son physique et son âge) ce qui m'a choqué ! Il y avait, au sein de cette équipe une très mauvaise ambiance! Quelques jours après l'angine de Mme [U] nous avons eu une panne subite de climatisation.

- une attestation de Madame [R] qui déclare : [B] [U] et bien souvent Monsieur [E] [M] l'humiliaient, la déstabilisaient et l'épuisaient moralement toujours devant les autres employés, ces derniers ne manquaient pas de la changer de poste de travail régulièrement en prétextant que Madame [F] nuisait au bon fonctionnement du service (ce qui était bien évidemment faux).

Les propos tenus par Mme [R] apparaissent généraux, vagues et insuffisamment précis pour caractériser la matérialité des faits dénoncés; le témoin Mme [Z] fait état de plaisanteries douteuses de Mme [U] à l'endroit de Mme [F], notamment relativement à une consommation d'alcool, mais ne date pas ces propos, de sorte qu'ils ne peuvent être mis en relation avec la pression mentale invoquée par la salariée en 2004. En tout état de cause, le courrier du Dr [T] produit ne permet pas de caractériser l'existence d'un lien entre la pression ressentie par Mme [F] et ses conditions de son travail.

Les faits invoqués ne sont donc pas matériellement établis.

- il lui a été infligé des punitions

Elle produit une attestation de Madame [V] qui déclare : le 17 /10/97 Monsieur [B] dans l'après-midi est entré dans mon bureau et me précisant que Madame [F] était punie, qu'elle viendrait dans mon bureau afin que je la surveille. En effet dès le lundi 20/10/97 à 8h30 Madame [F] est arrivée. Elle était mal en point et avait une phlébite. Le vendredi 24/10/97 dans l'après-midi Mme [U] est venue et a dit à Madame [F] que la punition est levée, ordre de Monsieur [B]

Ces propos, confirmés par Mme [R], n'évoquent qu'un seul fait survenu en octobre 1997. Dès lors tout au plus, l'appelante n'établit la matérialité d'une telle mesure qu'à une seule reprise.

- elle a subi des railleries, des insultes de Madame [U],

Elle produit :

- une attestation de Madame [Y] qui déclare ...Madame [F] était toujours de bonne humeur, et pourtant elle avait de quoi perdre le sourire car sa supérieur hiérarchique ne se privait pas de la railler, de la tourner en dérision et parfois de la caricaturer

- une seconde attestation de Madame [Y] qui déclare : ... sa supérieure hiérarchique lui lançait les dossiers sur son bureau au lieu de lui déposer sur son bureau en l'interpellant non pas par son prénom mais par un sifflement comme si Madame [F] était un animal

- une attestation de Madame [L] qui déclare : bien souvent j'ai pu constater que la chef de service de l'époque se plaisait à la dégrader et la mettait à l'index avec des piles de dossiers en disant: « pour ce soir »

- une attestation de Madame [I] qui déclare : sa responsable administrative Madame [U] [B] en poste de début 2003 début 2007 se plaisait à la rabaisser en disant « pour ce soir » malgré la charge de travail en gestion. Elle lui faisait sans cesse des moqueries sur sa façon de s'exprimer sur ses problèmes personnels.

Le fait d'interpeller la salariée en sifflant au lieu de l'appeler par son nom, quand bien même le témoin ne date pas précisément ces faits qu'il dit avoir constaté, constitue de toute évidence un manque de respect. L'existence de moqueries et de railleries de la supérieure hiérarchique est confirmée par Mme [I] qui précise que ces moqueries avaient trait à la façon dont la salariée s'exprimait sur ses problèmes personnels, de sorte que la salariée rapporte la preuve de la matérialité des faits reprochés.

- elle a reçu des mails désobligeants de Mme [U]

Elle produit des mails échangés en avril 2006 entre la salariée sa supérieure hiérarchique; ces documents ne permettent pas d'établir que sa supérieure hiérarchique lui a adressé des courriels désobligeants, les propos tenus par Madame [U] dans ceux-ci ne révélant rien de la sorte;

- Elle déclare avoir alerté à plusieurs reprise sa hiérarchie en vain, et que des alertes ont été effectuées par les délégués du personnel eux-mêmes.

Elle produit plusieurs comptes-rendus de réunion des délégués du personnel, notamment :

- questions posées le 27 janvier 2005 par les délégués du personnel faisant mention de la question suivante: est-il envisageable de pouvoir remédier à l'ambiance délétère qui règne au sein du bureau de [Localité 1]'

- un e-mail de Madame [C] déléguée du personnel du 27 janvier 2005 à Monsieur [G] directeur régional région Sud évoquant : certaines personnes administratives se plaignent depuis plusieurs mois de la façon dont elles sont traitées par le responsable des services administratifs à la limite du harcèlement moral et ce avec aggravation pour certaines à savoir, le ton méprisant employé pour leur parler individuellement devant leurs collègues' concluant : nous délégués du personnel du bureau de [Localité 1] demandons à ce que l'attitude désagréable de la responsable des services administratifs vis-à-vis de certaines personnes cesse, il conviendrait qu'elle modifie son comportement relationnel avant que cela ne prenne des proportions qui nous obligent à aller plus loin, il sera nécessaire qu'elle prenne conscience de son acte et qu'elle y remédie en provoquant par exemple un entretien avec les personnes concernées afin de crever l'abcès

-une réponse de la direction en date du 18 octobre 2005 en ce sens : accord pour écarter la personne à ce jour mais aucune réponse ne sera faite, la direction souhaite avoir des faits concrets à l'avance afin de pouvoir analyser objectivement la situation

- un e-mail de Monsieur [M] à Madame [C] du 21 novembre 2005 précisant en complément de cette dernière réponse : la mission d'un chef de groupe d'une chef de groupe est d'assurer l'organisation et le management de l'ensemble d'une équipe administrative au sein d'un établissement. Parmi l'ensemble de ses missions la CDG doit gérer l'équipe administrative du bureau et faire appliquer les procédures garantissant la qualité de la relation clientèle à ce titre. Elle dispose d'un pouvoir de contrôle et de sanction si nécessaire; après étude du dossier audition de la salariée, la direction confirme les sanctions prises par la CDG.

- Un e-mail de Mme [J] [G] du 22 février 2006 à Mme [U] : ' j'ai été choquée du ton et de la manière dont tu t'es adressé à nous : je n'ai pas compris ta comparaison avec la façon que nous avons de travailler par un geste simple de notre vie privée et plus de notre intimité journalière, en effet je trouve ta comparaison je cite «de mettre son pantalon avant de se mettre la culotte le matin» très dégradante et humiliante pour des femmes de plus de 40 ans mères de famille et citoyennes responsables' nous sommes trop nombreuses au sein du service je préfère que les choses ne soient clairement exposées plutôt que de subir des attaques et de travailler dans la psychose le «traquage à l'erreur» pendant plusieurs semaines, plusieurs mois pour en arriver de toute façon un licenciement.

- la question posée le 26 avril 2006 lors d'une réunion de délégués du personnel : suite à la réunion qui s'est tenue le 20 mars 2006 en présence de toutes les administratives concernant les relations entre celle-ci et la chef de groupe nous souhaiterions faire le point comme convenu

- la réponse de l'employeur : un point a été fait, le personnel a été reçu et les choses s'améliorent

- la question posée lors de la réunion du 7 février 2007 : où en est le recrutement du nouveau CDG' - la réponse de l'employeur : mise en place avant fin mars 2007

- un courrier de Madame [F] à M. [G] le 2 avril 2007 évoquant : mes arrêts maladie constatés au cours de l'année 2006 (un mois à temps plein plus trois mois à mi-temps thérapeutique) ont été la suite logique du harcèlement moral permanent que j'ai subi de la part de l'ancienne chef de groupe du bureau de [Localité 1]. Les délégués du personnel ont d'ailleurs signalé ces faits lors de plusieurs réunions de DP, j'étais en souffrance et je ne comprends pas que vous ayez laissé perdurer cette situation malgré mon entretien avec vous le 18 septembre 2006, ou là vous m'avez répondu d'attendre la fin de l'année 2006. C'est seulement fin janvier 2007 que la situation est redevenue plus saine.

La cour constate que si ces documents établissent la réalité d'une ambiance délétère née en partie du comportement de la chef de groupe, remplacée par l'employeur à compter de mars 2007, la preuve que les délégués du personnel aient entendu précisément traiter de la situation de Mme [F] n'est pas rapportée. En effet le nom de celle-ci n'apparaît pas dans les comptes-rendus des délégués du personnel, seule Mme [F] évoquant un tel lien de causalité dans le courrier qu'elle a rédigé.

- elle a subi une ambiance délétère et exécrable qui a perduré avec le remplacement de Madame [U] par Madame [Q]

Elle produit :

- une attestation de Madame [O] qui déclare: Madame [F] [F] était un excellent élément au sein de la société.... son statut a changé lors de son retour après son accident de travail du 21 août 2008; notre chef de groupe, Madame [Q] l'a mise à l'écart du personnel et l'a cantonnée dans une tâche exclusivement de frappe de rapport au dictaphone pour qu'elle n'ait aucun contact avec les autres salariés.

- une attestation de Madame [I] qui déclare : en mai 2008 au sein du bureau de Theix à [Localité 1] notre responsable administrative [P] [Q] a réorganisé notre service gestion et nous a affecté des armoires pour classer nos dossiers en cours. Madame [F] [F] a précisé qu'elle ne pouvait pas se baisser et devait éviter de se baisser et a demandé à [P] [Q] de lui attribuer des étagères plus élevées et non au bas des armoires. Cette dernière a refusé. J'ai donc suggéré d'échanger avec [F] [F] les étagères et notre responsable a refusé à nouveau.

Il n'est pas contesté, ainsi que le relève l'employeur, que la salariée a été en arrêt de travail du 26 août 2008 au 1er février 2009, et qu'à son retour elle a été reprise à mi-temps thérapeutique. La salariée rappelle elle-même que ses fonctions étaient les suivantes :

- tous travaux de dactylographie

- traitement de texte

- réception et transmission des appels téléphoniques

- classement du courrier reçu et expédié

- assistance à la préparation matérielle des dossiers experts.

Au regard des tâches de l'intéressée, de sa reprise à temps partiel, il ne peut être déduit du fait que la salariée s'est vu confier des tâches de frappe, ou d'un choix d'emplacement de dossiers opéré par la supérieure hiérarchique, l'existence d'une ambiance délétère et exécrable, comme prétendue par Mme [F].

En conséquence, [F] [F] établit la matérialité de faits (railleries, moqueries de la part de Mme [U] et une 'punition' en 1997) qui pris dans leur ensemble permettent de présumer l'existence d'un harcèlement moral.

La société TEXAS SERVICES rappelle que la salariée entretenait une relation difficile avec sa responsable hiérarchique directe Mme [U], toutes deux ayant une forte personnalité. Elle souligne que la salariée a fait l'objet d'un avertissement le 5 juillet 2001 pour ne pas appliquer des directives , s'opposer à toute décision et résister aux changements nécessités par le service. Elle observe que les courriers adressés par la salariée ne révèlent aucun harcèlement et peuvent faire état même de ce que certains collègues de travail se plaignaient de Mme [F].

L'employeur produit :

- un courrier d'avertissement adressé à Madame [F] le 5 juillet 2001 lui reprochant une attitude négative nuisant à la bonne marche de la société, celle-ci n'appliquant pas les directives s'opposant à toute décision et résistant aux changements nécessités par le service.

- la réponse de celle-ci en date du 10 juillet 2001 dans laquelle elle conteste cet avertissement écrivant : à la lecture de votre lettre, par des affirmations, vous ne me précisez pas à quel moment ces affirmations se seraient déroulées. Est-ce se plaindre que de demander l'amélioration des conditions de travail dans la société par l'intermédiaire de la médecine du travail ' Croyez-vous qu'après plus de 10 ans de bons et loyaux services, je me permettrai, du jour au lendemain, de dénigrer la société alors que depuis quelques mois, malgré les différentes modifications structurelles de la société, aucun reproche ne m'a été fait et ce depuis l'origine de nos relations.

- un courrier de l'employeur du 18 juillet 2001 précisant : en présence de Mademoiselle [X] et Madame [U] le 21 juin 2001 à 13h30 vous avez tenu les propos suivants : ' [B] [Z] s'est arrêtée parce que la société nous traite comme des chiens et vous mettez en doute le motif de sa maladie'. En présence de Monsieur [I] [K], expert récemment embauché le 13/06, le 19/06 le 21/06 et le 28/06/ 01 vous lui avez fait état à plusieurs reprises des conditions déplorables de travail dans notre société, de votre contentieux avec Madame [U] et que vous alliez prévenir l'inspection du travail car son bureau était un 'bocal'. Cet expert vous a chaque fois demandé de vous concentrer sur votre travail et de le laisser en dehors de vos problèmes.'

- la réponse de la salariée le 6 septembre 2001 indiquant : l'amélioration des conditions de travail est l'affaire de tous : des responsables et des salariés. J'attends toujours en tant de salarié une réunion dans le but d'améliorer la qualité du travail pour l'ensemble de tous' avez-vous les justificatifs écrits de Mesdames [X] et [U] qui prouvent que j'aurais déclaré le 21 juin 2001 : Les dates que vous avez avancées à propos de Monsieur [K] me paraissent douteuses ! Était-il dans le bureau les jours que vous citez '...En conclusion ne serait-il pas souhaitable que vous réunissiez l'ensemble de votre personnel pour que votre entreprise aille de l'avant dans l'intérêt de tous

- un courrier de la salariée le 19 septembre 2001 à M. [B] dans lequel elle écrit : c'est avec une infime détresse que je vous adresse l'une de mes dernières lettres avec l'espoir que ce cauchemar prenne fin... Le plus grave a mes yeux c'est que vous cherchez par tous les moyens à me déstabiliser, par des harcèlements incessants, des dires, des dates mensongères et des numéros téléphoniques qui me sont étrangers' de vos bureaux me sont adressés des messages blessants, il y a eu également des changements d'initiales sur des rapports très douteux, prêt à partir. Tout ceci m'oblige à me tenir sur mes gardes, d'où découle une tension très stressante j'aimerais que cesse cette méfiance à mon encontre également cet espionnage de mes faits et gestes...

- un courrier de la salariée du 2 février 2009 à son employeur en ces termes :. Depuis le début de l'année 2008 je suis victime de discrimination de la part de Madame [Q] qui sur les plaintes de certaines personnes me reproche de : ne pas répondre ou refuser des appels téléphoniques, déléguer mes gros rapports à mes collègues de travail, perturber le moral de mes collègues de travail envers mon travail soit disant que j'ai le plus de frappe...

Les éléments produits par l'employeur permettent de constater que la salariée en 2001 a fait l'objet d'un avertissement pour ne pas respecter les changements nécessités par le service ; elle a contesté fermement cet avertissement et n'a pas à cette occasion évoqué des faits de harcèlement subis particulièrement par elle de la part de Mme [U], alors que les attestations qu'elle verse aux débats font notamment état d'une 'punition ' antérieure décidée par cette dernière.

Si la salariée apparaît s'être plainte en septembre 2001 d'un harcèlement , ses propos apparaissent viser M. [B]. Il est constaté également que la salariée invoque elle-même, comme le souligne l'intimé, des plaintes de ses collègues à son endroit, qui auraient été relayées ainsi par son supérieur.

Le positionnement de la salariée qui, en réponse à un avertissement en 2001, évoquant les conditions de travail, entend prendre la défense des salariés dans leur ensemble, ajouté au fait qu'elle ne justifie pas d'un lien de causalité entre un quelconque suivi médical et les faits de railleries ou de moqueries dont Mme [U] apparaît avoir été l'auteur à son endroit, ne permettent pas de caractériser des faits répétés de harcèlement moral à l'égard de la salariée.

[F] [F] doit donc être déboutée de sa demande d'indemnisation, et la cour infirme en conséquence la décision des premiers juges qui, tout en écartant l'existence d'un harcèlement moral, ont accordé à la salariée des dommages et intérêts pour avoir 'souffert de certains comportements de sa hiérarchie directe caractérisés par une incompatibilité de caractère', de tels motifs ne pouvant servir de fondement à la demande formée.

Sur les primes qualité

La salariée reproche son employeur de ne pas lui avoir versé les primes de qualité de l'année 2006 à l'année 2009. Soutenant que le montant annuel de la prime de qualité est de 900 €, elle sollicite le paiement d'une somme de 3600 €.

La société TEXAS SERVICES fait valoir que la prime qualité est régie par notes de service, qu'elle n'est pas un acquis et que son montant varie de 0 à 900 €; elle précise que la salariée a perçu à ce titre :

- 919 € en 2005

- 0 € en 2006

- 565 € en 2007. Plus une prime exceptionnelle de 300 €

- 0 € en 2008

- 150 € en 2009. Plus une prime exceptionnelle de 110 €.

L'employeur admet ne pas avoir payé de primes en 2006 et en 2008, expliquant cette absence:

- en 2006 par le non-respect des délais dans la gestion des mises en causes à 3 jours et le manque d'assistance auprès des experts dans la remise de leurs rapports, ainsi que dans les absences de la salariée pour maladie pendant un mois et l'exercice de ses fonctions à mi-temps thérapeutique pendant trois mois.

- en 2008 par le fait que Madame [F] était en maladie du 10 au 28 juillet 2008 à mi-temps thérapeutique du 29 juillet au 18 août 2008 puis en maladie du 19 août 2008 au 2 février 2009 ; ayant travaillé quatre mois environ 2008 avec sa nouvelle chef de groupe Madame [Q], arrivée en mars 2008, son travail n'a pu ainsi être apprécié. Il s'en remet à l'appréciation de la cour sur cette année.

La salariée produit un courrier de l'employeur du 15 mars 2006 lui accordant l'année 2005 une rémunération variable de 919 € dont une prime qualité de 639 €. Un courrier du 4 mars 2008 de l'employeur rappelle à la salariée qu'au titre de l'année 2007 elle a perçu une avance sur prime qualité de 320€ ce qui n'est pas contesté, et qu'il a été décidé de lui allouer pour l'année 2007 un solde de prime de 245 €.

Contrairement à ce que soutient la salariée, il n'est donc nullement démontré qu'existait dans l'entreprise un usage tendant au versement d'une prime annuelle de qualité de 900 € au salarié, le montant de cette prime étant variable et fonction de critères liés à la présence du salarié et à la qualité du travail fourni. Mme [F] prétend en outre à tort n'avoir perçu aucune prime en 2007, alors qu'il est justifié par l'employeur du versement de la somme de 565 € de ce chef en 2007 .

Compte tenu des explications données par l'employeur qui ne verse aux débats aucun élément justifiant tant les absences précises de la salariée, que les appréciations susceptibles d'avoir été formulées sur le travail de Mme [F], la cour considère que les premiers juges ont procédé à une juste appréciation des sommes dues de ce chef à l'appelante, et confirme la décision rendue.

Sur le rappel de salaire

L'appelante fait valoir qu'elle a été payée selon un coefficient de 160 alors que la société TEXA devait lui conserver le coefficient initial attribué par la société BETAG, à savoir 240. Elle prétend alors un rappel de salaire pour les années 2005 à 2009 pour une somme totale de 8176,80 €.

Sur ce point l'employeur entend faire observer que le coefficient 160 qui lui a été attribué a été défini conformément aux critères de la nouvelle convention collective des entreprises d'expertise en matière d'évaluation industrielle et commerciale dont les conditions ont été acceptées par acte du 30 septembre 2002 par la salariée, ces nouvelles conditions annulant et remplaçant toutes les conventions antérieurement applicables entre elles et la société BETAG. Il conteste la rétrogradation prétendue, et indique que la salariée n'a jamais fait état d'une contestation de son nouveau coefficient et qu'elle doit donc être déboutée de la demande faite de ce chef.

Au vu du contrat de collaboration signé entre les parties le 30 septembre 2002, celles-ci ont arrêté:

Les présentes stipulations annulent et remplacent toutes les conventions antérieurement applicables entre la salariée et son ex employeur la société BETAG EXPERTISES IARD

...

Vous êtes maintenue dans vos fonctions en qualité de secrétaire sténodactylo coefficient 160 de la catégorie des emplois administratifs'

Votre rémunération annuelle brute pour une durée de travail à temps plein tous éléments de salaires confondus est fixé à 15'480 € payable sur 12 mois soit un salaire mensuel global brut de 1290 € ...

Nos rapports sont régis par le règlement intérieur de l'entreprise et par la convention collective. À titre informatif la Convention collective actuellement applicable au sein de notre société et la convention collective nationale des entreprises d'expertise en matière d'évaluation industrielle et commerciale dont un exemplaire est mis à la disposition du personnel du bureau.

Au vu des nouvelles dispositions contractuelles et conventionnelles applicables, la salariée, qui ne peut prétendre avoir toujours refusé ces modifications, ayant signé le contrat de collaboration précité, ne peut donc fonder sa demande de rappel de salaire sur un coefficient de 240 fixé par la Convention collective des bureaux d'études techniques cabinet d'ingénieur-conseil société de conseil régissant les rapports des parties à l'origine (contrat de travail du 4 janvier 2993 avec la société BETAG INGÉNIERIE). C'est donc à bon droit que le conseil des prud'hommes a entendu rejeter ses prétentions et la cour confirme la décision rendue de ce chef.

Sur les autres demandes

L'équité ne commande pas de faire application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile.

Le pourvoi n'étend pas suspensif il n'y a pas lieu d'ordonner l'exécution provisoire.

L'appelante qui succombe supporte les dépens.

PAR CES MOTIFS

LA COUR, statuant par arrêt contradictoire, par mise à disposition au greffe, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues à l'article 450 du code de procédure civile, en matière prud'homale,

Confirme le jugement du 3 mars 2014 rendu par le conseil des prud'hommes de Marseille sauf en ce qu'il a condamné la société TEXA SERVICE à verser à [F] [F] une somme de 5000€ au titre du préjudice moral,

Statuant à nouveau,

Déboute [F] [F] de sa demande de dommages-intérêts pour harcèlement moral,

Dit n'y avoir lieu à application de l'article 700 du code de procédure civile

Dit n'y avoir lieu à exécution provisoire,

Condamne [F] [F] aux dépens d'appel.

LE GREFFIERLE PRESIDENT


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel d'Aix-en-Provence
Formation : 9e chambre c
Numéro d'arrêt : 14/06504
Date de la décision : 09/09/2016

Références :

Cour d'appel d'Aix-en-Provence 9C, arrêt n°14/06504 : Infirme partiellement, réforme ou modifie certaines dispositions de la décision déférée


Origine de la décision
Date de l'import : 27/03/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2016-09-09;14.06504 ?
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