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09/09/2016 | FRANCE | N°13/10383

France | France, Cour d'appel d'Aix-en-Provence, 9e chambre c, 09 septembre 2016, 13/10383


COUR D'APPEL D'AIX EN PROVENCE

9e Chambre C



ARRÊT AU FOND



DU 09 SEPTEMBRE 2016



N° 2016/ 458













Rôle N° 13/10383





[O] [X]





C/



SA SWISS LIFE REIM, anciennement dénommée VIVERIS REIM

























Grosse délivrée le :



à :



-Me Alex BREA, avocat au barreau de MARSEILLE



- Me Jane SALMON, avocat au

barreau de MARSEILLE





Copie certifiée conforme délivrée aux parties le :





Décision déférée à la Cour :



Jugement du Conseil de Prud'hommes - Formation paritaire de MARSEILLE - section E - en date du 02 Mai 2013, enregistré au répertoire général sous le n° 11/02559.







APPELANTE



Madam...

COUR D'APPEL D'AIX EN PROVENCE

9e Chambre C

ARRÊT AU FOND

DU 09 SEPTEMBRE 2016

N° 2016/ 458

Rôle N° 13/10383

[O] [X]

C/

SA SWISS LIFE REIM, anciennement dénommée VIVERIS REIM

Grosse délivrée le :

à :

-Me Alex BREA, avocat au barreau de MARSEILLE

- Me Jane SALMON, avocat au barreau de MARSEILLE

Copie certifiée conforme délivrée aux parties le :

Décision déférée à la Cour :

Jugement du Conseil de Prud'hommes - Formation paritaire de MARSEILLE - section E - en date du 02 Mai 2013, enregistré au répertoire général sous le n° 11/02559.

APPELANTE

Madame [O] [X], demeurant [Adresse 1]

représentée par Me Alex BREA, avocat au barreau de MARSEILLE

INTIMEE

SA SWISS LIFE REIM, anciennement dénommée VIVERIS REIM, demeurant [Adresse 2]

représentée par Me Jane SALMON, avocat au barreau de MARSEILLE substitué par Me Séverine ARTIERES, avocat au barreau de MARSEILLE

*-*-*-*-*

COMPOSITION DE LA COUR

L'affaire a été débattue le 14 Juin 2016 en audience publique devant la Cour composée de :

Madame Catherine LE LAY, Président de Chambre

Madame Hélène FILLIOL, Conseiller qui a rapporté

Madame Virginie PARENT, Conseiller

qui en ont délibéré

Greffier lors des débats : Madame Florence ALLEMANN-FAGNI.

Les parties ont été avisées que le prononcé de la décision aurait lieu par mise à disposition au greffe le 09 Septembre 2016.

ARRÊT

CONTRADICTOIRE

Prononcé par mise à disposition au greffe le 09 Septembre 2016.

Signé par Madame Catherine LE LAY, Président de Chambre et Madame Florence ALLEMANN-FAGNI, greffier auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

FAITS, PROCEDURE ET MOYENS DES PARTIES

Madame [O] [X] a été engagée par la société VIVERIS REIM, devenue la société Swiss Life REIM, en qualité de responsable administratif et financier, statut cadre, coefficient 900, à compter du 6 juillet 2009 suivant contrat de travail à durée indéterminée en date du 15 juin 2009.

Suivant avenant en date du 26 février 2010, les parties convenaient d'ajouter au contrat de travail une clause de rémunération variable au titre des années 2009, 2010, 2011.

Les relations contractuelles entre les parties étaient soumises à la convention collective des sociétés financières.

Par courrier recommandé en date du 3 mai 2011, elle a été convoquée à un entretien préalable fixé au 12 mai 2011 avec mise à pied conservatoire puis licenciée pour faute grave par courrier recommandé du 17 mai 2011 en ces termes exactement reproduits :

'Madame,

Par lettre remise en main propre contre décharge en date du 3 mai 2011, nous vous avons régulièrement convoquée à un entretien préalable à un éventuel licenciement fixé au 12 mai 2011, auquel vous vous êtes présentée accompagnée de Mme [T] [U], en sa qualité de délégué du personnel suppléant.

Malgré les explications que nous avons pu recueillir au cours de cet entretien, nous avons le regret de vous informer que nous sommes contraints de vous notifier par la présente votre licenciement pour faute grave motif pris de votre comportement d'insubordination, déloyal et négligent dans l'exécution de votre prestation de travail, qui a suscité un climat de tension au sein de la Société VIVERIS REIM particulièrement préjudiciable à son bon fonctionnement.

En effet, vous avez été engagée en qualité de Responsable Administratif et Financier, statut Cadre, fonction qui impose rigueur et professionnalisme.

Or, depuis le 22 mars 2011, date à laquelle je vous ai informée de la décision qui avait été adoptée par le Conseil de Surveillance le 15 mars concernant le changement de mode de gouvernance et la réorganisation afférente, vous faites preuve d'un comportement particulièrement préjudiciable au bon fonctionnement de l'entreprise.

En effet, vous étiez auparavant sous la responsabilité de [U] [C], Directeur Général qui est devenu Président du Directoire. Lors du changement d'actionnariat, il a été décidé de mettre en place un Directoire dont les membres sont : [U] [C], président, [M] [E], Secrétaire Général, [K] [Q] et [W] [Z] et il a été nécessaire de mettre en place une nouvelle répartition des fonctions et responsabilités entre les membres du Directoire.

C'est dans ces circonstances qu'il a été décidé que la Direction Administrative et Financière serait désormais rattachée hiérarchiquement et fonctionnellement non plus directement à moi mais au Secrétaire Général, et membre du Directoire, afin qu'il supervise, à ce titre, l'ensemble des fonctions supports de l'entreprise.

Malgré plusieurs entretiens au cours duquel nous vous avons clairement expliqué que cette réorganisation, purement organisationnelle, était destinée à renforcer le rôle de la Direction Administrative et Financière, notamment dans des projets plus transversaux et n'entraînait aucune modification de votre contrat de travail, vous avez cependant manifesté votre refus d'accepter ce nouveau rattachement hiérarchique.

Ainsi, à titre d'exemple, lors de l'entretien que vous avez eu le 24 mars dernier avec votre nouveau supérieur hiérarchique, Mme [M] [E], Secrétaire Général, vous avez clairement exprimé votre refus de reporter directement à elle, alors que l'objet de cet entretien était justement de discuter des modalités de fonctionnement de cette nouvelle organisation.

Par la suite, refusant tout contact avec cette dernière, vous n'avez pas hésité à m' adresser des courriels, sans mettre en copie votre supérieur hiérarchique, aux termes desquels vous prétendez, en toute mauvaise foi, d'une part que dans le cadre de vos fonctions, vous êtes toujours 'sous ma responsabilité' alors que vous avez été parfaitement informée que la Direction Administrative et Financière était désormais rattachée au Secrétariat Général et d'autre part que la réorganisation conduirait à «réduire le périmètre de vos fonctions et responsabilités.

Malgré le fait que je vous ai, à nouveau, reçue en entretien le 28 mars et que je vous ai répondu que les questions d'organisation de la Direction Administrative et Financière relevaient désormais du périmètre de fonctions du Secrétaire Général, vous invitant à communiquer directement avec elle, vous avez persisté dans votre attitude d'opposition, ce qui a contribué à générer un climat de tension au sein de la Direction Financière, ce qui est particulièrement préjudiciable au bon fonctionnement de l'entreprise et, ce d'autant plus que nous devions accueillir dans le même temps le directeur financier adjoint engagé pour vous seconder.

Il est ainsi parfaitement clair que vous faites non seulement preuve d'un comportement constitutif d'insubordination en refusant de manière détournée de vous soumettre aux nouvelles directives qui vous sont données, mais également d'une mauvaise foi délibérée dans le seul but de nuire au bon fonctionnement du Service, rendant impossible une mise en oeuvre efficace de la nouvelle réorganisation.

Pour preuve de votre mauvaise foi en date du 15 avril 2011, vous m'avez adressé un nouveau courriel aux termes duquel vous prétendez avoir constaté que vos fonctions et responsabilités auraient été réduites, et ce alors même que, de votre propre aveu, la nouvelle organisation n'était en place que depuis trois semaines, ce qui est très court pour apprécier réellement 1'impact de la réorganisation sur le périmètre de vos fonctions.

A ce titre vous tenez volontairement votre nouveau supérieur hiérarchique à l'écart, ce qui nuit au bon fonctionnement du Service, générant des retards et des difficultés dans l`obtention des informations nécessaires à l'exécution de sa mission de supervision de l'ensemble de la Direction administrative et Financière.

ll semble en effet que les arguments que vous invoquez ne soient que des prétextes fallacieux et que votre opposition à vous soumettre aux nouvelles directives qui vous ont été données, ne résulte en réalité que de votre inimitié pour le Secrétaire Général.

Cette attitude d'opposition persistante et réitérée ne saurait être tolérée, d'autant plus compte tenu de vos fonctions et de vos responsabilités.

Or, en manifestant, de manière excessive, votre inimitié pour votre supérieur hiérarchique, vous perturbez le climat social de l'entreprise, désorganisez la Direction Administrative et Financière de la Société, ce qui nuit à son efficacité.

En outre, nous avons également constaté que ce comportement d'insubordination s'est accompagné de nombreuses négligences dans l'exécution de votre prestation de travail qui sont intolérables compte tenu de votre niveau de responsabilité.

Ainsi, à titre d'exemple, nous avons constaté que vous avez commis une négligence dans le montant du dividende à distribuer aux actionnaires ce qui a nécessité une régularisation tardive des montants réels à distribuer.

En outre, dans le cadre du dossier TVA VIVERIS ODYSSEE, nous avons appris que vous aviez laissé sans réponse un courrier de la Direction Générale des Finances Publiques demandant de faire parvenir un certain nombre de documents visant à obtenir le remboursement de crédit de TVA sur la SPPICAV Viveris Odyssée.

ll est apparu que vous aviez classé ce courrier sans le traiter ni le diffuser au gérant de la SPPICAV, ni au cabinet [F] en charge de la comptabilité et de la fiscalité de la SPPICAV alors que cela fait pourtant partie de vos attributions.

Par ailleurs, toujours dans le cadre du dossier de la SPPICAV Viveris Odyssée, nous avons dû faire face à une réclamation de ce client qui se plaignait de n'avoir pas de réponses de votre part à des questions, et ce malgré de multiples relances.

Egalement, vous avez commis des erreurs dans le calcul de la cotisation de la Société auprès de l'Autorité des Marchés Financiers, notre autorité de tutelle, et avez transmis avec retard le reporting de nos produits auprès de l'Autorité des Marchés Financiers.

En outre, votre attitude d'opposition a eu pour conséquence de nombreuses erreurs et négligences dans le traitement des dossiers dont vous avez la charge, et ce alors même que nous vous avions déjà alerté verbalement à plusieurs reprises sur la nécessité de faire preuve de rigueur dans le cadre de vos fonctions.

Ainsi, à titre d'exemple, vous avez comptabilisé avec retard les notes de frais d'un collaborateur de la société qui avaient été transmises en temps utiles pour être provisionnés sur l`exercice précédent, ce qui entraîne des charges inutiles sur l'exercice en cours.

De même, dans le cadre du closing Viveris Management/SWissLife, le conseil de SwissLife s'est rendu compte que vous avez fait des erreurs sur la comptabilisation d'un prorata de la TVA, ce qui nuit à l'image de l'entreprise et au professionnalisme de ses équipes, et entraîne des conséquences financières non négligeables sur le résultat de l'exercice.

Autre exemple, vous avez communiqué des informations erronées à un de nos clients, SITQ, sur le suivi de trésorerie du produit Lutiq.

Plus récemment, par votre attitude d'opposition, vous avez généré des retards dans la validation des bulletins de salaire du mois d`avril 2011 de l'ensemble des salariés de la Société et avez persisté à m'adresser des courriels à mon attention, sans mettre votre supérieur hiérarchique en copie, alors que vous auriez pourtant dû la tenir informée.

Par ailleurs, vous avez également ouvertement critiqué des décisions prises par le Directoire dans le cadre du suivi et de 1'arrêté des comptes du 1er trimestre 2011 de la Société, alors que ces décisions avaient pourtant été validées par notre Commissaire aux Comptes, ce qui est particulièrement nuisible en termes d'image et de crédibilité. Une fois de plus sur ce sujet-là, vous vous êtes adressé par courriels directement à moi sans mettre votre supérieur hiérarchique en copie de vos courriels.

Enfin, plusieurs salariés nous ont également récemment informés de la mauvaise volonté délibérée dont vous faisiez preuve dans l'exécution de vos missions, ayant été confrontés à des difficultés pour obtenir de votre part les documents financiers dont ils avaient besoin ainsi qu'à des incohérences et erreurs dans ces mêmes documents.

Lors de l'entretien préalable, vous avez prétendu n'avoir jamais émis de contestation concernant la décision de réorganisation, alors même que vous avez pourtant reconnu m'avoir personnellement adressé de nombreux courriels relatifs à cette réorganisation, excluant volontairement votre supérieur hiérarchique, Madame [M] [E], de ces échanges.

Ces agissements témoignent là encore de votre volonté de créer un climat tendu au sein de notre Société, ce qui est intolérable compte tenu de vos responsabilités et de vos fonctions.

Nous considérons que ces raisons justifient un licenciement pour faute grave.

Dans ces conditions, il nous est impossible de vous maintenir dans la Société.

Votre licenciement prend donc effet immédiatement, sans indemnité de préavis, ni de licenciement, et nous vous adressons, par courrier séparé, votre certificat de travail, votre attestation Pôle Emploi, votre reçu pour solde de tout compte ainsi que les salaires et indemnités de congés payés qui vous sont dus.

Par ailleurs, nous vous informons qu°en conséquence, la période de mise à pied conservatoire qui vous a été notifiée le 3 mai 2011 ne vous sera pas rémunérée...'.

Contestant le caractère réel et sérieux du licenciement, Madame [O] [X] a saisi le 27 mai 2011 la juridiction prud'homale de demandes de nature salariale et indemnitaire.

Par jugement rendu le 2 mai 2013, le conseil de prud'hommes de Marseille a :

- dit que le licenciement de Madame [O] [X] ne repose pas sur une faute grave mais s'analyse en licenciement sans cause réelle et sérieuse,

- dit que le salaire mensuel brut moyen de Madame [O] [X] s'élève à la somme de 7261€,

- condamné la Société VIVERIS REIM au paiement des sommes suivantes :

. 21 783€ au titre de l'indemnité de préavis égale à 3 mois de salaire,

. 2178.30€ au titre des congés payés y afférents,

. 6655.82€ au titre de l'indemnité légale de licenciement,

. 2840.91€ au titre du rappel de salaire sur la période de mise à pied conservatoire,

. 284.09€ au titre des congés payés y afférents,

. 1000€ sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile.

- débouté Madame [O] [X] de sa demande de versement de la prime d'objectifs individuels au titre de l'année 2010,

- condamné la société VIVERIS REIM aux dépens.

Madame [O] [X] a régulièrement relevé appel de cette décision le 16 mai 2013.

A l'audience collégiale du 14 juin 2015, à laquelle l'affaire a été appelée après un premier renvoi en collégiale sollicité par le conseil de la salarié puis un second renvoi demandé par le conseil de l'employeur au motif d'une réception tardive des conclusions de l'appelante, Madame [O] [X] demande à la cour de réformer le jugement et :

- de constater que son licenciement est sans cause réelle et sérieuse,

- de dire que le montant de son salaire mensuel brut s'élève à la somme de 7436€,

- de condamner la SA Swiss Life REIM (France) à lui payer la somme de 90 000€ nets à titre de dommages et intérêts pour licenciement abusif,

- de condamner la SA Swiss Life REIM (France) à lui payer les sommes de 22 308.24€ bruts au titre de l'indemnité compensatrice de préavis, de 2 230.82€ bruts au titre des congés payés y afférents, de 6816.41€ nets au titre de l'indemnité de licenciement,

- condamner la SA Swiss Life REIM (France) à lui payer les sommes de 2840.91€ au titre du rappel de salaire pour la période de mise à pied conservatoire et de 284.09€ au titre des congés payés y afférents,

- condamner la SA Swiss Life REIM (France) à lui payer les sommes de 3679€ bruts au titre du rappel de salaire relatif à la prime d'objectif et de 367.90€ au titre des congés payés y afférents,

- condamner la SA Swiss Life REIM (France) à lui payer la somme de 4000€ sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile.

La SA Swiss Life REIM (France), antérieurement dénommée VIVERIS REIM, demande à la cour de :

= à titre principal :

- constater que le licenciement de Madame [O] [X] repose sur une faute grave;

- constater qu'aucun rappel de prime n'est dû à Madame [O] [X];

En conséquence,

- infirmer le jugement rendu par le conseil de Prud'hommes en ce qu'il a considéré que le licenciement reposait sur une cause réelle et sérieuse;

- confirmer le jugement rendu par le conseil de Prud'hommes en ce qu'il a débouté Madame [X] de sa demande de rappel de prime variable,

- débouter Madame [O] [X] de l'ensemble de ses demandes;

- ordonner le remboursement des sommes versées à Madame [X] en exécution du jugement;

= à titre subsidiaire :

- constater que le licenciement de Madame [O] [X] repose sur une cause réelle et sérieuse;

En conséquence,

- confirmer le jugement rendu par le conseil de Prud'hommes sur ce point;

- constater que Madame [X] a été réglée des sommes dues;

- débouter Madame [O] [X] de ses autres demandes ;

= à titre infiniment subsidiaire :

- constater que le montant manifestement excessif des dommages et intérêts réclamés par Madame [O] [X];

En conséquence,

- minimiser fortement le montant des condamnations conformément à l'article L. 1235-5 du code du travail;

- débouter Madame [O] [X] de ses plus amples demandes, fins et conclusions;

= En tout état de cause :

- Condamner Madame [O] [X] à lui verser la somme de 2.000€ au titre de I'article 700 du code de procédure civile.

Pour un plus ample exposé des faits, de la procédure, des moyens et des prétentions des parties, il y a lieu de se référer au jugement du conseil de prud'hommes et aux écritures déposées, oralement reprises.

MOTIFS DE LA DECISION

Sur le rappel de salaire au titre de la prime d'objectif 2010

Attendu que Madame [X] [O], pour prétendre à l'infirmation du jugement et solliciter la somme de 3.679€ bruts au titre d'un solde restant du sur la prime d'objectif, fait notamment valoir que l'employeur ne pouvait la priver de sa rémunération variable au motif qu'elle n'aurait pas atteint des objectifs alors qu'aucun objectif individuel ne lui a été fixé ;

Attendu que l'employeur réplique qu'elle a perçu la part de prime qui lui était due, les 5% non versés correspondant à des objectifs individuels qu'elle n'a pas atteints ;

Attendu que l'avenant du 26 février 2010 liant les parties prévoit une rémunération variable composée pour les années 2010 et 2011 de deux volets :

- une rémunération variable déterminée en fonction du niveau du ratio AMF dont le montant brut est plafonné à 15% de la rémunération fixe perçue au cours de chacune des années de référence,

- une rémunération variable dont le montant brut est plafonné à 5% de la rémunération fixe perçue au cours de chacune des années de référence, sous condition de respect des objectifs qualitatifs individuels fixés d'un commun accord entre le salarié et son responsable hiérarchique au mois de février de chaque année pour l'année en cours ;

Attendu qu'il est constant que Madame [O] [X] a perçu une partie de sa rémunération variable correspondant au 'premier volet' précité de celle-ci ;

Attendu qu'il est également établi que par courrier électronique du 2 mai 2011, Madame [O] [X] a manifesté auprès de son employeur son 'étonnement' au fait ' de ne pas avoir perçu le second volet de sa rémunération variable de l'année 2010" en relevant notamment ' qu'aucun objectif n'avait été fixé en février 2 010 d'un commun accord' ;

Attendu, contrairement à ce qu'ont retenu les premiers juges, qu'il n'est pas démontré par l'employeur que 'des objectifs qualitatifs individuels' aient été fixés pour 2010 d'un 'commun accord entre les parties' conformément au termes de l'avenant contractuel précité ;

Attendu en effet, que la pièce n°1 produite par l'employeur intitulée 'objectifs 2010" n' a aucune valeur probante sur ce point, s'agissant des objectifs généraux fixés à chaque direction de l'entreprise pour l'année 2010 ;

Attendu qu'il n'est pas plus démontré qu'au cours de l' entretien individuel d'appréciation du 2 février 2011, les dits objectifs qualitatifs individuels auraient été fixés, l'employeur ne versant aucune pièce probante sur ce point ;

Attendu au regard de ce qui précède que la demande de rappel de prime de la salariée est fondée; qu'il convient donc, en réformant le jugement, de condamner la SA Swiss Life REIM (France) à payer à Madame [O] [X] les sommes de 3670€ au titre du solde restant du sur la prime d'objectif 2010 et de 367.90€ au titre des congés payés y afférents ;

Sur le licenciement

Sur le moyen tiré de la prescription des faits fautifs

Attendu que la salariée, se prévalant des dispositions de l'article L.1332-4 du code du travail, soulève la prescription de plusieurs erreurs et négligences visées dans la lettre de licenciement et dont la liste figure ci-dessous ;

*

Attendu qu'aux termes de l'article L.1332-4 du code du travail 'aucun fait fautif ne peut donner lieu à lui seul à l'engagement de poursuites disciplinaires au delà d'un délai de deux mois à compter du jour où l'employeur en a eu connaissance, à moins que ce fait ait donné lieu dans le même délai à l'exercice de poursuites pénales ' ;

Attendu que lorsque les faits ont eu lieu plus de deux mois avant l'engagement des poursuites, il appartient à l'employeur de rapporter lui même la preuve qu'il a eu connaissance de ceux-ci que dans le délai de deux mois ayant précédé l'engagement de la procédure disciplinaire ;

*

Attendu en l'espèce, comme l'a justement relevé le conseil de prud'hommes, qu'il ressort des éléments de la cause et notamment des courriers électroniques versés aux débats que plusieurs erreurs et négligences reprochées à la salariée ont eu lieu plus de deux mois avant l'engagement des poursuites, soit antérieurement au 3 mai 2011 ;

Attendu que tel est le cas :

- des erreurs ' dans le montant des dividendes à distribuer aux actionnaires',

- des négligences concernant le traitement de la TVA (dossier TVA VIVERIS ODYSSEE),

- des erreurs dans le calcul de la cotisation de la société auprès des l'Autorité des Marchés Financiers,

- des erreurs sur la comptabilisation d'un prorata de la TVA 'dans le cadre du closing Vivéris management/swiss Life',

- de la comptabilisation avec retard des notes de frais d'un collaborateur,

- de la communication 'd'informations erronées à un client SITQ sur le suivi de trésorerie du produit Lutiq', ;

Attendu que l'employeur ne justifie qu'il a eu connaissance de ces faits dans le délai de deux mois ayant précédé l'engagement de la procédure disciplinaire ;

Attendu qu' il s'ensuit que ces faits sont prescrits ;

Sur la faute grave

Attendu que la faute grave est celle qui résulte d'un fait ou d'un ensemble de faits imputables au salarié qui constituent une violation des obligations résultant du contrat de travail ou des relations de travail d'une importance telle qu'elle rend impossible le maintien du salarié dans l'entreprise même pendant la durée du préavis ;

Attendu que l'employeur qui invoque la faute grave pour licencier doit en rapporter la preuve ;

*

Attendu qu'aux termes de la lettre de licenciement, qui fixe les termes du litige, l'employeur reproche à Madame [O] [X] :

- une attitude d'opposition 'persistante et réitérée' et d'insubordination se manifestant notamment par son 'refus de manière détournée' de se soumettre aux nouvelles directives de son employeur, de mettre en copie son supérieur hiérarchique direct des mails envoyés directement au président du Directoire et par ses critiques ouvertes des décisions prises par le Directoire dans le cadre du suivi et de l'arrêté des comptes du premier trimestre 2011 ;

- de nombreuses négligences et une mauvaise volonté délibérée dans l'exécution de ses prestations de travail;

Attendu que c'est à bon droit que la salariée fait valoir que les griefs postérieurs au licenciement, invoqués dans les écritures de l'employeur, ne peuvent être examinés par la cour, la lettre de licenciement fixant les termes du litige ;

Attendu s'agissant du grief tiré de négligences et d'erreurs de la salariée, qu'il résulte de ce qui précède que certaines de celles-ci, dont la liste figure ci-dessus, sont prescrites ;

Attendu pour ce qui concerne le retard dans la validation des bulletins de salaire du mois d'avril 2011, contesté par la salariée, que ce grief n'est pas établi, l'employeur ne produisant aucun élément probant sur ce point;

Attendu s'agissant de la mauvaise volonté délibérée de Madame [O] [X] dans l'exécution de son travail, dont l'employeur aurait été informé par plusieurs salariés de l'entreprise 'confrontés à des difficultés pour obtenir de sa part des documents financiers', que force est de constater que l'employeur ne produit aucune pièce établissant la réalité de ce grief, lequel doit en conséquence être écarté ;

Attendu concernant le premier grief tiré de l'attitude d'opposition et d'insubordination de la salariée, qu'il ressort des éléments de la cause et en particulier des courriers électroniques versés aux débats :

- qu'en mars 2011, une nouvelle organisation, validée par le conseil de surveillance, a été mise en place au sein de l'entreprise, avec la création d'un directoire composée notamment du directeur général, devenu président du Directoire, Monsieur [C] et du secrétaire général, Mme [E] et un changement concernant la supervision de la direction administrative et financière (précédemment réalisée par le directeur général de l'entreprise) confiée au secrétaire général, membre du directoire et responsable de la conformité et du contrôle interne,

- que Mme [X], qui exerçait aux termes de son contrat de travail ses fonctions de responsable administratif et financier sous la responsabilité du directeur général, a été placée sous l'autorité de Mme [E],

- que Madame [O] [X] a été informée de ce changement d'organisation et des raisons de celui-ci par le président du Directoire, Monsieur [C] lors de trois entretiens organisés le 22, 28 mars et 2 mai 2011 et par le secrétaire général le 24 mars 2011;

- que Madame [O] [X] a manifesté son opposition à cette nouvelle organisation aux termes de plusieurs courriers électroniques en date du 25, 29 mars, 15 avril et 2 mai 2011, adressés au président du Directoire, lui faisant part notamment de ses inquiétudes sur l'évolution de son poste, sur la réduction de son périmètre fonctionnel et des agissements et du manque de confiance du secrétaire général, Mme [E] à son égard ;

- que Monsieur [C] a répondu à ses inquiétudes notamment par courrier électronique du 24 mars 2011 ('cette organisation n'affecte aucunement ton périmètre fonctionnel et présente les avantages suivants...');

- que par courrier électronique du 8 avril et du 2 mai 2011, il lui a écrit en ces termes : 'concernant la nouvelle organisation, j'ai pris le temps de t'exposer plusieurs fois les raisons de ce changement. Je ne reviendrai plus sur ce sujet ... A l'avenir pour toute question, merci de t'adresser directement à ta responsable hiérarchique, [M] [E]' et lui a fait part de ses inquiétudes 'quant à son attitude de blocage et de refus de coopérer avec la direction' ;

Attendu que la salariée ne conteste pas sérieusement avoir eu une attitude d'opposition vis à vis de son employeur mais fait valoir que la véritable cause du licenciement n'est pas son comportement mais son refus d'accepter une modification de son contrat de travail portant sur ses fonctions et sa rémunération;

Attendu toutefois que la salariée ne rapporte pas la preuve d'une modification de son positionnement hiérarchique tant sur le plan organisationnel que fonctionnel ;

Attendu sur le plan organisationnel, qu'il résulte de ce qui précède que Mme [E], secrétaire générale, est devenue à compter du mois de mars 2011, membre du directoire et responsable de la conformité et du contrôle interne, en remplacement de Monsieur [C] et à ce titre chargée d'une mission de supervision de la Direction administrative et financière ;

que dans ces circonstances, le fait que Madame [X], ne soit plus sous la responsabilité du directeur général mais ait été placée sous l'autorité hiérarchique de Mme [E] ne prouve pas que son poste n'ait plus été à compter du mois de mars 2011 au même degré dans la pyramide des emplois ;

Attendu que les deux organigrammes de l'entreprise versés aux débats par la salariée (avant la réorganisation de mars 2011/ après son licenciement) n'ont aucune valeur probante sur ce point ;

Attendu que l'attestation de Monsieur [I], ancien salarié de l'entreprise, ne présente pas de garanties suffisantes pour être retenue comme élément de preuve, le témoin n'ayant pas déclaré, aux termes de son attestation du 4 novembre 2013, comme l'exige l'article 202 du code de procédure civile, qu'il entretenait des liens de collaboration avec Madame [O] [X], en sa qualité, depuis le 2 avril 2012, de représentant permanent d'[F] [P], président de la société VIVERIS INFRASTRUCTURES et dirigeant avec Mme [X] de la société MIRABELLISA comme en attestent notamment les relevé Kbis des dites sociétés produites par l'employeur ;

Attendu de même sur le plan fonctionnel, qu'aucun élément de la cause n'établit que la salariée aurait été évincée de certaines de ses fonctions, le compte-rendu de l'entretien préalable comme ses courriers électroniques, ne permettant de tirer aucune conséquence sur ce point ;

Attendu que la salariée ne prouve pas plus que le licenciement trouverait son origine dans son refus exprimé par courrier électronique du 2 mai 2011 d'accepter une modification injustifiée de sa rémunération;

Attendu qu'elle ne produit aucun élément établissant que la société souhaitait en réalité se débarrasser d'elle ;

Attendu que l'employeur ne produit aucun élément relatif aux prétendues critiques ouvertes injustifiées des décisions prises par le directoire dans le cadre du suivi et de l'arrêté des comptes du 1er trimestre 2011 de la société, alors que la salariée fait valoir qu'elle a simplement émis des réserves entrant dans le cadre de ses attributions notamment portant sur le suivi et l'arrêté des comptes de la société ;

Attendu que l'employeur ne démontre pas que le refus de la salariée de se soumettre aux directives de l'employeur ait eu pour but de nuire au bon fonctionnement de l'entreprise ;

Attendu compte-tenu de ce qui précède et dans ces circonstances, que c'est à bon droit que le conseil de prud'hommes, sans retenir l'existence d'une faute grave rendant impossible le maintien de la salariée pendant la durée du préavis , a considéré que l'attitude d'opposition persistante et réitérée de la salariée d'accepter la nouvelle organisation décidée par l'employeur et l'autorité du secrétaire général, constituait au regard de son statut de cadre et de ses fonctions de directeur administratif et financier de l'entreprise, un juste motif de licenciement ;

Attendu en tenant compte de la rémunération variable de la salariée, volet 1 et 2, que le salaire mensuel brut moyen de celle-ci doit être fixée à la somme de 7261€ ; que le jugement doit être confirmé sur ce point ;

Attendu qu'en l'absence de contestation sérieuse des parties sur les montants alloués par le conseil de prud'hommes au titre du préavis, des congés payés y afférents, de l'indemnité de licenciement et du rappel de salaire au titre de la mise à pied conservatoire et des congés payés y afférents, le jugement doit être confirmé sur ces points ;

Sur l'article 700 du code de procédure civile et les dépens

Attendu que le jugement doit être confirmé en ses dispositions relatives à l'article 700 du code de procédure civile et aux dépens.

Attendu qu'aucune considération d'équité ou d'ordre économique ne justifie en l'espèce application de l'article 700 du code de procédure civile ;

Attendu que les dépens d'appel seront à la charge de l'employeur ;

PAR CES MOTIFS

La Cour,

Statuant par arrêt contradictoire, par mise à disposition au greffe, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues à l'article 450 du code de procédure civile, en matière prud'homale,

Déclare recevable l'appel en la forme.

Confirme le jugement, sauf en ce qu'il a rejeté les demandes au titre de la prime d'objectif.

Statuant à nouveau sur ce seul chef infirmé:

Condamne la SA Swiss Life REIM (France) à payer à Madame [O] [X] les sommes de :

- 3670€ au titre de la prime d'objectif,

- 367.90€ au titre des congés payés y afférent

Y ajoutant :

Dit n'y avoir lieu à application de l'article 700 du code de procédure civile.

Condamne la SA Swiss Life REIM (France) aux dépens d'appel.

LE GREFFIERLE PRESIDENT


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel d'Aix-en-Provence
Formation : 9e chambre c
Numéro d'arrêt : 13/10383
Date de la décision : 09/09/2016

Références :

Cour d'appel d'Aix-en-Provence 9C, arrêt n°13/10383 : Infirme partiellement, réforme ou modifie certaines dispositions de la décision déférée


Origine de la décision
Date de l'import : 27/03/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2016-09-09;13.10383 ?
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