COUR D'APPEL D'AIX-EN-PROVENCE
15e Chambre A
ARRÊT AU FOND
DU 02 SEPTEMBRE 2016
N° 2016/644
Rôle N° 14/12160
[L] [N]
C/
SA SOGIMA
Grosse délivrée
le :
à : Me LAZZARINI
Me JUSTON
Décision déférée à la Cour :
Jugement du Juge de l'exécution du Tribunal de Grande Instance de MARSEILLE en date du 05 Juin 2014 enregistré au répertoire général sous le n° 13/09924.
APPELANT
Monsieur [L] [N]
né le [Date naissance 1] 1944 à [Localité 1], demeurant [Adresse 1]
comparant en personne, assisté de Me Laurent LAZZARINI de la SCP GATT & LAZZARINI, avocat au barreau de MARSEILLE
INTIMEE
SA SOGIMA, prise en la personne de son représentant légal en exercice domicilié en cette qualité audit siège sis [Adresse 2]
représentée par Me Sandra JUSTON de la SCP BADIE SIMON-THIBAUD JUSTON, avocat au barreau d'AIX-EN-PROVENCE, assistée de Me Alain COUECOU, avocat au barreau de MARSEILLE, plaidant
*-*-*-*-*
COMPOSITION DE LA COUR
En application des dispositions des articles 785,786 et 910 du Code de Procédure Civile, l'affaire a été débattue le 17 Juin 2016, en audience publique, les avocats ne s'y étant pas opposés, devant Monsieur Dominique TATOUEIX, Conseiller, chargé du rapport, qui a fait un rapport oral à l'audience, avant les plaidoiries.
Ce magistrat a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la Cour, composée de :
Monsieur Olivier COLENO, Président
Madame Françoise BEL, Conseiller
Monsieur Dominique TATOUEIX, Conseiller (rédacteur)
Greffier lors des débats : Madame Ingrid LAVIGNAC.
Les parties ont été avisées que le prononcé de la décision aurait lieu par mise à disposition au greffe le 02 Septembre 2016
ARRÊT
Contradictoire,
Prononcé par mise à disposition au greffe le 02 Septembre 2016
Signé par Madame Françoise BEL, Président suppléant pour le Président empêché et M. Alain VERNOINE, greffier auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.
***
FAITS ET PROCÉDURE
Par jugement en date du 11 mars 2013, le tribunal d'instance de Marseille a prononcé, avec exécution provisoire, la résiliation des baux datés des 24 janvier et 15 avril 2002 conclus entre la société SOGIMA et M. [N], ordonné l'expulsion immédiate de ce dernier, ainsi que de tous occupants de son chef, des locaux situés au 7 étage d'un immeuble sis [Adresse 3], dispensé la société SOGIMA du délai de deux mois de l'article L 412-1 du code des procédures civiles d'exécution, dit n'y avoir lieu de surseoir à la mesure d'expulsion durant la période mentionnée à l'article L 412-1 du même code et dit qu'à défaut de libération volontaire des lieux, la société SOGIMA pourra faire transporter les meubles et objets mobiliers de M. [N] au frais et dans le lieu choisi par ce dernier.
Le 3 avril 2013, la société SOGIMA a fait signifier ce jugement à M. [N] ainsi qu'un commandement d'avoir à quitter les lieux sous 48 heures, au plus tard le 6 avril 2014.
Les 2 et 6 septembre 2013, la société SOGIMA a fait délivrer un procès-verbal d'expulsion qu'elle a fait signifier à M. [N] par exploit en date du 10 septembre 2013 contenant sommation d'avoir à retirer les meubles transportés dans le garde-meuble 3D et assignation devant le juge de l'exécution du tribunal de grande instance de Marseille aux fins de voir statuer sur le sort des meubles non retirés avant l'audience, outre condamnation de M. [N] au paiement d'une somme de 2.000 € sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile ainsi qu'aux dépens.
Par jugement du 5 juin 2014 dont appel du 19 juin 2014, le juge de l'exécution du tribunal de grande instance de Marseille a :
- déclaré recevables les demandes de M. [N] mais mal fondées,
- dit que la signification du jugement du 11 mars 2013 est valide ainsi que tous les actes de la procédure d'expulsion,
- déclaré abandonnés les biens et les meubles se trouvant dans les lieux et transportés dans le garde-meuble de la société 3 D Services,
- condamné M.[N] au paiement d'une somme de 700 € sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile ainsi qu'aux dépens.
Le juge de l'exécution énonce en ses motifs :
- la société SOGIMA, représentée dans les actes par le directeur général statutaire membre du directoire, a été valablement représentée,
- la mention du 19 mars 2013 dans le commandement de quitter les lieux et le procès-verbal d'expulsion alors que le jugement est en date du 11 mars 2013, procède d'une simple erreur matérielle et M. [N] ne démontre pas le grief qu'il aurait subi du fait de cette erreur de plume,
- M. [N] s'est présenté à l'étude près de 5 mois après que l'huissier de justice a placardé sur la porte de l'appartement un avis informant celui-ci que les clés du logement se trouvaient en sa possession,
- il ressort du constat d'huissier que les lieux loués étaient devenus impropres à l'habitation et qu'ils n'étaient d'ailleurs pas habités, M. [N] étant d'ailleurs injoignable,
- M. [N] a payé plusieurs loyers par des chèques le domiciliant au [Adresse 1],
- l'huissier de justice a pu constater à cette adresse que le nom de M. [N] figurait sur le tableau des occupants, sur une boîte aux lettres et sur une porte d'habitation,
- au vu de la description faite par l'huissier de justice dans son procès-verbal des 2 et 6 septembre 2013, les biens et meubles laissés dans les lieux n'ont pas une valeur marchande suffisante pour couvrir les frais d'une vente aux enchères.
Vu les dernières conclusions déposées le 15 janvier 2016 par M. [L] [N], appelant, aux fins de voir réformer le jugement entrepris en toutes ses dispositions, déclarer nuls la signification du 3 avril 2013 et tous les actes subséquents établis dans le cadre de la procédure d'expulsion et condamner la société SOGIMA au paiement d'une somme de 20 000 € à titre de dommages et intérêts et de 2000 € sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile ainsi qu'aux dépens.
M. [L] [N] fait valoir :
- qu'aucune tentative de signification du jugement prononçant la résiliation des baux dont il était titulaire au [Adresse 3] n'a été entreprise à cette adresse,
- que la société SOGIMA ne démontre pas l'abandon des lieux dont il s'était simplement absenté pour veiller sur un ami atteint d'une grave maladie qui est décédé en [Date décès 1] 2012,
- que la société SOGIMA devait lui signifier un second commandement pour procéder à l'expulsion du second local du [Adresse 3],
- que l'inventaire des biens et meubles qui se trouvaient dans les lieux est insuffisant à démontrer que ceux-ci sont dénués de valeur marchande.
Vu les dernières conclusions déposées le 21 janvier 2016 par la SA SOGIMA, intimée, aux fins de voir confirmer le jugement dont appel en toutes ses dispositions et condamner M. [N] au paiement d'une somme de 3000 € au titre de l'article 700 du code de procédure civile ainsi qu'aux dépens.
La SA SOGIMA fait valoir :
- que c'est à juste titre qu'elle a considéré que les lieux loués ne constituaient pas le lieu de demeure de son locataire, celui-ci se trouvant absent de manière prolongée et l'état des lieux rendant impossible l'utilisation à titre d'habitation,
- que M. [N] est bien propriétaire d'un appartement au [Adresse 4], adresse figurant sur ses chèques de règlement de loyers et où son nom figurait bien sur le tableau des occupants,
- que le contenu du procès-verbal et des photographies annexées était suffisamment descriptif pour conclure à l'absence de valeur marchande des biens présents dans l'appartement et il appartenait en tout état de cause à M. [N] de s'en préoccuper dans les délais légaux, ce d'autant que M. [N], qui ne peut se plaindre de sa propre négligence, a disposé en l'espèce d'un délai de neuf mois.
Vu l'ordonnance de clôture du 18 mai 2016.
MOTIFS DE LA DÉCISION
Attendu qu'il résulte des termes mêmes de l'attestation de M. [B] [V], artisan taxi, confirmés par les propres écritures de M. [N], que ce dernier n'occupait plus les locaux du [Adresse 3] depuis avril 2012, M. [V] exposant que M. [N] résidait chez son ami au [Adresse 5] d'où il l'appelait deux fois par semaine pour une course rapide à son appartement du [Adresse 3] afin d'y récupérer son courrier et y effectuer une visite de routine, que M. [N] est resté au [Adresse 5] après le décès de son ami le [Date décès 1] 2012 et qu'il a continué à utiliser ses services à la même fréquence et à la même fin qu'auparavant jusqu'en juillet 2014 ;
Que Mme [B], gardienne de l'immeuble, atteste dans le même sens en précisant qu'elle n'a quasiment plus vu M. [N] lorsque Mme [A] s'est plainte du dégât des eaux qu'elle subissait, ajoutant qu'elle s'est présentée à plusieurs reprises chez ce dernier pour le prévenir de la fuite mais qu'elle n'a jamais pu le voir ;
Que dans le cadre de la gestion du dégât des eaux qui avait pour origine une fuite provenant de son appartement, M. [N] s'est d'ailleurs révélé injoignable par la société SOGIMA, laquelle s'est trouvée contrainte de requérir l'autorisation du président du tribunal d'instance pour pénétrer dans les lieux loués, et le 26 octobre 2012, l'huissier, accompagné du plombier, a constaté que la porte présentait des traces d'effraction, que la serrure centrale avait été forcée et que l'appartement se trouvait dans un état de clochardisation avancé, état qu'illustrent parfaitement les photographies jointes au procès-verbal de constat ;
Que le 26 octobre 2012, après remplacement de la serrure forcée, l'huissier de justice a placardé sur la porte le procès-verbal de constat ainsi qu'un avis de passage, or il est relevé que M. [N] n'est venu récupérer un jeu de clés que le 19 mars 2013, soit près de cinq mois plus tard, ce qui confirme l'abandon du domicile invoqué par la société SOGIMA et donne par la même occasion, la mesure des déclarations de M. [V] quant à la fréquence des visites rapides de M. [N] à son appartement du [Adresse 3] ;
Qu'au vu des relevés produits par la société SOGIMA, l'absence de consommation d'eau sur la période considérée à l'adresse du [Adresse 3] confirme l'abandon du domicile et M. [N] n'y fait pas échec en se prévalant d'une même absence de consommation d'eau à l'adresse du [Adresse 1] puisqu'il résulte de l'attestation de M. [V], qu'il résidait au [Adresse 5] depuis avril 2012 et qu'il y est resté jusqu'en [Date décès 1] 2014, adresse dont il n'est pas démontré que son bailleur avait connaissance ;
Attendu que pour autant, M. [N] produit quelques factures ou relevés bancaires émis à l'adresse du [Adresse 3] dont il tire la conclusion que preuve est rapportée que cette adresse constituait celle de son domicile et que la signification du jugement du 11 mars 2013 effectuée à une autre adresse est nécessairement nulle ;
Mais attendu qu'il appartient à M. [N] de démontrer qu'il habitait effectivement au [Adresse 3], et non qu'il y recevait du courrier, or les attestations de M. [V] et de Mme [B] et les propres écritures de M. [N] démontrent le contraire ;
Que l'article 654 du code de procédure civile posant le principe de la signification à personne, l'huissier instrumentant est tenu de signifier l'acte à l'adresse à laquelle réside effectivement le destinataire de l'acte s'il est en possession d'éléments objectifs en ce sens ; que dans cette hypothèse, l'huissier de justice ne pourrait se retrancher derrière une adresse dont plusieurs éléments concourent à démontrer qu'elle n'est pas celle du principal établissement du destinataire de l'acte au sens de l'article 102 du Code civil ;
Que la société SOGIMA, qui ne pouvait joindre M. [N] depuis plusieurs mois et qui avait constaté l'état d'abandon tel que décrit par l'huissier dans son procès-verbal du 26 octobre 2012, disposait de l'élément objectif que constitue l'adresse du [Adresse 1] mentionnée comme étant celle de son domicile sur les chèques adressés par ses soins à la société SOGIMA en règlement de ses loyers, adresse à laquelle il apparaissait que M. [N] est effectivement propriétaire d'un appartement au vu des recherches effectuées par la société SOGIMA auprès du service des hypothèques et adresse à laquelle l'huissier instrumentant a d'ailleurs constaté que le nom du destinataire de l'acte figurait sur la boîte aux lettres, sur la porte de l'habitation au 4e étage et sur le tableau des occupants, de sorte qu'est parfaitement régulière la signification à cette adresse, le 3 avril 2013, du jugement du tribunal d'instance de Marseille du 19 mars 2013 ;
Que M. [N] ne peut en conséquence voir prospérer sa demande tendant au prononcé de la nullité de la signification du 3 avril 2013 et par voie de conséquence des actes subséquents de la procédure d'expulsion ;
Attendu que M. [N] soutient que le commandement de quitter les lieux du 3 avril 2012 ne s'appliquait qu'à l'appartement situé à droite sur le palier, de sorte qu'un second commandement devait être délivrée pour le second local du 26 du pasteur ;
Mais attendu que le commandement de quitter les lieux délivrés le 3 avril 2013 a été délivré en vertu du jugement du 11 mars 2013 qui a constaté la résiliation des deux baux pour manquements graves du locataire à ses obligations et qui a ordonné l'expulsion des locaux situés au septième étage, de sorte que le bailleur n'était nullement tenu de délivrer un commandement pour chacun des deux locaux ;
Attendu que M. [N] soutient enfin qu'il ne résulte pas de l'inventaire que les biens qui se trouvaient dans les lieux n'avaient pas une valeur marchande suffisante pour couvrir les frais d'une vente aux enchères ;
Mais attendu qu'il résulte de l'inventaire annexé au procès-verbal d=expulsion dressé les 2 et 6 septembre 2013 que les biens et objets mobiliers laissés dans les lieux sont dépourvus de valeur marchande ;
Que le jugement dont appel sera en conséquence confirmé en toutes ses dispositions ;
PAR CES MOTIFS
La Cour,
Confirme le jugement dont appel en toutes ses dispositions ;
Y ajoutant,
Vu l'article 700 du code de procédure civile,
Condamne M. [L] [N] à payer à la SA SOGIMA la somme de 3000 € (trois mille euros) ;
Déboute les parties de leurs demandes autres ou plus amples;
Condamne M. [L] [N] aux dépens qui seront recouvrés conformément à l'article 699 du code de procédure civile.
LE GREFFIER P/LE PRÉSIDENT