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02/09/2016 | FRANCE | N°14/04237

France | France, Cour d'appel d'Aix-en-Provence, 9e chambre a, 02 septembre 2016, 14/04237


COUR D'APPEL D'AIX EN PROVENCE

9e Chambre A



ARRÊT AU FOND

DU 02 SEPTEMBRE 2016



N° 2016/497













Rôle N° 14/04237





[V] [O]





C/



SARL BATIR SYNTHESE





























Grosse délivrée

le :

à :

Me Stéphanie BESSET-LE CESNE, avocat au barreau de MARSEILLE



Me Olivier BAGLIO, avocat au barreau D'AVIGNON




Copie certifiée conforme délivrée aux parties le :





Décision déférée à la Cour :



Jugement du Conseil de Prud'hommes - Formation paritaire de MARSEILLE - section E - en date du 23 Janvier 2014, enregistré au répertoire général sous le n° 12/1519.







APPELANTE



Madame [V] [O], demeurant [A...

COUR D'APPEL D'AIX EN PROVENCE

9e Chambre A

ARRÊT AU FOND

DU 02 SEPTEMBRE 2016

N° 2016/497

Rôle N° 14/04237

[V] [O]

C/

SARL BATIR SYNTHESE

Grosse délivrée

le :

à :

Me Stéphanie BESSET-LE CESNE, avocat au barreau de MARSEILLE

Me Olivier BAGLIO, avocat au barreau D'AVIGNON

Copie certifiée conforme délivrée aux parties le :

Décision déférée à la Cour :

Jugement du Conseil de Prud'hommes - Formation paritaire de MARSEILLE - section E - en date du 23 Janvier 2014, enregistré au répertoire général sous le n° 12/1519.

APPELANTE

Madame [V] [O], demeurant [Adresse 1]

comparante en personne, assistée de Me Stéphanie BESSET-LE CESNE, avocat au barreau de MARSEILLE

INTIMEE

SARL BATIR SYNTHESE, demeurant [Adresse 2]

représentée par Me Olivier BAGLIO, avocat au barreau D'AVIGNON

*-*-*-*-*

COMPOSITION DE LA COUR

L'affaire a été débattue le 13 Juin 2016 en audience publique devant la Cour composée de :

Madame Pascale MARTIN, Conseiller faisant fonction de Président

Monsieur David MACOUIN, Conseiller

Mme Nathalie FRENOY, Conseiller

qui en ont délibéré

Greffier lors des débats : Mme Nadège LAVIGNASSE.

Les parties ont été avisées que le prononcé de la décision aurait lieu par mise à disposition au greffe le 02 Septembre 2016.

ARRÊT

Contradictoire,

Prononcé par mise à disposition au greffe le 02 Septembre 2016.

Signé par Monsieur David MACOUIN, Conseiller faisant fonction de Président et Mme Nadège LAVIGNASSE, greffier auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

FAITS- PROCÉDURE-PRÉTENTIONS DES PARTIES

Après avoir effectué du 12 décembre 2007 au 15 février 2008 un stage universitaire au sein de l'entreprise BÂTIR CONSEILS , Mme [V] [O] âgée de 29 ans , bénéficiait ensuite d'un contrat à durée indéterminée dans cette même société dirigée par Monsieur [S], à effet du 3 mars 2008, en qualité de 'chargé d'affaires' coefficient 150 position 2.3 de la convention collective nationale des bureaux d'études techniques dite SYNTEC.

Le contrat de travail était transféré à la société BÂTIR SYNTHÈSE co-dirigée par Monsieur [L], selon avenant signé le 21 juillet 2009, le salaire brut mensuel de Mme [V] [O] étant fixé à 2856€ pour 35 heures de travail.

Lors de son entretien individuel annuel le 13 mars 2011, la salariée faisait part à sa hiérarchie de son souhait de quitter l'entreprise et formalisait sa demande par courrier du 21 mars 2011 mais malgré plusieurs entretiens préparatoires et la rédaction d'une convention, la société signifiait à la salariée lors d'un entretien le 12 mai 2011 son refus de mener à son terme la procédure de rupture conventionnelle.

Le lendemain 13 mai 2011 Mme [V] [O] était placée en arrêt maladie prolongé de mois en mois jusqu'au 13 janvier 2012, pour syndrome dépressif lié au travail.

La reprise s'effectuait après visite médicale du 17 janvier 2012 préconisant un mi-temps de 4heures le matin mais le 6 février 2012, le psychiatre de Mme [V] [O] constatait l'échec de la reprise et une aggravation de l'état de santé de sa patiente.

Par deux avis des 15 février et 2 mars 2012 et après étude de poste, le médecin du travail déclarait Mme [V] [O] inapte à son poste.

La salariée était convoquée à un entretien préalable prévu le 23 mars 2012 puis licenciée pour inaptitude et impossibilité de reclassement par lettre recommandée du 28 mars 2012.

Suivant requête du 13 juin 2012 Mme [V] [O] saisissait le conseil des prud'hommes de Marseille aux fins de contester son licenciement, réclamant diverses sommes à caractère salarial et indemnitaire.

Par jugement du 23 janvier 2014, le conseil des prud'hommes de Marseille a dit le licenciement justifié par une cause réelle et sérieuse .

Il a pris acte de ce que la société BÂTIR SYNTHÈSE reconnaît devoir à Mme [V] [O] la somme de 4746 bruts à titre de rappel de salaire pour la période du 1er mars 2008 au 30 novembre 2010 et les congés payés y afférents pour 474,60 € et lui a enjoint de s'acquitter de cette dette dès la notification du jugement.

Il a débouté Mme [V] [O] de ses autres demandes, rejeté la demande reconventionnelle de la société formée au titre de l'article 700 du code de procédure civile mis les dépens à la charge des deux parties à parts égales.

Suite à l'appel interjeté par Mme [V] [O] le 18 février 2014, les parties ont été convoquées devant la Cour pour l'audience du 14 décembre 2015 renvoyée à la demande des parties ou de leurs conseils au 13 juin 2016.

Dans ses conclusions reprises oralement, Mme [V] [O] demande à la Cour de réformer le jugement et de condamner la société BÂTIR SYNTHÈSE au paiement des sommes suivantes :

- 1000 € pour délivrance tardive des documents de fin de contrat,

- 500 € pour violation des règles relatives au droit individuel à la formation,

- 34.800 € pour licenciement sans cause réelle et sérieuse,

- 10.000 € pour violation des préconisations du médecin du travail et violation de l'obligation de sécurité de résultat,

- 4498 € à titre de rappel de salaire conventionnel et 449 € pour les congés payés y afférents,

- 17.693,70 € au titre des heures supplémentaires outre 1769,37 € pour les congés payés y afférents , si la cour retient le rappel de salaire ou subsidiairement 16.268 € outre 1626,80 € ,

- 17.478 € au titre de l'indemnité de travail dissimulé,

- 1500 € sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile .

Elle réclame la délivrance d'une attestation Assedic rectifiée sous astreinte.

Lors des débats et dans ses écritures, la société BÂTIR SYNTHÈSE demande la confirmation de la décision entreprise sauf en ce qu'elle a enjoint de payer le rappel de salaire puisque celui-ci a été réglé depuis le mois de mars 2014.

Elle conclut au débouté de Mme [V] [O] et à la condamnation de cette dernière à lui payer la somme de 3000 € sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile .

Pour un plus ample exposé des faits de la procédure et des moyens des parties, la cour se réfère à la décision attaquée et aux conclusions déposées et soutenues à l'audience.

MOTIFS DE L'ARRÊT

Sur la demande de rappel de salaire

La salariée indique que sur ses bulletins de salaire figurait un coefficient relevant des salariés ETAM alors qu'elle était cadre et que ce n'est qu'en juillet 2009, qu'ils deviendront conformes.

Elle précise que parallèlement, les minimums conventionnels n'ont pas été respectés et qu'il lui ait dû pour la période de mars 2008 à juin 2009 la somme de 8902 € outre 890 € pour les congés payés y afférents , et pour la période du 1er décembre 2010 au mois de mai 2011, celle de 342 € outre 32,40 € .

Elle indique qu'il convient de déduire la somme versée au mois de mars 2012 pour 751,74 € mais également celle versée après le jugement.

Elle explique la différence entre son calcul et celui de l'employeur par le fait que ce dernier englobe tous les accessoires du salaire alors que l'article 32 de la convention collective nationale ne le prévoit pas.

La société BÂTIR SYNTHÈSE rappelle que ce point évoqué lors de l'entretien préalable a permis de faire une première régularisation en mars 2012 à hauteur de 752,74 € pour la période du 1er décembre 2010 au 29 février 2012 puis un versement le 26 mars 2014 de 4746 € outre les congés payés y afférents, pour la période du 1er mars 2008 au 30 novembre 2010 et fournit les tableaux mois par mois pour les années concernées de comparaison entre le salaire minimum conventionnel et le salaire brut versé.

Elle relève une erreur dans le minimum conventionnel invoqué par Mme [V] [O] pour l'année 2008 et soutient que les primes de vacances doivent être intégrées pour le calcul, reprochant à Mme [V] [O] de ne pas faire de calcul précis alors qu'elle supporte la charge de la preuve et a été remplie de ses droits.

Il est incontestable au vu des tableaux effectués par la société BÂTIR SYNTHÈSE que dès son embauche, Mme [V] [O] n'a pas été rémunérée selon son indice, l'erreur commise sur le libellé des bulletins de salaire en étant probablement à l'origine mais la salariée n'avait jamais réclamé d'éclaircissements avant que son conseiller évoque ce point lors de l'entretien préalable au licenciement.

Il est justifié par l'employeur des dates d'application des différents avenants à la convention collective nationale concernant les minima conventionnels et notamment sur le fait que le salaire minimal d'embauche aurait dû être de 2764,50 € et non 2856 € comme le prétend Mme [V] [O].

Les parties restent contraires sur les sommes à comparer , la salariée excluant toutes les primes reçues et au contraire la société BÂTIR SYNTHÈSE les incluant.

Au vu des bulletins de salaire, il ressort deux catégories de primes versées selon leur libellé :

- prime de vacances en juin 2008, juillet 2009, juillet 2010,

- prime exceptionnelles en décembre 2008, mai 2009, juin 2010, février 2011.

Au regard de l'article 31 de la convention collective nationale ayant prévu une prime de vacances pour tous les salariés, ces sommes doivent être intégrées dans la rémunération comme des avantages ainsi que le prévoit le pénultième alinéa de l'article 32 de la même convention .

En revanche, conformément au dernier alinéa de ce même texte, les primes et gratifications qualifiées d'exceptionnelles et dont le montant était variable donc non garanties n'ont pas à être intégrées dans le calcul des appointements minimaux.

En conséquence, en reprenant les calculs effectués par l'employeur, il convient de constater que déduction faite de toutes les sommes versées au titre de la régularisation en mars 2012 et après jugement, la société BÂTIR SYNTHÈSE reste redevable des sommes suivantes :

- année 2008 : 314,50 € pour le mois de décembre,

- année 2009 : 256 € pour le mois de mai,

- année 2010 : 0

- année 2011 : 57 € pour le mois de février.

Dès lors, le rappel de salaire complémentaire s'établit à la somme totale de 627,50 € outre 62,75€ pour les congés payés y afférents .

Sur les heures supplémentaires

Aux termes de l'article L.3171-4 du code du travail, en cas de litige relatif à l'existence ou au nombre d'heures de travail effectuées, l'employeur doit fournir au juge les éléments de nature à justifier les horaires effectivement réalisés par le salarié ; le juge forme sa conviction au vu de ces éléments et de ceux fournis par le salarié à l'appui de sa demande après avoir ordonné, en cas de besoin, toutes les mesures d'instruction qu'il estime utiles.

Si la preuve des horaires de travail effectués n'incombe ainsi spécialement à aucune des parties et si l'employeur doit être en mesure de fournir des éléments de nature à justifier les horaires effectivement réalisés par le salarié, il appartient cependant à ce dernier de fournir préalablement au juge des éléments de nature à étayer sa demande.

En l'espèce, Mme [V] [O] indique qu'elle exerçait deux fonctions : chargée d'affaires et directrice de synthèse et que les dates et heures des mails attestent que dès l'embauche, elle a dû faire des heures supplémentaires et que l'employeur en était informé par les alertes envoyées dès qu'un nouveau fichier était disponible sur l'outil de stockage informatique.

Elle indique avoir fait un calcul sur une base de 35 heures par semaine et selon un horaire de 8h-12h et de 14h-17h puisqu'aucune convention de forfait jours ni aucun horaire de travail ne figure sur son contrat.

Pour étayer ses dires, la salariée produit notamment :

- ses mails,

- des tableaux de calcul semaine par semaine du nombre d'heures supplémentaires réalisées.

L'article 32 de la convention collective nationale stipule 'Etant donné le rôle dévolu aux ingénieurs et cadres, il est fréquent que leurs heures de présence ne puissent être fixées d'une façon rigide ; elles correspondent aux nécessités de l'organisation du travail et de la surveillance de son exécution' et dès lors, il ne saurait être reproché à l'employeur de ne pas avoir fixé dans le contrat de travail un horaire .

La salariée a évoqué pour la première fois des difficultés liées à une surcharge de travail dans sa lettre du 3 août 2011 précisant d'ailleurs que sa totale autonomie n'avait pas été son alliée.

Alors que Mme [V] [O] ne produit aucun agenda ou document permettant de constater des prises de rendez-vous notamment ou des visites de chantier à des horaires précis de la journée, elle ne peut sur la seule base de mails ou fichiers envoyés par elle entre 12 et 14 h ou vers 19-20 h et plus rarement vers 22 heures et selon un calcul purement théorique , prétendre avoir effectué des heures supplémentaires non rémunérées.

Au surplus dans les tableaux produits, elle ne mentionne pas ses périodes de congés ou de RTT résultant pourtant des bulletins de salaire et bien plus, calcule des heures supplémentaires effectuées notamment les 22 et 27 avril 2010 alors même qu'elle était en congé maladie, ce qui démontre que son organisation de travail lui était propre, s'effectuait à des heures choisies du fait de la facilité des moyens informatiques pouvant être utilisés à domicile et n'était pas imposée par l'employeur ni connue de lui avant les échanges avec le médecin du travail en juillet 2011.

En conséquence, les éléments produits par Mme [V] [O] n'étant pas de nature à étayer ses prétentions, sa demande relative aux heures supplémentaires doit être rejetée, comme celle relative au travail dissimulé.

Sur la violation des mesures de préconisation du médecin du travail et la violation de l'obligation de sécurité de résultat

Pour réclamer la somme de 10.000 € à titre de dommages et intérêts, la salariée expose de façon globale une surcharge de travail, la non prise de ses congés, des conditions de travail dégradées du fait d'un système de chauffage défaillant et une climatisation inexistante et, pendant son arrêt maladie de 2011 la suppression de son téléphone, de sa messagerie professionnelle.

Par ailleurs, elle fait valoir que la visite médicale d'embauche n'a eu lieu que trois ans après, que lors de sa reprise en janvier 2012, l'employeur a violé les préconisations du médecin du travail en lui imposant des horaires l'après-midi et en ne prévoyant l'assistance d'un collaborateur qu'à titre exceptionnel, alors que sa charge de travail a été énorme pendant les 13 jours de reprise puisqu'elle sera affectée chaque semaine à un projet différent.

Elle considère que sa rechute puis son inaptitude définitive ont pour origine le non respect par l'employeur de ses obligations dans le cadre du mi-temps thérapeutique.

L'employeur indique que dès le 20 janvier 2012, les horaires de travail initialement prévus l'après-midi pour des facilités d'organisation avec ses collègues de travail, ont été modifiés afin que Mme [V] [O] travaille le matin comme l'avait prévu le médecin.

Il indique que pendant cette période, elle ne devait effectuer que les tâches décrites par Monsieur [Q] dans son mail et qu'il s'est conformé aux préconisations du médecin du travail tant en termes de charge de travail, conditions de travail qu'en termes d'horaires.

Il rappelle que Mme [V] [O] a toujours pris des RTT régulièrement comme ses congés sauf en 2009 où elle avait demandé à les reporter sur 2010 pour son mariage en Equateur.

Il rappelle que c'est seulement par lettre du 8 août 2011 que Mme [V] [O] l'a informé de sa charge de travail sur les conseils du médecin du travail, ayant constaté que la salariée n'avait jamais abordé le sujet avec ses supérieurs.

Il souligne que le mail de Monsieur [L] du 31 mai 2011 donne toutes explications sur l'accès à la boîte mail et la raison du changement de mot de passe pendant son arrêt maladie et que l'investissement de la salariée était volontaire , sans pression.

Il explique l'épuisement professionnel de Mme [V] [O] par le fait qu'elle s'était investie dans le développement de la société qu'elle avait créée et dont le chiffre d'affaires était passé de 21.236 € fin 2010 à 141.397 € fin 2011 et observe que l'arrêt maladie est intervenu immédiatement après le refus de poursuivre la rupture conventionnelle initiée par la salariée désireuses de s'investir dans cette société.

Concernant l'absence de visite médicale d'embauche, il est constant qu'elle n'a été effectuée que tardivement soit trois ans après mais la salariée n'établit pas le préjudice qui a pu en résulter, n'ayant fait part de ses difficultés au travail à son médecin traitant que plus de deux mois après l'arrêt maladie de mai 2011 et au médecin du travail .

S'il résulte de l'échange de mails intervenu après la reprise de la salariée en janvier 2012 que l'employeur avait prévu un horaire sur l'après-midi, il est manifeste qu'il a rectifié les horaires du mi-temps thérapeutique tels que préconisés par le médecin du travail dans son certificat du 17 janvier 2012 dès le 20 janvier 2012, soit trois jours après et ces mêmes pièces produites par la salariée ne sont pas de nature à démontrer qu'elle a eu une surcharge de travail dans cette période, le changement d'affectation de projet relevant au demeurant de l'organisation de l'entreprise, étant précisé que le psychiatre de la salariée s'il a dans son certificat du 6 février 2012 constaté l'échec de la reprise, ne fait que reprendre le ressenti de sa patiente lorsqu'il indique 'les idées de dévalorisation, la tristesse, les pleurs ont fait leur réapparition' mais aucun élément ne permet de dire que l'attitude de l'employeur soit en cause dans la rechute de l'état de santé de Mme [V] [O] ni dans l'inaptitude définitive constatée ultérieurement.

A l'instar de l'employeur, il convient de constater que Mme [V] [O] a pris des RTT pendant les années 2008, 2010 et 2011 et qu'effectivement en 2009, elle a conservé ses droits à ce titre comme ses congés payés, en s'absentant plus de 30 jours en septembre-octobre 2010 ; en tout état de cause, la salariée ne démontre pas que l'employeur l'a empêché de prendre ses congés acquis au titre de 2010 même s'il reconnaît qu'il aurait dû être plus vigilant sur ce point.

Les difficultés liées à la température du local ont manifestement été ponctuelles, la salariée admettant dans son mail du 31 janvier 2012 que Monsieur [L] avait acheté un panneau rayonnant deux semaines auparavant, même si ce n'était pas suffisant selon elle.

Quant aux moyens de communication avec la société dont elle aurait été privée, il convient d'observer que Mme [V] [O] s'est plainte de ne pouvoir accéder à sa messagerie professionnelle uniquement lorsqu'elle était en arrêt maladie et que toutes explications lui ont été fournies en ce sens que le gérant a été contraint de changer le mot de passe pour accéder aux messages de la boîte qui n'était pas une adresse structurelle et avait omis de le signaler à Mme [V] [O], ce qui n'est pas dommageable puisqu'elle était en maladie.

Les demandes pressantes de Mme [V] [O] afin d'obtenir ses bulletins de salaire moins de dix jours après la fin du mois n'étaient pas légitimes et si effectivement elle n'a perçu que tardivement ses indemnités journalières pour l'arrêt de 2011, l'explication en est donnée dans son mail du 5 août 2011 à savoir que la caisse primaire d'assurance maladie de [Localité 1] ne traite pas les demandes adressées par fax mais dès qu'il l'a su, l'employeur a régularisé immédiatement la situation par courrier.

Il est manifeste que l'accroissement du chiffre d'affaires de la société d'architecte créée à son domicile par Mme [V] [O] dont elle détenait 49 parts sociales et son compagnon 51, a été fulgurant pendant l'année 2011, ce qui rend compréhensible le désir de la salariée de s'y consacrer pleinement et dès lors sa déception importante de ne pas voir avalisé par son employeur la rupture conventionnelle prévue, cet investissement récent ayant contribué également pour partie à l'état d'épuisement de la salariée mais aucun élément ne permet de dire que la société BÂTIR SYNTHÈSE a manqué à son obligation de sécurité de résultat, dans la mesure où la révélation de la surcharge de travail dont Mme [V] [O] s'est plainte au médecin du travail en la datant de quelques mois et du fait d'un chantier complexe, est intervenue plus de trois mois après le début de l'arrêt maladie.

En conséquence, les demandes de Mme [V] [O] doivent être rejetées.

Sur l'obligation de reclassement

A l'appui de la requalification du licenciement en licenciement sans cause réelle et sérieuse, Mme [V] [O] soutient que la société BÂTIR SYNTHÈSE n'a pas procédé à une tentative de reclassement, arguant de l'absence de courriers adressés aux autres sociétés du groupe et invoque des embauches contemporaines de son licenciement.

L'employeur souligne qu'après étude au sein de l'entreprise, le médecin du travail a indiqué qu'aucun reclassement ne pouvait être proposé, qu'il a recherché en vain dans les autres structures du groupe un reclassement mais qu'aucun poste n'était disponible.

Il résulte des éléments produits qu'au jour du licenciement, le groupe comptait plus d'une vingtaine de salariés répartis dans les deux principales entités : BÂTIR SYNTHÈSE et BÂTIR CONSEIL dont le signataire de la lettre de licenciement Monsieur [S] était le gérant, de sorte qu'il n'avait pas besoin d'adresser des courriers à ces sociétés.

Ni l'embauche de techniciens de surface à durée déterminée au sein de la société BEJOM, ni celle de projeteurs de synthèse en contrat à durée indéterminée de chantier au sein de la société BÂTIR SYNTHÈSE ne sont de nature à démontrer que l'employeur aurait violé son obligation de reclassement, le médecin du travail ayant clairement exclu, sans possibilité d'adaptation, de reclassement interne et l'employeur n'étant pas tenu de créer un poste .

En conséquence, il convient d'approuver la décision du conseil des prud'hommes de Marseille en ce qu'elle a dit le licenciement fondé sur une cause réelle et sérieuse et a débouté Mme [V] [O] de sa demande de dommages et intérêts à ce titre.

Sur la remise tardive des documents de rupture

La salariée réclame à ce titre la somme de 1000 € , indiquant que les documents n'ayant été envoyés que le 5 juin 2012, elle a essuyé un refus de Pôle Emploi de son dossier ; elle considère que le paiement du solde de tout compte intervenu le 3 juillet 2012 soit trois mois après la sortie des effectifs, constitue une faute et précise qu'il n'y avait pas à tenir compte du préavis puisqu'il n'a pas été effectué.

La société BÂTIR SYNTHÈSE indique qu'eu égard à la date de fin de contrat soit le 28 juin 2012, compte tenu du préavis de trois mois, elle a adressé néanmoins les documents à Mme [V] [O] à sa demande dès le 5 juin 2012 , la salariée ne justifiant pas de sa date de début d'indemnisation.

En raison de l'inaptitude de Mme [V] [O], le préavis n'avait pas à être effectué et s'il doit être comptabilisé dans l'ancienneté pour le calcul de l'indemnité de licenciement, c'est bien à la date de notification du licenciement que la rupture est intervenue, de sorte que la société BÂTIR SYNTHÈSE aurait dû délivrer les documents sociaux nécessaires dès début avril 2012 mais également payé le solde de tout compte.

Dans la mesure où le refus de Pôle Emploi du dossier de Mme [V] [O] le 1er juin 2012 est intervenu pour absence de l'original de l'attestation employeur mais également pour 'demande non signée', pas de copie de carte de sécurité sociale et absence des précédents bulletins de salaire et qu'elle justifie avoir été indemnisée à compter du 23 mai 2012, il convient, eu égard à l'absence de ressources pendant deux mois, de faire droit à la demande de Mme [V] [O] , par infirmation du jugement.

Sur la demande relative à la violation des règles relatives au droit individuel à la formation

La salariée souligne des erreurs concernant le nombre d'heures figurant sur la lettre de licenciement et indique que l'employeur a refusé de voir ce crédit converti en valeur monétaire, et réclame la somme de 500 € à titre de dommages et intérêts .

La société BÂTIR SYNTHÈSE considère que la demande ne repose sur aucun fondement juridique puisqu'en vertu de l'article L.6323-17 du code du travail, il appartenait à Mme [V] [O] de faire une demande de formation auprès de l'organisme concerné mais ne pouvait obtenir d'indemnisation financière de ces heures.

Comme l'a indiqué le conseil des prud'hommes de Marseille, à défaut pour Mme [V] [O] d'avoir fait une demande pour voir mobiliser son crédit d'heures pour financer un bilan de compétence, de validation des acquis de l'expérience ou de formation, elle ne pouvait bénéficier d'une indemnisation au titre de ces heures et ne démontre ni la faute commise ni le préjudice causé pour justifier de sa demande.

Dès lors, le jugement doit être confirmé sur ce point.

Sur l'absence de reprise de l'ancienneté

L'appelante indique que lors du transfert de son contrat de travail, il était convenu et écrit qu'elle conserverait l'ancienneté acquise soit au 3 mars 2008.

Elle demande en conséquence la délivrance de l'attestation Assedic rectifiée et la régularisation de l'indemnité de licenciement.

La société n'a pas conclu sur ce point.

Il convient de constater que Mme [V] [O] ne fait pas de demande chiffrée concernant un reliquat d'indemnité de licenciement de sorte que sa demande ne peut prospérer ; elle opère également une confusion entre l'ancienneté acquise et son entrée dans la société BÂTIR SYNTHÈSE en juillet 2009, seule mention indiquée dans l'attestation Pôle Emploi.

En conséquence, il convient de rejeter ses demandes non fondées.

Sur les frais et dépens

Aucune considération d'équité ne justifie de faire application de l'article 700 du code de procédure civile en cause d'appel.

L'employeur qui succombe même partiellement devra s'acquitter des dépens de 1ère instance et d'appel.

PAR CES MOTIFS

La Cour, statuant par arrêt contradictoire, prononcé publiquement par mise à disposition au greffe, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au 2ème alinéa de l'article 450 du code de procédure civile ,

*Confirme le jugement déféré sauf dans ses dispositions relatives au rappel de salaire sur le minimum conventionnel, au rejet de la demande de dommages et intérêts pour délivrance tardive des documents et aux dépens,

Statuant à nouveau sur les chefs infirmés et Y ajoutant,

*Condamne la société BÂTIR SYNTHÈSE à payer à Mme [V] [O] les sommes suivantes :

- 627,50 € au titre d'un rappel complémentaire de salaire conventionnel pour les mois de décembre 2008, mai 2009 et février 2011,

- 1000 € au titre de la remise tardive de documents de rupture,

*Rejette les autres demandes de Mme [V] [O] y compris celle fondée sur l'article 700 du code de procédure civile,

*Déboute la société BÂTIR SYNTHÈSE de sa demande reconventionnelle portant sur les frais irrépétibles,

*Laisse à la charge de la société BÂTIR SYNTHÈSE les dépens de 1ère instance et d'appel.

LE GREFFIER LE PRESIDENT

David MACOUIN faisant fonction


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel d'Aix-en-Provence
Formation : 9e chambre a
Numéro d'arrêt : 14/04237
Date de la décision : 02/09/2016

Références :

Cour d'appel d'Aix-en-Provence 9A, arrêt n°14/04237 : Infirme partiellement, réforme ou modifie certaines dispositions de la décision déférée


Origine de la décision
Date de l'import : 27/03/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2016-09-02;14.04237 ?
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