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21/07/2016 | FRANCE | N°16/07571

France | France, Cour d'appel d'Aix-en-Provence, 8e chambre a, 21 juillet 2016, 16/07571


COUR D'APPEL D'AIX-EN-PROVENCE

8e Chambre A



ARRÊT AU FOND

DU 21 JUILLET 2016



N° 2016/ 465













Rôle N° 16/07571







SAS DACRIS





C/



SAS BASTIDE DU COURS

[C] [O]

SELARL [Z] ET [T]

SA SOCIETE MARSEILLAISE DE CREDIT

MINISTERE PUBLIC AIX EN PROVENCE

SCP [S] & ASSOCIES

SARLU CESCO

SAS GKL





















Grosse délivrée



le :

à :



SELARL LIBERAS

SCP LEVAIQUE

Me BRUZZO

Me JOUSSET

Me GABORIT

Me PAYEN













Décision déférée à la Cour :



Arrêt de la 8ème CH A de la Cour d'Appel de céans en date du 31 Mars 2016 enregistré(e) au répertoire général sous le n° 15/22973.N° 16/261.





DEMANDEUR SU...

COUR D'APPEL D'AIX-EN-PROVENCE

8e Chambre A

ARRÊT AU FOND

DU 21 JUILLET 2016

N° 2016/ 465

Rôle N° 16/07571

SAS DACRIS

C/

SAS BASTIDE DU COURS

[C] [O]

SELARL [Z] ET [T]

SA SOCIETE MARSEILLAISE DE CREDIT

MINISTERE PUBLIC AIX EN PROVENCE

SCP [S] & ASSOCIES

SARLU CESCO

SAS GKL

Grosse délivrée

le :

à :

SELARL LIBERAS

SCP LEVAIQUE

Me BRUZZO

Me JOUSSET

Me GABORIT

Me PAYEN

Décision déférée à la Cour :

Arrêt de la 8ème CH A de la Cour d'Appel de céans en date du 31 Mars 2016 enregistré(e) au répertoire général sous le n° 15/22973.N° 16/261.

DEMANDEUR SUR

TIERCE OPPOSITION

SAS DACRIS

dont le siége social est [Adresse 4]

représentée par Me Pierre LIBERAS de la SELARL LIBERAS & ASSOCIES, avocat au barreau de MARSEILLE,

assistée par Me Philippe KLEIN, avocat au barreau d'AIX-EN-PROVENCE substitué par Me Talissa ABEGG, avocat au barreau d'AIX-EN-PROVENCE

DEFENDEURS SUR

TIERCE OPPOSITION

SAS BASTIDE DU COURS

(prise en la personne de son administrateur judiciaire Me [S]).

demeurant [Adresse 2]

SCP [S] & ASSOCIES

Prise en la personne de Me [C] [S]

en qualité d'administrateur provisoire de la SAS BASTIDE DU COURS., demeurant [Adresse 2]

.

représentée par Me Philippe BRUZZO, avocat au barreau d'AIX-EN-PROVENCE

Maître [C] [O]

agissant en qualité de mandataire judiciaire à la procédure de sauvegarde de la SAS BASTIDE DU COURS,

demeurant [Adresse 1]

représenté par Me Matthieu JOUSSET, avocat au barreau d'AIX-EN-PROVENCE

SELARL [Z] ET [T]

agissant en qualité de d'administrateur judiciaire à la procédure de sauvegarde de la SAS BASTIDE DU COURS

demeurant [Adresse 6]

représentée par Me Matthieu JOUSSET, avocat au barreau D'AIX-EN-PROVENCE

SA SOCIETE MARSEILLAISE DE CREDIT,

dont le siége social est [Adresse 5]

représentée par Me Caroline PAYEN, avocat au barreau d'AIX-EN-PROVENCE

MINISTERE PUBLIC AIX EN PROVENCE

SARLU CESCO,

dont le siége social est [Adresse 7]

représentée par Me Laurence LEVAIQUE de la SCP ERMENEUX-LEVAIQUE-ARNAUD & ASSOCIES, avocat au barreau d'AIX-EN-PROVENCE

SAS GKL,

dont le siége social est [Adresse 3]

représentée par Me Monique CASTELNAU, avocat au barreau d'AIX-EN-PROVENCE

assistée par Me Pierre-François GABORIT, avocat au barreau de PARIS

*-*-*-*-*

COMPOSITION DE LA COUR

L'affaire a été débattue le 29 Juin 2016 en audience publique devant la Cour composée de :

Monsieur Yves ROUSSEL, Président rapporteur

Madame Catherine DURAND, Conseiller

Madame Anne CHALBOS, Conseiller

qui en ont délibéré.

Greffier lors des débats : Madame France-Noëlle MASSON.

Les parties ont été avisées que le prononcé de la décision aurait lieu par mise à disposition au greffe le 21 Juillet 2016

MINISTERE PUBLIC :

Auquel l'affaire a été régulièrement communiquée.

ARRÊT

Contradictoire,

Prononcé par mise à disposition au greffe le 21 Juillet 2016,

Signé par Monsieur Yves ROUSSEL, Président et Madame France-Noëlle MASSON, greffier auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

**

Par acte du 15 juillet 2015, la société Cesco a cédé à la société GKL les 530 actions de la SAS Bastide du Cours pour le prix de 530 €.

Elle lui a également cédé pour 4 000 000 € sa créance en compte courant d'associé, le paiement devant intervenir suivant un échéancier.

Le contrat précisait aussi que M. [Y] [Q], gérant de Cesco et président de la SAS Bastide du cours, s'était porté caution personnelle d'un emprunt de 1 000 000 € souscrit par cette dernière société auprès de la société Marseillaise de Crédit et que GKL s'obligeait à se substituer à lui en qualité de caution de cet emprunt .

GKL a procédé à un paiement partiel.

Un litige est survenu à propos de l'arriéré.

Le 23 avril 2015, le tribunal de commerce d'Aix-en-Provence a placé la société Bastide du Cours sous procédure de sauvegarde et a désigné Me [F] [Z] en qualité d'administrateur judiciaire et Me [C] [O] en qualité de mandataire judiciaire.

Sur l'assignation délivrée par Cesco à GKL, le tribunal de commerce d'Aix-en-Provence, statuant par jugement du 10 novembre 2015, a débouté la SARL Cesco de sa demande de résolution du protocole de cession des titres de la SAS Bastide du Cours, condamné la SAS GKL à payer la somme de 3 770 661,26 €, outre intérêts, conformément à l'échéancier prévu au protocole de cession, condamné la SAS GKL à payer la différence entre cette somme et le montant définitif en douze mensualités, débouté les parties de leurs demandes de dommages-intérêts et de toutes leurs autres demandes et statué sur les demandes accessoires.

La cour ayant été saisie d'un appel interjeté contre ce jugement, elle a, par un arrêt du 31 mars 2016, infirmé ledit jugement, prononcé la résolution de la cession intervenue entre la SARLU Cesco et la SAS GKL, le 15 juillet 2014, en ce comprises la vente des actions ainsi que la cession du compte courant, condamné la SAS GKL à payer à la SARL Cesco la somme de 30 000 € à titre de dommages et intérêts, rejeté toute autre demande et statué sur les demandes accessoires.

Par acte d'huissier de justice délivré le 26 avril 2016, la société Dacris a assigné la société Cesco aux fins que la cour la reçoive en sa tierce-opposition ; qu'elle ordonne la rétractation de l'arrêt rendu le 31 mars 2016 en ce qu'il a prononcé la résolution de la vente des actions de la société Bastide du Cours entre la société Cesco et la société GKL, alors que cette dernière avait cédé ses titres, qu'elle lui donne acte de ce qu'elle entendait solliciter la suspension de l'exécution de l'arrêt du 31 mars 2016 ; qu'elle déboute les parties adverses de leurs demandes et les condamne aux dépens de la tierce-opposition.

Cet acte a été dénoncé par acte d'huissier de justice au procureur général, à la SELARL [Z] & [T] (Me [Z]), administrateur judiciaire, à la société Marseillaise de Crédit (SMC), à la société Bastide du Cours et à Me [C] [O], en sa qualité de mandataire judiciaire.

Par ordonnance en date du 11 mai 2016, le président a fixé l'affaire à l'audience du 21 septembre 2016.

Par ordonnance rendue sur la requête de la société Cesco, le président, agissant sur délégation du premier président a autorisé l'assignation à jour fixe à l'audience du 29 juin 2016 à 8h40.

Cette assignation a été délivrée le 14 juin 2016 à Me [C] [O] et à Me [Z], ès qualités, le 15 juin 2016 à la société Bastide du Cours, à la société Dacris, à la SMC et au parquet du procureur général et le 16 juin 2016 à la société GKL.

Par ordonnance en date du 4 mai 2016, le président du tribunal de commerce d'Aix-en-Provence a désigné Me [C] [S], en qualité d'administrateur provisoire de la société Bastide du Cours avec pour mission de diriger cette société et de gérer le commerce.

Vu les conclusions en intervention volontaire déposées et notifiées le 27 juin 2016 par Me [C] [S], en sa qualité d'administrateur provisoire de la société Bastide du Cours, par lesquelles il demande à la cour de juger que l'assignation aux fins de tierce-opposition est nulle pour défaut de motivation juridique, l'assignation se bornant à citer l'article 583 du code de procédure civile ne permettant pas aux défendeurs de quereller un argumentaire, au fond, de juger qu'à la faveur de l'effet erga omnes de la résolution judiciaire du protocole de cession emportant anéantissement de la cession intervenue entre GKL et Dacris, la cession intervenue entre les sociétés GKL et Dacris est anéantie et privée d'effet, surabondamment, de juger que la société GKL a violé tant les dispositions relatives à la convention de nantissement, que l'obligation générale d'information dont elle est débitrice en tant que cédante et qu'au surplus elle s'est toujours comportée, y compris lors des audiences et actes postérieurs à la cession, comme le seul et unique associé, ce qui contredit radicalement la position de la société Dacris qui n'est qu'une posture dilatoire permettant le maintien dans les lieux de l'ancien dirigeant et salarié M. [D], en conséquence de juger que GKL a commis une fraude et qu'en conséquence l'acte de cession est nul et non avenu et qu'il convient de rétablir les parties au statu quo ante, en tout état de cause de débouter la société Dacris de ses demandes, de confirmer l'arrêt rendu par la cour d'appel le 31 mars 2016 portant résolution du protocole de cession entre la société Cesco et GKL, condamner solidairement la société Dacris et la société GKL à payer 50 000 € pour procédure abusive et dilatoire, outre 8000 € sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile et les dépens.

Me [C] [S] indique qu'en raison des turbulences qui sont nées après l'arrêt rendu le 31 mars 2016, avec la révocation notifiée à M. [X] [D] le 13 avril 2016 de son mandat de président suivie de la nomination de M. [Y] [Q] en qualité de président de la société Bastide du Cours, le procureur de la République a demandé la désignation d'un administrateur provisoire, ce qui fait qu'il a été désigné par ordonnance du président du tribunal de commerce en date du 4 mai 2016.

Vu les conclusions déposées et notifiées le 27 juin 2016 par la SMC.

Elle demande à la cour de constater qu'aucune demande n'est formulée à son encontre et de lui donner acte de ce qu'elle s'en rapporte à la décision de la cour.

Elle indique qu'elle a consenti à la société Bastide du Cours un prêt de 1 million d'euros remboursable en 60 échéances mensuelles au taux d'intérêt de 3,96 % l'an, garanti par un nantissement sur le fonds de commerce et par la caution personnelle et solidaire de M. [Y] [Q], ainsi que par le blocage des comptes courants d'associés à hauteur de 3 millions d'euros ; qu'après l'ouverture de la procédure de sauvegarde, elle a déclaré sa créance entre les mains du mandataire judiciaire à hauteur de 626.066,65 euros, à échoir et à titre privilégié outre intérêts au taux de 3,96%, créance admise en totalité au passif de la société.

Vu les conclusions déposées et notifiées le 28 juin 2016 par Me [Z] et Me [C] [O].

Ils demandent à la cour de juger que le présent litige oppose le vendeur, l'acquéreur et le sous acquéreur des actions composant le capital social de la société Bastide du Cours, et ne concerne pas la société Bastide du Cours elle-même, l'administrateur judiciaire ou le mandataire judiciaire, sauf à dessein d'opposabilité de la décision à intervenir, de constater que Me [F] [Z], et Me [C] [O] s'en rapportent à la décision de la cour en ce qui concerne la validité de l'assignation, la recevabilité de la tierce opposition et le fond de l'affaire, de fixer, pour le cas où l'arrêt du 31 mars 2016 serait rétracté, la date de restitution des titres en cas de confirmation de la résolution et de trancher la question de la validité de la cession GKL/Dacris, de débouter les parties de leurs éventuelles demandes formées à l'encontre de Me [F] [Z], ou à l'encontre de Me [C] [O] et de condamner toutes parties qui succombent aux entiers dépens, outre à la somme de 1.500 € au titre de l'article 700 du CPC à leur profit.

Me [F] [Z] et Me [C] [O] indiquent qu'en leur qualité respective, ils sont en la cause aux fins d'opposabilité à la procédure collective des effets de la décision à intervenir, car celui qui contrôle l'actionnariat de la société Bastide du Cours contrôle la désignation du président et contrôle effectivement l'exploitation du fonds de commerce ; que si en raison des incertitudes qui sont nées après l'arrêt du 31 mars 2016, le ministère public a requis la désignation d'un administrateur provisoire, la société Bastide du Cours doit retrouver rapidement un président aux commandes de l'exploitation quotidienne; qu'il apparaît donc essentiel , si la tierce opposition était jugée recevable et si l'arrêt était rétracté de trancher sur le fond s'il y a lieu à résolution, de fixer la date à laquelle les titres sont restitués en cas de résolution nonobstant l'effet rétroactif et le sort des actes passés au profit de Dacris , observation étant faite que l'interdiction de revendre pour le dirigeant directement ou indirectement ses titres en procédure collective (c'est-à-dire le cas de M. [D] via GKL) n'est pas applicable à la sauvegarde, sous réserve que la cession soit valable sur le terrain du droit commun, et ne procède pas d'une fraude.

Vu les conclusions déposées et notifiées le 28 juin 2016 par la société GKL.

Elle demande à la cour de recevoir la demande de la société Dacris et de dire sa tierce opposition bien fondée, de donner acte à la société GKL de ce qu'elle a formé un pourvoi en cassation contre l'arrêt rendu par cette chambre, de condamner la société Cesco au paiement de la somme de 3000 €, sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile, outre les dépens dont distraction au profit de Me Monique Castelnau, avocate.

La société GKL indique qu'elle a formé un pourvoi en cassation contre l'arrêt rendu par cette chambre le 31 mars 2016, dès lors que cet arrêt a évincé le moyen pris par elle de la dissimulation par la société Cesco de l'adresse de son siège social, celui tiré de l'existence de deux contrats distincts portants, l'un sur la cession d'actions et l'autre sur la cession du compte-courant et enfin, celui pris de l'absence de carence pouvant lui être imputée ; que la société Cesco lui a vendu les actions de la société Bastide du Cours moyennant le prix de 530 € qui a été payé ; qu'il n'a pas été tenu compte des paiements qu'elle a faits entre les mains de la société Cesco au titre du compte-courant pour une somme totale de 425 000 € ; qu'il existait aussi des oppositions de créanciers de la société Cesco dont elle a reçu notification ; qu'en outre , la société Cesco a omis d'indiquer qu'elle avait pris des engagements auprès de la SMC aux termes desquels elle ne pouvait céder les actions de la société Bastide du cours sans l'autorisation de la banque laquelle, ayant eu connaissance de la cession s'est opposée au règlement par GKL des sommes dues à Cesco ; qu'en outre, cette même banque avait obtenu de la société Cesco que le compte-courant de M. [Q] dans les écritures de la société Bastide du Cours soit bloqué jusqu'à ce que le prêt à hauteur d'un million d'euros consenti par elle soit remboursé, éléments dissimulés au moment de la cession des titres de sorte que la société GKL ne doit aucune somme à la société Cesco qui doit elle-même restituer la somme de 425 000 € qu'elle a perçue par suite de l'arrêt rendu par la cour ; que dans ces conditions, l'intérêt d'obtenir des dates d'audience plus rapides devant la cour s'explique difficilement, tandis que la cession d'actions entre GKL et Dacris est parfaite, le prix ayant été régulièrement payé et la vente s'étant traduite par la prise en charge de la gestion par la cessionnaire, reconnue par la société Cesco elle-même dans un courrier du 17 juin 2016.

Vu les conclusions déposées et notifiées le 6 juin 2016 par la société Cesco.

Elle demande à la cour de constater que la cession de titres en date du 11 janvier 2016 dont se prévaut la société Dacris au soutien de sa tierce opposition, n'a pas été retranscrite sur le registre des titres de la société Bastide du Cours seul document justifiant de la propriété des titres, de juger que la cession de titres en date du 11 janvier 2016 dont se prévaut la société Dacris au soutien de sa tierce opposition a été conclue en violation de l'acte de nantissement du compte titres consenti par la société GKL au bénéfice de la société Cesco en date du 15 juillet 2014, dont mention est portée sur le registre des titres de la société Bastide du Cours , et ce en violation de l'article L.211-20 du Code Monétaire et Financier, de juger qu'en raison de l'inopposabilité de la cession non retranscrite sur le registre des titres de la société Bastide du Cours et passée en violation de l'article L.211-20 du Code Monétaire et Financier, en raison de la simulation frauduleuse opérée par cession de titres alléguée du 11 janvier 2016 la société Dacris tiers acquéreur de mauvaise foi est sans qualité ni intérêt à agir, en conséquence, déclarer irrecevable pour défaut de qualité et d'intérêt à agir et en tout cas mal fondée la tierce opposition de la société Dacris à l'encontre de l'arrêt n°2016/261 de la 8ème chambre A de la Cour d'Appel d'Aix en Provence en date du 31 mars 2016, l'en débouter, condamner la société Dacris à payer à la société Cesco la somme de 100.000 € à titre de dommages et intérêts pour recours abusif et dilatoire outre 15.000 € en application de l'article 700 du CPC et les dépens distraits au profit de la SCP Ermeneux ' Levaique ' Arnaud & Associes, avocat.

La veille de l'audience, l'avocat de la société Dacris a sollicité le renvoi de l'affaire à une date ultérieure au motif de son souhait de répliquer aux plus récentes conclusions adverses et en raison de l'indisponibilité de Me Klein, avocat plaidant, retenu par ses obligations de bâtonnier de l'ordre des avocats.

Par lettre du même jour l'avocat de la société Cesco s'est opposée à cette demande, faisant valoir que la requête aux fins d'assignation à jour fixe avait été adressée aux avocats des autres parties le 8 juin 2016 ; que ses écritures avaient été notifiées aux autres parties le 6 juin 2016 et que la société Dacris avait été assignée le 15 juin 2016, le tout dans un contexte de péril grandissant en l'état du non-respect de l'arrêt rendu par cette cour le 31 mars 2016 ayant un impact sur l'exploitation de son commerce par la société Bastide du Cours.

Les observations des parties sur cette demande de renvoi ont été recueillies à l'audience et la cour s'étant assurée, au regard de la date des différents échanges que chacune des parties avait eu la possibilité de conclure en temps utile et considérant qu'il y avait urgence à statuer en raison du péril invoqué par la société Cesco et de l'incidence de l'affaire sur la procédure collective en cours concernant la société Bastide du Cours, a rejeté la demande de renvoi et retenu l'affaire .

Toutes les parties n'ayant cependant pas conclu sur le moyen pris par Me [S] , en sa qualité d'administrateur provisoire de la société Bastide du Cours, de la nullité de l'assignation aux fins de tierce-opposition pour défaut de motivation, les parties ont été invitées à fournir les explications de droit ou de fait qu'elles estimaient nécessaires et par application des articles 442 et 445 du code de procédure civile, le président a invité les parties à répondre par une note en délibéré.

Les débats ont été clôturés le 29 juin 2016.

Le 7 juillet 2016, la société Dacris a déposé et notifié des conclusions et des nouvelles pièces et demande à la cour d'ordonner la réouverture des débats, à défaut de dire et juger que le fondement juridique de sa tierce-opposition est parfaitement clair au point d'avoir permis une réplique de toutes les parties, de juger qu'il n'est pas rapporté de griefs, d'ordonner la rétractation de l'arrêt du 31 mars 2016 en ce qu'il a prononcé la résolution de la vente des actions de la société Bastide du Cours entre la société Cesco et la société GKL , alors que la société GKL avait cédé ses titres, de donner acte à la société Dacris de ce qu'elle entend solliciter la suspension de l'exécution de l'arrêt du 31 mars 2016, de débouter les parties adverses de leurs demandes contraires de les condamner aux dépens de la tierce-opposition.

Elle rappelle les causes de l'indisponibilité de son avocat plaidant, le bâtonnier Klein, et indique que la veille de l'audience la société Bastide du Cours a été placée en redressement judiciaire ; qu'il convient donc de rouvrir les débats pour que l'arrêt à intervenir soit prononcé à l'égard des bonnes parties ; que l'assignation en tierce-opposition n'est pas nulle car elle est couverte par l'assignation à jour fixe qui a saisi la cour ; que par ailleurs la motivation en droit de l'assignation est fondée sur le fait que le titulaire des actions à la date de l'arrêt intervenu n'était pas attrait à la procédure et que la cession d'actions ne pouvait être résolue pour inexécution d'un protocole d'accord concernant un compte courant non cédé par à elle-même, en l'état d'un contentieux en cours concernant ce compte-courant ; qu'au demeurant , les autres parties ont pu répliquer et ne peuvent donc invoquer de grief.

Par une note en date du 29 juin 2016 l'administrateur judiciaire et le mandataire judiciaire produisent le jugement rendu le 28 juin 2016 par le tribunal de commerce d'Aix-en-Provence ayant rejeté l'intervention de la SARLU Cesco, ordonné la conversion de la procédure de sauvegarde de la société Bastide du Cours en redressement judiciaire, maintenu la SCP [S] et associés prise en la personne de Me [C] [S] dans sa mission d'administrateur provisoire, maintenu Me [C] [O] dans ses fonctions de mandataire judiciaire et maintenu la SELARL [Z] & [T] prise en la personne de Me [Z], en qualité d'administrateur judiciaire, chargé d'administrer entièrement l'entreprise et fixé au 13 septembre 2016 la date à laquelle il sera statué sur le rapport de l'administrateur contenant le bilan économique et social de l'entreprise.

Par une note en date du 8 juillet 2016 la société Cesco fait valoir qu'à supposer que la cour admette la recevabilité des conclusions signifiées après la clôture des débats par la société Dacris, l'invitation de la cour à produire une note en délibéré était circonscrite au moyen tendant à la nullité de l'assignation aux fins de tierce-opposition contenue dans les écritures prises au nom de Me [S], ès qualités ; qu'au surplus, à l'ouverture des débats, le conseil de la société Dacris était substitué par un autre avocat ; qu'il n'y a pas lieu d'ordonner la réouverture des débats, car, selon l'article 444 du code de procédure civile il n'y a lieu à réouverture des débats que lorsque les parties n'ont pas été à même de s'expliquer contradictoirement sur les éclaircissements de droit ou de fait qui leur avait été demandés, ce qui n'est pas le cas ; qu'au surplus les pièces produites par bordereau du 7 juillet 2016 ne viennent pas au soutien de la réponse faite au moyen pris de la nullité de l'assignation, mais constituent des pièces de fond ; que par ailleurs, le jugement ayant converti la sauvegarde en redressement judiciaire est sans incidence procédurale, car les mandataires de justice sont maintenus dans leurs fonctions précédentes.

Dans une note en date du 11 juillet 2016, Me [S] fait valoir que l'assignation à jour fixe n'a permis que de motiver un changement de date d'audience ; qu'elle n'éclaire pas les parties sur la motivations de la tierce-opposition et qu'elle ne couvre donc pas la nullité de l'assignation en tierce-opposition.

SUR CE, LA COUR,

1. In limine litis et au visa de l'article 56 du code de procédure civile Me [S] fait valoir que l'assignation doit contenir un exposé des moyens en fait et en droit ; qu'en ce qui concerne la tierce-opposition, celui qui la forme de justifier de sa recevabilité et de son intérêt à agir mais doit également démontrer en quoi le jugement attaqué doit, en fait comme en droit, être rétracté, à défaut de quoi son recours doit être rejeté ; qu'en l'espèce, la motivation en droit fait défaut et ne permet pas à l'administrateur provisoire de connaître les réelles prétentions de la société Dacris, car il aurait fallu qu'elle expose en droit en quoi la résolution judiciaire du protocole de cession ne peut être prononcée, le visa de l'article 583 du code de procédure civile ne constituant pas un moyen de droit ; qu'en outre, la société Dacris ne justifie pas de son intérêt et de sa qualité à agir ; que dans ces conditions, alors qu'il est impossible de combattre des prétentions juridiques inexistantes, la cour doit prononcer la nullité de l'assignation.

2. Mais l'assignation de la société Dacris est suffisamment motivée, en ce sens qu'elle soutient que les droits qu'elle tient de la cession par GKL des 530 actions de la société Bastide du Cours sont anéantis par l'arrêt qui a été rendu hors sa présence par la cour d'appel le 31 mars 2016 et que cette décision lui fait grief tant qu'elle est maintenue.

Le moyen de nullité sera donc rejeté.

3. Quant aux arguments, demandes et pièces qui ne concernent pas le point litigieux pour lequel la production d'une note en délibéré a été demandée aux différentes parties et qui vient d'être tranché au vu de leurs observations, ils seront purement et simplement écartés.

D'autre part, la survenance du jugement ayant converti la sauvegarde en redressement judiciaire ne justifie pas la réouverture des débats, car son incidence sur la présente instance est limitée, puisque les mandataires de justice sont maintenus dans leurs fonctions précédentes.

4. En vertu de l'article 583 du code de procédure civile « est recevable à former tierce-opposition toute personne qui y a intérêt, à la condition qu'elle n'ait été ni partie ni représentée au jugement qu'elle attaque. Les créanciers et autres ayants cause d'une partie peuvent toutefois former tierce-opposition au jugement rendu en fraude de leurs droits ou s'ils invoquent des moyens qui leur sont propres ».

5. La société Dacris se prévaut de ce qu'elle a acquis de la société GKL la totalité des 530 actions de la SAS la société Bastide du Cours le 11 janvier 2016; que depuis cette date elle exploite le restaurant situé à [Localité 1], cours [Localité 2], appartenant à la société Bastide du Cours ; que cette cession est intervenue par suite du jugement rendu par le tribunal de commerce d'Aix-en-Provence en date du 10 novembre 2015 entre la société Cesco et la société GKL qui a rejeté la demande de la première nommée tendant à ce que soit prononcée la résolution du protocole de cession des actions de la société Bastide du Cours, jugement revêtu de l'exécution provisoire ; qu'or, est intervenu le 31 mars 2016 un arrêt infirmatif de ce jugement qui a prononcé la résolution de la cession des titres dans une instance où n'étaient parties ni elle-même, ni la société Bastide du Cours qui fait l'objet d'une procédure de sauvegarde ; que son absence du débat judiciaire est d'autant plus surprenante que l'ordre de mouvement constitué par le transfert de la pleine propriété des 530 actions de la société Bastide du Cours entre la société GKL et la société Dacris a été régulièrement mentionné dans les livres de la société ; que dans ces conditions, l'arrêt qui a été rendu préjudicie gravement à ses intérêts, mais également à l'exploitation de l'établissement commercial ; que cet arrêt est motivé par le fait qu'un protocole d'accord intervenu entre la société Cesco et la société GKL n'a pas été respecté, concernant le remboursement d'un compte courant ; qu'or, elle est étrangère à cette cession de compte courant, outre le fait que la société GKL élève une contestation à ce sujet, car ce compte courant fait l'objet d'un nantissement pris par la banque SMC, elle-même absente de l'instance qui a abouti à l'arrêt d'appel du 31 mars 2016 ; qu'en définitive, la situation se résume au fait qu'elle n'a acquis que les 530 actions et en a intégralement payé le prix, la question du compte-courant demeurant en suspens jusqu'à ce qu'elle soit définitivement tranchée, le cas échéant en faveur de l'existence de ce compte qui constituera alors une dette de la société Bastide du Cours.

6. Mais les pièces qu'elle invoque au stade de l'assignation se résument en tout et pour tout à l'arrêt de la cour rendu le 31 mars 2016 et au jugement rendu par le tribunal de commerce d'Aix-en-Provence le 10 novembre 2015.

En tout état de cause, elle ne produit aucune pièce à l'appui de son allégation selon laquelle « l'ordre de mouvement constitué par le transfert de la pleine propriété des 530 actions, de la société GKL à la société Dacris a été régulièrement mentionné dans les livres de la société ».

Au contraire même, Me [S] produit le registre de mouvement des titres de la SAS Bastide du Cours qui ne mentionne nullement ladite cession, ce que relève la société Cesco pour soutenir à bon droit que, n'ayant pas été retranscrite sur le registre des titres de la société Bastide du Cours elle est non seulement inopposable à la société Bastide du Cours mais aussi à elle-même, ceci alors que les ayants cause à titre particulier sont considérés comme représentés par leur auteur pour les actes accomplis par celui-ci avant la naissance de leurs droits, dès lors qu'aucune publicité n'est intervenue avant la décision querellée.

A ceci s'ajoute le fait que le registre des mouvements de titres porte mention d'un nantissement des titres et que la convention de nantissement signée le 15 juillet 2014 par la société GKL au profit de la société Cesco rendait impossible une telle cession, ce dont aurait pu se convaincre aisément Dacris au simple examen du registre.

7. La société Cesco formule aussi des accusations de collusion frauduleuse entre GKL et Dacris au regard de la chronologie de différents actes.

Elle fait ainsi valoir que postérieurement à l'acte d'appel du jugement rendu le 10 novembre 2015, la société GKL a tu dans ses conclusions du 26 février 2016 la cession du 11 janvier 2016 en faveur de Dacris, de sorte qu'il n'en était question ni lorsque la cour d'appel a rendu son arrêt le 31 mars 2016, ni lorsqu'a été notifiée le 13 avril 2016 à M. [X] [D] sa révocation de la présidence ; que durant tous les échanges postérieurs à cet arrêt, alors que surgissaient des difficultés d'exécution, M. [X] [D], président de la société GKL, n'a rien révélé de la cession du 11 janvier 2016, ni même devant le tribunal de commerce d'Aix-en-Provence qui a ouvert la procédure de sauvegarde; que, le silence a également prévalu de la part de M. [G] [J], président de la SAS Dacris, salarié de la société Bastide du Cours depuis août 2014, ayant des liens personnels avec M. [D], qui, connaissant le litige opposant la société GKL à la société Cesco sur la propriété des titres de Bastide du Cours, ne s'est pas manifesté avant le 26 avril 2016, soit plusieurs semaines après

le 11 janvier 2016 ; que les circonstances de cette vente à cette date sont d'autant plus sujettes à caution que le 16 mars 2016 a été déposé au greffe du tribunal de commerce d'Aix-en-Provence un procès-verbal d'assemblée générale extraordinaire de la société Bastide du Cours en date du 15 mars 2016 mentionnant : « La société GKL, seule associée de la société Bastide du Cours , indique que la présente assemblée a pour objet (') M. [X] [D], Président de la société GKL, seul associé de la société Bastide du Cours, met donc aux voix, les résolutions suivantes ».

Cette argumentation, objectivée par les pièces produites devant la cour, donne de la substance à la thèse de la fraude défendue également par l'administrateur provisoire de la société Bastide du cours.

À tout le moins, elle établit l'existence d'une stratégie commune entre les sociétés GKL et Dacris, et de leurs dirigeants respectifs, MM. [D] et [J], dont les liens personnels sont avérés , ceci dans le but de mettre en échec les conséquences de la révocation des droits de propriété de GKL, Cesco affirmant ici sans être contredite que les membres des deux familles travaillent dans les mêmes établissements et se côtoient tous les jours, ce qui rend encore plus invraisemblable le fait soutenu par Dacris qu'elle ignorait l'existence de la procédure ayant abouti à l'arrêt du 31 mars 2016.

A minima, la cour retiendra l'existence d'intérêts communs entre GKL et Dacris et par conséquent, le fait que la société Dacris était représentée par la société GKL au cours de la procédure qui a abouti à l'arrêt rendu le 31 mars 2016.

Dans ces conditions, sa tierce-opposition est irrecevable.

8. Il est indéniable que la tierce opposition a été mise en 'uvre par la société Dacris de manière tactique, c'est-à-dire dans le but de paralyser l'exécution de l'arrêt du 31 mars 2016.

La société Cesco justifie qu'elle en subit un préjudice par l'entrave qu'elle apporte aux activités de la société Bastide du Cours, par les coûts supplémentaires liés à la désignation d'un administrateur provisoire , les risques réels de dilapidation de sa trésorerie par MM. [D] et [J], qui en ont conservé la gestion, au regard de l'inquiétante baisse des dépôts bancaires, ceci dans un contexte où la société Bastide du Cours est soumise à une procédure collective.

Il lui sera accordé la somme de 2500 euros à titre de dommages et intérêts.

Il sera statué sur les dépens et les frais irrépétibles dans les termes du dispositif.

9. La cour n'a pas à donner acte à la société GKL de ce qu'elle a formé un pourvoi en cassation contre l'arrêt rendu par cette chambre, s'agissant de l'exercice par une partie d'un droit non soumis à autorisation et sur lequel la cour n'exerce aucun contrôle.

Il en ira de même de la demande de donner acte de ce que la société Dacris entend solliciter la suspension de l'exécution de l'arrêt du 31 mars 2016.

PAR CES MOTIFS

Statuant publiquement, par mise à disposition de l'arrêt au greffe, contradictoirement,

Rejette le moyen pris de la nullité de l'assignation en tierce-opposition,

Rejette les moyens et pièces étrangers au débat sur la nullité de l'assignation en tierce-opposition, ainsi que la demande de réouverture des débats,

Déclare la tierce-opposition formée par la société Dacris à l'encontre de l'arrêt rendu par cette chambre le 31 mars 2016 irrecevable, pour défaut de qualité et d'intérêt à agir de cette société,

Condamne la société Dacris à payer à la société Cesco la somme de 2500 €, à titre de dommages-intérêts en réparation du préjudice causé par cette procédure abusive et la somme de 2000 € sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile,

Rejette toute autre demande,

Condamne la société Dacris aux dépens qui seront recouvrés conformément à l'article 699 du code de procédure civile,

LA GREFFIÈRE,LE PRÉSIDENT,


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel d'Aix-en-Provence
Formation : 8e chambre a
Numéro d'arrêt : 16/07571
Date de la décision : 21/07/2016
Sens de l'arrêt : Irrecevabilité

Références :

Cour d'appel d'Aix-en-Provence 8A, arrêt n°16/07571 : Déclare la demande ou le recours irrecevable


Origine de la décision
Date de l'import : 27/03/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2016-07-21;16.07571 ?
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