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07/07/2016 | FRANCE | N°15/08136

France | France, Cour d'appel d'Aix-en-Provence, 10e chambre, 07 juillet 2016, 15/08136


COUR D'APPEL D'AIX EN PROVENCE

10e Chambre



ARRÊT AU FOND

DU 07 JUILLET 2016



N° 2016/314













Rôle N° 15/08136







[Z] [Z]





C/



[M] [N]

CPAM [Localité 1]

[Localité 1]

CPAM [Localité 2]





































Grosse délivrée

le :

à :

Me RODRIGUEZ

Me NIQUET











Décision déférée à la Cour :



Jugement du Tribunal de Grande Instance de TARASCON en date du 19 Mars 2015 enregistré au répertoire général sous le n° 13/01150.





APPELANTE



Madame [Z] [Z]

demeurant [Adresse 1]

(bénéficie d'une aide juridictionnelle Totale numéro 2015/6397 du 29/06/2015 accordée par le bureau d'aide juridicti...

COUR D'APPEL D'AIX EN PROVENCE

10e Chambre

ARRÊT AU FOND

DU 07 JUILLET 2016

N° 2016/314

Rôle N° 15/08136

[Z] [Z]

C/

[M] [N]

CPAM [Localité 1]

[Localité 1]

CPAM [Localité 2]

Grosse délivrée

le :

à :

Me RODRIGUEZ

Me NIQUET

Décision déférée à la Cour :

Jugement du Tribunal de Grande Instance de TARASCON en date du 19 Mars 2015 enregistré au répertoire général sous le n° 13/01150.

APPELANTE

Madame [Z] [Z]

demeurant [Adresse 1]

(bénéficie d'une aide juridictionnelle Totale numéro 2015/6397 du 29/06/2015 accordée par le bureau d'aide juridictionnelle d'AIX-EN-PROVENCE)

née le [Date naissance 1] 1971 à [Localité 3]

représentée par Me Cécile RODRIGUEZ, avocat au barreau d'AIX-EN-PROVENCE

INTIMES

Monsieur [M] [N]

né le [Date naissance 2] 1965 à [Localité 4],

demeurant [Adresse 2]

représenté par Me Martine NIQUET de l'ASSOCIATION NIQUET - TOURNAIRE CHAILAN, avocat au barreau de TARASCON

CAISSE PRIMAIRE D'ASSURANCE MALADIE [Localité 1] (Agence d'[Localité 4])

[Adresse 3]

défaillante

CAISSE PRIMAIRE D'ASSURANCE MALADIE [Localité 2]

défaillante

*-*-*-*-*

COMPOSITION DE LA COUR

En application des dispositions des articles 785, 786 et 907 du code de procédure civile, l'affaire a été débattue le 31 Mai 2016 en audience publique, les avocats ne s'y étant pas opposés, devant Madame Françoise GILLY-ESCOFFIER, Conseiller, et Madame Anne VELLA, Conseiller, chargés du rapport.

Madame Anne VELLA, Conseiller, a fait un rapport oral à l'audience, avant les plaidoiries.

Ces magistrats ont rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la cour, composée de :

Madame Christiane BELIERES, Présidente

Madame Françoise GILLY-ESCOFFIER, Conseiller

Madame Anne VELLA, Conseiller

Greffier lors des débats : Madame Sylvie GALASSO.

Les parties ont été avisées que le prononcé de la décision aurait lieu par mise à disposition au greffe le 07 Juillet 2016.

ARRÊT

Réputé contradictoire,

Prononcé par mise à disposition au greffe le 07 Juillet 2016.

Signé par Madame Christiane BELIERES, Présidente et Madame Samira CHKIRNI, Greffier auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

Exposé des faits et procédure

Mme [Z] [Z] expose qu'elle a entretenu une relation avec M. [M] [N] qui s'est montré violent avec elle de telle sorte qu'elle a voulu rompre. Elle relate qu'il s'est rendu chez elle le 23 mars 1997 en pleine nuit et pour tenter de lui échapper elle a sauté du 2e étage de son appartement et s'est gravement blessée. Une fois hospitalisée elle indique avoir encore subi son harcèlement.

Le 26 mars 2009, elle a déposé plainte devant les services de police de [Localité 5], qui ont transmis la procédure au parquet de Tarascon. Par courrier du 26 avril 2010 le procureur de la République lui a indiqué que les délais étant expirés, la prescription de l'action publique était acquise.

Le 21 août 2009, elle a saisi la Civi du tribunal de grande instance de Perpignan, qui par jugement du 11 octobre 2010, l'a relevée de la forclusion, et a ordonné une expertise aux fins de déterminer les lésions subies. Le docteur [D] a déposé son rapport le 29 août 2011. Sur appel interjeté par le Fonds de garantie, la cour d'appel de Montpellier, dans un arrêt du 2 novembre 2011, a infirmé le jugement, après avoir considéré que Mme [Z] ne démontrait nullement en quoi durant les douze années ayant séparé la date des faits dénoncés et la saisine de la commission, elle s'était trouvée légitimement dans l'incapacité de faire valoir ses droits.

Le 11 décembre 2012, Mme [Z] a déposé plainte avec constitution de partie civile. Pour échapper à la prescription, elle a soutenu avoir été victime d'une amnésie post-traumatique. Par ordonnance du 23 janvier 2013 le doyen des juges d'instruction, a jugé que les faits étaient prescrits. La chambre de l'instruction de la cour d'appel d'Aix en Provence dans un arrêt du 21 mai 2013 a confirmé l'ordonnance en considérant que l'existence d'un obstacle de fait, justifiant la suspension de l'action publique n'était pas démontrée.

Par acte d'huissier du 17 juin 2013, Mme [Z] a assigné M. [N], en présence de la Cpam [Localité 2], devant le tribunal de grande instance de Tarascon, sur le fondement de l'article 1382 du code civil, pour le voir déclarer entièrement responsable des conséquences dommageables de la chute du 23 mars 1997 et l'entendre condamné à l'indemniser de son préjudice corporel.

Par ordonnance du 6 novembre 2014, devenue irrévocable, le juge de la mise en état a débouté Mme [Z] de sa demande d'expertise médicale ainsi que de sa demande de sursis à statuer. L'affaire a été fixée pour plaidoiries afin qu'il soit statué sur la prescription soulevée par M. [N].

Aux termes d'un jugement rendu le 19 mars 2015, le tribunal a :

- dit que l'action de Mme [Z] est prescrite ;

- débouté Mme [Z] de toutes ses demandes ;

- condamné Mme [Z] à payer à M. [N] la somme de 2000€ à titre de dommages-intérêts, celle de 1000€ en application de l'article 700 du code de procédure civile, ainsi qu'aux entiers dépens, distraits au profit du conseil de M. [N].

Le tribunal a relevé que les faits s'étaient déroulés en 1997, que Mme [Z] avait attendu le mois de mars 2009 pour déposer plainte à l'encontre de M. [N] qui n'a jamais été poursuivi pour les faits qu'elle lui reproche. Partant de la date de consolidation du 12 septembre 1999, il a considéré qu'elle disposait d'un délai expirant le 12 septembre 2009 pour engager une action sur le fondement de la responsabilité délictuelle. Si aux termes de l'article 2241 du code civil, la demande en justice interrompt le délai de prescription, la saisine de la Civi en août 2009, faute de caractère contradictoire à l'égard de M. [N] n'a pas eu cet effet interruptif, et ce d'autant que faute d'avoir été poursuivi pour les faits que Mme [Z] lui reproche, M. [N] doit être considéré comme un tiers.

Enfin il a jugé que l'action était prescrite, sans que Mme [Z] puisse se prévaloir de l'article 26 de la loi du 17 juin 2008, car la durée et le point de départ de la prescription de l'action en réparation de dommages corporels n'ont pas été modifiés par la loi nouvelle.

Par déclaration d'appel du 7 mai 2015, dont la régularité et la recevabilité, ne sont pas contestées, Mme [Z] a relevé appel général de ce jugement.

Par conclusions d'incident du 8 octobre 2015, Mme [Z] a demandé au conseiller de la mise en état d'ordonner une nouvelle expertise médicale afin de vérifier qu'elle était hors d'état d'agir dans les délais légaux du fait de l'amnésie post-traumatique qu'elle a subie, et de réactualiser les postes de préjudice décrits dans le rapport du docteur [D] du 29 août 2011, en raison de l'aggravation de son état de santé. En défense, M. [N] a opposé que la demande était prématurée puisque la recevabilité de l'action était contestée au regard de la prescription.

Par ordonnance du 24 novembre 2015, devenue irrévocable, le conseiller de la mise en état a rejeté la demande d'expertise au motif qu'il convenait, avant tout, de statuer sur la fin de non recevoir tirée de la prescription de la demande d'indemnisation de Mme [Z].

Moyens des parties

Selon ses conclusions du 12 mai 2016, Mme [Z] demande à la cour de:

' réformer le jugement ;

' constater qu'elle a souffert d'une amnésie post-traumatique l'ayant mise dans l'impossibilité d'agir ;

' juger en conséquence que l'action qu'elle a engagée n'est pas prescrite, et en conséquence la déclarer recevable ;

' et déclarer M. [N] entièrement responsable des préjudices qu'elle a subis ;

avant dire droit :

' ordonner une nouvelle expertise médicale avec mission de vérifier qu'elle était hors d'état d'agir dans les délais légaux du fait de l'amnésie post traumatiques subie, de réactualiser les postes de préjudices décrits dans le rapport du docteur [D] au regard de l'aggravation de son état, et fixer la date de la consolidation actuelle ou probable ;

à titre subsidiaire, de :

' condamner M. [N], sur la base du rapport d'expertise du docteur [D] à lui verser les sommes suivantes :

- dépenses de santé actuelles : pour mémoire,

- perte de gains professionnels actuels : 15'000€,

- frais divers de tierce personne : 40'368€,

- incidence professionnelle : 75'000€,

- déficit fonctionnel temporaire : 3694€,

- souffrances endurées : 12'000€,

- déficit fonctionnel permanent : 46'000€,

- préjudice esthétique : 3500€,

- préjudice d'agrément : 8000€ ;

' débouter M. [N] de sa demande de dommages-intérêts faute d'abus du droit d'ester en justice de l'appelante ;

' le condamner à lui verser la somme de 2500€ sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile, ainsi qu'aux entiers dépens.

Elle soutient sur la prescription :

- qu'elle était dans l'incapacité absolue d'agir et de dénoncer les faits en 1997, et demande à bénéficier des dispositions de l'article 2234 du code civil qui énonce que cette prescription ne court pas ou est suspendue contre celui qui est dans l'impossibilité d'agir par suite d'un empêchement résultant de la loi, de la convention, ou de la force majeure. A cette fin elle produit plusieurs certificat médicaux.

- qu'elle n'est pas consolidée à ce jour, et subit encore les séquelles du traumatisme du rachis en L1, relevé dans le certificat médical initial du 24 mars 1997. Elle ajoute que le traumatisme crânien, évoqué dans ce certificat médical, est ancien et que l'amnésie post traumatique n'est pas liée à ce prétendu traumatisme,

- que si la consolidation est au 12 septembre 1999, elle devait intenter une action en justice dans les dix ans, or elle a d'une part déposé une plainte devant le parquet de Perpignan le 26 mars 2009, à l'occasion de laquelle M. [N] a été entendu le 15 décembre 2009, et la procédure a été contradictoire à son égard, et d'autre part la saisine de la Civi le 21 août 2009 a interrompu le délai de prescription au sens de l'article 2241 du code civil, si bien que son action civile n'est pas prescrite.

Sur la responsabilité de M. [N], elle fait valoir qu'il a exercé des violences volontaires graves à son égard, porté atteinte à son intégrité physique, et qu'il doit être déclaré responsable des conséquences dommageables de son comportement. Elle ajoute que les attestations versées aux débats par M. [N], sont arguées de faux dans le cadre d'une plainte avec constitution de partie civile, actuellement en cours d'information.

À titre subsidiaire, elle sollicite la liquidation de son préjudice.

Par conclusions du 17 septembre 2015, M. [N] demande à la cour de :

' confirmer le jugement qui a retenu la prescription de l'action ;

' dire et juger que l'action de Mme [Z] est prescrite ;

à titre subsidiaire, sur le fondement des articles 1382 et 1383 du code civil

' dire et juger que sa responsabilité n'est pas engagée ;

' dire et juger que le préjudice subi par Mme [Z] le 23 mars 1997 ne lui est pas imputable ;

à titre très subsidiaire

' dire que le rapport d'expertise du docteur [D] ne lui est pas opposable ;

' constater que Mme [Z] ne justifie pas des chefs de préjudice qu'elle invoque ;

' la débouter de ses différentes réclamations ;

' la débouter de ses demandes relatives aux séquelles psychologiques qui n'ont aucun lien certain avec les faits de mars 1997

' dire et juger que Mme [Z] a commis un abus du droit d'ester en justice, et la condamner au paiement de la somme de 5000€ à titre de dommages-intérêts ;

' la condamner au paiement de la somme de 3000€ sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile, ainsi qu'aux entiers dépens, distraits au profit de son conseil.

Il soutient que la motivation de l'arrêt de la chambre de l'instruction du 21 mai 2013 permet d'exclure toute amnésie post traumatique.

Les certificats médicaux du docteur [A] doivent être écartés dès lors qu'ils sont manifestement fondés sur des déclarations erronées de la patiente.

L'expertise du docteur [D] démontre l'état antérieur majeur de Mme [Z], à savoir des troubles psychiatriques et une anorexie, et l'absence de causalité directe entre les séquelles psychologiques et l'accident de mars 1997. Cet expert a fixé la date de consolidation au 12 septembre 1999.

Il rappelle que pour être interruptive de prescription, la demande en justice doit être adressée à celui qu'on veut empêcher de prescrire. Or la saisine d'une Civi ne présente aucun caractère contradictoire à l'égard du supposé auteur des faits, cette instance opposant exclusivement la victime au Fonds de garantie.

Par ailleurs l'action pénale engagée par Mme [Z] a été définitivement rejetée, ainsi et selon l'article 2243 du code civil l'interruption invoquée est non avenue.

Il est acquis que Mme [Z] a été consolidée le 12 septembre 1999, qu'elle devait agir dans les 10 ans de cette date, et qu'aucun acte interruptif n'est intervenu entre la consolidation et l'assignation du 17 juin 2013.

À titre subsidiaire, et sur sa responsabilité qui est recherchée, il soutient qu'il n'est pas à l'origine du comportement de Mme [Z] qui s'est volontairement défenestrée.

Ce n'est qu'à titre infiniment subsidiaire qu'il fait valoir que le rapport d'expertise du docteur [D] à laquelle il n'a pas été convoqué, ne peut servir de base à l'indemnisation réclamée par l'appelante dès lors qu'elle ne produit aux débats aucune autre pièce permettant de justifier des différents chefs de préjudice qu'elle invoque.

La Cpam [Localité 2], assignée par Mme [Z], par acte d'huissier du 25 août 2015, délivré à personne habilitée et contenant dénonce de l'appel n'a pas constitué avocat.

Par courrier du 20 janvier 2016, elle a indiqué ne pas pouvoir intervenir dans la mesure où Mme [Z] ne dépendait pas de son organisme à la date de l'accident.

La Cpam [Localité 1], assignée par Mme [Z], par acte d'huissier du 5 février 2016, délivré à personne habilitée et contenant dénonce de l'appel n'a pas constitué avocat. Elle n'a pas fait connaître le montant de ses débours.

L'arrêt sera réputé contradictoire conformément aux dispositions de l'article 474 du code de procédure civile

Motifs de la décision

L'article 2241 du code civil énonce que la demande en justice, même en référé, interrompt le délai de prescription ainsi que le délai de forclusion.

Pour interrompre la prescription ainsi que les délais pour agir, une citation en justice doit être signifiée à celui qu'on veut empêcher de prescrire. En conséquence l'action engagée le 21 août 2009, par Mme [Z] devant la Civi à l'encontre du Fonds de garantie, ne peut avoir interrompu la prescription à l'égard de M. [N] qui n'était pas partie à cette instance.

Par ailleurs la prescription de l'action civile ne peut être interrompue ni par une plainte simple, qui n'est pas une citation en justice, ni par les procès-verbaux d'enquête. Dès lors la plainte déposée par Mme [Z] le 26 mars 2009, devant les services de police du parquet de Perpignan, qui n'a été suivie d'aucun acte de poursuite à l'encontre de M. [N], ne peut avoir eu pour effet d'interrompre la prescription de l'action civile.

Il résulte de l'expertise du docteur [D] que Mme [Z] a été consolidée le 23 mars 1999, sur le plan psychiatrique et le 12 septembre 1999 au titre des séquelles physiologiques, et en vertu des dispositions de l'article 2226 du code civil, elle disposait d'un délai expirant le 12 septembre 2009 pour engager une action civile en indemnisation des préjudices corporels, qui sont allégués.

Or c'est au terme d'un acte d'huissier du 17 juin 2013, soit postérieur de près de quatre ans à l'acquisition de la prescription de l'action civile, qu'elle a assigné M. [N] devant le tribunal de grande instance de Tarascon pour voir engager sa responsabilité civile, et obtenir paiement de sommes indemnitaires. Mme [Z] est donc prescrite en son action en responsabilité délictuelle.

Toutefois l'article 2234 du code civil énonce que la prescription ne court pas ou est suspendue contre celui qui est dans l'impossibilité d'agir par la suite d'un empêchement résultant de la loi, de la convention ou de la force majeure.

Mme [Z] soutient qu'elle a été atteinte après les faits de mars 1997 d'une amnésie post-traumatique l'ayant empêchée d'engager une action civile.

Or plusieurs éléments qui ressortent des éléments communiqués aux débats militent pour une absence d'impossibilité d'agir de Mme [Z].

Du procès-verbal de dépôt de plainte de Mme [Z] devant les services de police le 26 mars 2009, il résulte qu'elle a expliqué qu'après sa défenestration en mars 1997, et une reprise de relation avec M. [N], elle a quitté [Localité 4] en 1998, et ne l'a plus jamais revu depuis. Elle a précisé : 'J'ai refait ma vie, j'ai eu un autre enfant mais je n'ai pas oublié.... je fais cette démarche pour mon fils [G] qui a 19 ans... et a développé une haine envers les hommes qui m'approchent... Il y a quelques années, j'ai voulu faire cette démarche mais j'ai été mal informée, en 2001, on m'a dit que les faits étaient prescrits, j'avais alors laissé tomber mais je vois aujourd'hui qu'il ne me reste que cette seule démarche pour me reconstruire.' La lecture de cette déposition permet d'attribuer le temps écoulé depuis mars 1997, non pas à une impossibilité d'agir ou encore à un fait ayant un caractère insurmontable, et encore moins à une amnésie post-traumatique, dès lors que Mme [Z], qui ne pouvait plus être sous l'emprise physique de M. [N], y relate très précisément que ces faits lui sont parfaitement restés en mémoire et qu'elle n'a pas su ou voulu se renseigner utilement sur les voies de droit qui lui étaient alors ouvertes.

La teneur de cette déposition ne permet pas non plus de donner du crédit aux certificats médicaux établis les 18 mai 2012, 25 mai 2014, et le 26 mai 2014, par le docteur [V] [A] qui a écrit, alors qu'il ne suit la patiente que depuis 2012, qu' à 'l'époque des faits, l'intéressée était dans une relation d'emprise telle qu'elle n'était pas en capacité sur le plan clinique de faire la démarche d'un dépôt de plainte' et qu'elle 'souffrait de plus de troubles mnésiques en lien avec l'amnésie post-traumatique lacuniare constatée lors des différents examens de la patiente.' Si elle présente actuellement des troubles mnésiques rien n'autorise à dire qu'elle en aurait souffert depuis 1997 et jusqu'en 2009, et encore moins qu'ils auraient constitué une impossibilité pour elle d'agir.

Dans le cadre de l'expertise aux fins médico-légales, le docteur [D] a eu recours à un sapiteur en la personne du docteur [C] [C], médecin psychiatre au CHS de [Localité 6], qui a examiné Mme [Z] le 25 mai 2011, et a indiqué dans ses conclusions qu'elle présentait une 'personnalité histrionique' et que 'le délai entre 1997 (fait traumatique) et 2009 (plainte) peut être expliqué par un cheminement psychologique du sujet aboutissant à une reconstruction de son histoire où l'ensemble des difficultés psychologiques actuelles est attribué au fait traumatique majeur'. Mais en aucun cas ce médecin spécialiste et diplômé en psychiatrie n'a stigmatisé, à propos de ce délai écoulé, une amnésie post-traumatique susceptible de constituer une impossibilité d'agir.

En conséquence, Mme [Z] qui ne démontre pas qu'elle a été dans l'impossibilité d'agir par la suite d'un empêchement résultant de la loi, de la convention ou de la force majeure, est déboutée de sa demande de relevé de forclusion.

Sur la demande en paiement de dommages-intérêts

L'exercice d'une action ou d'une voie de recours ne dégénère en faute pouvant donner lieu à des dommages et intérêts que si l'intéressé a agi avec intention de nuire, légèreté blâmable ou a commis une erreur équivalente au dol, tous faits insuffisamment caractérisés en l'espèce ; il semble plutôt que Mme [Z] se soit méprise sur l'étendue de ses droits ; la demande de M. [N] en dommages et intérêts à ce titre doit, dès lors, être rejetée.

Sur les demandes annexes

Les dispositions du jugement relatives aux dépens et aux frais irrépétibles alloués à M. [N] doivent être confirmées.

Mme [Z] qui succombe supportera la charge des entiers dépens d'appel. Aucun critère d'équité ne justifie de faire droit à sa demande en paiement de somme fondée sur l'article 700 du code de procédure civile.

L'équité commande d'allouer à M. [N] une indemnité de 1.500€ au titre des frais irrépétibles exposés devant la cour.

Par ces motifs

La Cour

Confirme le jugement

hormis sur les dommages-intérêts alloués à M. [N] ;

Statuant sur les points infirmés et y ajoutant ;

- Déboute M. [N] de sa demande en paiement de dommages-intérêts ;

- Déboute Mme [Z] de sa demande en paiement de somme au titre des frais irrépétibles exposés en appel ;

- Condamne Mme [Z] à payer à M. [N] une somme de 1500€ au titre des frais irrépétibles qu'il a exposés en appel ;

- Condamne Mme [Z] aux entiers dépens d'appel qui seront recouvrés conformément aux dispositions de l'article 699 du code de procédure civile.

Le greffierLe président


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel d'Aix-en-Provence
Formation : 10e chambre
Numéro d'arrêt : 15/08136
Date de la décision : 07/07/2016

Références :

Cour d'appel d'Aix-en-Provence 10, arrêt n°15/08136 : Infirme partiellement, réforme ou modifie certaines dispositions de la décision déférée


Origine de la décision
Date de l'import : 27/03/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2016-07-07;15.08136 ?
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