La jurisprudence francophone des Cours suprêmes


recherche avancée

01/07/2016 | FRANCE | N°15/03793

France | France, Cour d'appel d'Aix-en-Provence, 18e chambre b, 01 juillet 2016, 15/03793


COUR D'APPEL D'AIX EN PROVENCE

18e Chambre B



ARRÊT AU FOND

DU 01 JUILLET 2016



N° 2016/1361













Rôle N° 15/03793





[M] [X]





C/



Société IDVERDE, venant aux droits de ISS EV MARSEILLE











Grosse délivrée

le : 6 Juillet 2016

à :



Me Amine GHENIM, avocat au barreau de SEINE-SAINT-DENIS



Me Bernard MEURICE, avocat au barreau de LILLE




r>Copie certifiée conforme délivrée aux parties le :6 Juillet 2016





Décision déférée à la Cour :



Jugement du Conseil de prud'hommes - Formation de départage de MARSEILLE - section A - en date du 29 Janvier 2015, enregistré au répertoire général sous le n° 11/726.

...

COUR D'APPEL D'AIX EN PROVENCE

18e Chambre B

ARRÊT AU FOND

DU 01 JUILLET 2016

N° 2016/1361

Rôle N° 15/03793

[M] [X]

C/

Société IDVERDE, venant aux droits de ISS EV MARSEILLE

Grosse délivrée

le : 6 Juillet 2016

à :

Me Amine GHENIM, avocat au barreau de SEINE-SAINT-DENIS

Me Bernard MEURICE, avocat au barreau de LILLE

Copie certifiée conforme délivrée aux parties le :6 Juillet 2016

Décision déférée à la Cour :

Jugement du Conseil de prud'hommes - Formation de départage de MARSEILLE - section A - en date du 29 Janvier 2015, enregistré au répertoire général sous le n° 11/726.

APPELANT

Monsieur [M] [X], demeurant [Adresse 2]

représenté par Me Amine GHENIM, avocat au barreau de SEINE-SAINT-DENIS

INTIMEE

Société IDVERDE, venant aux droits de ISS EV MARSEILLE, demeurant [Adresse 1]

représentée par Me Bernard MEURICE, avocat au barreau de LILLE

*-*-*-*-*

COMPOSITION DE LA COUR

L'affaire a été débattue le 13 Mai 2016 en audience publique devant la Cour composée de :

Madame Marie-Annick VARLAMOFF, Présidente de chambre

Mme Marina ALBERTI, Conseiller

Monsieur Yann CATTIN, Conseiller

qui en ont délibéré

Greffier lors des débats : Madame Chantal DESSI.

Les parties ont été avisées que le prononcé de la décision aurait lieu par mise à disposition au greffe le 01 Juillet 2016.

ARRÊT

Contradictoire,

Prononcé par mise à disposition au greffe le 01 Juillet 2016.

Signé par Madame Marie-Annick VARLAMOFF, Présidente de chambre et Madame Chantal DESSI, greffier auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

Exposé des faits et de la procédure

M. [M] [X] a été engagé par la société ISS Espaces verts, devenue la société Idverde, le 1er septembre 2004, en qualité de chef d'équipe paysagiste, puis, au dernier état de la relation contractuelle, de chef de chantier.

La société Idverde, qui a pour activité la réalisation d'espaces paysagers extérieurs, aires de jeux et terrains de sport, la maintenance et l'entretien d'espaces paysagers extérieurs, dépend de la convention collective nationale des entreprises du paysage du 10 octobre 2008 étendue le 25 mars 2009.

Le 18 février 2011, M. [M] [X] a saisi, avec plusieurs autres salariés, le conseil de prud'hommes de Marseille aux fins d'obtenir la condamnation de son employeur à lui verser un rappel de salaire ainsi que les congés payés afférents, correspondant au temps passé pour le trajet entre le dépôt de l'entreprise et les chantiers, en début et en fin de journée, outre des dommages et intérêts en réparation du préjudice subi du fait de leur non-versement.

Par jugement de départage en date du 29 janvier 2015, cette juridiction l'a débouté de ses demandes et condamné aux dépens.

M. [M] [X] a interjeté appel de ce jugement le 9 mars 2015.

Prétentions et moyens des parties

Dans ses dernières conclusions écrites, déposées et plaidées à la barre, communes à d'autres salariés, M. [M] [X] demande l'infirmation du jugement, pour qu'il soit jugé que le temps de déplacement entre le dépôt de l'entreprise et le premier chantier ainsi que le retour vers le dépôt en fin de journée correspond à un temps de travail effectif et qu'en conséquence, la société Idverde soit condamnée à lui verser les sommes suivantes :

- 22 912,53 euros à titre de rappel de salaire pour la période du 1er janvier 2007 à fin février 2016, outre congés payés afférents,

- 5 000 euros à titre de dommages et intérêts en réparation du préjudice subi du fait du non- versement par l'employeur du salaire dû et de la perte de chance occasionnée,

sommes augmentées des intérêts de droit à compter de la saisine du conseil de prud'hommes et avec exécution provisoire,

- 300 euros au titre de ses frais irrépétibles.

Dans ses dernières écritures, communes à tous les salariés mais complétées par des conclusions particulières au dossier de M. [M] [X], déposées et plaidées à l'audience, la société Idverde soulève à titre liminaire la communication tardive des dernières pièces et conclusions des appelants et demande qu'elles soient écartées comme n'ayant pu faire l'objet d'un débat loyal et contradictoire.

Au fond, elle conclut à titre principal à la confirmation du jugement en ce qu'il a débouté M. [M] [X] de ses demandes et, subsidiairement, au renvoi des parties à faire un compte entre elles après déduction des sommes déjà versées au titre des indemnités de trajet sauf à condamner ce dernier à lui verser la somme de 3 210,16 euros au titre d'un trop-perçu, sollicitant en outre sa condamnation à lui payer celle de 500 euros en application de l'article 700 du code de procédure civile ainsi qu'aux entiers dépens.

Pour plus ample exposé des prétentions et moyens des parties, il sera référé à leurs écritures oralement soutenues à l'audience.

MOTIFS DE LA DÉCISION

Sur le caractère tardif des dernières conclusions et communication de pièces de M. [M] [X]

La société Idverde fait valoir que les dernières conclusions et pièces communiquées par M. [M] [X] le 26 avril 2016, soit 15 jours avant la date de l'audience, l'ont été tardivement, en violation des droits de la défense, et doivent en conséquence être écartées des débats.

Cependant, elle ne précise pas en quoi elle aurait été mise dans l'impossibilité de les discuter, voire d'y répliquer, ayant d'ailleurs été en mesure de déposer des conclusions au fond au jour de l'audience.

En conséquence, cette demande sera rejetée.

Sur la demande en rappel de salaire au titre d'heures supplémentaires

M. [M] [X], qui est rémunéré sur la base de 35 heures hebdomadaires, soutient que l'organisation du travail mise en place par l'employeur le contraint, comme tous les autres salariés, eu égard aux impératifs de préparation et de chargement du matériel, de prise de connaissance des consignes..., à passer au dépôt de l'entreprise chaque matin, avant de se rendre sur le chantier où il est affecté, et en conséquence à y revenir en fin de journée, notamment pour déposer le matériel, voire décharger remblais et gravats, passer aux vestiaires, se doucher, sans que ce temps de présence et de trajet soit rémunéré en tant que travail effectif. Il réclame le paiement des heures supplémentaires ainsi effectuées pour la période du 1er janvier 2007 à fin février 2016.

La société Idverde réplique que les salariés n'ont aucune obligation de passer par le dépôt et peuvent à leur convenance se rendre directement sur les chantiers par leurs propres moyens ou avec les moyens de transport mis à leur disposition à partir du dépôt et que, dans ces conditions, le temps de trajet ne peut être considéré comme du temps de travail, précisant que les salariés perçoivent à ce titre des indemnités de trajet.

En ce sens, elle se réfère à la convention collective applicable (article 27) et à l'accord d'entreprise sur l'aménagement du temps de travail en date du 1er juin 2009 qui dispose en son article 6.1 que :

'Le personnel commence son travail sur le chantier auquel il aura été affecté.

Son travail se terminera en fin de journée de la même façon sur le chantier auquel il aura été affecté.

Tous les déplacements en cours de journée sont considérés comme du temps de travail effectif et rémunérés comme tels.

La société ISS espaces verts peut mettre des moyens de transport à disposition, au départ de l'agence pour se rendre sur les chantiers et en revenir, pour le personnel qui le souhaite. Dans un souci d'organisation des transports, chaque salarié, sous réserve d'en informer sa hiérarchie 8 jours à l'avance, peut se rendre sur les chantiers par ses propres moyens.'

Aux termes des articles L. 3121-1 du code du travail et L. 713-5 I du code rural, la durée du travail effectif est le temps pendant lequel le salarié est à la disposition de l'employeur et se conforme à ses directives sans pouvoir vaquer librement à des occupations personnelles.

Dès lors que le salarié est contraint de passer par l'entreprise avant de se rendre sur le chantier et d'en revenir, le temps de trajet entre le dépôt et le lieu d'exécution du travail constitue un temps de travail effectif.

Pour établir l'obligation qui lui est faite de passer au dépôt et d'y revenir, M. [M] [X] produit plusieurs pièces dont :

- le PV de comité d'entreprise du 23 mai 2012 qui indique en '5 questions diverses' : 'les décisions pour savoir si les salariés sont en intempéries ou pas se prennent le matin à l'embauche à 7 heures avec la hiérarchie afin de pouvoir dispatcher les équipes au besoin',

- le compte-rendu délégués du personnel du 5 juin 2012 qui précise que 'quand les conducteurs de travaux arrivent le matin, il faut qu'ils... distribuent le matériel et les EPI (équipements de protection individuelle) en premier.

Le soir on note les EPI qu'il faut et le lendemain il leur sera donné.',

- le compte-rendu du Chsct en date du 14 juin 2012 dans lequel le représentant de l'employeur indique que les salariés ont 'des vestiaires et des douches au dépôt pour [se] lavez et [se] changer avant de rentrer' chez eux,

- le compte-rendu du Chsct en date du 26 septembre 2012 dans lequel le directeur d'agence explique que 'la distribution d'EPI + savons se fera entre 6h45 et 7h00 le matin. Le matin il y aura une sonnerie à 7h 00 et 7h 05 pour le départ des salariés',

- une note de service du 10 mars 2014 qui indique que des 'causerie sécurité' ont lieu tous les deuxième vendredis de chaque mois 'le matin à l'embauche',

- le compte-rendu de causerie sécurité du 5 mars 2015 qui relève que 'les salariés sont dans l'obligation de repasser au dépôt pour se doucher et se changer...'

- le tableau de remise des EPI effectuée par les conducteurs de travaux qui permet de constater que ces équipements sont remis au dépôt avec émargement des salariés.

- le règlement intérieur qui prévoit que 'des douches sont mises à la disposition du personnel, ces douches seront utilisées au retour du chantier en priorité pour le personnel manipulant des produits de traitement et effectuant des travaux salissants',

- les plannings prévisionnels hebdomadaires des travaux qui prévoient l'affectation des salariés par véhicule de l'entreprise,

- la réponse de la société Idverde à une lettre d'observations de la direction du travail en date du 19 novembre 2015 rédigée dans les termes suivants :'Sur le point des vestiaires, le bungalow installé sur le chantier n'est en rien destiné à être utilisé comme vestiaire puisque l'embauche de nos collaborateurs se fait au départ des locaux de notre agence de Marseille. Locaux où sont présents leurs vestiaires et installations sanitaires complètes...' .

M. [M] [X] verse également aux débats deux courriers du contrôleur du travail en date des 13 janvier et 28 septembre 2009 adressés à l'employeur qui mentionnent que 'dans votre établissement, sauf cas particuliers, les salariés avaient pour obligation de se rendre au siège de l'établissement de charger le véhicule de l'entreprise, puis de se rendre sur le chantier, et de faire l'inverse au retour' et qui rappellent que conformément à l'article L. 713-5 et suivant du code rural 'est considéré comme tant de travail effectif le temps pendant lequel le salarié est à la disposition de l'employeur et doit se conformer à ses directives, sans pouvoir vaquer librement à ses occupations personnelles. Il en est ainsi... notamment du temps nécessaire au chargement et au déchargement du matériel et à l'entretien dudit matériel.'

Ces courriers n'ont pas donné lieu à un constat d'infraction, mais n'en restent pas moins l'avis d'un agent assermenté qui s'est rendu sur place et a pu appréhender le mode de fonctionnement de l'entreprise.

L'ensemble de ces éléments, lesquels ne sont nullement contredits par l'intimée, établit que l'organisation du travail mise en place par la société ISS Espaces verts, aux droits de laquelle vient la société Idverde, contraint les salariés affectés sur les chantiers à se rendre au dépôt de l'entreprise lors de l'embauche et à en revenir en fin de journée de travail et qu'en conséquence, ces temps de trajet constituent un temps de travail effectif qui doit être rémunéré comme tel et non par le versement d'indemnités de transport.

En conséquence, après déduction des indemnités de déplacements perçues telles que résultant du tableau dressé par l'employeur, non remis en cause, mais après réintégration des primes de panier qui doivent rester acquises au salarié, la somme due à M. [M] [X] à titre de rappel de salaire pour la période considérée ressort à la somme de 10 862,21 euros net, outre celle de 1 086,22 euros au titre des congés payés afférents, sommes qui seront augmentées des intérêts au taux légal à compter du 25 février 2011, date de l'accusé de réception de la convocation de l'employeur devant le bureau de conciliation.

Sur la demande en dommages et intérêts pour non-versement de salaires

Le non-versement par l'employeur des sommes qui lui étaient dues à titre d'heures supplémentaires sur plusieurs années a causé à M. [M] [X] un préjudice qui sera exactement réparé par l'allocation de la somme de 300 euros à titre de dommages et intérêts.

Sur l'application de l'article 700 du code de procédure civile et les dépens

L'équité commande d'allouer au profit de M. [M] [X] la somme de 300 euros au titre de ses frais irrépétibles exposés tant en première instance qu'en cause d'appel.

La société Idverde qui succombe supportera les entiers dépens

PAR CES MOTIFS

La cour, statuant publiquement, contradictoirement et en matière prud'homale,

Dit n'y avoir lieu à écarter des débats les dernières pièces et conclusions communiquées par M. [M] [X],

Infirme le jugement déféré en toutes ses dispositions,

Statuant de nouveau et y ajoutant,

Condamne la société Idverde à verser à M. [M] [X] les sommes suivantes :

- 10 862,21 euros net au titre d'un rappel de salaire pour heures supplémentaires, outre 1 086,22 euros pour incidence congés payés, qui seront augmentées des intérêts au taux légal à compter du 25 février 2011, date de l'accusé de réception de la convocation de l'employeur devant le bureau de conciliation,

- 300 euros à titre de dommages et intérêts en réparation du préjudice subi pour non-versement de ces salaires,

- 300 euros au titre des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile,

Dit la demande d'exécution provisoire du présent arrêt sans objet,

Condamne la société Idverde aux entiers dépens.

LE GREFFIER LE PRÉSIDENT


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel d'Aix-en-Provence
Formation : 18e chambre b
Numéro d'arrêt : 15/03793
Date de la décision : 01/07/2016

Origine de la décision
Date de l'import : 27/03/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2016-07-01;15.03793 ?
Association des cours judiciaires suprmes francophones
Organisation internationale de la francophonie
Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie. Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie.
Logo iall 2012 website award