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23/06/2016 | FRANCE | N°14/04796

France | France, Cour d'appel d'Aix-en-Provence, 8e chambre a, 23 juin 2016, 14/04796


COUR D'APPEL D'AIX-EN-PROVENCE

8e Chambre A



ARRÊT AU FOND

DU 23 JUIN 2016



N° 2016/ 427













Rôle N° 14/04796







SCOP CAISSE DE CREDIT MUTUEL DE NICE AVENUE





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Grosse délivrée

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SCP BADIE

Me COURT MENIGOZ











Décision déférée à la Cour :<

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Jugement du Tribunal de Commerce de Nice en date du 09 Mars 2012 enregistré au répertoire général sous le n° 2011F00182.





APPELANTE



SCOP CAISSE DE CREDIT MUTUEL DE NICE AVENUE,

demeurant [Adresse 1]



représentée par Me Sébastien BADIE de la SCP BADIE SIMON-THIBAUD JUSTON, avocat au barreau d'AIX-EN-PROVENCE,

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COUR D'APPEL D'AIX-EN-PROVENCE

8e Chambre A

ARRÊT AU FOND

DU 23 JUIN 2016

N° 2016/ 427

Rôle N° 14/04796

SCOP CAISSE DE CREDIT MUTUEL DE NICE AVENUE

C/

[Y] [G]

Grosse délivrée

le :

à :

SCP BADIE

Me COURT MENIGOZ

Décision déférée à la Cour :

Jugement du Tribunal de Commerce de Nice en date du 09 Mars 2012 enregistré au répertoire général sous le n° 2011F00182.

APPELANTE

SCOP CAISSE DE CREDIT MUTUEL DE NICE AVENUE,

demeurant [Adresse 1]

représentée par Me Sébastien BADIE de la SCP BADIE SIMON-THIBAUD JUSTON, avocat au barreau d'AIX-EN-PROVENCE,

assistée par Me Virginie ROSENFELD, avocat au barreau de MARSEILLE

INTIME

Maître [Y] [G]

mandataire judiciaire

agissant en sa qualité de commissaire à l'exécution du plan de redressement de M.[E] [H] et de mandataire ad hoc à la liquidation judiciaire de M. [E] [H],

demeurant [Adresse 2]

représenté par Me Rachel COURT-MENIGOZ, avocat au barreau d'AIX-EN-PROVENCE

assisté par Me Rodolphe MACHETTI, avocat au barreau de GRASSE substitué par Me Rachel COURT-MENIGOZ, avocat au barreau d'AIX-EN-PROVENCE,

*-*-*-*-*

COMPOSITION DE LA COUR

L'affaire a été débattue le 04 Mai 2016 en audience publique. Conformément à l'article 785 du Code de Procédure Civile, Monsieur Yves ROUSSEL, Président a fait un rapport oral de l'affaire à l'audience avant les plaidoiries.

La Cour était composée de :

Monsieur Yves ROUSSEL, Président

Madame Catherine DURAND, Conseiller

Madame Anne CHALBOS, Conseiller

qui en ont délibéré.

Greffier lors des débats : Madame France-Noëlle MASSON.

Les parties ont été avisées que le prononcé de la décision aurait lieu par mise à disposition au greffe le 23 Juin 2016

ARRÊT

Contradictoire,

Prononcé par mise à disposition au greffe le 23 Juin 2016,

Signé par Monsieur Yves ROUSSEL, Président et Madame France-Noëlle MASSON, greffier auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

***

La caisse de Crédit Mutuel de Nice Avenue (le Crédit Mutuel ) a consenti aux époux [E], agissant en qualité de co-emprunteurs solidaires un prêt de 2 millions de francs, portant intérêts au taux de 12,10 % l'an, en vertu d'un acte notarié du 14 mars 1991, ledit prêt ayant pour objet le financement de la construction de leur résidence principale sur un terrain situé à [Localité 1], avec inscription d'hypothèque sur des biens immobiliers situés à [Localité 1] et à [Localité 2].

M. [E], exerçant la profession de pharmacien a été déclaré en redressement judiciaire par le tribunal de commerce de Nice le 9 février 1995.

Le Crédit Mutuel a déclaré sa créance entre les mains du représentant des créanciers, Me [B], le 16 février 1995 à titre privilégié et hypothécaire.

Cette créance, qui était contestée, a été admise par le juge-commissaire le 31 janvier 2001.

Mais la cour d'appel, statuant par arrêt du 18 février 2004 a prononcé la nullité de la déclaration de créance et constaté l'extinction de la créance, arrêt frappé d'un pourvoi rejeté par la Cour de cassation le 15 novembre 2005.

Auparavant, le 10 octobre 1995, le tribunal de commerce avait arrêté un plan de cession et désigné Me [B] en qualité de commissaire à l'exécution du plan, jugement par lequel il avait été décidé que les biens immobiliers non compris dans le plan seraient réalisés conformément au titre III de la loi de 1985.

Par ordonnance du 12 décembre 1995, le juge-commissaire a autorisé Me [B] à céder les biens du débiteur sur la Commune de [Localité 2] et ensuite de cette vente, le Crédit Mutuel a été destinataire d'un chèque de 1 million de francs (152 449.02 euros) de la part de Me [B].

Le Crédit Mutuel a aussi reçu une somme supplémentaire de 74 705.99 francs (11 388.86 euros) par chèque du 26 avril 2001, sous réserve du recours de Me [B].

En second lieu, le Crédit Mutuel a été autorisé à vendre dans les formes prescrites en matière de saisie immobilière la parcelle de terrain appartenant au débiteur ainsi qu'à son épouse sur la commune de [Localité 1], mais une vente de gré à gré de ce bien est intervenue au profit d'un tiers pour le prix de 518326.66 euros, sur laquelle le Crédit Mutuel a perçu la somme de 153 824.93 euros en 2002.

En conséquence de l'arrêt rendu par la cour d'appel le 31 janvier 2001, qui a eu pour effet d'éteindre la créance, Me [B], agissant en sa qualité de commissaire à l'exécution du plan, a demandé au Crédit Mutuel de restituer les sommes indûment perçues par lui.

Le Crédit Mutuel s'y étant refusé, le commissaire à l'exécution du plan et M. [E] l'ont assigné devant le tribunal de commerce de Nice en restitution de la somme de 317 662,79 euros.

Le Crédit Mutuel a assigné à son tour Mme [E], codébiteur solidaire, devant le même tribunal afin qu'elle s'associe à la demande de débouté opposée à Me [B], ès qualités, ou qu'elle soit condamnée à lui payer en sa qualité de co-emprunteur la somme de 317.662,79 €, outre les intérêts.

Statuant par un premier jugement du 14 septembre 2007, le tribunal de commerce de Nice a fait droit à la demande de Me [B] et de M. [E] et a condamné le Crédit Mutuel à restituer la somme réclamée, décision cependant infirmée par un arrêt de cette cour en date du 1er avril 2010 au motif que la mission de Me [B] avait déjà pris fin au moment de l'introduction de l'instance.

Cet arrêt a par ailleurs déclaré irrecevable l'action des ayants droits de M. [E], entre-temps décédé, au motif qu'ils n'étaient pas titulaires de l'action destinée à réintégrer des fonds à l'actif de la procédure collective de leur auteur.

Un pourvoi en cassation a été formé contre cet arrêt par Me [H] administrateur provisoire de l'étude de Me [B], également décédée, que la Cour de cassation a rejeté.

Par un second jugement, également en date du 14 septembre 2007, le tribunal de commerce de Nice s'est déclaré incompétent dans l'instance opposant le Crédit Mutuel à Mme [E], au profit du tribunal de grande instance de Nice.

Ce dernier tribunal a, pour l'essentiel, statuant par un jugement du 4 mars 2010, débouté le Crédit Mutuel de sa demande de sursis à statuer, déclaré irrecevable comme prescrite sa demande à l'encontre de Mme [E] et irrecevable sa demande fondée sur l'enrichissement sans cause.

Le Crédit Mutuel a fait appel de ce jugement par déclaration du 15 juillet 2010.

L'instance est suivie séparément devant cette chambre sous le n° 10/13461.

D'autre part, à la suite de l'arrêt du 1er avril 2010 qui a déclaré irrecevable l'action de Me [B] et celle des héritiers de M. [E], ces derniers ont demandé et obtenu la désignation d'un mandataire ad hoc, en la personne de Me [Y] [G], successeur de Me [B], à laquelle une ordonnance rendue par le président du tribunal de commerce de Nice le 25 novembre 2010 a donné mission « de procéder au recouvrement à l'encontre de la Caisse de Crédit Mutuel Nice Avenue de la somme de 317.662,79 € (')».

Me [G] a ainsi assigné le Crédit Mutuel en restitution des paiements indus, par acte du 18 février 2011.

Celui-ci a dénoncé cette procédure à Mme [E] le 28 novembre 2011 et formulé les prétentions suivantes : « Voir Mme [E] [H] prendre toutes conclusions visant le débouté de Me [G] ('), A titre infiniment subsidiaire, si par extrême impossible, l'action en répétition devait prospérer, condamner Mme [E] [H] au paiement de la somme de 317.662,79 € outre intérêts au taux légal à compter du 11 août 2004 jusqu'à complet paiement ».

Sur sa saisine, le tribunal de commerce de Nice a rendu deux jugements, en date du 9 mars 2012.

Le premier, se déclarant incompétent au profit du tribunal de grande instance de Nice, jugement contre lequel le Crédit Mutuel a formé un contredit (enrôlé sous le n° 12/05902, radié le 23 mai 2013 et enrôlé à nouveau sous le n° 14/0747), affaire actuellement pendante devant cette chambre.

Le second par lequel il a débouté de ses demandes le Crédit Mutuel et a condamné celui-ci à payer à Me [G] , en sa qualité de commissaire à l'exécution du plan et de mandataire ad hoc, la somme de 317 662,79 euros avec intérêts au taux légal capitalisés à compter du 11 août 2004, date de la sommation de payer, outre 5000 € à titre de dommages et intérêts, les dépens et les frais irrépétibles.

Le Crédit Mutuel a fait appel de ce jugement par déclaration du 23 mars 2012, jugement présentement déféré à la cour.

Vu les conclusions déposées et notifiées le 15 avril 2016 par le Crédit Mutuel.

Il demande à la cour d'infirmer le jugement entrepris, de déclarer Me [G] irrecevable en son action, faute d'intérêt à agir, de déclarer prescrite l'action en répétition de l'indu engagée par Me [G] à son encontre, en tout cas sur le versement effectué en 1996, la déclarer mal fondée en ses prétentions, la débouter, la condamner à lui payer 3000 € au titre de l'article 700 du code de procédure civile et la condamner aux dépens, distraits au profit de son avocat.

Vu les conclusions déposées et notifiées le 30 mars 2016 par Me [G].

Elle demande à la cour de débouter le Crédit Mutuel de ses exceptions, de juger que le rejet de sa déclaration de créance au passif de M. [E] l'oblige à restituer les paiements qu'il a reçus dans le cadre de la procédure collective, de confirmer le jugement dont appel en ce qu'il l'a condamné à payer à Me [G] la somme de 317.662,79 € outre intérêts au taux légal capitalisés à compter du 11 août 2004, date de la sommation de payer, subsidiairement de le condamner à restituer la somme de 198.295,21 € perçue au-delà du montant justifié de sa déclaration de créance, de confirmer le jugement en ce qu'il a condamné le Crédit Mutuel à payer des dommages et intérêts pour résistance abusive, une indemnité pour frais irrépétibles et les dépens dont distraction au profit de son avocat.

Vu l'ordonnance de clôture en date du 27 avril 2016.

SUR CE, LA COUR,

1. Le Crédit Mutuel fait valoir que selon la fiche comptable établie par Me [B] le 2 septembre 2004, la procédure collective a engendré un actif de 344.347,77 euros, après règlement de toutes les créances en ce incluse celle du Crédit Mutuel ; qu'ainsi, en présence d'un boni de liquidation et en l'absence de créanciers à désintéresser, Me [G] est sans intérêt à solliciter la restitution de sommes à la procédure, car l'extinction du passif permet de clôturer la procédure et prive le mandataire ad hoc de tout intérêt à agir ; qu'en effet, la Cour de Cassation a jugé que les textes « n'interdisent pas de prononcer la clôture de la procédure de redressement judiciaire lorsqu'au cours de la période d'observation, il est constaté que le débiteur met à la disposition de ses créanciers des sommes suffisantes pour payer les dettes exigibles », règle à combiner avec celle selon laquelle à défaut pour le tribunal de fixer expressément la durée de la mission du commissaire à l'exécution du plan, celle-ci prend fin à la clôture de la procédure; que de ce fait, le seul ayant qualité à agir à partir de l'apurement total du passif en 2004 était M. [E], dont le décès a sans doute ouvert une action à ses héritiers; que Me [G] a d'autant moins intérêt à agir que le Crédit Mutuel est toujours créancier du codébiteur in bonis et doit, puisque tous les créanciers admis ont été payés, être désintéressé sur le produit des ventes d'immeubles au regard de l'engagement de Mme [E] à la dette.

2. Mais, Me [G] a été désignée « en qualité de mandataire ad hoc chargé de procéder au recouvrement à l'encontre de la Caisse de Credit Mutuel Nice Avenue de la somme de 317.662,79 € outre intérêts au taux légal capitalisés à compter du 11.08.2004 date de la sommation de payer en exécution de l'arrêt rendu le 18.02.2004 par la 8ème Chambre A de la Cour d'appel d'Aix en Provence ayant annulé la déclaration de créance régularisée par le CREDIT MUTUEL dans le cadre du redressement judiciaire de M. [E] [H] » par une ordonnance sur requête en date du 25 novembre 2010, rendue par le président du tribunal de commerce de Nice, que le juge des référés, statuant le 14 mai 2013 a refusé de rétracter.

La cour d'appel, statuant par un arrêt du 7 février 2014, a confirmé ladite ordonnance de référé au motif que le premier juge avait fait une exacte appréciation des éléments de la cause « en estimant que mandataire pouvait être désigné à la demande des héritiers du débiteur pour introduire une action, dans l'intérêt des créanciers de la procédure collective, aux fins de recouvrer une créance résultant d'une décision judiciaire devenue irrévocable postérieurement à la cessation des fonctions de l'organe de la procédure qui aurait été habilité à agir » car « en décider autrement aurait pour effet de priver ses créanciers du droit d'agir en justice par l'intermédiaire d'une personne habilitée à les représenter collectivement ».

Le pourvoi formé contre cet arrêt a été rejeté par la Cour de Cassation le 29 septembre 2015, qui a énoncé que : « après avoir retenu que la procédure collective n'était pas clôturée, en présence d'actifs résiduels restant à recouvrer, mais qu'aucun organe de celle-ci n'était plus habilité à agir en restitution des fonds indûment perçus par la banque, la cour d'appel, qui ne s'est pas fondée sur les dispositions de l'article 90 du décret n° 85 ' 1388 du 27 décembre 1985 relative à la poursuite des instances auxquelles le commissaire à l'exécution du plan était partie, en a exactement déduit qu'un mandataire ad hoc pouvait être désigné pour exercer, dans l'intérêt collectif des créanciers, l'action en recouvrement des fonds en vue de leur distribution » .

Le débat sur la qualité et l'intérêt à agir de Me [G], désignée comme mandataire ad hoc pour le recouvrement d'actifs à l'encontre du Crédit Mutuel, dans l'intérêt des créanciers de la procédure collective non encore clôturée ne saurait donc être valablement rouvert devant la cour de céans sur la base d'arguments parfaitement inopérants, étant observé que l'article L 621-83 alinéa 3 du code de commerce, dans sa rédaction issue de la loi n° 94-475 du 10 juin 1994, applicable à la procédure collective de M. [E], ouverte le 9 février 1995, dispose : « En l'absence de plan de continuation de l'entreprise, les biens non compris dans le plan de cession sont vendus et les droits et actions du débiteur sont exercés par le commissaire à l'exécution du plan selon les modalités prévues au chapitre II » ; que le mandataire ad hoc substitué au commissaire à l'exécution du plan dont le mandat avait expiré ne fait rien d'autre qu'exercer « les droits et actions du débiteur » et que Me [G] représente aussi le débiteur dont l'intérêt à agir ne peut être dénié.

3. Le Crédit Mutuel oppose la prescription de l'action, faisant valoir qu'avant la loi du 17 juin 2008, entre commerçants ou entre commerçants et non commerçants, la prescription était soumise à la prescription décennale de l'article L. 110-4 du Code de commerce, le point de départ du délai de prescription de l'action en répétition de l'indu étant la date du paiement de chacune des sommes indues ; que si l'action du solvens est paralysée tant qu'il n'a pas eu connaissance de ce que le paiement dont il demande la restitution n'était pas dû à l'accipiens, en vertu du principe contenu dans la maxime contra non valentem agere non currit praescriptio, selon lequel la prescription ne court pas ou est suspendue contre celui qui est dans l'impossibilité d'agir, le solvens doit cependant démontrer qu'il était dans l'impossibilité d'agir par suite de son ignorance du caractère indu des sommes dont il demande la restitution ; qu'or, en l'espèce, les paiements effectués à son profit entre 1996 et 2002 l'ont été en connaissance de la contestation de sa créance de sorte que Me [G] qui soutient qu'ils ont été faits « sous réserve de l'admission définitive de la créance du CREDIT MUTUEL dont la contestation est toujours pendante devant la Cour d'appel » doit admettre qu'au jour du paiement, le solvens savait que le paiement effectué était susceptible de recevoir la qualification d'indu ; que dans ces conditions, la prescription décennale de l'action en répétition de l'indu a commencé à courir au jour du paiement de chacune des sommes prétendument indues ; qu'or, s'agissant de la cession du bien situé à [Localité 2] , le premier paiement d'un montant de 1.000.000 francs a été effectué le 6 septembre 1996 , de sorte que l'action en répétition de l'indu, engagée par Me [G] le 18 février 2011 est prescrite.

4. En premier lieu, Me [G] objecte à ce moyen tiré de la prescription qu'entre les paiements du 26 avril 2001 et postérieurs à cette date et le 18 février 2011, date de l'assignation, il s'est écoulé moins de dix ans, de telle sorte qu'ils ne sont pas concernés par la prescription, ce qui n'est pas contesté.

5. Quant au paiement effectué le 6 septembre 1996, il était justifié au moment où il a été fait et ce n'est que plus tard qu'il est devenu indû, soit à la date à laquelle il a été jugé que la créance était éteinte.

En d'autres termes, la prescription n'a pas commencé à courir avant que la décision rendue par la cour d'appel, statuant par arrêt du 18 février 2004, ayant prononcé la nullité de la déclaration de créance et constaté l'extinction de la créance, soit devenue irrévocable par suite de l'arrêt rendu par la Cour de cassation le 15 novembre 2005.

Ainsi, la prescription n'était pas acquise le 18 février 2011, jour ou l'instance a été introduite.

6. Au visa des articles 1235 et 1376 du Code civil, le Crédit Mutuel fait valoir qu'il incombe au demandeur en restitution des sommes de prouver le caractère indu du paiement ; qu'or, l'extinction de la créance de la banque du chef de l'époux n'entraîne pas ipso facto celle de l'épouse, co-débitrice solidaire de l'encours ; qu'en effet, la Cour de Cassation juge, en vertu de l'article L. 621-46 alinéa 4 du Code de commerce dans sa rédaction applicable au litige, que l'extinction de sa créance à l'égard du débiteur faisant l'objet d'une procédure collective, laisse subsister l'obligation distincte contractée par son codébiteur solidaire et que l'extinction de la créance à l'égard du mari faisant l'objet d'une procédure collective laisse subsister l'obligation distincte contractée par son épouse, codébiteur solidaire, et n'affecte pas l'existence des droits hypothécaires du créancier sur les biens communs, ce dont il résulte que le créancier qui, après l'extension de la procédure collective à l'épouse, a régulièrement déclaré sa créance au passif de celle-ci, conserve ses droits dans cette procédure ; qu'en outre, en vertu des articles 1413 du Code civil et 53 de la loi du 25 janvier 1985, le créancier au profit duquel des époux communs en biens se sont solidairement engagés en constituant des sûretés réelles sur un immeuble commun peut faire valoir sa sûreté sur le produit de la vente de l'immeuble grevé, après paiement de tous les créanciers admis ; que tel est bien le cas en l'espèce où la procédure collective a produit un actif de 344.347,77 euros après le règlement de toutes les créances, en ce inclus celles du Crédit Mutuel  ; qu'il a donc le droit de se faire payer sur le produit de la vente des biens hypothéqués à son profit ; que les époux [E] étant mariés sous le régime de la communauté, le boni de liquidation constitue un bien commun ; que les paiements effectués par le mandataire ont servi à payer les dettes de la communauté, la dette de Mme [E] n'étant pas éteinte et le paiement ne présentant donc pas le caractère d'un indu.

7. Me [G] répond à cela que les sommes qui ont été versées au Crédit Mutuel à la suite de sa déclaration de créance, sont celles de 1.000.000 F le 6 juin 1996 et de 74.705,99 F le 26 avril 2001, provenant de la vente d'un bien propre de M. [E] situé à [Localité 2] et de 153.824,93 € le 14 mars 2002, provenant de la vente d'un bien commun des époux [E] situé à [Localité 1], l'un et l'autre hypothéqués au profit du Crédit Mutuel ; que ces paiements ont été faits « sous réserve », notamment « de l'admission définitive de la créance du Crédit Mutuel dont la contestation est toujours pendante devant la Cour d'appel »; qu'or, la Cour d'appel a prononcé la nullité de la déclaration de créance et constaté l'extinction de ladite créance par un arrêt du 18 février 2004 aujourd'hui irrévocable après le rejet du pourvoi du Crédit Mutuel par la Cour de Cassation le 15 novembre 2005.

Elle en déduit très justement que le Crédit Mutuel, sachant que sa créance était contestée et que les paiements étaient assortis de réserves, doit restituer les sommes qui lui ont été versées à charge par lui de les restituer pour le cas où sa créance ne serait pas admise.

8. Quant à l'incidence de l'extinction de sa créance sur son rapport avec Mme [E], codébiteur solidaire, elle est nulle car Mme [E] est extérieure à la procédure collective et la créance n'a pas été payée par le mandataire de Mme [E] mais par le commissaire à l'exécution du plan de M. [E], agissant au vu de la déclaration de créance.

En tout état de cause, il ne résulte d'aucune pièce que Me [B] a pris en compte, d'une façon quelconque, les obligations propres à Mme [E] envers le Crédit Mutuel, à l'occasion des règlements.

9. Le Crédit Mutuel invoque encore le fait qu'en contrepartie du paiement il a renoncé aux sûretés qui garantissaient sa créance. Il fait valoir que l'article 1377 alinéa 2 du Code civil, prévoit que le droit de répétition contre le créancier « cesse dans le cas où le créancier a supprimé son titre par suite du payement, sauf le recours de celui qui a payé contre le véritable débiteur » ; que la Cour de Cassation a jugé que le droit à répétition cesse, en vertu de l'article 1377aliéna 2, non seulement en cas de destruction matérielle du titre de la créance, mais aussi lorsque le créancier a renoncé aux sûretés qu'il détenait et qui étaient destinées à en a assurer le remboursement, de telle sorte qu'il ne soit plus possible de replacer le créancier, qui ne saurait souffrir de l'erreur de celui qui a payé, dans la situation où il se trouvait avant le paiement ; qu'en l'espèce, il a accepté le paiement de bonne foi et a renoncé aux hypothèques qu'il détenait sur les biens litigieux, leur mainlevée étant intervenue, de sorte qu'il y a lieu à application de l'article 1377 alinéa 2 du code civil.

10. Mais, comme il vient d'être dit, la dette payée par Me [B] ne l'a été que pour le compte de la procédure collective ouverte à l'égard de M. [E] et non pour le compte de Mme [E] de sorte que le Crédit Mutuel ne peut valablement exciper d'une règle instituée au bénéfice du créancier qu'il n'est plus possible de replacer dans la situation où il se trouvait avant le paiement par suite de l'erreur de celui qui a payé, puisqu'une telle erreur n'existe pas.

Plus largement encore, l'abandon par le Crédit Mutuel de ses sûretés n'était pas dicté explicitement par le fait qu'un paiement effectué pour le compte de Mme [E] avait éteint la dette de cette dernière.

11. Le Crédit Mutuel n'a pas abusé du droit d'ester en justice et a appuyé son refus de restituer l'indu sur différents moyens de droit, qui pour être écartés par la cour ne constituent pas moins une argumentation consistante.

12. Il sera statué sur les dépens et les frais irrépétibles dans les termes du dispositif.

PAR CES MOTIFS

Statuant publiquement, par mise à disposition de l'arrêt au greffe, contradictoirement,

Ecarte la fin de non-recevoir du Crédit Mutuel tendant à faire déclarer Me [G], ès qualités, irrecevable en ses demandes pour défaut de qualité et d'intérêt à agir,

Dit que l'action en répétition de l'indu engagée par Me [G], ès qualités, n'est pas prescrite,

Confirme le jugement entrepris, sauf en ce qu'il a condamné le Crédit Mutuel à payer 5000 € à titre de dommages et intérêts,

Rejette la demande de Me [G], ès qualités, de ce chef, ainsi que toute autre demande,

Y ajoutant,

Condamne le Crédit Mutuel à payer à Me [G], ès qualités, la somme de 2000 € au titre de l'article 700 du Code de procédure civile,

Le condamne aux dépens, distraits au profit de Me COURT-MENIGOZ, avocat.

LA GREFFIERE, LE PRESIDENT,


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel d'Aix-en-Provence
Formation : 8e chambre a
Numéro d'arrêt : 14/04796
Date de la décision : 23/06/2016

Références :

Cour d'appel d'Aix-en-Provence 8A, arrêt n°14/04796 : Confirme la décision déférée dans toutes ses dispositions, à l'égard de toutes les parties au recours


Origine de la décision
Date de l'import : 27/03/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2016-06-23;14.04796 ?
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