La jurisprudence francophone des Cours suprêmes


recherche avancée

17/06/2016 | FRANCE | N°15/01796

France | France, Cour d'appel d'Aix-en-Provence, 15e chambre a, 17 juin 2016, 15/01796


COUR D'APPEL D'AIX-EN-PROVENCE

15e Chambre A



ARRÊT AU FOND

DU 17 JUIN 2016



N° 2016/559













Rôle N° 15/01796







[H] [E]





C/



[M] [N]





















Grosse délivrée

le :

à : Me JAUFFRES



Me LEHMAN

















Décision déférée à la Cour :



Jugement du Juge

de l'exécution du Tribunal de Grande Instance de GRASSE en date du 16 Janvier 2015 enregistré au répertoire général sous le n° 14/03991.





APPELANTE



Madame [H] [E]

née le [Date naissance 1] 1953 à [Localité 1], de nationalité Française, demeurant [Adresse 1]



représentée par Me Jean-Marie JAUFFRES, avocat au barreau d'AIX-EN- PROVENCE

...

COUR D'APPEL D'AIX-EN-PROVENCE

15e Chambre A

ARRÊT AU FOND

DU 17 JUIN 2016

N° 2016/559

Rôle N° 15/01796

[H] [E]

C/

[M] [N]

Grosse délivrée

le :

à : Me JAUFFRES

Me LEHMAN

Décision déférée à la Cour :

Jugement du Juge de l'exécution du Tribunal de Grande Instance de GRASSE en date du 16 Janvier 2015 enregistré au répertoire général sous le n° 14/03991.

APPELANTE

Madame [H] [E]

née le [Date naissance 1] 1953 à [Localité 1], de nationalité Française, demeurant [Adresse 1]

représentée par Me Jean-Marie JAUFFRES, avocat au barreau d'AIX-EN- PROVENCE

intimée dans RG 15/1827

INTIME

Monsieur [M] [N]

né le [Date naissance 2] 1953 à [Localité 2], demeurant [Adresse 2]

représenté par Me Matthieu LEHMAN, avocat au barreau d'AIX-EN- PROVENCE

appelant dans RG 15/1827

*-*-*-*-*

COMPOSITION DE LA COUR

L'affaire a été débattue le 12 Mai 2016 en audience publique. Conformément à l'article 785 du Code de Procédure Civile, Dominique TATOUEIX, Conseiller a fait un rapport oral de l'affaire à l'audience avant les plaidoiries.

La Cour était composée de :

Madame Françoise BEL, Président

Monsieur Dominique TATOUEIX, Conseiller (rédacteur)

Madame Agnès MOULET, Conseiller

qui en ont délibéré.

Greffier lors des débats : Madame Ingrid LAVIGNAC.

Les parties ont été avisées que le prononcé de la décision aurait lieu par mise à disposition au greffe le 17 Juin 2016

ARRÊT

Contradictoire,

Prononcé par mise à disposition au greffe le 17 Juin 2016,

Signé par Madame Françoise BEL, Président et M. Alain VERNOINE, greffier auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

***

FAITS ET PROCÉDURE

Par exploit en date du 10 juillet 2014, M. [M] [N] a fait assigner Mme [H] [E] aux fins de voir annuler les commandements de payer des 12 février et 5 mars 2009 et 11 février 2014, déclarer prescrit et non exigible la créance alimentaire invoquée dans lesdits commandements et condamner Mme [E] au paiement d'une somme de 2500 € en vertu de l'article 700 du code de procédure civile ainsi qu'aux dépens.

Par jugement du 16 janvier 2015 dont appel du 6 février 2015, le juge de l'exécution du tribunal de grande instance de Grasse a :

- rejeté l'exception de nullité de l'assignation,

- déclaré M. [M] [N] recevable en son action,

- déclaré nuls les commandements de payer des 23 juin 2000 et 5 mars 2009 signifiés par Mme [E] à M. [N],

- déclarer prescrite la demande en paiement de Mme [E] des parts contributives à l'entretien et l'éducation des enfants pour la période du 1er octobre 1997 au 11 février 1999,

- condamné M. [N] à verser à Mme [E] la somme de 2026,66 € au titre des frais d'huissier,

- dit n'y avoir lieu au paiement d'une indemnité fondée sur l'article 700 du code de procédure civile,

- dit que chacune des parties conservera à sa charge les dépens qu'elle a exposés,

- rejeté le surplus des demandes.

Le juge de l'exécution énonce en ses motifs :

- il n'est pas justifié d'un grief au soutien du moyen tiré de l'adresse erronée dans l'assignation de M. [N],

- Mme [E] soutient que M. [N] est irrecevable à agir en raison de sa liquidation judiciaire mais elle n'a pas qualité pour le soulever, le liquidateur seul pouvant s'en prévaloir,

- le moyen de M. [N] tiré de l'article 503 du code de procédure civile ne peut prospérer dès lors que Mme [E] a justifié de la signification de l'ordonnance de non-conciliation du 15 septembre 997 et de l'arrêt du 24 septembre 2002,

- Mme [E], qui soutient que la contestation des commandements de 2009 est prescrite, ne vise aucun texte enfermant dans un délai l'action en contestation d'un commandement de payer,

- M. [N] invoque la nullité des commandements de 2009 faute de décompte détaillé des sommes réclamées en principal mais le décompte annexé au commandement du 12 février 2004 détaille la somme de 104 884,96 € mentionnée dans les commandements du 12 février 2009 et du 11 février 2011, toutefois, le commandement du 5 mars 2009 vise une somme en principal de 6998,25 € qu'il est impossible de retrouver aux termes du décompte qui mentionne 3772,10 € au titre des intérêts, de sorte que le commandement du 5 mars 2009 doit être annulé dès lors que M. [N] ne peut vérifier le bien-fondé de la somme réclamée,

- les créances de Mme [E] sont soumises à la prescription quinquennale dès lors qu'il s'agit de parts contributives payables à terme périodique, et seuls les commandements des 12 février 2004, 12 février 2009 et 11 février 2014 ont interrompu la prescription de la demande en paiement des parts contributives dues depuis le 12 février 1999,

- l'arrêt du 24 septembre 2002 a subordonné l'obligation alimentaire à la justification chaque année par Mme [E] de l'état de besoin des deux enfants majeurs et si cette dernière n'a jamais notifié de pièces justificatives, l'arrêt du 20 juin 2007 a toutefois statué sur la demande de suppression de la part contributive en appréciant notamment si Mme [E] a justifié des dépenses au profit des enfants, or en demandant de constater l'absence d'exigibilité de la créance, M. [N] tente de remettre en cause l'autorité de chose jugée attachée à l'arrêt du 20 juin 2007,

- la demande reconventionnelle de Mme [E] tendant à dire que M. [N] est redevable de la somme de 289 842,25 € comme de sa demande subsidiaire tendant à dire qu'il est redevable de la somme de 217 278,96 €, créance correspondant aux parts contributives depuis le 1er octobre 1997, est atteinte par la prescription,

- le juge de l'exécution ne pouvant ajouter une condamnation au titre exécutoire, il y a lieu de rejeter la demande de Mme [E] tendant à voir dire que les intérêts seront capitalisés jusqu'à parfaitement,

- s'agissant de la demande de condamnation de M. [N] au titre des frais pour une somme de 6018,66 €, il y a lieu de rejeter la demande pour les frais relatifs à la saisie attribution qui n'a pas été dénoncée à ce dernier et pour les commandements des 23 juin 2000 5 mars 2009 dont le coût doit rester à la charge de Mme [E] dans la mesure où ils ont été annulés.

Vu les dernières conclusions déposées le 5 mai 2015 par Mme [H] [E], appelante, enfin de voir :

- infirmer partiellement le jugement dont appel et débouter M. [N] de ses demandes fins et conclusions,

Reconventionnellement,

- dire et juger que M. [N] est redevable au 23 août 2014 de la somme de 289 842,25 € en principal et intérêts capitalisés au 23 août 2014,

Subsidiairement,

- dire et juger que M. [N] est redevable de la somme de 217 278,96 € sans capitalisation des intérêts au 23 août 2014,

En tout état de cause,

- dire et juger que les intérêts seront capitalisés jusqu'à parfait paiement,

- dire et juger que M. [N] est redevable de la somme de 5068,03 € au titre des frais d'huissier, soit 6018,66 € avec intérêts au 25 août 2014,

- condamner M. [N] au paiement d'une somme de 10 000 € à titre de dommages et intérêts pour procédure abusive et 2000 € au titre de l'article 700 du code de procédure civile ainsi qu'aux entiers dépens.

Mme [H] [E] fait valoir :

- que l'ouverture de la procédure en compte de régime matrimonial sur assignation du 20 septembre 2005, toujours en cours, fait échec à la prescription soulevée par M. [N],

- que l'ordonnance de non-conciliation du 15 septembre 1997, qui pouvait être exécutée jusqu'en 2027, peut l'être jusqu'au 18 juin 2018, et les arriérés de créances périodiques résultant d'un jugement ne se prescrivent plus par 5 ans mais par 10 ans,

- que la prescription a été interrompue par la saisie attribution du 13 avril 2000, le commandement de saisie vente du 23 juin 2000, le commandement de saisie vente du 12 février 2004, l'itératif commandement de saisie vente 12 février 2009, le commandement de saisie vente du 5 mars 2009 et le commandement de saisie vente du 11 février 2014,

- que pour rejeter la demande tendant à voir dire que M. [N] est redevable d'une somme de 289 842,25 €, le premier juge a évoqué une prescription partielle dont il n'a même pas été fait état dans le dispositif et qui est incompréhensible.

Vu les dernières conclusions déposées le 1er avril 2016 par M. [M] [N] aux fins de voir :

- infirmer parte in qua le jugement du 16 janvier 2015,

- annuler les commandements des 23 juin 2000, 12 février 2004, 12 février 2009, 5 mars 2009 et 11 février 2014,

- déclarer non exigible et en outre prescrite la créance alimentaire invoquée dans lesdits commandements,

- condamner Mme [E] au paiement de la somme de 3500 € par application de l'article 700 du code de procédure civile ainsi qu'aux dépens.

M. [M] [N] fait valoir :

- qu'il n'est pas justifié de la signification de l'ordonnance du 15 septembre 1997, de sorte que les commandements délivrés en vertu de cette décision sont entachés de nullité,

- que le commandement du 23 juin 2000, qui vise un principal de 199 000 fr. qui ne résulte d'aucune condamnation et une pension alimentaire au 1er avril pour 10 000 fr., n'informe pas le débiteur sur la réalité et la nature de sa dette,

- que le commandement du 12 février 2004 se borne à porter sur un principal de 104 884,96 € sans aucune précision ni ventilation,

- que l'itératif commandement du 12 février 2009 ne vise pas les échéances postérieures à décembre 2003 et n'a donc aucun effet interruptif de prescription sur les échéances courant du 1er janvier 2004 qui se trouvent définitivement prescrites,

- que le commandement du 5 mars 2009, délivré sur la base de l'arrêt du 24 septembre 2002, ne peut donc avoir aucun effet interruptif sur les pensions alimentaires fixées par l'ordonnance de non-conciliation et de plus, cet arrêt, qui n'est pas une décision confirmative de l'ONC, n'a pas été signifié par Mme [E] mais par lui,

- que le commandement du 11 février 2014, fondé sur l'ordonnance de non-conciliation et sur l'arrêt du 24 septembre 2002 encourt toujours le défaut de signification préalable des titres exécutoires, de même qu'il globalise sans aucune explication ni ventilation en fonction des trois décisions intervenues en 1997, 2000 et 2002, un principal qui est toujours arrêté au 31 décembre 2003 et qui est pourtant passé de 104 884,96 € à 105 667,61 €, et qui vise en outre un principal de 6998,25 € qui correspond en réalité eu total d'intérêts, principal est frais du commandement du 5 mars 2009,

- que Mme [E], qui entretient une confusion entre la dette alimentaire et la liquidation du régime matrimonial, ne peut se prévaloir des actes relatifs à la liquidation du régime matrimonial pour interrompre la prescription concernant sa créance alimentaire,

- que Mme [E] n'a jamais fourni les justifications exigées par l'arrêt du 24 septembre 2002 et constatant cette carence, le juge aux affaires familiales, par décision du 15 mars 2005, a supprimé la pension des deux enfants à compter du 1er janvier 2004 et si l'arrêt du 20 juin 2007 a différé de quatre mois la suppression de la part contributive, il n'a pas modifié les conditions d'exigibilité fixée par l'arrêt du 24 septembre 2002.

Vu l'ordonnance de clôture du 8 avril 2016.

MOTIFS DE LA DÉCISION

Sur la demande de nullité des commandements

Attendu que par ordonnance de non-conciliation du 15 septembre 1997, le juge aux affaires familiales du tribunal de grande instance de Grasse a fixé la contribution mensuelle de M. [N] à l'entretien et l'éducation de chacun de ses deux enfants à la somme de 5000 fr. ;

Attendu que M. [N] demande que soit prononcée la nullité des commandements délivrés les 23 juin 2000, 12 février 2004, 12 février 2009, 5 mars 2009 et 11 février 2014 ;

Qu'il argue tout d'abord de ce qu'il n'est pas justifié de la signification par Mme [E] de l'ordonnance du 15 septembre 1997 en vertu de laquelle ces commandements ont été délivrés;

Mais attendu que si, conformément à l'article 503 du code de procédure civile, les jugements ne peuvent être exécutés contre ceux auxquels ils sont opposés, qu'après leur avoir été notifiés, l'ordonnance du 15 septembre 1997 a été signifiée à la requête de M. [N] par acte du 19 novembre 1997, or la signification préalable du jugement, que peut effectuer toute partie, a pour objet de s'assurer que le jugement est parvenu à la connaissance de l'autre partie de manière officielle avec une information effective sur ses droits et obligations et de faire courir le délai d'appel, de sorte que M. [N], qui avait donc bien connaissance de la décision et qui pouvait en interjeter appel puisqu'il en rappelait lui-même les modalités à Mme [E] dans l'acte de signification, ne peut voir prospérer ce moyen ;

Et attendu que si la contestation d'un commandement n'est soumise à aucun délai, la nullité de l'acte ne peut être prononcée, si elle n'est pas soulevée sur une irrégularité de fond tirée de la liste limitative de l'article 117 du code de procédure civile, comme c'est le cas en l'espèce, qu'à la condition de justifier d'un grief ;

Que M. [N] soutient que délivré uniquement en vertu de l'ordonnance de non-conciliation du 15 septembre 1997, le commandement du 23 juin 2000 ne pouvait porter réclamation que des échéances de septembre 1997 à décembre 1999, que le commandement du 12 février 2004 se borne à porter sur un principal de 104 884,96 € sans aucune précision ni ventilation et de ce qu'il ignore le jugement de divorce du 10 janvier 2000 tout comme l'arrêt du 24 septembre 2002, que l'itératif commandement du 12 février 2009 ne vise pas les échéances postérieures à décembre 2003 et ne comporte aucune ventilation ni précision sur le montant du principal réclamé alors qu'à tout le moins, partie de celui-ci était prescrit, que le commandement du 5 mars 2009, délivré uniquement sur la base de l'arrêt du 24 septembre 2002, ne porte que sur des intérêts acquis et un principal sur lesquels aucune explication n'est fournie et enfin, que le commandement du 11 février 2014, délivré en vertu de l'ordonnance de non-conciliation du 15 septembre 1997 et de l'arrêt du 24 septembre 2002, globalise encore une fois le principal, sans ventilation en fonction des trois décisions intervenues ;

Mais attendu que M. [N] ne peut faire abstraction, dans l'administration de la preuve d'un grief à laquelle il est tenu, des éléments en sa possession à la date à laquelle il a décidé de contester les commandements ; que c'est à cette date que doit s'apprécier le grief, or il est relevé que ce dernier n'a contesté ces commandements qu'en 2014, à savoir, par assignation du 10 juillet 2014 devant le juge de l'exécution pour les commandements délivrés les 12 février 2009, 5 mars 2009 et 11 février 2014 et dans ses conclusions du 4 novembre 2014, dans la même instance, pour les commandements des 23 juin 2000 et 12 février 2004 ;

Qu'à ces dates, M. [N] avait en main le décompte annexé à l'itératif commandement du 11 février 2014, délivré en vertu de l'ordonnance de non-conciliation du 15 septembre 1997 et de l'arrêt du 24 septembre 2002, qui représente la créance actualisée de Mme [H] [E] et qui précise, outre le détail du calcul des intérêts, la période correspondant à l'arriéré de la part contributive, seule précision utile à M. [N] qui n'a en effet procédé au versement d'aucune somme à ce titre, et il n'est pas établi que le fait de ne pas en avoir eu précédemment connaissance, notamment à l'occasion de la délivrance du commandement du 23 juin 2000, comme des suivants, lui a causé grief ;

Que M. [N] ne peut donc voir prospérer sa demande tendant à voir prononcer la nullité des commandements délivrés les 23 juin 2000, 12 février 2004, 12 février 2009, 5 mars 2009 et 11 février 2014 ;

Sur la prescription invoquée par M. [N]

Attendu qu'il convient tout d'abord de rappeler que si le créancier peut poursuivre pendant au maximum trente ans, avec la date-butoir du 19 juin 2018 par application du régime transitoire de la loi du 17 juin 2008, l'exécution d'une décision condamnant au paiement d'une somme payable à termes périodiques, il n'en demeure pas moins que les échéances échues postérieurement à cette décision demeurent soumises à la prescription quinquennale, le créancier ne pouvant obtenir le recouvrement des arriérés échus plus de cinq ans avant la date de sa demande et il en est de même pour le recouvrement des intérêts échus postérieurement à la condamnation ;

Qu'ainsi, si Mme [E] peut exécuter le titre que constitue l'ordonnance de non-conciliation du 15 septembre 1997 jusqu'au 19 juin 2018, elle reste soumise à la prescription quinquennale pour le recouvrement des parts contributives échues postérieurement, de sorte qu'elle ne pouvait prétendre, au jour du commandement délivré le 11 février 2014, qu'aux arriérés échus entre cette date et le 11 février 2009 et elle ne peut prétendre au recouvrement des arriérés échus depuis l'ordonnance de non-conciliation qu'à la condition de justifier d'actes interruptifs de prescription ;

Attendu que le commandement du 23 juin 2000 porte réclamation d'un principal de 190 000 fr., montant arrêté au 10 mars 2000, soit 19 mensualités, outre l'arriéré d'avril 2010 pour 10 000 fr. ; que ce commandement vaut acte interruptif de prescription pour cet arriéré d'un montant total, en principal, de 200 000 fr, soit 30 489,80 € ;

Que M. [N] soutient toutefois qu'au jour du commandement du 23 juin 2000 délivré en vertu de l'ordonnance de non-conciliation, les mesures provisoires avaient été remplacées par le jugement du 10 janvier 2000, en arguant de ce que celui-ci n'a pas été signifié ;

Mais attendu que ce jugement avait fait l'objet d'un appel général de la part de Mme [E], de sorte que les mesures provisoires fixées par l'ordonnance de non-conciliation continuaient à s'appliquer ;

Qu'il en résulte que postérieurement au 24 septembre 2002, Mme [E] ne pouvait plus agir, pour les parts contributives échues postérieurement à cette date, qu'en vertu de l'arrêt de la cour d'appel d'Aix-en-Provence ;

Qu'il est toutefois relevé que le commandement du 12 février 2004 a été délivré uniquement en vertu de l'ordonnance de non-conciliation du 15 septembre 1997 pour paiement d'un principal de 104 884,96 € arrêté au 31 décembre 2003, de sorte qu'il ne pouvait donc contenir réclamation d'un arriéré en vertu de l'arrêt du 24 septembre 2002, soit les 15 mensualités sur la période d'octobre 2002 à décembre 2003 qui représentent une créance de 24 696,75 €, prescrite entre octobre 2007 et le 31 décembre 2008, sauf à justifier d'un acte interruptif au titre de cette créance ;

Mais attendu que l'acte suivant, un itératif commandement, n'est intervenu que le 12 février 2009, date à laquelle cette créance était donc déjà prescrite ; qu'il est en outre relevé que cet acte, délivré pour les mêmes causes, l'a été également en vertu seulement de l'ordonnance de non-conciliation du 15 septembre 1997, de sorte que la prescription n'a été interrompue le 12 février 2009 que pour les sommes commandées en vertu de l'ordonnance de non-conciliation, soit une somme totale de 80 188,21 € au lieu de 104 884,96 € ;

Que Mme [E], qui précise que les parts contributives échues pour l'année 2003 constituent la dernière année pour laquelle le paiement d'une pension est réclamé, ne peut ainsi se prévaloir d'aucun acte interruptif de prescription pour le recouvrement de la part contributive fixée par arrêt du 24 septembre 2002 au titre de la période d'octobre 2002 au 31 décembre 2003;

Que le commandement du 5 mars 2009, a bien été délivré en vertu de l'arrêt du 24 septembre 2002 mais uniquement pour des intérêts acquis à compter du 1er janvier 2004 au 4 mai 2004 ;

Que l'itératif commandement du 12 février 2009, qui porte réclamation de la même somme que le commandement du 12 février 2004, augmenté simplement du coût de l'acte, a bien été délivré dans les cinq ans et en conséquence, ledit acte a également interrompu la prescription pour le recouvrement des sommes dues en vertu de l'ordonnance de non-conciliation, soit 80 188,21 €;

Que Mme [E] a fait délivrer un nouvel itératif commandement le 11 février 2014, soit dans le délai de prescription, pour paiement d'une somme en principal correspondant aux causes des commandements du 12 février 2004 et du 12 février 2009 ; que cet acte a encore interrompu la prescription pour le recouvrement des sommes dues en principal en vertu de l'ordonnance de non-conciliation, soit 80 188,21 € ;

Qu'ainsi, en vertu de l'ordonnance de non-conciliation du 15 septembre 1997, Mme [E], qui pouvait poursuivre le recouvrement des 5 premières annuités jusqu'au 15 septembre 2002, a interrompu la prescription avec le commandement du 23 juin 2000 à compter duquel les poursuites pouvaient être diligentées pour la totalité des arriérés échus jusqu'au 23 juin 2005 ; que la prescription a été à nouveau interrompue par le commandement du 12 février 2004 puis par celui du 12 février 2009, de sorte qu'à l'occasion de l'itératif commandement du 11 février 2014, Mme [E] ne pouvait se voir opposer aucune prescription au titre des sommes dues en principal en vertu de l'ordonnance de non-conciliation ;

Attendu qu'aux termes de l'itératif commandement du 11 février 2014, Mme [E] réclame également une somme de 6.998,25 € correspondant à des intérêts acquis du 1er janvier 2004 au 4 mai 2004 ; que cette somme a donné lieu à la délivrance d'un commandement de saisie vente du 5 mars 2009 ;

Qu'à la date de ce commandement, toutefois, les intérêts ne pouvaient être réclamés au-delà du 5 mars 2004, de sorte qu'il ne vaut acte interruptif que pour les intérêts dus du 5 mars 2004 au 4 mai 2004, soit 1607,01 € (prorata temporis en jours pour le mois de mars 2004) ;

Que par ailleurs, l'itératif commandement du 11 février 2014 porte également réclamation d'une somme de 100 031,42 € et d'une somme de 2282,38 € au titre des intérêts acquis au 31 décembre 2013 ;

Que la somme de 2282,38 € correspond aux intérêts pour la période du 5 mars 2009 au 31 décembre 2013, soit sur une période non prescrite à la date de l'itératif commandement du 11 février 2014 ;

Mais attendu que la somme 100 031,42 € représente les intérêts calculés depuis le 31 décembre 2003, soit au-delà du délai de prescription de cinq ans ; que ces intérêts étant réclamés pour la première fois par l'itératif commandement du 11 février 2014, ils sont prescrits pour la période antérieure au 11 février 2009, or il n'est justifié d'aucun acte interruptif délivré antérieurement pour le recouvrement de ces sommes ; que le commandement du 12 février 2004 ne porte pas en effet réclamation d'un arriéré d'intérêts ; qu'ainsi, au vu du décompte des intérêts annexé au commandement de payer du 11 février 2014, la réclamation au titre de ces intérêts doit être cantonnée à la somme de 51 203,69 € correspondant à la période du 11 février 2009 au 31 février 2013 (prorata temporis en jours pour l'année 2009) ;

Qu'en conséquence, aucune prescription ne peut être opposée à Mme [E] au titre de sa créance en principal en vertu de l'ordonnance de non-conciliation, soit 80 188,21 €, arrêtée au 30 septembre 2002, mais cette dernière ne peut prétendre au paiement des arrérages en intérêts qu'à concurrence d'une somme de 55 093,08 € (51 203,69 + 2282,38 + 1607,01) arrêtée également au 31 décembre 2013 ;

Que l'itératif commandement du 11 février 2014 pouvait être ainsi valablement délivré pour une créance en principal et intérêts de 135 281,29 € ;

Attendu que conformément à l'article 1154 du Code civil, la capitalisation des intérêts est seulement subordonnée à l'existence d'une demande judiciaire formée en ce sens et qu'il s'agisse d'intérêts dus pour au moins une année entière ; que dès lors que Mme [E] en a formé la demande dans le cadre de l'exécution forcée de sa créance et qu'il s'agit d'intérêts dus pour au moins une année entière, il doit être fait droit à sa demande ;

Que s'agissant des frais, au titre desquels Mme [E] demande que soit dit et jugé que M. [N] est redevable de la somme de 5068,03 €, il est relevé que le dernier acte, soit l'itératif commandement du 11 février 2014, ne vise qu'une somme de 729,14 € ;

Et attendu que le moyen tiré de l'absence de production des justificatifs exigés par l'arrêt du 24 septembre 2002 est sans incidence sur l'exigibilité des sommes réclamées par Mme [E] dès lors qu'elles ne le sont pas en vertu de cet arrêt mais uniquement en vertu de l'ordonnance de non-conciliation ;

Attendu que l'abus de procédure invoqué par Mme [E] n'est pas caractérisé ;

PAR CES MOTIFS

La Cour,

Infirme le jugement dont appel, mais seulement en ce qu'il a :

- déclaré nuls les commandements de payer des 23 juin 2000 et 5 mars 2009 signifiés par Mme [E] à M. [N],

- déclaré prescrite la demande en paiement de Mme [E] des parts contributives à l'entretien et l'éducation des enfants pour la période du 1er octobre 1997 au 11 février 1999,

- condamné M. [N] à verser à Mme [E] la somme de 2026,66 € au titre des frais d'huissier,

- dit que chacune des parties conservera à sa charge les dépens qu'elle a exposés,

Et, statuant à nouveau sur les chefs infirmés,

Déboute M. [M] [N] de sa demande tendant à voir annuler les commandements des 23 juin 2000, 12 février 2004, 12 février 2009, 5 mars 2009 et 11 février 2014 ;

Dit que l'itératif commandement du 11 février 2014 pouvait être valablement délivré pour une créance en principal, intérêts et frais de 135 281,29 € ;

Vu l'article 1154 du Code civil,

Dit qu'il y a lieu à capitalisation des intérêts dus pour au moins une année entière ;

Confirme le jugement pour le surplus;

Y ajoutant,

Déboute Mme [H] [E] de sa demande de dommages intérêts ;

Vu l'article 700 du code de procédure civile,

Rejette les demandes;

Déboute les parties de leurs demandes autres ou plus amples;

Condamne M. [M] [N] aux dépens de première instance et d'appel, ces derniers recouvrés conformément à l'article 699 du code de procédure civile.

LE GREFFIER LE PRÉSIDENT


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel d'Aix-en-Provence
Formation : 15e chambre a
Numéro d'arrêt : 15/01796
Date de la décision : 17/06/2016

Références :

Cour d'appel d'Aix-en-Provence 5A, arrêt n°15/01796 : Infirme partiellement, réforme ou modifie certaines dispositions de la décision déférée


Origine de la décision
Date de l'import : 27/03/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2016-06-17;15.01796 ?
Association des cours judiciaires suprmes francophones
Organisation internationale de la francophonie
Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie. Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie.
Logo iall 2012 website award