COUR D'APPEL D'AIX-EN-PROVENCE
4e Chambre A
ARRÊT AU FOND
DU 16 JUIN 2016
jlg
N° 2016/ 390
Rôle N° 14/02171
[L] [V]
C/
FONCIA SYNDIC
Syndicat des copropriétaires LAS PLAISANCE
[W] [L]
[A] [J] épouse [L]
Grosse délivrée
le :
à :
Me Huguette RUGGIRELLO
Me Olivier PEISSE
Décision déférée à la Cour :
Jugement du Tribunal de Grande Instance de TOULON en date du 13 Janvier 2014 enregistré au répertoire général sous le n° 10/04790.
APPELANT
Monsieur [L] [V]
demeurant [Adresse 1]
représenté par Me Huguette RUGGIRELLO, avocat au barreau de TOULON
INTIMEES
Syndicat des copropriétaires LAS PLAISANCE
[Adresse 1], représenté par son syndic La Société Brignol dont le siège social est [Adresse 2]
représenté par Me Olivier PEISSE, avocat au barreau de TOULON substitué par Me Justine RIGAL, avocat au barreau de TOULON
PARTIES INTERVENANTES
Monsieur [W] [L]
demeurant [Adresse 1]
défaillant
Madame [A] [J] épouse [L]
demeurant [Adresse 1]
défaillante
*-*-*-*-*
COMPOSITION DE LA COUR
L'affaire a été débattue le 03 Mai 2016 en audience publique. Conformément à l'article 785 du Code de Procédure Civile, Monsieur Jean-Luc GUERY, a fait un rapport oral de l'affaire à l'audience avant les plaidoiries.
La Cour était composée de :
Monsieur Jean-Luc PROUZAT, Président de chambre
Monsieur Jean-Luc GUERY, Conseiller
Madame Christine LORENZINI, Conseiller
qui en ont délibéré.
Greffier lors des débats : Madame Danielle PANDOLFI.
Les parties ont été avisées que le prononcé de la décision aurait lieu par mise à disposition au greffe le 16 Juin 2016
ARRÊT
Défaut,
Prononcé par mise à disposition au greffe le 16 Juin 2016,
Signé par Monsieur Jean-Luc PROUZAT, Président de chambre et Madame Danielle PANDOLFI, greffier auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.
***
Faits, prétentions et moyens des parties :
Par acte notarié du 10 août 1956, [J] [Y] a vendu à la société Las Plaisance une parcelle de terrain d'une superficie de 2374 m², située à [Adresse 1], détachée d'une parcelle de 4230 m² dont elle était propriétaire.
Cet acte comporte un paragraphe intitulé « servitudes », dans lequel il est notamment mentionné que « la venderesse aura droit de passage à tous usages sur la voie du groupe d'habitations que créera la société acquéreuse », ainsi qu'un paragraphe intitulé « charges et conditions », dans lequel il est notamment mentionné que « la société acquéreur autorise la venderesse à faire ouvrir à ses frais un portail sur la limite est de la propriété vendue où elle voudra, de la largeur qui lui plaira à ses frais et dont les piles seront sur son terrain. »
Par acte du même jour, la société Las Plaisance a également acquis des terrains de [I] [Y], d'[R] [Y], ainsi que de l'indivision ayant existé entre [J] [Y], [I] [Y] et [R] [Y], et a fait construite un groupe d'immeubles dénommé Las Plaisance, soumis au statut de la copropriété.
Par acte du 19 décembre 1986, les héritiers d'[J] [Y] ont vendu à M. [L] [V] et Mme [T] [M], son épouse, à M. [G] [M] et Mme [U] [W], son épouse, ainsi qu'à M. [Z] [O] et Mme [K] [M], son épouse, la parcelle cadastrée section DK n° [Cadastre 1] pour 20a 83ca, dont [J] [Y] était restée propriétaire après la vente du 10 août 1956.
Aux termes de ce même acte, dans lequel il est mentionné que selon un document d'arpentage du 10 juillet 1986 la parcelle DK [Cadastre 1] a été divisée en deux nouvelles parcelles respectivement cadastrées section DK n° [Cadastre 2] pour 8a 29ca et n° [Cadastre 3] pour 12a 54ca, cette dernière parcelle a fait l'objet d'un état descriptif de division et les acquéreurs ont procédé entre eux au partage du bien qu'il venait d'acquérir ainsi qu'il suit :
-la parcelle DK [Cadastre 2] a été attribuée aux époux [O],
-le lot n° 1 de la parcelle DK [Cadastre 3] a été attribué aux époux [V],
-le lot n° 2 de la parcelle DK [Cadastre 3] a été attribué aux époux [M].
Pour permettre à la parcelle DK [Cadastre 2] de continuer à pouvoir bénéficier de la servitude instituée le 10 août 1956, la parcelle DK [Cadastre 3] a été grevée, à son profit, d'une servitude de passage.
[T] [M] est décédée le [Date décès 1] 2000 en laissant pour lui succéder son conjoint M. [L] [V], ainsi que sa fille Mme [D] [V].
Aux termes d'un acte notarié des 20 juillet et 17 août 2001, les consorts [V], propriétaires du lot n° [Cadastre 4], et la SCI Plaisance, propriétaire du lot n° [Cadastre 5] de l'immeuble cadastré DK [Cadastre 3], ont procédé à l'annulation de l'état descriptif de division du 19 décembre 1986 et au partage de cet immeuble. La parcelle DK [Cadastre 6], provenant de la division de la parcelle DK [Cadastre 3] a été attribuée aux consorts [V], tandis que l'autre parcelle provenant de cette division, à savoir la parcelle DK [Cadastre 7], a été attribuée à la SCI Plaisance.
Le portail visé dans l'acte du 10 août 1956 ainsi que la servitude bénéficiant à la parcelle DK [Cadastre 2] se trouvent sur la parcelle DK [Cadastre 7].
Pour pouvoir accéder à la voie de la copropriété bordant sa parcelle DSK [Cadastre 6] au sud, M. [L] [V] a pratiqué une ouverture dans la clôture existante et mis en place un portail.
Le syndicat des copropriétaires ayant posé, devant ce portail, des plots faisant obstacle à son passage, M. [V] l'a assigné par acte du 26 août 2010 afin qu'il soit condamné à les enlever et à lui payer des dommages et intérêts.
M. [V] et Mme [D] [V] ayant vendu leur fonds à M. [W] [L] et à Mme [A] [J] par acte notarié du 18 novembre 2010, ces derniers sont intervenus volontairement.
Par jugement du 30 septembre 2011, le tribunal de grande instance de Toulon a désigné M. [P] [I] en qualité d'expert.
Après le dépôt du rapport d'expertise, M. [V] et les époux [L] ont pris des conclusions communes pour entendre juger que la parcelle DK [Cadastre 6] bénéficie d'une servitude conventionnelle de passage sur toutes les voies de la copropriété et que cette servitude n'interdit pas l'ouverture d'un deuxième portail. M. [V] a également demandé la condamnation du syndicat des copropriétaires à lui payer des dommages et intérêts.
Par jugement du 13 janvier 2014, le tribunal de grande instance de Toulon a :
-reçu les époux [L] en leur intervention volontaire,
-déclaré la demande des époux [L] recevable,
-déclaré la demande de M. [V] irrecevable,
-débouté les époux [L] de l'ensemble des chefs de leur demande principale,
-ordonné l'exécution provisoire,
-condamné M. [V] et les époux [L] à payer au syndicat des copropriétaires la somme de 3 000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile, ainsi qu'aux dépens.
M. [V] a interjeté appel de ce jugement par déclaration du 31 janvier 2014, aux termes laquelle il a intimé le syndicat des copropriétaires ainsi que les époux [L].
Aux termes de ses dernières conclusions remises au greffe le 23 avril 2015 et auxquelles il convient de se référer, il demande à la cour :
-d'infirmer le jugement entrepris,
-de dire que son action est recevable,
-de dire que la parcelle cadastrée DK [Cadastre 6] bénéficie d'une servitude conventionnelle de passage sur toutes les voies de la copropriété,
-de dire et juger que cette servitude conventionnelle n'interdit pas l'ouverture d'un deuxième portail en conséquence, de condamner le syndicat des copropriétaires à lui payer une indemnité de 10 000 euros en réparation de son préjudice,
-de condamner le syndicat des copropriétaires à lui payer la somme de 5 000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile,
-de le condamner aux entiers dépens.
Aux termes de ses conclusions remises au greffe le 17 juin 2014 et auxquelles il convient de se référer, le syndicat des copropriétaires demande à la cour :
-de confirmer le jugement déféré,
-de dire et juger principalement M. [V] irrecevable dans ses demandes,
-de rejeter subsidiairement toutes les demandes formulées par M. [V] comme infondées,
-de condamner M. [V] à lui payer la somme de 5 000 euros à titre de dommages et intérêts pour procédure abusive,
-de le condamner à lui payer la somme de 3 000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile, ainsi qu'aux dépens de l'instance.
Il fait notamment valoir que M. [V] n'a plus qualité pour revendiquer un service qui n'est dû, en tant que servitude, qu'à un héritage dont il n'est plus propriétaire ou même usufruitier.
Les époux [L], n'ont pas comparu.
Une ordonnance de clôture a été rendue le 13 octobre 2015.
Motifs de la décision :
L'article 31 du code de procédure civile dispose : l'action est ouverte à tous ceux qui ont un intérêt légitime au succès ou au rejet d'une prétention, sous réserve des cas dans lesquels la loi attribue le droit d'agir au seules personnes qu'elle qualifie pour élever ou combattre une prétention, ou pour défendre un intérêt légitime.
Selon l'article 32, est irrecevable toute prétention émise par ou contre une personne dépourvue du droit d'agir.
L'intérêt au succès ou au rejet d'une prétention s'appréciant au jour de l'introduction de la demande en justice, la fin de non-recevoir soulevée par le syndicat des copropriétaires sera rejetée et le jugement sera infirmé en ce qu'il a déclaré la demande de M. [V] irrecevable.
La parcelle DK [Cadastre 6], issue de la division du fonds dominant, bénéficie de la servitude instituée aux termes de l'acte du 10 août 1956 sur toute la voie de la copropriété, et non sur une partie de celle-ci comme le soutient le syndicat des copropriétaires.
Il résulte des plans et des photographies produits que la parcelle DK [Cadastre 6] confronte sur une partie de sa limite sud, une portion de la voie de la copropriété et non un parking comme le soutient encore le syndicat des copropriétaires.
Sauf si le titre de servitude l'interdit, le propriétaire d'un fonds bénéficiant d'une servitude de passage peut accéder à l'assiette du passage à tous les endroits où cette assiette joint son fonds.
La servitude du 10 août 1956 ayant été instituée avant la création de la copropriété, la clause autorisant le propriétaire du fonds dominant à faire ouvrir un portail sur la limite Est de sa propriété, à l'endroit où il voudra, doit être interprétée en ce sens qu'elle exprime l'engagement du propriétaire du fonds servant de créer une voie aboutissant à ce portail, sans que l'on puisse pour autant en déduire qu'elle interdit tout accès au fonds dominant aux autres endroits où la voie joint ce fonds. La demande de M. [V] tendant à ce qu'il soit jugé, d'une part, que la parcelle DK [Cadastre 6] bénéficie d'une servitude conventionnelle de passage sur toutes les voies de la copropriété Las Plaisance, d'autre part, que cette servitude conventionnelle n'interdit pas l'ouverture d'un deuxième portail, est donc fondée.
La cour possède les éléments d'appréciation suffisants pour condamner le syndicat des copropriétaires à payer à M. [V] la somme de 3 000 euros en réparation de l'atteinte causé à son droit de passage par la mise en place de plots.
La demande de M. [V] étant fondée le syndicat des copropriétaires sera débouté de sa demande de dommages et intérêts pour procédure abusive.
Par ces motifs :
Infirme le jugement déféré, sauf en ce qu'il a reçu les époux [L] en leur intervention volontaire et déclaré leur demande recevable ;
Déclare les demandes de M. [V] recevables ;
Dit qu'en vertu de l'acte du 10 août 1956, la parcelle DK [Cadastre 6] bénéficie d'une servitude de passage sur l'intégralité de la voie de la copropriété Las Plaisance et que le titre de servitude n'interdit pas la mise en place d'un deuxième portail ouvrant sur la portion de la voie joignant cette parcelle ;
Condamne le syndicat des copropriétaires du groupe d'immeubles dénommé Las Plaisance à payer à M. [V] un indemnité de 3 000 euros en réparation de l'atteinte causé à son droit de passage ;
Déboute le syndicat des copropriétaires du groupe d'immeubles dénommé Las Plaisance de sa demande de dommages et intérêts pour procédure abusive ;
Vu l'article 700 du code de procédure civile, condamne le syndicat des copropriétaires du groupe d'immeubles dénommé Las Plaisance à payer la somme de 2 500 euros à M. [V];
Condamne le syndicat des copropriétaires du groupe d'immeubles dénommé Las Plaisance aux dépens de première instance qui comprendront les frais d'expertise, ainsi qu'aux dépens d'appel qui pourront être recouvrés contre lui conformément aux dispositions de l'article 699 du code de procédure civile.
LE GREFFIERLE PRESIDENT