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10/06/2016 | FRANCE | N°14/12106

France | France, Cour d'appel d'Aix-en-Provence, 9e chambre a, 10 juin 2016, 14/12106


COUR D'APPEL D'AIX EN PROVENCE

9e Chambre A



ARRÊT AU FOND

DU 10 JUIN 2016



N°2016/403















Rôle N° 14/12106







[A] [Y]





C/



ERDF

GRDF



























Grosse délivrée le :

à :



Me Michel HENRY, avocat au barreau de PARIS



Me Jean-claude PERIE, avocat au barreau de MARSEILLE







Copie certifiée conforme délivrée aux parties le :



Décision déférée à la Cour :



Jugement du Conseil de prud'hommes - Formation de départage de MARSEILLE - section E - en date du 22 Mai 2014, enregistré au répertoire général sous le n° 13/563.





APPELANT



Monsieur [A] [Y], demeurant [Adresse 1]



représenté ...

COUR D'APPEL D'AIX EN PROVENCE

9e Chambre A

ARRÊT AU FOND

DU 10 JUIN 2016

N°2016/403

Rôle N° 14/12106

[A] [Y]

C/

ERDF

GRDF

Grosse délivrée le :

à :

Me Michel HENRY, avocat au barreau de PARIS

Me Jean-claude PERIE, avocat au barreau de MARSEILLE

Copie certifiée conforme délivrée aux parties le :

Décision déférée à la Cour :

Jugement du Conseil de prud'hommes - Formation de départage de MARSEILLE - section E - en date du 22 Mai 2014, enregistré au répertoire général sous le n° 13/563.

APPELANT

Monsieur [A] [Y], demeurant [Adresse 1]

représenté par Me Michel HENRY, avocat au barreau de PARIS

INTIMEES

ERDF, demeurant [Adresse 2]

représentée par Me Jean-claude PERIE, avocat au barreau de MARSEILLE

GRDF, demeurant [Adresse 1]

représentée par Me Jean-claude PERIE, avocat au barreau de MARSEILLE

*-*-*-*-*

COMPOSITION DE LA COUR

En application des dispositions de l'article 945-1 du Code de Procédure Civile, l'affaire a été débattue le 21 Avril 2016, en audience publique, les parties ne s'y étant pas opposées, devant Madame Pascale MARTIN, Conseiller faisant fonction de Président, chargé d'instruire l'affaire.

Ce magistrat a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la Cour composée de :

Madame Pascale MARTIN, Conseiller faisant fonction de Président

Monsieur David MACOUIN, Conseiller

Mme Nathalie FRENOY, Conseiller

Greffier lors des débats : Mme Nadège LAVIGNASSE.

Les parties ont été avisées que le prononcé de la décision aurait lieu par mise à disposition au greffe le 10 Juin 2016

ARRÊT

Contradictoire,

Prononcé par mise à disposition au greffe le 10 Juin 2016

Signé par Madame Pascale MARTIN, Conseiller faisant fonction de Président et Mme Nadège LAVIGNASSE, greffier auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

FAITS- PROCÉDURE-PRÉTENTIONS DES PARTIES

Embauché en qualité d'employé de bureau en octobre 1972 par les services parisiens de la Direction des Affaires Générales d'EDF, M [A] [Y] devait intégrer la promotion ouvrière, système de formation interne propre à la société lui ayant permis d'accéder au terme du stage en avril 1983 à un emploi de cadre GF12 NR170 au service administratif du centre [Établissement 1].

Il devenait en janvier 1992 chef de la section Etudes classé en GF14 NR210 au sein du service des relations commerciales et dans le même temps son engagement syndical l'amenait à être détaché à temps plein , devenant notamment secrétaire général du syndicat CGT en 1991 et ayant eu des activités syndicales permanentes jusqu'à son départ à la retraite le 1er mai 2013.

Suivant requête du 26 février 2013 M [A] [Y] saisissait le conseil des prud'hommes de Marseille aux fins d'obtenir son reclassement en GF18 et NR 310 sous astreinte, un rappel de salaires à ce titre, et des dommages et intérêts pour discrimination.

Par jugement de départage du 22 mai 2014, le conseil des prud'hommes de Marseille a statué ainsi:

Déboute M [A] [Y] du surplus de ses demandes tant afférente à ses prétentions indemnitaires qu'à sa demande de reclassement en GF18 NR310 ou qu'à sa demande relative à la réévaluation de sa pension de retraite en GF18 NR310 auprès de la Caisse de Retraite Nationale Electricité et Gaz (CNIEG),

Donne acte à la société ERDF GRDF de son engagement de payer à M [A] [Y] la somme de 9849,96 € au titre des RPCC 2010 à 2013,

Rejette les parties du surplus de leurs autres demandes,

Condamne la société ERDF GRDF à payer la somme de 1000 € à Monsieur [Y] au titre de l'article 700 du code de procédure civile,

Condamne la société ERDF GRDF aux dépens,

Dit n'y avoir lieu à ordonner l'exécution provisoire .$gt;$gt;

Suite à l'appel interjeté par M [A] [Y] le 13 juin 2014, les parties ont été convoquées devant la Cour pour l'audience du 21 avril 2016.

Dans ses conclusions reprises oralement, M [A] [Y] demande à la Cour de :

- ordonner son reclassement en GF18 NR310 à compter du 1er janvier 2013,

- ordonner à ERDF de faire réévaluer sa pension de retraite en GF18 NR310 auprès de la Caisse de Retraite Nationale Electricité et Gaz (CNIEG),

- condamner ERDF à payer les sommes suivantes à titre de dommages et intérêts:

* 25.610 € en réparation du préjudice subi en matière de rémunération brute fixe,

* 28.947,88 € au titre de la rémunération de performance contractualisée des cadres dite RPCC,

* 46.750,48 € au titre de la rémunération de disponibilité et de contribution individuelles des cadres dite RDCIC,

* 38.136,91 € au titre de la rémunération versée sur le fondement de la circulaire PERS.936,

* 14.253,68 € au titre de la rémunération versée sur le fondement de la circulaire PERS.194,

* 26.879,53 € au titre de la perte monétaire en jours de disponibilité,

* 19.296 € au titre des indemnités kilométriques non versées,

* 36.317 € au titre de la perte de chance d'avoir pu investir les sommes acquises au titre de la RPCC et de la RDCIC dans des parts d'épargne,

* 50.000 € au titre du préjudice moral,

* 4000 € sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile .

Lors des débats et dans leurs écritures, les sociétés ERDF GRDF demandent à la cour de constater qu'elles ont payé en avril et mai 2014 les RPCC 2010 à 2013 soit la somme de 9849,96 €.

Elle sollicitent la réformation du jugement en ce qu'il a retenu une discrimination de nature syndicale et a condamné les sociétés au paiement de la somme de 30.000 € à ce titre outre 1000 € sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile .

Elles demandent à la cour de constater qu'elles ont fait une stricte application des dispositions conventionnelles internes et que les éléments de comparaison démontrent l'absence de discrimination à l'encontre de M [A] [Y] , concluant à son débouté pur et simple de l'ensemble de ses demandes et à sa condamnation aux dépens.

Pour un plus ample exposé des faits de la procédure et des moyens des parties, la cour se réfère à la décision attaquée et aux conclusions déposées et soutenues à l'audience.

MOTIFS DE L'ARRÊT

Sur la discrimination

Aux termes de l'article L.1132-1 du code du travail, aucune personne ne peut être écartée d'une procédure de recrutement ou de l'accès à un stage ou à une période de formation, aucun salarié ne peut être sanctionné, licencié ou faire l'objet d'une mesure discriminatoire, directe ou indirecte, telle que définie par l'article 1 er de la loi n° 2008-496 du 27 mai 2008, notamment en matière de rémunération, au sens de l'article L.3221-3, de mesures d'intéressement ou de distribution d'action, de formation, de reclassement, d'affectation, de qualification, de classification, de promotion professionnelle, de mutation ou de renouvellement de contrat en raison de ses activités syndicales.

L'article L.2141-5 du code du travail interdit à l'employeur de prendre en considération l'appartenance à un syndicat ou l'exercice d'une activité syndicale pour arrêter ses décisions en matière notamment de recrutement, de conduite et de répartition du travail, de formation professionnelle, d'avancement, de rémunération et d'octroi d'avantages sociaux, de mesures de discipline et de rupture du contrat de travail.

Selon l'article L.1134-1 du code du travail, en cas de litige, le salarié concerné présente des éléments de fait laissant supposer l'existence d'une discrimination directe ou indirecte, au vu desquels, il incombe à l'employeur de prouver que sa décision est justifiée par des éléments objectifs étrangers à toute discrimination, et le juge forme sa conviction après avoir ordonné, en cas de besoin, toutes les mesures d'instruction qu'il estime utiles.

En l'espèce, M [A] [Y] invoque une absence d'évolution de carrière et un retard d'évolution dans la rémunération, précisant que la société a freiné l'évolution normale de sa carrière malgré différentes dénonciations. Le salarié soutient avoir été maintenu au groupe fonctionnel 17 malgré une liste d'homologie lui permettant d'accéder au GF18 depuis au moins 5 ans et concernant l'argumentation de la société lui reproche d'une part, l'absence de décision de refus motivée et d'autre part, d'avoir recours à un comparatif étendu non prévu par la Note du 2 août 1968 .

Pour étayer ses affirmations, M [A] [Y] produit notamment :

- son déroulement de carrière,

-divers courriers de son syndicat en 1997, 1998, 2003 réclamant son classement dans un GF supérieur,

- une lettre de son syndicat du 22 avril 2004 reprochant à la direction un blocage pour le passage en GF17,

- un courrier de son syndicat du 23 juin 2005 attirant l'attention de la direction sur le fait que la circulaire ne lui a pas été appliquée pleinement induisant depuis plusieurs années notamment un retard dans la rémunération,

- un échange de mails avec la direction en juillet 2012 où il revendique le GF18 reprochant à la société de maintenir un refus sous prétexte de manque de mobilité,

- la liste d'homologie.

L'employeur rappelle le régime de la Note du 2 août 1968 portant sur la situation des agents chargés de fonctions syndicales et visant à leur garantir une évolution de carrière par comparaison avec celle d'agents présentant un ensemble de caractéristiques similaires et indique que M [A] [Y] a bénéficié des classements suivants : GF14 au 1er janvier 1992, GF15 au 1er janvier 1996, GF16 au 1er janvier 2001 et enfin GF17 au 1er janvier 2005.

Il admet que le salarié, avant son départ en inactivité, aurait pu bénéficier d'un reclassement en GF18 puisqu'au 1er avril 2013, 6 agents sur 10 figurant sur la liste d'homologie bénéficient d'un classement supérieur mais indique que comme le permet la Note du 2 août 1968 au §III, la direction a fait un choix négatif.

Il opère un comparatif au niveau national concernant 94 agents pour dire que le maintien du salarié au GF17 était justifié, invoquant l'absence de mobilité du salarié tout au long de sa carrière.

Concernant le niveau de rémunération du demandeur, il dénie l'application de l'accord EDF SA du 8 octobre 2009.

Il produit notamment les pièces suivantes :

- la note GRH du 23 avril 1990 et son rectificatif du 18 mai 1990,

- l'enquête au niveau national concernant 94 agents,

- les fiches des 21 comparants régionaux,

- la circulaire PERS212 portant sur l'avancement et le mouvement du personnel.

Il ressort des éléments présentés aux débats que de 2005 jusqu'à sa mise en retraite, le salarié a conservé le même niveau de groupe fonctionnel alors que comme la société l'admet, l'application mathématique de la Note du 2 août 1968 aurait dû la conduire à opérer un reclassement en GF18, à compter d'avril 2013.

Son opposition ne ressort cependant d'aucun courrier motivé et même si dans le cadre de courriers plus anciens, elle a évoqué l'absence de mobilité du salarié, elle ne l'a pas exprimée dans une décision notifiée au salarié ou à son syndicat mais seulement dans le cadre de la procédure, alors que la situation de M [A] [Y] n'avait pas évolué depuis 8 ans. La comparaison à l'échelle nationale n'est pas conforme aux dispositions conventionnelles et la seule raison opposée d'une absence de mobilité n'est pas fondée.

En conséquence, il convient de dire que la discrimination est établie concernant le déroulement de la carrière et de façon subséquente d'ordonner le reclassement de M [A] [Y] au GF18 à compter du 1er janvier 2013 comme demandé par le salarié , étant précisé qu'il n'est pas établi de discrimination dans la période antérieure à 2005.

Concernant le niveau de rémunération, le salarié n'apporte pas la preuve que son positionnement dans le NR300 était de nature discriminatoire au regard de la circulaire PERS245 et ne peut invoquer un accord EDF puisqu'il dépend d'une unité de l'entité distincte ERDF .

Sur les conséquences financières de la discrimination

Il convient d'approuver la décision entreprise en ce qu'elle a écarté les demandes de nature salariale antérieure au 26 février 2008, soit 5 ans avant la saisine de la juridiction prud'homale puisque d'une part, il n'a pas apporté la preuve d'une discrimination tout au long de sa carrière et il ne peut sérieusement prétendre n'avoir pas eu avant février 2013 tous les éléments nécessaires pour apprécier son préjudice.

Par ailleurs, le salarié ne peut réclamer un rappel de rémunération brute fixe à hauteur de 25.610€ calculé de 2009 à 2012 puisque la cour n'a pas fait droit à sa demande de changement de NR, et qu'il n'y a pas lieu à une reconstitution de carrière sur 4 ans, la demande de reclassement étant demandée à compter de janvier 2013.

L'employeur justifie du versement de la RPCC pour la période 2010 à 2013, qui correspond à la période à laquelle M [A] [Y] aurait pu prétendre à un reclassement dans un GF supérieur et le salarié ne saurait réclamer des sommes pour la période antérieure, son dernier reclassement datant de 2005 et l'évolution de son GF ayant été constant tous les 5-6 ans sans justification d'une discrimination dans ces périodes.

En l'état d'un accord ERDF du 20 juillet 2009 sur le temps de travail des cadres, M [A] [Y] ne saurait invoquer un texte plus ancien émanant de l'entité EDF et ayant prévu des primes de disponibilité qui n'avaient pas à lui être versées puisqu'il ne dispose pas d'une convention de forfait jours; en tout état de cause, partie de la demande est irrecevable car atteinte par la prescription.

Concernant la perte de chance de n'avoir pu déposer les sommes issues de la RPCC dans des parts d'épargne salariale, ce chef de préjudice doit être apprécié au regard du versement différé sur la seule période de 2010 à 2013 et doit être évalué à la somme de 2000 € .

Tenant compte du préjudice moral subi par le salarié du fait de l'absence d'avancement en fin de carrière, il convient de confirmer le montant du préjudice global en découlant telle que fixé par le conseil des prud'hommes de Marseille .

Sur les intérêts

Les sommes allouées à titre indemnitaire produiront intérêts au taux légal à compter du jugement pour celles confirmées et à la date de la présente décision pour le surplus.

La capitalisation des intérêts sera ordonnée dans les conditions de l'article 1154 du code civil.

Sur les frais irrépétibles et les dépens

Il convient de confirmer le jugement sur ces points.

Il n'est pas nécessaire d'allouer en cause d'appel à M [A] [Y] une somme supplémentaire à celle déjà allouée sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile par les premiers juges.

La société ERDF devra assumer la charge des dépens d'appel.

PAR CES MOTIFS

La Cour, statuant par arrêt contradictoire, prononcé publiquement par mise à disposition au greffe, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au 2ème alinéa de l'article 450 du code de procédure civile ,

*Confirme le jugement déféré sauf en ce qu'il a rejeté la demande de reclassement au groupe fonctionnel supérieuret celle relative à la perte de chance de placer les sommes au titre de la RPCC,

Statuant à nouveau sur les chefs infirmés et Y ajoutant,

*Ordonne le reclassement de M [A] [Y] en GF18 NR300 à compter du 1er janvier 2013,

*Enjoint à ERDF de communiquer la présente décision à la Caisse de retraite nationale Electricité et Gaz aux fins de réévaluation de la pension de M [A] [Y] s'il y a lieu,

*Condamne ERDF à payer à M [A] [Y] la somme de 2000 € au titre de la perte de chance d'avoir pu investir les sommes dues au titre de la RPCC,

*Dit que les sommes allouées à titre indemnitaire porteront intérêts au taux légal à compter du jugement du 22 mai 2014 pour celle confirmée et à compter de la présente décision pour l'autre , et ordonne la capitalisation de ces intérêts, dans les conditions de l'article 1154 du code civil,

*Déboute les parties du surplus de leurs demandes, y compris sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile,

*Laisse les dépens d'appel à la charge d'ERDF.

LE GREFFIER LE PRESIDENT

Pascale MARTIN faisant fonction


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel d'Aix-en-Provence
Formation : 9e chambre a
Numéro d'arrêt : 14/12106
Date de la décision : 10/06/2016

Références :

Cour d'appel d'Aix-en-Provence 9A, arrêt n°14/12106 : Infirme partiellement, réforme ou modifie certaines dispositions de la décision déférée


Origine de la décision
Date de l'import : 27/03/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2016-06-10;14.12106 ?
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