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10/06/2016 | FRANCE | N°13/11168

France | France, Cour d'appel d'Aix-en-Provence, 18e chambre b, 10 juin 2016, 13/11168


COUR D'APPEL D'AIX EN PROVENCE

18e Chambre B



ARRÊT AU FOND

DU 10 JUIN 2016



N° 2016/1178













Rôle N° 13/11168





SAS NESTLE FRANCE





C/



[Z] [O]









Grosse délivrée

le : 15 Juin 2016

à :



Me Yves TALLENDIER, avocat au barreau de MARSEILLE



Me Elise BRAND, avocat au barreau de CAEN





Copie certifiée conforme délivrée aux parties le : 15 Ju

in 2016





Décision déférée à la Cour :



Jugement du Conseil de prud'hommes - Formation de départage de MARSEILLE - section I - en date du 07 Octobre 2010, enregistré au répertoire général sous le n° 07/657.







APPELANTE



SAS NESTLE FRANCE, demeurant [Adress...

COUR D'APPEL D'AIX EN PROVENCE

18e Chambre B

ARRÊT AU FOND

DU 10 JUIN 2016

N° 2016/1178

Rôle N° 13/11168

SAS NESTLE FRANCE

C/

[Z] [O]

Grosse délivrée

le : 15 Juin 2016

à :

Me Yves TALLENDIER, avocat au barreau de MARSEILLE

Me Elise BRAND, avocat au barreau de CAEN

Copie certifiée conforme délivrée aux parties le : 15 Juin 2016

Décision déférée à la Cour :

Jugement du Conseil de prud'hommes - Formation de départage de MARSEILLE - section I - en date du 07 Octobre 2010, enregistré au répertoire général sous le n° 07/657.

APPELANTE

SAS NESTLE FRANCE, demeurant [Adresse 1]

représentée par Me Yves TALLENDIER, avocat au barreau de MARSEILLE

INTIME

Monsieur [Z] [O], demeurant [Adresse 2]

comparant en personne, assisté de Me Elise BRAND, avocat au barreau de CAEN

*-*-*-*-*

COMPOSITION DE LA COUR

L'affaire a été débattue le 22 Avril 2016 en audience publique devant la Cour composée de :

qui en ont délibéré

Greffier lors des débats : Madame Chantal DESSI.

Les parties ont été avisées que le prononcé de la décision aurait lieu par mise à disposition au greffe le 10 Juin 2016.

ARRÊT

Contradictoire,

Prononcé par mise à disposition au greffe le 10 Juin 2016.

Signé par et , greffier auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

Faits, procédure et prétentions des parties

Pour un exposé complet des faits et de la procédure, il sera référé à l'arrêt avant dire droit en date du 29 janvier 2016 qui a ordonné la réouverture des débats pour M. [Z] [O] justifier de sa situation professionnelle au jour de son licenciement par la société Nestlé et présenter toutes observations utiles en ce sens, au vu de pièces faisant ressortir un cumul d'emploi durant plusieurs mois.

A l'audience de renvoi, M. [Z] [O] conclut au caractère légal du cumul d'emplois, la société Nestlé ayant autorisé une suspension de son contrat de travail durant l'activité professionnelle exercée pour un autre employeur avant la notification de son licenciement économique.

La société Nestlé expose qu'elle a accepté la suspension du contrat de travail de M. [Z] [O] aux fins de favoriser son reclassement, préalablement au licenciement, alors que la fermeture du site de Saint-Menet était inéluctable.

A cette audience, les parties représentées ont réitéré oralement les demandes formulées dans leurs écritures précédemment déposées.

MOTIFS DE LA DÉCISION

A titre liminaire

Il convient de donner acte à la société Nestlé qu'elle ne maintient pas en cause d'appel sa fin de non recevoir tirée de l'irrecevabilité des demandes des salariés en raison de la signature du protocole d'accord du 2 février 2006.

Le jugement sera d'emblée confirmé en ce qu'il a rejeté cette fin de non recevoir, non reprise devant la cour.

Sur la situation de double emploi de M. [Z] [O]

M. [Z] [O], licencié le 10 avril 2006 par la société Nestlé avait été préalablement embauché à compter du 4 avril 2005 par la société S 2I, par contrat à durée indéterminée, en qualité de technicien de maintenance.

Il expose avoir anticipé son licenciement et accepté un emploi auprès d'un autre employeur compte tenu de la fermeture programmée de l'usine de Saint-Menet et il justifie avoir obtenu l'autorisation de la société Nestlé de suspendre son contrat de travail jusqu'à la notification de son licenciement, permettant ainsi de ne pas contrevenir aux dispositions relatives au cumul d'emploi prévues par l'article L. 8261-1 du code du travail.

En conséquence, M. [Z] [O] est fondé à contester le licenciement économique prononcé par la société Nestlé.

Sur l'obligation de l'employeur de recherche de reclassement

Le jugement dont appel a fait droit à la demande de M. [Z] [O] tendant à la requalification de la rupture de son contrat de travail en licenciement sans cause réelle et sérieuse au motif de l'absence d'un motif économique justifié. Nonobstant, celui-ci soutient à titre principal, devant la cour, le moyen tiré du manquement de l'employeur à son obligation de recherche d'un reclassement en interne.

Aux termes de l'article L. 1233-4 du code du travail, le licenciement économique du salarié ne peut intervenir que lorsque tous les efforts de formation et d'adaptation ont été réalisés et que lorsque le reclassement de l'intéressé ne peut être opéré dans l'entreprise ou dans les entreprises du groupe auquel l'entreprise appartient, sur un emploi relevant de la même catégorie que celui qu'il occupe ou sur un emploi équivalent ou encore, à défaut, et sous réserve de l'accord exprès du salarié, sur un emploi d'une catégorie inférieure. Les offres de reclassement proposées au salarié doivent être écrites et précises.

Il appartient à l'employeur de rapporter la preuve qu'il s'est acquitté de cette obligation de reclassement, qui constitue une obligation de moyen, par une recherche sérieuse, loyale et active de tous les postes disponibles et appropriés aux capacités du salarié, tout particulièrement lorsque l'entreprise est de taille importante comme tel est le cas en l'espèce, son inobservation privant le licenciement de cause réelle et sérieuse.

Le projet de licenciement économique consécutif à la fermeture complète de l'usine de Saint-Menet concernait plus de dix salariés (415 au total dont 130 pour lesquels la société Nestlé France soutient qu'ils se trouvaient dans une situation hors activité professionnelle ce qui est contesté par ceux-ci). La société était donc soumise à une double obligation, à savoir prévoir des mesures de reclassement en interne dans le cadre d'un plan de sauvegarde de l'emploi et procéder à une recherche individualisée des postes de reclassement au profit de chacun des salariés concernés.

Le plan de sauvegarde de l'emploi, par ailleurs repris dans le cadre de l'accord collectif signé entre la société Nestlé France et les organisations syndicales, prévoyait qu'une priorité absolue serait donnée au reclassement interne et qu'un poste au sein du groupe Nestlé serait proposé pour chaque salarié de Saint-Menet dans des établissements en France et en Europe. En annexe à ce plan, la société a présenté une liste de 449 postes susceptibles d'être offerts aux salariés, la majeure partie en France, et 25 à l'étranger dans trois pays différents, soit 10 à San Sito en Italie, 5 à La Penilla en Espagne et 10 à [Localité 1] en Suisse. Les salariés, auxquels cette liste a également été adressée par courrier en date du 26 janvier 2006, disposaient d'un délai de 15 jours pour formuler trois choix.

La société Nestlé France, qui reconnaît faire partie du premier groupe alimentaire mondial spécialisé dans la nutrition, la santé et le bien-être, implanté mondialement et présent dans plus de 80 pays, avec près de 450 usines, admet avoir limité ses offres de reclassement à des sociétés de droit étranger implantées dans des pays limitrophes en raison de conditions d'emploi et d'un environnement socio-culturel se rapprochant de ceux connus en France, argument inopérant puisqu'il ne saurait appartenir à l'employeur de décider de son propre chef qu'il ne fera pas de recherche de reclassement à l'étranger au motif selon lequel les salariés ne seraient pas intéressés par un tel reclassement.

Préalablement à toute mesure de licenciement économique, l'employeur a l'obligation, d'une part, de rechercher toutes les possibilités de reclassement existant au sein du groupe dont il relève, parmi les entreprises dont l'activité, l'organisation ou le lieu d'exploitation permettent d'effectuer des permutations de personnel et, d'autre part, de proposer ensuite aux salariés dont le licenciement est envisagé, tous les emplois disponibles de la même catégorie ou à défaut, d'une catégorie inférieure. Il n'est libéré de cette obligation que s'il justifie de l'absence de poste disponible, à l'époque du licenciement.

La société Nestlé France, en faisant le choix de limiter ses offres à l'étranger à des entreprises du groupe situées dans trois pays limitrophes de la France, ne peut être considérée comme ayant correctement respecté son obligation de recherche d'offres sur l'ensemble du groupe et ce, alors même qu'elle ne verse aux débats aucun document duquel il pourrait résulter qu'il n'existait pas de poste disponible dans d'autres filiales, hors de ces trois pays, dont les activités, l'organisation ou le lieu d'exploitation permettaient d'effectuer la permutation des salariés.

Outre la communication de cette liste, présentée sans individualisation aucune dans le cadre du plan de sauvegarde de l'emploi, la société a ensuite adressé à 149 salariés, qu'ils aient formulé ou non des choix, dont M. [Z] [O], une offre ferme de reclassement.

En ce qui le concerne, cette offre en date du 21 février 2006, était ainsi libellée : 'nous vous proposons l'offre ferme de reclassement interne suivante : INT-223 / Nestlé France [Itancourt] / Ouvrier / Agent technique de maintenance (fabrication) / 190

Conformément aux dispositions du PSE, votre coefficient, votre salaire de base et votre prime d'ancienneté seront maintenus.'

et ne faisait que reprendre, en des termes lapidaires, une des offres d'ores et déjà formulées dans le cadre de la liste annexée au plan de sauvegarde de l'emploi.

Une telle offre portant sur un emploi, nullement détaillée quant à ses modalités pratiques, sans précision notamment sur l'organisation du temps de travail et les primes susceptibles d'être attribuées, et de plus limitée à un seul poste, ne peut être considérée comme une offre de reclassement individualisée, proposée en fonction du profil professionnel de M. [Z] [O], de ses compétences et de son expérience.

En conséquence, il apparaît que là encore, par ce seul envoi, la société Nestlé France ne démontre pas avoir respecté son obligation de reclassement en interne avec sérieux et loyauté.

Enfin, sur l'obligation de reclassement en externe, l'article 91 A de la convention collective nationale de l'industrie laitière du 20 mai 1955, dite 'convention FNIL', applicable au jour des licenciements concernés dispose que 'les licenciements collectifs pour motif économique sont régis par les dispositions de l'accord interprofessionnel sur l'emploi du 10 février 1969". Les articles 5 et 15 dudit accord prévoient que la commission paritaire territoriale de l'emploi doit être saisie de tout projet de licenciement collectif lorsque les problèmes de reclassement n'ont pu être résolus au niveau de l'entreprise. En l'espèce et nonobstant ces dispositions, la société Nestlé France s'est abstenue de saisir la commission paritaire territoriale de l'emploi.

Il résulte de l'ensemble de ces éléments que la société Nestlé France a manqué à son obligation de recherche de reclassement tant en interne qu'en externe. Le jugement sera donc confirmé en ce qu'il a dit que le licenciement de M. [Z] [O] était dépourvu de cause réelle et sérieuse, et ce, sans qu'il soit même nécessaire d'examiner les autres moyens soulevés par celui-ci.

Sur la demande de dommages et intérêts au titre du licenciement dénué de cause réelle et sérieuse

A la date de la rupture du contrat, M. [Z] [O], âgé de 44 ans, avait une ancienneté de 23 ans et 5 mois, son salaire mensuel moyen, primes incluses, s'élevait à la somme de 1 599,15 euros brut et il avait été embauché le 4 avril 2005, selon contrat à durée indéterminée, par la société S 2I en qualité de technicien de maintenance, avec un salaire brut mensuel de 2 400 euros.

Il a perçu de la société Nestlé France pour solde de tout compte la somme de 68 596,26 euros.

En application des dispositions de l'article L. 1235-3 du code du travail et compte tenu de sa situation de salarié au profit d'un autre employeur, son préjudice résultant de la perte de son emploi au sein de la société Nestlé sera plus exactement réparé par l'allocation d'une somme de 10 000 euros.

Le jugement sera donc infirmé en ce sens.

Sur l'application de l'article 700 du code de procédure civile et les dépens

L'équité commande d'allouer à M. [Z] [O] la somme de 500 euros au titre de ses frais irrépétibles exposés en cause d'appel.

La société Nestlé qui succombe supportera les entiers dépens.

PAR CES MOTIFS

La cour, statuant publiquement, contradictoirement, en matière prud'homale,

Vu l'arrêt avant dire droit en date du 29 janvier 2016,

Confirme le jugement déféré sauf sur l'indemnité allouée à M. [Z] [O] au titre de son licenciement sans cause réelle et sérieuse,

Statuant de nouveau et y ajoutant,

Condamne la société Nestlé à verser à M. [Z] [O] la somme de 10 000 euros au titre de l'indemnité pour licenciement sans cause réelle et sérieuse, outre celle de 500 euros en application de l'article 700 du code de procédure civile,

La condamne aux entiers dépens.

LE GREFFIERLE PRÉSIDENT


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel d'Aix-en-Provence
Formation : 18e chambre b
Numéro d'arrêt : 13/11168
Date de la décision : 10/06/2016

Références :

Cour d'appel d'Aix-en-Provence B8, arrêt n°13/11168 : Infirme partiellement, réforme ou modifie certaines dispositions de la décision déférée


Origine de la décision
Date de l'import : 27/03/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2016-06-10;13.11168 ?
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