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31/05/2016 | FRANCE | N°15/21396

France | France, Cour d'appel d'Aix-en-Provence, 11e chambre a, 31 mai 2016, 15/21396


COUR D'APPEL D'AIX-EN-PROVENCE

11e Chambre A



ARRÊT AU FOND

DU 31 MAI 2016



N° 2016/ 312













Rôle N° 15/21396







[K] [W]

[A] [D] épouse [W]

[E] [P]

[F] [P] épouse [Y]

[I] [P] épouse [X]

SARL BELVEDERE





C/



SNC PORT DU [Localité 4]











Grosse délivrée



le :



à :



Me Sandra JUSTON





Me Lau

rence LEVAIQUE



















Décision déférée à la Cour :



Jugement du Tribunal de Grande Instance de TOULON en date du 29 Octobre 2015 enregistré(e) au répertoire général sous le n° 13/05351.





APPELANTS





Monsieur [K] [W]

né le [Date naissance 1] 1932 à [Localité 1], demeurant [Adresse 2]

re...

COUR D'APPEL D'AIX-EN-PROVENCE

11e Chambre A

ARRÊT AU FOND

DU 31 MAI 2016

N° 2016/ 312

Rôle N° 15/21396

[K] [W]

[A] [D] épouse [W]

[E] [P]

[F] [P] épouse [Y]

[I] [P] épouse [X]

SARL BELVEDERE

C/

SNC PORT DU [Localité 4]

Grosse délivrée

le :

à :

Me Sandra JUSTON

Me Laurence LEVAIQUE

Décision déférée à la Cour :

Jugement du Tribunal de Grande Instance de TOULON en date du 29 Octobre 2015 enregistré(e) au répertoire général sous le n° 13/05351.

APPELANTS

Monsieur [K] [W]

né le [Date naissance 1] 1932 à [Localité 1], demeurant [Adresse 2]

représenté par Me Sandra JUSTON de la SCP BADIE SIMON-THIBAUD JUSTON, avocat au barreau d'AIX-EN-PROVENCE,

assisté par Me André TOUBOUL, substitué par Me Lauriane CHISS, avocat au barreau de PARIS

Madame [A] [D] épouse [W]

née le [Date naissance 3] 1933 à [Localité 3], demeurant [Adresse 2]

représentée par Me Sandra JUSTON de la SCP BADIE SIMON-THIBAUD JUSTON, avocat au barreau d'AIX-EN-PROVENCE,

assistée par Me André TOUBOUL, substitué par Me Lauriane CHISS, avocat au barreau de PARIS

Monsieur [E] [P]

né le [Date naissance 4] 1958 à [Localité 6], demeurant [Adresse 3]

représenté par Me Sandra JUSTON de la SCP BADIE SIMON-THIBAUD JUSTON, avocat au barreau d'AIX-EN-PROVENCE,

assisté par Me André TOUBOUL, substitué par Me Lauriane CHISS, avocat au barreau de PARIS

Madame [F] [P] épouse [Y]

née le [Date naissance 5] 1965 à [Localité 2], demeurant [Adresse 1]

représentée par Me Sandra JUSTON de la SCP BADIE SIMON-THIBAUD JUSTON, avocat au barreau d'AIX-EN-PROVENCE,

assistée par Me André TOUBOUL, substitué par Me Lauriane CHISS, avocat au barreau de PARIS

Madame [I] [P] épouse [X]

née le [Date naissance 2] 1962 à [Localité 2], demeurant [Adresse 4]

représentée par Me Sandra JUSTON de la SCP BADIE SIMON-THIBAUD JUSTON, avocat au barreau d'AIX-EN-PROVENCE,

assistée par Me André TOUBOUL, substitué par Me Lauriane CHISS, avocat au barreau de PARIS

SARL BELVEDERE Anciennement dénommée SCI BELVEDERE, prise en la personne de son représentant légal en exercice domicilié en cette quali té audit siège, demeurant [Adresse 2]

représentée par Me Sandra JUSTON de la SCP BADIE SIMON-THIBAUD JUSTON, avocat au barreau d'AIX-EN-PROVENCE, assistés par Me André TOUBOUL, substitué par Me Lauriane CHISS, avocat au barreau de PARIS

INTIME

SNC PORT DU [Localité 4] prise en la personne de son représentant légal en exercice domicilié en cette qualité au siège social sis, [Adresse 5]

représentée par Me Laurence LEVAIQUE de la SCP ERMENEUX-LEVAIQUE-ARNAUD & ASSOCIES, avocat au barreau d'AIX-EN-PROVENCE

assistée parMe Didier CAPOROSSI de l'Association FAURE-CAPOROSSI, avocat au barreau de TOULON,

*-*-*-*-*

COMPOSITION DE LA COUR

L'affaire a été débattue le 27 Avril 2016 en audience publique. Conformément à l'article 785 du Code de Procédure Civile, Madame Véronique BEBON, Présidente, a fait un rapport oral de l'affaire à l'audience avant les plaidoiries.

La Cour était composée de :

Mme Véronique BEBON, Présidente

Madame Frédérique BRUEL, Conseillère

Madame Sylvie PEREZ, Conseillère

qui en ont délibéré.

Greffier lors des débats : Madame Brigitte NADDEO.

Les parties ont été avisées que le prononcé de la décision aurait lieu par mise à disposition au greffe le 31 mai 2016.

ARRÊT

Contradictoire,

Prononcé par mise à disposition au greffe le 31 mai 2016.

Signé par Mme Véronique BEBON, Présidente et Madame Natacha BARBE greffier auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

* * *

EXPOSÉ DU LITIGE

Monsieur [B] [D], aux droits duquel vient l'indivision [D], était propriétaire de parcelles situées en bordure de la rivière du [Localité 4] à [Localité 5], cadastrées E [Cadastre 4] et E [Cadastre 5] (devenues aujourd'hui respectivement IH [Cadastre 2] et IH [Cadastre 1]).

Par acte du 25 Février 1971, il a donné à bail un terrain aux Consorts [U],(aux droits desquels vient la SNC PORT DU [Localité 4], désigné dans les termes suivants :« Une bande de terre nue, sur la rive Est du [Localité 4], ayant une longueur de 78 mètres à partir de la pointe extrême de a propriété de l'indivision [D]- [W], sur la rive Est du [Localité 4] en aval, et une largeur moyenne de 100 mètres, perpendiculairement à la même rive, soit une surface de 78 ares environ''.

La destination des lieux louée est ainsi définie:« Le terrain loué est à destination de gardiennage de bateaux, halages, mises à l'eau, entretien des bateaux (cette définition d'entretien dans un sens le plus large , peintures, réparations,etc...) ''.

Aux termes d'un avenant au bail en date du 25 juin 1974, Monsieur [B] [D] a autorisé les consorts [U] a construire un mur de quai en palplanches le long de la berge en précisant que : ' Le droit au présent bail comporte au profit de Messieurs [U], celui de, à leurs frais risques et périls .a) construire un mur de quai en palplanches sur la berge Sud-Est du [Localité 4], ce mur pouvant atteindre, sans la dépasser, la longueur de 22 mètres.

b) édifier un appontement en bois sur la même berge jusqu'à la baraque, les pontons devant être établis sur poteaux ou sur fers en U ou sur poutrelles ou surpalplanches.'

Le même avenant rappelle dans son article « DELIMITATIONS '' :«A ses frais, Monsieur [D], au long dela berge du [Localité 4], délimitera le reste non loué de sa propriété. Mais il se réservera l'assiette d'une facilité de passage au profit de Messieurs [U], de leurs représentants, de leurs salariés, des représentants de toute autorité. L'assiette devra être de largeur suffisante pour permettre, sans difficulté, l'entrée, la manoeuvre et la sortie de tout engin et drague, par exemple en cas de désensablement du [Localité 4]. La largeur de cette assiette ne pourra être supérieure à 4,50 mètres ''.

Le bail a été renouvelé à plusieurs reprises, les 13 Février 1984, 14 Novembre 1994, 13 Janvier 2005. A cette date, la facilité de passage a été portée à une largeur de 8 mètres.

Par acte du 6 juin 2010 l'indivision a signifié sa décision de ne pas renouveler le bail et par jugement du 25 août 2014, le tribunal de grande instance de TOULON a qualifié le bail de bail commercial en ordonnant avant dire droit une expertise afin de calculer l'indemnité d'éviction.

Cette procédure est toujours en cours.

Dans l'attente, la SNC PORT DU [Localité 4] s'est maintenue dans les lieux et a reproché à l'indivision [D], sous couvert d'une S.C.I BELVEDERE (devenue S.A.R.L BELVEDERE), ayant pour gérante Madame [W] née [D] et pour associés, les autres membres de l'indivision [D], d'avoir, à partir d'avril 2013, consenti à plusieurs propriétaires de bateaux un droit d'occupation le long de la parcelle IH [Cadastre 2] sur une longueur de 112m le permettant de s'amarrer à leur ponton et d' occuper le demi lit de la rivière à partir de la parcelle IH [Cadastre 2], alors que leur location commerciale porterait sur les parcelles IH [Cadastre 1] et IH [Cadastre 2] ou au moins sur la totalité de l'appontement créé en 2014 sur les deux parcelles.

L'indivision [D] a soutenu que seule la parcelle IH [Cadastre 1] avait été louée et que diverses juridictions, et notamment la Cour d'Appel d'Aix en Provence dans un arrêt du 30 juin 2011, avaient déjà statué sur l'exploitation illicite de la SNC du [Localité 4] de la parcelle IH [Cadastre 2] en violation des clauses du bail.

*****

**

Par acte du17 octobre 2014, la SNC DU PORT DU [Localité 4] a demandé au tribunal de grande instance de Toulon de mettre fin à la voie de fait dont elle s'estime victime et de procéder à l'expulsion de la SARL BELVEDERE et de l'indivision [D] de l'appontement situé le long des parcelles HI [Cadastre 2] (ancienne E [Cadastre 4]) et HI [Cadastre 1] (ancienne E [Cadastre 3]), propriété exclusive de la SNC DU PORT DU [Localité 4] et objet des baux dont elle serait titulaire.

Par jugement en date du 29 octobre 2015, le tribunal de grande instance de Toulon a notamment:

- dit que l'appontement en bois construit sur la berge Sud Est du [Localité 4] d'une longueur d'environ 150 mètres, situé sur la parcelle lH [Cadastre 1] et IH [Cadastre 2], appartenant à l'indivision [D], fait partie intégrante du bail consenti à la SNC PORT DU [Localité 4] par Monsieur [K] [W], Madame [I] [P], Monsieur [E] [P], Madame [F] [P] épouse [Y],et Madame [A] [D] épouse [W] (ci-après dénommés l'indivision [D]),

- ordonné en conséquence l'expulsion de la SCI BELVEDERE et de tout occupant de son chef de l'appontement édifié le long des parcelles IH [Cadastre 1] et lH [Cadastre 2] (dites HI [Cadastre 1] et HI [Cadastre 2] dans les écritures de la SNC PORT DU [Localité 4]),

- condamné in solidum l'indivision [D] et la SCI BELVEDERE à payer à la SNC PORT DU [Localité 4] la somme de 58 000.00 € à titre de dommages et intérêts dus en réparation du trouble de jouissance.

Par jugement en rectification d'erreur matérielle en date du 10 décembre 2015, le tribunal de grande instance de Toulon a précisé en sus du trouble de jouissance:

- Outre la somme de 2 000.00 € par mois à compter du mois d'octobre 2015, jusqu'à la parfaite libération des lieux.

Monsieur [K] [W], Madame [A] [D] épouse [W], Monsieur [E] [P], Madame [F] [P] épouse [Y], Madame [I] [P] épouse [X] et la S.A.R.L BELVEDERE anciennement dénommée S.C.I BELVEDERE ont interjeté appel de ces décisions les 3 et 28 décembre 2015.

Les affaires ont été jointes et les appelants autorisés à assigner à jour fixe le 11 décembre 2015 pour l'audience du 27 avril 2016.

Dans leurs dernières conclusions en date du 22 avril 2016 auxquelles il est fait expressément référence, les consorts [D] et la S.A.R.L BELVERDERE demandent à la cour de :

- confirmer le jugement du 29 octobre 2015 en ce qu'il a débouté la SNC PORT DU [Localité 4] de sa demande de dommages et intérêts complémentaires et de sa demande de condamnation au paiement d'une amende par infraction constatée ;

- infirmer les jugement du 29 octobre 2015 et 10 décembre 2015 en toutes leurs autres dispositions;

Et, statuant de nouveau :

A titre principal,

- dire et juger que les jugements du 29 octobre et du 10 décembre 2015 se heurtent à l'autorité de la chose jugée du jugement rendu le 12 décembre 2008 par le Tribunal d'Instance d'HYERES confirmé par l'arrêt définitif de la cour d'appel d'AIX-EN-PROVENCE du 30 juin 2011 ;

- débouter la SNC PORT DU [Localité 4] de l'ensemble de ses demandes, dirigées contre l'Indivision [D] et/ou la société BELVEDERE ;

A titre subsidiaire,

- dire et juger que la SNC PORT DU [Localité 4] n'avait pas l'autorisation d'édifier l'appontement en bois situé sur la berge de la parcelle IH[Cadastre 2] appartenant à l'indivision [D] et qu'il ne fait pas partie du bail consenti à la SNC PORT DU [Localité 4] par Monsieur [K] [W], Madame [I] [P], Monsieur [E] [P], Madame [F] [P] épouse [Y] et Madame [A] [D] épouse [W], ci- après dénommés Indivision [D],

- dire et juger que les membres de l'Indivision [D] et la SARL BELVEDERE n'ont commis aucune faute de nature à engager leur responsabilité,

- dire et juger que la SNC PORT DU [Localité 4] ne rapporte aucune preuve du chiffrage du préjudice qu'elle allègue ;

En conséquence,

- débouter la SNC PORT DU [Localité 4] de l'ensemble de ses demandes dirigées contre l'Indivision [D] et/ou la société BELVEDERE ;

A titre reconventionnel,

- condamner la SNC PORT DU [Localité 4] à payer à Monsieur [K] [W], Madame [A] [D] épouse [W], Madame [F] [P] épouse [Y], Madame [I] [P] épouse [X] et à Monsieur [E] [P] ainsi qu'à1a SARL BELVEDERE des dommages et intérêts d'un montant de 328.002 Euros en réparation du préjudice subi par les membres de 1'Indivision [D] ainsi que par la SARL BELVEDERE du fait de l'occupation indue par la SNC PORT DU [Localité 4] du demi-lit de la rivière ;

En tout état de cause,

- condamner la SNC PORT DU [Localité 4] à payer à Monsieur [K] [W], Madame [A] [D] épouse [W], Madame [F] [P] épouse [Y], Madame [I] [P] épouse [X] et à Monsieur [E] [P], ainsi qu'à la SARL BELVEDERE la somme de 15.000 € aux titre de leurs frais irrépétibles d'appel et de première instance en application de l'article 700 du Nouveau Code de procédure civile, outre les entiers dépens d'instance et d'appel.

Dans ses dernières conclusions en date du26 avril 2016 auxquelles il est fait expressément référence, la SNC PORT DU [Localité 4] demande à la cour de :

- confirmer le jugement rendu par le Tribunal de Grande Instance de Toulon en date du 29 octobre 2015 en ce qu'il a :

- dit que l'appontement en bois construit sur la berge Sud Est du [Localité 4] d'une longueur d'environ 150 mètres, situé sur la parcelle IH [Cadastre 1] et IH [Cadastre 2], appartenant a l'indivision [D], était partie intégrante du bail consenti à la SNC PORT DU [Localité 4] par Monsieur [K] [W], Madame [I] [P],Monsieur [E] [P], Madame [F] [P] épouse [Y], et Madame [A] [D] épouse [W] (ci-après dénommés l'indivision [D]) ;

- ordonné en conséquence l'expulsion de la SARL BELVEDERE et de tout occupant de son chef de l'appontement édifié le long des parcelles IH [Cadastre 1] et IH [Cadastre 2];

- déclaré irrecevable la demande de dommages intérêts formée par l'indivision [D] et la S.A.R.L BELVEDERE au titre de l'occupation indue du demi lit de la rivière par la SNC PORT DU [Localité 4] de 2007 à 2013 ;

- réformer pour le surplus les jugements rendus les 29 octobre 2015 et 10 décembre 2015 en ce qu'ils ont limité l'indemnisation de la SNC PORT DU [Localité 4] à la somme de 58 000.00 € et fixé l'indemnité due parla SARL BELVEDERE et l'indivision [D] jusqu'à la libération effective des lieux à la somme de 2 000.00 € mensuels ;

- condamner solidairement l'indivision [D] et la SARL BELVEDERE à régler à la SNC PORT DU [Localité 4] la somme de 3 000.00 € par mois, à compter du mois d'avril 2013 en réparation de la gêne occasionnés à I'activité jusquà la libération effective des lieux, soit 108000.00 € arrêtés au mois d'avril 2016.

- condamner solidairement la SARL BELVEDERE et l'indivision [D] à payer a la SNC PORT DU [Localité 4] la somme de 30.000 € à titre de dommages et intérêts, le tout en réparation de son préjudice de jouissance ;

- condamner solidairement la SARL DU BELVEDERE et l'indivision [D] à payer une amende de 5.000 € par infraction constatée.

- débouter la Sarl BELVEDERE et l'indivision [D] de l'intégralité de leurs demandes,

- condamner solidairement la Sarl BELVEDERE et l'indivision [D] à payer è la SNC PORT DU [Localité 4] la somme de 10.000 € sur le fondement des dispositions de l'article 700 du Code de procédure civile, outre les entiers dépens,

- les condamner aux entiers dépens, distraits au profit de la SCP ERMENEUX LEVAIQUE ARNAUD & ASSOCIES, Avocat sur son offre de droit.

MOTIFS DE LA DÉCISION

SUR LA CONSISTANCE DU BAIL

L'indivision [D] venant aux droits de Monsieur [B] [D], est propriétaire de parcelles situées en bordure de la rivière du [Localité 4] à [Localité 5], cadastrées E [Cadastre 4] et E [Cadastre 5] (devenues aujourd'hui respectivement IH [Cadastre 2] et IH [Cadastre 1]) ainsi que du demi lit de la rivière bordant la berge le long des deux parcelles.

Le bail de 1971 et son avenant de 1974 consenti sur cette propriété par leur auteur au profit des frères [U] aux droits desquels a été substituée la SNC PORT DU [Localité 4] a été renouvelé à plusieurs reprises, et pour la dernière fois le 13 janvier 2005 pour la période du 1er janvier 2002 au 31 décembre 2010, sans que ne soit fait référence expressément à l'une quelconque de ces deux parcelles.

En effet, celles-ci ne sont pas individualisées dans la description de la chose louée, et il n'est fait référence dans les actes précités à ce titre que ce soit avant ou après 1974 qu' 'à une bande de terrain nu, sur la rive Est du [Localité 4], d'une longueur de 78 mètres sur une largeur de 10 mètres'.

L'autorisation donnée au profit de messieurs [U] par l'avenant de 1974 leur permettait en outre à leurs frais, risques et périls,

' - de construire un mur en quai en palplanches sur la berge Sud-Est du [Localité 4], ce mur pouvant atteindre, sans la dépasser, la longueur de 22 mètres ''.

« - d'édifier un appontement en bois sur la même berge, jusqu'à la baraque, les pontons pouvant être établis sur poteaux ou sur fers en « U '' ou sur poutrelles ou sur palplanches ''.

Cette autorisation ne donne comme seule limite à la construction de l'appontement que 'la baraque', l'expert [Q] commis en 2012 dans une première ayant constaté que cette baraque n'existait plus.

Aucune référence cadastrale n'est produite par les parties pour déterminer l'implantation de la dite 'baraque' en 1974, le plan produit par l'indivision [D] daté du 10 novembre 2015 ne permettant pas d'identifier la construction qui y figure comme la baraque litigieuse au demeurant absentes des plans des parties établis en 2008 et produits devant l'expert [Q], et le renouvellement de 2005 envisageant en page 3 la possibilité pour la société locataire la possibilité d'édifier sur le terrain loué un hangar démontable en couverture légère en tole et everite non incorporé au sol.

Ni les attestations contradictoires de M [U], [N] et [C] ni les photographies aériennes ne permettent de suppléer cette absence de document officiel.

Pour autant, la SNC PORT DU [Localité 4] ne peut valablement soutenir qu'il aurait été définitivement jugé par le jugement du 25 octobre 2014 faisant suite à l'expertise [Q] que la totalité de l'appontement de 150 mètres existant sur place tout au long des parcelles IH [Cadastre 1] et [Cadastre 2] devait être intégrée dans l'assiette du bail rendant vain la recherche d'une quelconque limite, cette procédure n'ayant pour objet que de procéder à la qualification commerciale du bail au regard de la fixité et la solidité des ouvrages implantés sur la bande de terrain initialement louée et non d'apprécier la dimension exacte de l'appontement réalisé au regard de l'autorisation donnée.

Il convient par conséquent de se reporter aux actes eux mêmes pour apprécier les droits et la commune intention des parties.

Or il a été rappelé qu'aucun des actes conclus entre les parties que ce soit avant ou après 1974 n'a fait figurer l'assiette de l'appontement dans la consistance des lieux loués par extension du bail initial, y compris celui signé entre les parties présentes au litige le 13 janvier 2005.

En outre ces deux parties ont fait figurer la bande de terrain louée comme étant intégralement comprise dans la parcelle IH [Cadastre 1] sur les plans réciproquement remis à l'expert [Q] commis en 2012.

Par ailleurs, l'avenant de 1974 qui autorisait la construction de l'appontement laissait, aux termes de l'acte, subsister au profit de M. [D] la possibilité de créer lui-même un port sur la berge dépendant de sa propriété, l'avenant envisageant avant la création du port ( cas toujours actuel) a) un principal de base s'appliquant à la location du terrain passant de 3.000 francs à 5.000 francs par an, outre une redevance de 1f 10 par bateau mis à terre ou mis à l'eau, et b) un forfait s'appliquant à la jouissance de la berge de 2000 francs par an, l'avenant prévoyant dans la seconde hypothèse de la création d'un port un quadruplement de la valeur locative.

Ces dispositions, notamment dans son alinéa b) font référence à l'autre modification du bail initial contenue dans l'avenant et consistant pour M [D] de réserver sur la propriété non louée au long de la berge du [Localité 4] une facilité de passage au profit de Mrs [U] ou de ses représentants de largeur suffisante pour permettre sans difficulté l'entrée la manoeuvre et la sortie de tous engins et dragues, par exemple en cas d'ensablement du [Localité 4], la largeur de cette assiette ne pouvant être supérieure à 4 m 50, étendue à 8m dans le bail renouvelé de 2005.

Il s'en déduit que l'autorisation de construire un appontement n'induisait ni l'intégration de cette berge dans l'assiette du bail, ni la possibilité de construire un ouvrage permanent sur la parcelle IH [Cadastre 2], au regard de la facilité de passage uniquement consentie sur cette parcelle pour permettre l'entrée, la manoeuvre et le passage des engins et dragues et non les bateaux eux mêmes gardiennés sur le terrain pour réparation, leur halage ou leur mise à l'eau étant simplement autorisée par le mur de quai et la partie de l'appontement autorisée conduisant les experts judiciaires [Q] et [L], ce dernier étant désigné pour permettre le chiffrage de l'indemnité d'éviction de l'affaire encore pendante, de qualifier la chose louée comme ' un port sec avec accès à l'eau'.

C'est d'ailleurs dans ce sens que le bail a été renouvelé entre les parties actuelles le 13 janvier 2005, l'appontement de 150 mètres finalement réalisé en 1974 sur la berge de la totalité des deux parcelles IH [Cadastre 1] et IH [Cadastre 2] n'étant pas intégrée dans l'assiette de la chose louée encore une fois limitée à la bande de terrain de 78 mètres de long, étant seulement précisé en bas de page 'qu'il était réservé le long du ponton, l'assiette d'une facilité de passage d'une largeur de 8 mètres destinée à permettre à permettre l'entrée, la manoeuvre et la sortie de tous engins et dragues, par exemple en cas d'ensablement du [Localité 4]'.

Il a été définitivement jugé par l'arrêt du 30 juin 2011 rendu par la cour d'appel D'Aix- en-Provence que les bailleurs ont pu tolérer pendant plusieurs années y compris de 2005 à 2007 une utilisation non conforme de l'assiette de passage en parking ainsi qu'une activité non prévue au bail de location d'emplacements de bateaux avec utilisation du demi lit de la rivière aux fins de poste de mouillage, mais que l'augmentation du loyer ne pouvait suffire à établir leur accord à modifier la consistance ou la destination des lieux par ailleurs expressément rappelées dans l'acte du 13 janvier 2005.

A été ainsi confirmé le jugement qui a 'ordonné l'expulsion de la SAC Port du [Localité 4] du demi lit de la rivière le long de la parcelle E [Cadastre 4] ( IH [Cadastre 2]) et le long des lieux loués parcelle E [Cadastre 3]( IH [Cadastre 1]) ce qui impliquait la remise en état du demi lit de la rivière, de telle sorte que ne subsiste que le mur sur berge et l'appontement autorisé par l'avenant de 1974 et a ordonné la remise en état du terrain servant d'assiette à la facilité de passage en son état initial, ce qui implique le retrait de la clôture par elle installée au bord de cette bande de terrain'.

S'il n'a pas été définitivement statué par cet arrêt sur la longueur de l'appontement tel qu'autorisé en 1974, ce qui interdit de considérer l'autorité de la chose jugée invoquée par l'indivision [D] mais également l'exception de concentration des moyens invoquée par la SAC DU [Localité 4], les bailleurs ne pouvant à l'avance pressentir que la locataire se maintiendrait pour partie sur la parcelle IH [Cadastre 2], il ressort de ce qui précède que la société locataire ne peut revendiquer aucun droit sur la partie de l'appontement qui excède la parcelle IH [Cadastre 1] que ce soit au titre de l'assiette du bail qui ne l'intègre pas, ni au titre de la facilité de passage sur terre réservée uniquement au passage ponctuel d'engins ou dragues nécessaires par exemple au désensablement du [Localité 4] , le dit passage excluant la construction en dur d'ouvrages permanents sur sa surface dont fait partie la berge.

La simple tolérance dont a fait preuve l'indivision [O] au titre du dépassement de l'appontement sur la parcelle IH [Cadastre 2] tant qu'elle n'avait envisagé elle même l'exploitation commerciale d'un port et à laquelle elle a entendu mettre fin par la sommation du 1er juin 2007 au regard des infractions relevées n'est pas créatrice de droit et il n'y a pas lieu d'opérer de distinction entre le mouillage d'un bateau sur le demi lit de la rivière interdit par la décision du 30 juin 2011 et l'ancrage d'un bateau sur l'appontement qui lui fait face sur la parcelle IH [Cadastre 2].

SUR LES DOMMAGES ET INTÉRÊTS

Le rejet de la demande principale de la SAC [Localité 4] qui revendiquait son droit d'occupation sur l'appontement existant sur la parcelle IH [Cadastre 2] entraine le rejet des demandes qui en sont l'accessoire, étant précisé qu'il n'est pas établi que la jouissance de son exploitation ait été perturbé sur la parcelle IH [Cadastre 1].

L'arrêt de la cour d'appel du 30 juin 2011 infirmant sur ce point le jugement du tribunal d'instance d'Hyeres a fondé son octroi de dommages et intérêts à l'indivision [D] à hauteur de 12 000€ par an jusqu'à libération effective du demi lit de la rivière occupé indûment sur la motivation suivante:

' Attendu que qu 'il convient d 'observer que Monsieur [D] n 'a pas donné suite au projet de réaliser lui-même un port dans le lit du [Localité 4] ainsi qu 'il s 'en était réservé la possibilité aux termes du bail en date du 25 février 1971, que ses ayants droit n 'établissent aucunement qu 'ils auraient été en mesure d 'assurer personnellement depuis 2007 la même exploitation que celle de l 'appelante et qu 'ils en auraient tire' les mêmes revenus ;Attendu dès lors que le préjudice subi par les intimés ne peut s'analyser que comme une perte de chance de titrer des revenus de la partie de leur propriété occupée indûment par la SAC PORT DU[Localité 4] ;Attendu qu 'au vu des éléments du dossier, ce préjudice peut être chiffré à la somme de 12.000 euros par an ''.

Il en résulte que la perte de chance pour la période considérée et aujourd hui réclamée par l'indivision [D] ' au titre du préjudice subi par eux du fait de la non exploitation d'une partie du demi lit de 2007 à 2013" a dores et déjà été indemnisée, la présence d'un bateau au mouillage par ancrage dans le lit de la rivière ou par appontement sur la partie non autorisée occupant sur l'eau la même surface.

Par conséquent et sur ce point, la SAC PORT DU [Localité 4] invoque à juste titre l'irrecevabilité de la demande, l'indivision [D] n'invoquant pas de préjudice pour la période postérieure et la S.A.R.L BELVEDERE n'ayant eu l'autorisation d'exploiter commercialement cette partie du demi lit de la rivière qu'au moment où elle a mis les statuts de la société familiale en adéquation pour passer d'une S.C.I à une S.A.R.L BELVEDERE, soit à compter du 23 mars 2015, rendant ainsi vaine toute méthode de calcul basée sur un chiffre d'affaire potentiel antérieurement à cette date.

Dans ces conditions, il y a lieu de déclarer irrecevable la demande reconventionnelle en dommages et intérêts des consorts [D] et de la rejeter pour la S.A.R.L BELVEDERE.

Les dépens seront laissés à la charge de la SAC PORT DU [Localité 4], partie perdante qui sera condamnée en outre à verser aux appelants la somme de 10 000€ sur le fondement des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile.

PAR CES MOTIFS

LA COUR, statuant publiquement, par décision contradictoire, après en avoir délibéré,

Infirme la décision rectifiée entreprise,

Statuant à nouveau sur le tout pour plus de clarté,

Dit que la partie de l'appontement en bois située sur la berge de la parcelle IH[Cadastre 2] appartenant à l'indivision [D] ne fait pas partie du bail consenti à la SAC PORT DU [Localité 4] ;

Rejette l'ensemble des demandes présentées par la SAC PORT DU [Localité 4] à l'encontre de Monsieur [K] [W], Madame [I] [P], Monsieur [E] [P], Madame [F] [P] épouse [Y] et Madame [A] [D] épouse [W] et de la S.A.R.L BELVEDERE,

Déclare irrecevable la demande reconventionnelle de dommages intérêts formée par Monsieur [K] [W], Madame [I] [P], Monsieur [E] [P], Madame [F] [P] épouse [Y] et Madame [A] [D] épouse [W] et rejette cette même demande présentée par la S.A.R.L BELVEDERE au titre de l'occupation indue par la SAC PORT DU [Localité 4] de 2007 à 2013,

Condamne la SAC PORT DU [Localité 4] à payer à Monsieur [K] [W], Madame [A] [D] épouse [W], Madame [F] [P] épouse [Y], Madame [I] [P] épouse [X] et à Monsieur [E] [P] ainsi qu'à 1a SARL BELVEDERE la somme de 10.000 € aux titre de leurs frais irrépétibles d'appel et de première instance en application de l'article 700 du Code de procédure civile, outre les entiers dépens d'instance et d'appel, et autorise les avocats de la cause qui en ont fait la demande, à recouvrer directement ceux d'appel dont ils auraient fait l'avance sans avoir reçu de provision dans les conditions de l'article 699 du code de procédure civile.

LA GREFFIÈRE, LA PRÉSIDENTE,


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel d'Aix-en-Provence
Formation : 11e chambre a
Numéro d'arrêt : 15/21396
Date de la décision : 31/05/2016

Références :

Cour d'appel d'Aix-en-Provence A1, arrêt n°15/21396 : Infirme la décision déférée dans toutes ses dispositions, à l'égard de toutes les parties au recours


Origine de la décision
Date de l'import : 27/03/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2016-05-31;15.21396 ?
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