DECISION DE NON TRANSMISSION D'UNE QUESTION PRIORITAIRE DE CONSTITUTIONNALITÉ
DU 24 MAI 2016
No 2016/ 57
Rôle No 16/ 00057
Camille X...
C/
DIRECTEUR DU CH DIGNE LES BAINS MINISTERE PUBLIC Anne-Marie X...
Copie adressée : par télécopie le : 24/ 05/ 2016 à : M. Camille X... M. Le directeur du centre hospitalier de Digne les Bains Me Laurent Friouret JLD de Digne les Bains
par courrier à : Anne-Marie X...
Décision déférée à la Cour :
Ordonnance rendue par le Juge des libertés et de la détention de DIGNE-LES-BAINS en date du 03 Mai 2016 enregistrée au répertoire général sous le no 2016/ 00058.
APPELANT
Monsieur Camille X... né le 10 Octobre 1981 à CAYENNE (97300), demeurant ...-83440 CALLIAN
actuellement hospitalisé au Centre Hospitalier de Digne les Bains
comparant et assisté par Maître par Me Laurent Friouret avocat au Barreau de Castres
INTIME
M. le DIRECTEUR DU CENTRE HOSPITALIER DE DIGNE LES BAINS
Non comparant
EN PRESENCE DE :
Madame Anne-Marie X... (tiers demandeur)
PARTIE JOINTE
PROCUREUR GENERAL PRES LA COUR D'APPEL D'AIX-EN-PROVENCE
non comparant ayant déposé des conclusions écrites
DEBATS
L'affaire a été débattue le 19 Mai 2016, en audience publique, devant Madame Rachel ISABEY, Conseiller, déléguée par ordonnance de la Première Présidente en date du 12 décembre 2011, en application des dispositions de l'article L. 3211-12-4 du code de la santé publique.
Greffier lors des débats : Mme Agnès SOULIER.
Les parties ont été avisées que le prononcé de la décision aurait lieu par mise à disposition au greffe le 24 Mai 2016.
L'affaire au fond a été débattue à la même date avec prononcé de la décision par mise à disposition au greffe le 24 mai 2016.
En application de l'article 61-1 de la Constitution, lorsque, à l'occasion d'une instance en cours devant une juridiction, il est soutenu qu'une disposition législative porte atteinte aux droits et libertés que la Constitution garantit, le Conseil constitutionnel peut être saisi de cette question sur renvoi du Conseil d'Etat ou de la Cour de cassation qui se prononce dans un délai déterminé. En application de l'article 23-1 de l'ordonnance no58-1067 du 7 novembre 1958 portant loi organique sur le Conseil constitutionnel, devant les juridictions relevant du Conseil d'Etat ou de la Cour de cassation, le moyen tiré de ce qu'une disposition législative porte atteinte aux droits et libertés garantis par la Constitution est, à peine d'irrecevabilité, présenté dans un écrit distinct et motivé. Devant une juridiction relevant de la Cour de cassation, lorsque le ministère public n'est pas partie à l'instance, l'affaire lui est communiquée dès que le moyen est soulevé afin qu'il puisse faire connaître son avis.
En l'espèce, Camille X... prétend que l'article L 3211-11 du code de la santé publique porte atteinte aux droits et libertés que la Constitution garantit et notamment à la liberté d'aller et de venir, au droit au respect de la vie privée et à l'inviolabilité du corps humain. Il fait valoir que cette disposition offre au médecin la possibilité de changer les modalités de soins (d'un programme de soins à une hospitalisation complète) sur le seul critère de l'évolution de l'état de santé du patient et sans référence aux conditions justifiant une hospitalisation complète initiale à la demande d'un tiers (impossibilité de recueillir le consentement et nécessité d'une surveillance médicale constante). Il soutient par ailleurs que l'article L 3211-11 du code de la santé publique ne prévoit aucune exigence de motivation de la décision de ré-hospitalisation prise par le directeur de l'établissement. Il en conclut que cette disposition porte une atteinte disproportionnée aux principes constitutionnels.
La présente affaire a été communiquée au Parquet Général le 18 mai 2016 qui a fait connaître son avis le 19 mai 2016. Le ministère public expose que la question posée est dépourvue de caractère sérieux dès lors que la réhospitalisation complète après élaboration d'un programme de soins suppose l'établissement d'un certificat médical circonstancié par le psychiatre qui participe à la prise en charge du malade et qui avait donc précédemment proposé un protocole de soins et s'inscrit en conséquence dans l'esprit même de la loi qui est d'assurer les soins psychiatriques sous la forme la plus appropriée. Il rappelle d'autre part, que dès lors que le patient se trouve soumis au régime de l'hospitalisation complète, il relève du contrôle obligatoire du juge des libertés et de la détention, garant des libertés individuelles.
MOTIFS DE LA DECISION :
Sur la recevabilité du moyen tiré de l'atteinte aux droits et libertés garantis par la Constitution :
En l'espèce, le moyen tiré de l'atteinte aux droits et libertés garantis par la Constitution a été présenté le 18 mai dans un écrit distinct des conclusions de Camille X..., et motivé. Il est donc recevable.
Sur la transmission de la question prioritaire de constitutionnalité à la Cour de cassation : L'article 23-2 de l'ordonnance précitée dispose que la juridiction transmet sans délai et dans la limite de deux mois la question prioritaire de constitutionnalité à la Cour de cassation si les conditions suivantes sont remplies : 1° La disposition contestée est applicable au litige ou à la procédure, ou constitue le fondement des poursuites ; 2° Elle n'a pas déjà été déclarée conforme à la Constitution dans les motifs et le dispositif d'une décision du Conseil constitutionnel, sauf changement des circonstances ; 3° La question n'est pas dépourvue de caractère sérieux.
En l'espèce il n'est pas contesté que la disposition visée est applicable au litige dès lors que la décision de réadmission de M. X... en hospitalisation complète est fondée sur l'article L 3211-11 du code de la santé publique.
De même il n'apparaît pas que la Cour de Cassation ou le Conseil Constitutionnel ait été précédemment saisi d'une telle question dont l'examen serait en cours et la règle discutée n'a pas déjà été déclarée conforme à la constitution.
En revanche la disposition contestée est dépourvue de caractère sérieux.
Aux termes de l'article L 3211-11 du code de la santé publique, modifié par la loi du 5 juillet 2011 " Le psychiatre qui participe à la prise en charge du patient peut proposer à tout moment de modifier la forme de la prise en charge mentionnée à l'article L. 3211-2-1 pour tenir compte de l'évolution de l'état de la personne. Il établit en ce sens un certificat médical circonstancié. Le psychiatre qui participe à la prise en charge du patient transmet immédiatement au directeur de l'établissement d'accueil un certificat médical circonstancié proposant une hospitalisation complète lorsqu'il constate que la prise en charge de la personne décidée sous une autre forme ne permet plus, notamment du fait du comportement de la personne, de dispenser les soins nécessaires à son état. Lorsqu'il ne peut être procédé à l'examen du patient, il transmet un avis établi sur la base du dossier médical de la personne ".
L'objectif de la loi du 5 juillet 2011est d'adapter les dispositions légales à l'évolution des soins psychiatriques et des thérapeutiques qui permettent à des patients d'être pris en charge autrement qu'en hospitalisation complète, sous une autre forme incluant des soins ambulatoires.
La spécificité de ce dispositif est qu'il peut être modifié à tout moment pour tenir compte de l'évolution de l'état de santé du patient résultant notamment du non respect du protocole de soins par le patient
La possibilité pour le patient d'être de nouveau hospitalisé à temps plein apparaît ainsi comme la sanction des obligations de soins imposées.
Dans cet esprit de contractualisation des soins ordonnés, le changement des modalités de soins et la réadmission en hospitalisation complète ne peuvent être subordonnés aux conditions fixées par l'article L 3212-1 du code de la santé publique.
La nouvelle hospitalisation complète suppose en revanche, pour garantir toutes atteintes disproportionnées aux droits et libertés individuelles, l'établissement d'un certificat médical circonstancié et implique un contrôle obligatoire par le juge des libertés et de la détention à 12 jours.
Il est ainsi assuré la conciliation entre d'une part la protection de la santé des personnes souffrant de troubles mentaux et d'autre part l'exercice des libertés constitutionnellement garanties.
Il n'y a donc pas lieu de transmettre à la Cour de cassation une question prioritaire de constitutionnalité.
PAR CES MOTIFS :
Statuant publiquement par ordonnance mise à disposition au greffe de la juridiction, réputée contradictoire, et susceptible de recours dans les conditions de l'article 23-2 alinéa 3 de l'ordonnance n° 58-1067 du 7 novembre 1958 portant loi organique sur le Conseil constitutionnel,
REJETONS la demande de transmission à la Cour de cassation de la question prioritaire de constitutionnalité formulée par mémoire écrit du conseil de Camille X... reçu le 18 mai 2016.