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06/05/2016 | FRANCE | N°15/05180

France | France, Cour d'appel d'Aix-en-Provence, 14e chambre, 06 mai 2016, 15/05180


COUR D'APPEL D'AIX EN PROVENCE

14e Chambre



ARRÊT AU FOND

DU 06 MAI 2016



N°2016/599





Rôle N° 15/05180







[Q] [S]





C/



CAISSE PRIMAIRE D'ASSURANCE MALADIE DES ALPES MARI TIMES

SA HSBC FRANCE



MNC - MISSION NATIONALE DE CONTROLE ET D'AUDIT DES ORGANISMES DE SECURITE SOCIALE















Grosse délivrée

le :



à :



Me Rémi BOULVERT



Me Stépha

ne CECCALDI



Me Zora VILLALARD























Copie certifiée conforme délivrée aux parties le :





Décision déférée à la Cour :



Jugement du Tribunal des Affaires de Sécurité Sociale de NICE en date du 19 Février 2015,enregistré au répertoire général sous l...

COUR D'APPEL D'AIX EN PROVENCE

14e Chambre

ARRÊT AU FOND

DU 06 MAI 2016

N°2016/599

Rôle N° 15/05180

[Q] [S]

C/

CAISSE PRIMAIRE D'ASSURANCE MALADIE DES ALPES MARI TIMES

SA HSBC FRANCE

MNC - MISSION NATIONALE DE CONTROLE ET D'AUDIT DES ORGANISMES DE SECURITE SOCIALE

Grosse délivrée

le :

à :

Me Rémi BOULVERT

Me Stéphane CECCALDI

Me Zora VILLALARD

Copie certifiée conforme délivrée aux parties le :

Décision déférée à la Cour :

Jugement du Tribunal des Affaires de Sécurité Sociale de NICE en date du 19 Février 2015,enregistré au répertoire général sous le n° 21001033.

APPELANTE

Madame [Q] [S], demeurant [Adresse 3] / FRANCE

représentée par Me Rémi BOULVERT, avocat au barreau de NICE

INTIMÉES

CAISSE PRIMAIRE D'ASSURANCE MALADIE DES ALPES MARI TIMES, demeurant [Adresse 2] / FRANCE

représentée par Me Stéphane CECCALDI, avocat au barreau de MARSEILLE

SA HSBC FRANCE, demeurant [Adresse 1] / FRANCE

représentée par Me Zora VILLALARD, avocat au barreau de PARIS

PARTIE INTERVENANTE

MNC - MISSION NATIONALE DE CONTROLE ET D'AUDIT DES ORGANISMES DE SECURITE SOCIALE, demeurant [Adresse 4]

défaillant

*-*-*-*-*

COMPOSITION DE LA COUR

En application des dispositions de l'article 945-1 du Code de Procédure Civile, l'affaire a été débattue le 24 Mars 2016, en audience publique, les parties ne s'y étant pas opposées, devant Madame Marie-Claude REVOL, Conseiller, chargé d'instruire l'affaire.

Ce magistrat a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la Cour composée de :

M. Gérard FORET-DODELIN, Président

Madame Marie-Claude REVOL, Conseiller

Monsieur Jean-Luc CABAUSSEL, Conseiller

Greffier lors des débats : Monsieur Kamel BENKHIRA.

Les parties ont été avisées que le prononcé de la décision aurait lieu par mise à disposition au greffe le 06 Mai 2016

ARRÊT

Contradictoire,

Prononcé par mise à disposition au greffe le 06 Mai 2016

Signé par M. Gérard FORET-DODELIN, Président et Monsieur Kamel BENKHIRA, greffier auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

EXPOSE DU LITIGE

Le 19 novembre 2008, [Q] [S], salariée de la S.A. HSBC FRANCE en qualité de conseillère de clientèle, a souscrit une déclaration de maladie professionnelle au titre d'une dépression sévère. Elle a joint le certificat médical initial du 23 juin 2008. La Caisse Primaire d'Assurance Maladie des Alpes Maritimes a refusé de reconnaître l'origine professionnelle de la maladie car le taux d'incapacité de [Q] [S] était inférieur à 25 %. Le tribunal du contentieux de l'incapacité, saisi par [Q] [S], a fixé le taux d'incapacité à plus de 25 %. La caisse a saisi pour avis le comité régional de reconnaissance des maladies professionnelles de la région de MARSEILLE. Sur avis défavorable de ce dernier, la caisse a refusé de prendre en charge la pathologie au titre de la législation sur les risques professionnels.

Après rejet de sa contestation par la commission de recours amiable, [Q] [S] a saisi le tribunal des affaires de sécurité sociale des Alpes Maritimes.

Par jugement du 17 octobre 2013, le tribunal des affaires de sécurité sociale a saisi le comité régional de reconnaissance des maladies professionnelles de la région de MONTPELLIER qui a également donné un avis défavorable.

Par jugement du 19 février 2015, le tribunal des affaires de sécurité sociale a :

- rejeté les pièces numérotées 1 à 39 de [Q] [S],

- débouté [Q] [S] de ses demandes,

- condamné [Q] [S] à verser à la S.A. HSBC FRANCE la somme de 2.000 euros en application de l'article 700 du code de procédure civile,

- rejeté les autres demandes.

Le jugement a été notifié le 25 mars 2015 à [Q] [S] qui a interjeté appel le 27 mars 2015.

Par conclusions visées au greffe le 24 mars 2016 maintenues et soutenues oralement à l'audience, [Q] [S] :

- soutient qu'elle bénéficie d'une reconnaissance implicite du caractère professionnel de sa maladie depuis le 19 mai 2009 dans la mesure où la Caisse Primaire d'Assurance Maladie n'a pas respecté les délais impartis pour effectuer son instruction,

- sur le fond, prétend que la maladie a été provoquée par le travail et que les juridictions ne sont pas tenues par les avis des comités régionaux de reconnaissance des maladies professionnelles,

- s'en rapporte sur la question de l'opposabilité de la décision de la caisse à l'employeur,

- demande que sa maladie déclarée le 26 novembre 2008 soit jugée maladie professionnelle,

- sollicite la condamnation de la caisse à lui verser la somme de 4.000 euros en application de l'article 700 du code de procédure civile.

Par conclusions visées au greffe le 24 mars 2016 maintenues et soutenues oralement à l'audience, la Caisse Primaire d'Assurance Maladie des Alpes Maritimes :

- réplique que l'article R. 441-10 du code de la sécurité sociale ne s'applique pas à la cause, qu'elle a respecté les délais d'instruction et que la sanction de la reconnaissance implicite de la maladie professionnelle n'est pas encourue,

- sur le fond, se prévaut des avis des deux comités régionaux de reconnaissance des maladies professionnelles successivement saisis pour voir rejeter la demande de [Q] [S],

- à titre subsidiaire, objecte à la demande d'inopposabilité présentée par l'employeur qu'elle a respecté le principe du contradictoire tout au long de l'instruction,

- sollicite la somme de 2.000 euros en application de l'article 700 du code de procédure civile.

Par conclusions visées au greffe le 24 mars 2016 maintenues et soutenues oralement à l'audience, la S.A. HSBC FRANCE :

- conteste toute reconnaissance implicite de la maladie professionnelle, la caisse ayant respecté les délais légaux et le troisième alinéa de l'article R. 441-10 du code de la sécurité sociale ne s'appliquant pas,

- affirme que la maladie n'a pas une origine professionnelle, faute de preuve d'un lien direct avec la situation professionnelle,

- soulève l'inopposabilité à son égard de la décision de la caisse du 20 mai 2009 et fait valoir que la caisse ne l'a jamais informée ni du déroulement de l'instruction, ni de la clôture de l'instruction, ni de la date à laquelle elle rendrait sa décision, ni de la possibilité de consulter le dossier,

- allègue l'inopposabilité à son égard de la procédure complémentaire devant le comité régional de reconnaissance des maladies professionnelles et de la décision de la caisse du 5 novembre 2012 dans la mesure où la caisse ne l'a pas avisée de la réouverture de l'instruction, de la saisine du comité, de la possibilité de consulter le dossier et de la décision de refus de prise en charge postérieure à la saisine du comité,

- sollicite la condamnation de [Q] [S] à lui verser la somme de 2.000 euros en application de l'article 700 du code de procédure civile et à acquitter les dépens.

MOTIFS DE LA DECISION

Sur l'instruction du dossier par la caisse :

La procédure d'instruction du dossier par la caisse s'est déroulée en deux temps.

La première phase de la procédure d'instruction :

La Caisse Primaire d'Assurance Maladie a réceptionné la déclaration de maladie professionnelle le 26 novembre 2008. Elle a avisé la salariée par lettre du 10 décembre 2008 et l'employeur par lettre du 11 décembre 2008. La caisse a diligenté une enquête administrative. Par lettre du 18 février 2009, la caisse a informé la salariée et l'employeur de la nécessité d'un délai complémentaire d'instruction. La lettre destinée à la salariée a été postée le 19 février 2009 et celle destinée à l'employeur le 20 février 2009. Par lettre du 15 mai 2009 expédiée sous pli recommandée le 20 mai 2009, la caisse a informé [Q] [S] qu'elle ne reconnaissait pas l'origine professionnelle de la maladie. [Q] [S] a contesté cette décision et la caisse a répondu par lettre postée le 3 juin 2009. Le 21 janvier 2010, la caisse a convoqué [Q] [S] devant son médecin conseil. Par lettre du 10 février 2010, la caisse a notifié à [Q] [S] qu'elle ne prenait pas en charge la pathologie au titre de la législation sur les risques professionnels et, ce, en application du deuxième alinéa de l'article L. 461-1 du code de la sécurité sociale. La lettre précisait que le médecin conseil avait fixé le taux d'incapacité à moins de 25 % et lui donnait connaissance de son droit de saisir la commission de recours amiable et le tribunal du contentieux de l'incapacité. Par lettre du même jour, la caisse a avisé l'employeur. Par lettre du 20 avril 2010, la caisse a informé l'employeur que sa décision de rejet avait été contestée par la salariée. Par lettre du 20 juin 2011, la caisse a donné connaissance à l'employeur de la décision de la commission de recours amiable.

La seconde phase de la procédure d'instruction :

[Q] [S] a saisi le tribunal du contentieux de l'incapacité le 20 mars 2010. Par jugement du 22 septembre 2011, le tribunal du contentieux de l'incapacité a fixé l'incapacité à un taux supérieur à 25 %.

Le 27 octobre 2011, la caisse a informé [Q] [S] qu'elle soumettait le dossier au comité régional de reconnaissance des maladies professionnelles pour son étude dans le cadre du quatrième alinéa de l'article L. 461-1 du code de la sécurité sociale. Le comité de la région de MARSEILLE a estimé qu'il existe un lien direct entre l'état dépressif et les conditions de travail décrites mais que d'autres événements médicaux et personnels retentissent également sur l'état de santé et qu'en conséquence, il ne retenait pas un lien direct et essentiel entre l'état anxio-dépressif et la profession exercée. Par lettre du 5 novembre 2012 postée le 7 novembre 2012, la caisse a notifié à [Q] [S] sa décision de ne pas reconnaître l'origine professionnelle de la maladie. Le 12 novembre 2012, la caisse a communiqué à l'employeur l'avis du comité.

Sur la reconnaissance implicite de la maladie professionnelle :

[Q] [S] soutient qu'elle bénéficie d'une reconnaissance implicite du caractère professionnel de sa maladie depuis le 19 mai 2009 et se fonde sur le déroulement de la première phase de l'instruction de son dossier par la caisse.

L'article R. 461-9 du code de la sécurité sociale, dans sa rédaction applicable à la cause, écarte la mise en 'uvre de l'article R. 441-10 du même code en cas de reconnaissance de l'origine professionnelle d'une maladie dans les conditions prévues aux troisième et quatrième alinéas de l'article L. 461-1.

Bien que la décision de refus du 10 février 2010 vise expressément le deuxième alinéa de l'article L. 461-1 du code de la sécurité sociale, l'instruction du dossier par la caisse a été réalisée pour une pathologie ne figurant au tableau des maladies professionnelles.

Il s'ensuit que l'article R. 441-10 du code de la sécurité sociale qui sanctionne le défaut de respect des délais d'instruction par la reconnaissance implicite du caractère professionnel de la maladie ne s'applique pas à la cause.

En conséquence, [Q] [S] doit être déboutée de sa demande de reconnaissance implicite du caractère professionnel de la maladie déclarée le 19 novembre 2008.

Le jugement entrepris doit être confirmé.

Sur l'origine professionnelle de la maladie :

L'article L. 461-1 du code de la sécurité sociale permet de reconnaître l'origine professionnelle d'une maladie non désignée dans un tableau des maladies professionnelles lorsqu'il est établi qu'elle est essentiellement et directement causée par le travail habituel de la victime et qu'elle entraîne une incapacité permanente d'un taux d'au moins 25 %.

Le tribunal du contentieux de l'incapacité a fixé l'incapacité à un taux supérieur à 25 %. La seconde condition posée par le texte est donc satisfaite ce que les parties ne remettent pas en cause.

Est en litige la première condition de reconnaissance de la maladie professionnelle, à savoir le lien entre la pathologie et le travail.

Le comité de la région de MARSEILLE a estimé qu'il existait un lien direct entre l'état dépressif et les conditions de travail décrites mais que d'autres événements médicaux et personnels retentissent également sur l'état de santé. Le comité de la région de MONTPELLIER a relevé que «L'examen des pièces communiquées et notamment l'expertise médicale du docteur [U] du 01.06.2011 ne permet pas d'objectiver un état antérieur psychiatrique constitué. Tout au plus, une certaine vulnérabilité qui ne remet pas en cause un lien direct et essentiel entre la symptomatologie observée et la situation conflictuelle décrite au plan relationnel, professionnel». Il a ensuite conclu que «la pathologie mentionnée par le certificat du docteur [E] en date du 23/06/2008 n'est pas essentiellement et directement causée par le travail habituel de madame [Q] [S]».

Aucune des parties n'élèvent une discussion relative à la réunion des comités.

Les deux comités ont rendu un avis défavorable à la prise en charge de la maladie au titre de la législation sur les risques professionnels. Par contre, les deux comités ont retenu qu'il existait un lien direct entre l'état dépressif et les conditions de travail décrites et le second comité a, en outre, qualifié ce lien d'essentiel.

L'article L. 461-1 du code de la sécurité sociale exige un lien direct et essentiel entre la maladie et la profession mais n'impose pas que le travail habituel soit la cause unique de la maladie.

Il s'évince donc des constatations des deux comités que la condition posée par l'article L. 461-1 du code de la sécurité sociale et tenant à l'existence d'un lien direct et essentiel entre la maladie et la profession est satisfaite.

En conséquence, la maladie déclarée le 19 novembre 2008 par [Q] [S] doit être prise en charge au titre de la législation sur les risques professionnels et [Q] [S] doit être renvoyée devant la Caisse Primaire d'Assurance Maladie des Alpes Maritimes pour la liquidation de ses droits.

Le jugement entrepris doit être infirmé.

Sur l'opposabilité à l'employeur de la décision de prise en charge :

La Caisse Primaire d'Assurance Maladie n'a jamais reconnu l'origine professionnelle de la maladie. Cette reconnaissance résulte de la présente décision juridictionnelle prononcée à l'issue d'une procédure contradictoire à laquelle la S.A. HSBC FRANCE était partie et a pu faire valoir ses moyens de défense. Dans ces conditions, le déroulement de l'instruction par la caisse est sans incidence sur l'opposabilité à l'employeur de la décision de la cour de reconnaître la maladie professionnelle.

En conséquence, la prise en charge au titre de la législation sur les risques professionnels de la maladie déclarée le 19 novembre 2008 par [Q] [S] doit être déclarée opposable à l'employeur, la S.A. HSBC FRANCE.

Sur les frais irrépétibles et les dépens  :

L'équité commande de débouter les parties de leurs demandes présentées en première instance et en cause d'appel au titre de l'article 700 du code de procédure civile.

Le jugement entrepris doit être infirmé.

La procédure devant les juridictions de sécurité sociale étant gratuite et sans frais, la demande relative aux dépens est dénuée d'objet.

PAR CES MOTIFS

La Cour, statuant par arrêt contradictoire,

Confirme le jugement entrepris en ce qu'il a débouté [Q] [S] de sa demande de reconnaissance implicite du caractère professionnel de la maladie déclarée le 19 novembre 2008,

Infirmant pour le surplus,

Statuant à nouveau et ajoutant,

Juge que la maladie déclarée le 19 novembre 2008 par [Q] [S] doit être prise en charge au titre de la législation sur les risques professionnels,

Renvoie [Q] [S] devant la Caisse Primaire d'Assurance Maladie des Alpes Maritimes pour la liquidation de ses droits,

Déclare la prise en charge au titre de la législation sur les risques professionnels de la maladie déclarée le 19 novembre 2008 par [Q] [S] opposable à l'employeur, la S.A. HSBC FRANCE,

Déboute les parties de leurs demandes présentées en première instance et en cause d'appel au titre de l'article 700 du code de procédure civile,

Déclare la demande relative aux dépens dénuée d'objet,

Et la présente décision a été signée par le Président et le Greffier.

LE GREFFIER LE PRESIDENT


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel d'Aix-en-Provence
Formation : 14e chambre
Numéro d'arrêt : 15/05180
Date de la décision : 06/05/2016

Références :

Cour d'appel d'Aix-en-Provence 14, arrêt n°15/05180 : Infirme partiellement, réforme ou modifie certaines dispositions de la décision déférée


Origine de la décision
Date de l'import : 27/03/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2016-05-06;15.05180 ?
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