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29/04/2016 | FRANCE | N°14/01216

France | France, Cour d'appel d'Aix-en-Provence, 9e chambre c, 29 avril 2016, 14/01216


COUR D'APPEL D'AIX EN PROVENCE

9e Chambre C



ARRÊT AU FOND



DU 29 AVRIL 2016



N° 2016/ 230













Rôle N° 14/01216





[A] [H]





C/



Société SEPB

































Grosse délivrée le :



à :



-Me Pascale MAZEL, avocat au barreau de MARSEILLE



- Me Laure DEPETRY, avocat au barreau

de MONTPELLIER







Copie certifiée conforme délivrée aux parties le :





Décision déférée à la Cour :



Jugement du Conseil de prud'hommes - Formation de départage de MARSEILLE - section C - en date du 18 Décembre 2013, enregistré au répertoire général sous le n° 11/1164.







APPELANTE



Madame [A] [H], demeurant [...

COUR D'APPEL D'AIX EN PROVENCE

9e Chambre C

ARRÊT AU FOND

DU 29 AVRIL 2016

N° 2016/ 230

Rôle N° 14/01216

[A] [H]

C/

Société SEPB

Grosse délivrée le :

à :

-Me Pascale MAZEL, avocat au barreau de MARSEILLE

- Me Laure DEPETRY, avocat au barreau de MONTPELLIER

Copie certifiée conforme délivrée aux parties le :

Décision déférée à la Cour :

Jugement du Conseil de prud'hommes - Formation de départage de MARSEILLE - section C - en date du 18 Décembre 2013, enregistré au répertoire général sous le n° 11/1164.

APPELANTE

Madame [A] [H], demeurant [Adresse 1]

représentée par Me Pascale MAZEL, avocat au barreau de MARSEILLE

INTIMEE

Société SEPB, demeurant [Adresse 2]

représentée par Me Laure DEPETRY, avocat au barreau de MONTPELLIER

*-*-*-*-*

COMPOSITION DE LA COUR

L'affaire a été débattue le 17 Mars 2016 en audience publique devant la Cour composée de :

Madame Catherine LE LAY, Président de Chambre

Madame Hélène FILLIOL, Conseiller

Madame Virginie PARENT, Conseiller qui a rapporté

qui en ont délibéré

Greffier lors des débats : Madame Florence ALLEMANN-FAGNI.

Les parties ont été avisées que le prononcé de la décision aurait lieu par mise à disposition au greffe le 29 Avril 2016.

ARRÊT

CONTRADICTOIRE

Prononcé par mise à disposition au greffe le 29 Avril 2016.

Signé par Madame Catherine LE LAY, Président de Chambre et Madame Florence ALLEMANN-FAGNI, greffier auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

FAITS, PROCÉDURE ET PRÉTENTIONS DES PARTIES

La société SEPB exploite le magasin super U de [Localité 1].

Suivant contrat à durée indéterminée du 1er décembre 2006, après plusieurs contrats à durée déterminée, Mme [A] [H] a été engagée par la société SEPB en qualité de responsable de caisse niveau 4B pour le secteur caisse ; Elle a été ensuite promue par avenant du 1er avril 2007, manager niveau 5 au secteur caisse ; sa rémunération mensuelle en dernier lieu était de 1600 euros brut.

Les relations contractuelles entre les parties étaient soumises à la Convention Collective Nationale des commerces à prédominance alimentaire.

Mme [A] [H] a été placée en arrêt de travail au mois de janvier 2010 ; elle a fait l'objet de deux visites médicales de reprise et le 31 janvier 2011, le médecin du travail a conclu de la manière suivante: 'inapte définitivement à son poste de manager de caisse, car ne peut plus faire un travail exigeant une station debout prolongée, un piétinement prolongé. Reste apte à un poste de travail respectant ces restrictions, par exemple caissière, travail administratif. '

Après entretien préalable le 23 février 2011, Mme [A] [H] a été licenciée par la société SEPB par lettre recommandée avec accusé réception en date du 25 février 2011, dans les termes suivants:

'Faisant suite à notre entretien du 23 février 2011, nous sommes au regret de nous séparer de vos services.

En effet, à la suite de la deuxième visite de reprise, après maladie, la médecine du travail vous a déclaré

« inapte définitivement à son poste de manager de caisse, car ne peut plus faire un travail exigeant une station debout prolongée - un piétinement prolongé. Reste apte à un poste de travail respectant ces restrictions par exemple caissière , travail administratif. »

Le 11 février 2011, nous avons cherché avec le docteur [T], médecin du travail, un reclassement compatible avec la situation créée par votre inaptitude et les possibilités de reclassement envisagées.

Malheureusement, aucun poste de caissière et d'employé administratif n'est disponible chez nous, ni même sur un des sites du groupe tels que la SAS CDPL à [Localité 2]. Pour ce qui concerne la SAS Lysanidis a [Localité 3], seul un poste d'hôtesse de caisse est disponible et vous est proposé sur la base d'un niveau 2B, à 25h semaine, soit 108h33 par mois, avec un salaire brut de 974€97 par mois, en COI, au Super U situé [Adresse 3].

Le 14 février, nous avons eu même un entretien évoquant les propositions, d'une part avec les délégués du personnel, Monsieur [J] [L] et Madame [Q] [E] et également avec vous. Cela nous a permis de vous proposer le reclassement sur un poste d'hôtesse de caisse sur le Super U de [Localité 3], entretien confirmé par notre courrier remis en main propre du même jour.

Cependant le 16 février 2011 , vous nous avez remis un courrier refusant ce poste. Cette situation nous contraint donc à vous licencier...'

La société SEPB employait habituellement au moins onze salariés au moment du licenciement.

Contestant son licenciement et estimant ne pas avoir été remplie de ses droits, Mme [A] [H] a saisi le 15 mars 2011 le conseil des prud'hommes de Marseille qui par jugement de départage du 18 décembre 2013 a :

- condamné la SAS S.E.P.B à porter et payer à Madame [A] [H] les sommes de :

* 104,65 € bruts à titre de rappel de salaires pour heures supplémentaires,

* 10,46 €bruts au titre des congés payés y afférents.

- dit que les sommes attribuées produiront intérêt au taux légal à compter du jour de la demande en justice,

- ordonné à la SAS S.E.P.B de rectifier l'erreur de libellé des bulletins de salaires de Madame [A] [H] de juin 2007 à mars 2008 en y faisant figurer l'emploi de « manager de rayon» et la catégorie d'«agent de maîtrise» de « niveau 5 » à substituer à celui de « caissière centrale» répondant à la catégorie d'«employé» de « niveau 4 ».

- débouté les parties de leurs prétentions plus amples ou contraires,

- ordonné l'exécution provisoire de la présente décision,

- condamné Madame [A] [H] aux éventuels dépens de la présente instance.

Le 13 janvier 2014, Mme [A] [H] a régulièrement interjeté appel de cette décision.

Au visa de ses conclusions écrites et réitérées lors des débats et auxquelles la cour se réfère quant aux prétentions et moyens invoqués, Mme [A] [H] demande de :

- infirmer la décision rendue le 18 décembre 2013 par le juge départiteur du conseil des prud'hommes de Marseille

- dire que Mme [H] a fait l'objet d'un licenciement sans cause réelle est sérieuse

- condamner la société SEPB au paiement des sommes suivantes:

*48 021 euros net à titre de dommages et intérêts pour licenciement sans cause réelle est sérieuse

* 3 200,24 euros d'indemnité de préavis, outre 320 euros de congés payés afférents avec intérêts au taux légal à compter de la demande introductive d'instance

* 1 600 euros à titre d'indemnité de requalification avec intérêts au taux légal à compter de la demande introductive d'instance

* 5 000 euros à titre de dommages et intérêts pour violation des dispositions conventionnelles

* 2 100 euros à titre de rappel de la prime d'ancienneté avec intérêts au taux légal à compter de la demande introductive d'instance

* 20 000 euros à titre de rappel de dommages et intérêts pour discrimination salariale

* 1871,55 euros à titre de rappel de salaire pour l'année 2007, outre 187 euros de congés payés afférents avec intérêts au taux légal à compter de la demande introductive d'instance

* 64,62 euros de congé supplémentaire avec intérêts au taux légal à compter de la demande introductive d'instance

- condamner la société SEPB à rectifier sous astreinte de 50 euros par jour de retard, les bulletins de salaire, certificat de travail et attestation pole emploi de Mme [H]

- condamner la société SEPB au paiement de la somme de 3 000 euros en application de l'article 700 du code de procédure civile pour la première instance et 3000 euros pour la procédure d'appel, ainsi qu'aux entiers dépens.

Au visa de ses conclusions écrites et réitérées lors des débats et auxquelles la cour se réfère quant aux prétentions et moyens invoqués, la société SEPB demande de :

- dire et juger qu'aucune indemnité de requalification n'est due.

- dire et juger que Madame [H] eu égard à ses fonctions exercées en qualité de Responsable Caisses (= Adjoint à la Chef de Caisse) ne pouvait prétendre au niveau 5 qualification Agent de Maîtrise entre le 1er Août 2006 et fin Mai 2007.

- dire et juger que Madame [H] ne pouvait bénéficier de la prime d'ancienneté et n'a subi aucune atteinte discriminatoire.

- dire et juger que la journée de congé supplémentaire d'ancienneté a été donnée à Madame [H].

- dire et juger que la journée de solidarité 2010 n'a pas été retirée deux fois à Madame [H].

- dire et juger que Madame [H] est fondée à réclamer la rectification de ses bulletins de salaire des mois de Juin 2007 à Mars 2008 puisqu'ils ne comportent pas la mention « Manager de Caisse - Agent de Maîtrise - Niveau 5 », et le paiement de 104,65 euros brut de rappel de salaire pour heures supplémentaires outre 10,46 euros brut d'incidente congés payés,

- dire et juger que le licenciement pour inaptitude physique et impossibilité de reclassement prononcé le 25 Février 2011 à l'encontre de Madame [H] ne peut être dit dépourvu de cause réelle et sérieuse, la notification étant précisément motivée et l'employeur ayant pleinement rempli son obligation de recherche de reclassement tant en interne que dans le groupe auquel il appartient.

- débouter Madame [H] de sa demande en paiement de dommages et intérêts pour licenciement injustifié et de l'indemnité compensatrice de préavis.

- la condamner à la somme de 3 500 euros sur le fondement des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile ainsi qu'aux entiers dépens.

MOTIFS DE LA DECISION

Sur la demande nouvelle d'indemnité de requalification

Mme [A] [H] rappelle avoir signé depuis l'année 2000 plusieurs contrats à durée déterminée avant d'être embauchée en contrat à durée indéterminée le 1er décembre 2006, qu'elle n'a connu aucune période de carence entre ces contrats à durée déterminée et soutient que ces contrats ne respectaient pas les dispositions du code du travail. Compte tenu de l'irrégularité de ces contrats elle entend obtenir paiement d'une indemnité de requalification , conformément à l'article L 1245-2 du code du travail.

La circonstance que les parties aient conclu un contrat à durée indéterminée, ne prive pas le salarié du droit de demander la requalification du contrat à durée déterminée initial, qu'il estime irrégulier, en contrat à durée indéterminée et solliciter l'indemnité spéciale de requalification prévue par l'article L. 1245-2 du code du travail de sorte que le moyen soulevé par l'employeur tiré de la seule conclusion d'un contrat à durée indéterminée à l'issue des contrats à durée déterminée pour écarter le bien fondé de la demande, doit être écarté.

Tout contrat à durée déterminée doit être établi par écrit, à défaut il est réputé à durée indéterminée.

Un contrat de travail peut être conclu pour une durée déterminée en cas d'accroissement temporaire de l'activité d'une entreprise (article L 1242-2 2° du code du travail) ou pour l'exécution d'une tâche précise et temporaire, aux fins de remplacement d'un salarié en cas d'absence (L 1242-2 1.1° du code du travail).

L'article L 1242-1 du code du travail dispose:

'Un contrat de travail à durée déterminée, quel que soit son motif, ne peut avoir ni pour objet ni pour effet de pourvoir durablement un emploi lié à l'activité normale et permanente de l'entreprise.'

L'article L 1244-1 du code du travail prévoit :'Les dispositions de l'article L. 1243-11 ne font pas obstacle à la conclusion de contrats de travail à durée déterminée successifs avec le même salarié lorsque le contrat est conclu dans l'un des cas suivants :

1° Remplacement d'un salarié absent ;

2° Remplacement d'un salarié dont le contrat de travail est suspendu ...'

Il résulte de la combinaison des articles L. 1244-1, L. 1243-11 et L. 1244-4 du code du travail qu'une succession de contrats de travail à durée déterminée, sans délai de carence, n'est licite, pour un même salarié et un même poste, que si chacun des contrats a été conclu pour l'un des motifs prévus limitativement par l'article L. 1244-4 du code du travail et notamment en application de l'article L 1244-4 1° 'Lorsque le contrat de travail à durée déterminée est conclu pour assurer le remplacement d'un salarié temporairement absent ou dont le contrat de travail est suspendu, en cas de nouvelle absence du salarié remplacé ';

Dans le cadre d'une action en requalification d'un contrat à durée déterminée, c'est à l'employeur qu'il appartient de rapporter la preuve de la réalité du motif de recours énoncé dans le contrat, et non pas au salarié de rapporter la preuve de l'illégalité du motif de recours.

En l'espèce, il n'est pas contesté que depuis le 11 février 2000 (date mentionnée sur le certificat de travail), Mme [A] [H] a été engagée par la société SEPB selon des contrats à durée déterminée successifs ; la cour constate que les contrats ne sont pas tous produits aux débats , seuls étant soumis à l'appréciation de la cour:

- un avenant à un contrat en date du 8 mai 2000, avec pour motif: surcroît de travail

- un contrat à durée déterminée à compter du 6 juin 2000 en remplacement de Mme [L] [U] absente en raison de congés maternité

- un avenant à un contrat en date du 20 janvier 2003 en remplacement de Mme [V] absente en raison de congés maladie

- un avenant à un contrat en date du 4 juillet 2005, avec pour motif; surcroît de travail

- un avenant à un contrat du 2 août 2006, avec pour motif; mise en place des nouvelles caisses avec formation personnelle et caissières.

Force est de constater que l'employeur ne démontre pas, s'abstenant de produire tout autre élément, la régularité tant du contrat initial, celui-ci n'étant pas versé aux débats que des contrats et avenants ultérieurs, les motifs de recours aux contrats à durée déterminée n'étant pas justifiés. Il convient donc d'allouer à la salariée une indemnité de requalification en application de l'article L.1245-2 alinéa 2 du code du travail; celle-ci ne peut être inférieure à un mois de salaire, par référence au dernier salaire mensuel perçu avant la saisine de la juridiction.

La cour fait donc droit à la demande en paiement de ce chef à hauteur de 1600 euros correspondant au montant du dernier salaire perçu ainsi défini, somme qui portera intérêts à compter de la date de la demande, soit des conclusions présentées à l'audience du 17 mars 2016.

Sur le licenciement

Mme [A] [H] entend voir juger le licenciement sans cause réelle est sérieuse au motif que:

- la lettre de licenciement est insuffisamment motivée, visant le seul motif du refus par la salarié d'accepter un poste de reclassement

- l'employeur n'a pas satisfait à son obligation de reclassement, dans la mesure où il n'a été proposé à la salarié qu'un seul poste alors qu'il existe sur le territoire national une multitude de magasins à l'enseigne Super U, l'employeur ne respectant pas ainsi le périmètre de reclassement applicable. Elle soutient en outre que les recherches ne sont pas loyales en ce que la demande de reclassement au Super U de [Localité 3] en date du 7 février 2011 ne comporte aucune adresse, ni preuve de son envoi, et que la réponse négative en date du 8 février 2011 est prématurée pour avoir été donnée avant l'étude de poste faite par le médecin du travail.

Elle verse aux débats un document faisant état de l'existence d'un site internet [Site Web 1].com répertoriant l'ensemble des magasins U sur le territoire national, citant un site intitulé '[Site Web 2] , des offres d'emploi, des métiers passionnants,' décrivant les métiers de l'enseigne.

La société SEPB s'oppose à cette demande, observant que :

- la lettre de licenciement vise l'inaptitude et l'impossibilité de reclassement et est donc parfaitement motivée

- les recherches de reclassement n'avaient pas à être étendues à l'ensemble des magasins à l'enseigne U ni à la centrale régionale Sud , ces magasins et cette centrale ne constituant pas un groupe, qu'il ne s'agit pas davantage d'un système de franchise, Système U étant une coopérative qui regroupe des adhérents totalement indépendants, que si Sytème U approvisionne les adhérents et les fait bénéficier de l'utilisation de l'enseigne U, les adhérents ont des fournisseurs directs, qu'il n'existe aucune mise en commune des moyens de gestion et de production , ni aucun service RH commun

- les sociétés du groupe, la société CDPL exploitant l'Hyper U de [Localité 2] et la société LYSANIDIS gérant le Super U de [Localité 3] ont été sollicitées pour le reclassement de la salariée, la société CDPL n'avait aucun poste disponible et que le poste proposé par la société LYSANIDIS était parfaitement compatible avec les préconisations du médecin du travail.

L'employeur produit:

- le courrier du 8 février 2011 sollicitant le médecin du travail pour étude avec lui des possibilités de reclassement

- le courrier du médecin du travail en date du 9 février 2011 , proposant un rendez vous dans l'entreprise le 11 février 2011 à 14h00

- le courrier du médecin du travail en date du 14 février 2011 , rappelant l'étude de reclassement effectuée avec l'employeur le 11 février 2011, confirmant les termes de son avis d'inaptitude

- la copie du registre des entrées et sorties du personnel de la société SEPB entre le 5 décembre 2010 et le 25 juin 2011

- une demande de reclassement à l'intention de l'Hyper U de [Localité 2] en date du 7 février 2011

- une demande de reclassement à l'intention du Super U de [Localité 3] en date du 7 février 2011

- la réponse par fax de l'Hyper U en date du 8 février 2011 : 'je n'ai aucun poste disponible dans le secteur caisse et administratif à ce jour. Tous les postes sont pourvus. '

- la réponse du Super U de [Localité 3] en date du 8 février 2011: ' j'ai une proposition à faire à Mme [H] [A]. Un poste d'hôtesse de caisse , niveau 2B à 25 h par semaine soit 108h33 par mois, avec un salaire brut de 974,97 euros mensuel'

- la convocation de la salariée à un entretien le 14 février 2011

- la remise en main propre à la salariée le 14 février 2011 de cette offre de reclassement

- le courrier de refus de cette proposition de Mme [H] le 16 février 2011

- une attestation de M. [Y], secrétaire général représentant la société Système U centrale régionale sud, confirmant le statut de coopérative de celle-ci et le fait que les entreprises adhérant à cette coopérative sont juridiquement indépendantes et entièrement responsables de leur entreprise et de la politique sociale qu'elles mènent.

- sur les termes de la lettre de licenciement

Il est constant que la lettre de licenciement fixe les termes du litige. Cette lettre fait état de l'inaptitude de la salariée, de l'absence de poste de caissière et d'employé administratif au sein de la société SEPB et de la SAS CDPL à [Localité 2], et du refus du reclassement proposé sur le seul poste d'hôtesse de caisse disponible à SAS Lysanidis a [Localité 3].

Mme [A] [H] soutient donc à tort que le licenciement est fondé sur le seul refus d'un reclassement proposé, la mesure de licenciement visant l'inaptitude et l'impossibilité de reclassement du fait de l'absence de poste disponible.

La cour écarte en conséquence ce moyen.

- sur le périmètre du reclassement

Il n'est pas contesté que lorsque l'employeur appartient à un groupe, le reclassement doit s'apprécier au sein de celui-ci, étant rappelé que ce groupe comprend les entreprises dont les activités, l'organisation ou le lieu d'exploitation lui permet d'effecteur des permutations de tout ou partie du personnel.

La seule justification de l'existence d'un site internet, '[Site Web 2] , des offres d'emploi, des métiers passionnants', sans preuve d'un traitement centralisé par ce site des candidatures aux recrutements proposés, alors même qu'il n'est pas contesté que les personnes intéressées par ces offres doivent prendre attache directement avec les magasins concernés qui gèrent en toute autonomie leurs recrutements, ne permet pas de démontrer que des permutations de tout ou partie du personnel de l'ensemble des magasins à l'enseigne U sont possibles et ainsi que toutes ces entités (magasins à l'enseigne U et centrale d'achat) appartiennent à un groupe au sens du périmètre de reclassement recherché. L'intimée établit par les pièces produites qu'en tout état de cause, tel n'est pas le cas, les entreprises adhérentes au Sytème U, qui est une coopérative et non un système de franchise, étant juridiquement indépendantes, sans mise en commun des moyens de gestion et de production.

C'est donc à bon droit que les premiers juges ont écarté ce moyen tiré du non respect par l'employeur du périmètre de reclassement, limité en l'espèce aux seules sociétés SEPB , CDPL et LYSANDIS.

- sur les recherches de reclassement

Mme [A] [H] ne peut mettre en doute la réalité de l'interrogation faite auprès du Super U de [Localité 3] ( société LYSANYDIS) par son employeur en vue d'un reclassement , alors même que cette entreprise qui accuse réception de cette demande par courrier du 8 février 2011, formule une offre de reclassement.

Si la société SEPB justifie le 8 février 2011 , soit avant l'étude de poste réalisée avec le médecin du travail faite le 11 février 2011, d'une réponse négative de la société CDPL à sa recherche de reclassement, il convient de relever que la société sollicitée a fait connaître que l'ensemble des postes de son entreprise secteur caisse et administratif étaient pourvus, et que ce type de postes correspond précisément aux postes de reclassement possibles, définis par le médecin du travail le 31 janvier 2011, de sorte que ces recherches ne peuvent être jugées déloyales, et ce d'autant que l'étude de poste réalisée le 11 février 2011 n'a fait que confirmer intégralement les termes de l'avis du médecin du travail du 31 janvier 2011.

La société SEPB justifie encore de l'absence de poste disponible en son sein par la production du registre d'entrées et de sorties du personnel.

Mme [A] [H] a refusé la proposition du seul poste de reclassement disponible au sein de la société LYSANYDIS.

Dès lors, la société SEPB démontre avoir procédé à des recherches sérieuses et loyales de reclassement au sein du groupe, dans des postes répondant aux préconisations du médecin du travail arrêtées le 31 janvier 2011, confirmées le 17 février 2011, après étude de reclassement sollicité par l'employeur, et justifie de l'impossibilité de reclassement. La cour confirme en conséquence la décision des premiers juges décidant que le licenciement repose sur une cause réelle et sérieuse et que la salariée doit être déboutée de ses demandes de ce chef.

Sur la violation des dispositions conventionnelles au regard de la classification

Il appartient au salarié qui se prévaut d'une classification conventionnelle différente de celle dont il bénéficie au titre de son contrat de travail, de démontrer qu'il assure de façon permanente, dans le cadre de ses fonctions, des tâches et responsabilités relevant de la classification qu'il revendique.

Mme [A] [H] considère qu'elle aurait dû eu égard à ses attributions être positionnée au niveau 5 dès le mois d'août 2006 et non seulement à compter du mois d'avril 2008, et surtout relever la catégorie 'agent de maîtrise' et non plus 'employé'. Elle produit :

- le bulletin de salaire d'août 2006 qui mentionne qu'elle est caissière centrale employé niveau 4B

- le certificat de travail qui mentionne qu'elle a occupé les postes de :

* manager de rayon employé niveau 5 du 1er avril 2008 au 28 février 2011

* caissière centrale employé niveau 4B du 1er août au 31 mars 2008

* hôtesse de caisse employé niveau 4B du 11 février 2000 au 31 juillet 2006.

Selon Mme [H], la salariée devait :

- assurer l'organisation et la gestion courante de la ligne de caisse sous son autorité

- chercher à améliorer le service rendu à la clientèle et régler les litiges lors du passage en caisse

- remplir les fonctions d'hôtesse de caisse en cas de surcharge de travail et informer les caissières des changements de prix, intervenir en cas d'erreurs commises

- contrôler les erreurs, veiller à la bonne organisation et la prise de pauses des caissières ( planning et répartition des congés)

- gérer le coffre.

La société SEPB s'oppose à ces demandes, indique que le 19 mars 2007, la manager de caisse Mme [O] que Mme [H] en sa qualité de caissière centrale secondait, a demandé à quitter ses fonctions pour revenir sur un poste d'hôtesse de caisse , qu'acceptant cette demande, elle a proposé ce poste à Mme [H] par avenant du 1er avril 2007, devenant ainsi manager de caisse niveau 5. Elle observe que ce niveau implique la participation à la définition des programmes de travail et à la réalisation des objectifs de l'établissement, et que les fonctions exercées par la salariée aux côtés de Mme [O] jusqu'au 1er avril 2007 répondent non à cette définition mais à celle des emplois en niveau 4. L'employeur admet l'erreur survenue dans les mentions sur le bulletins de paie à compter de juin 2007 à avril 2008 dans la mesure où il a été mentionné la catégorie 'employé' au lieu de celle ' d'agent de maîtrise'.

Elle ne conteste pas que les fonctions décrites par Mme [H] étaient ses attributions effectives à compter d'août 2006.

L'article 14 de la Convention Collective Nationale définit les fonctions repères de niveau 4 comme comportant l'exécution de travaux hautement qualifiés et les fonctions repères de niveau 5 comme impliquant la participation à la définition des programmes de travail et à la réalisation des objectifs de l'établissement.

La Convention Collective Nationale précise notamment en ce qui concerne les fonctions de niveau 5, s'agissant des fonctions de management, que le salarié contrôle les processus de travail et les ratios de productivité (articles/mn, CA horaire), propose les demandes d'embauche nécessaires à la bonne marche de son secteur, autant de fonctions que les premiers juges ont à bon droit relevé comme n'étant pas exercées en l'espèce par Mme [H].

La cour approuve donc le rejet des prétentions de la salariée tendant à la revendication d'une classification en agent de maîtrise niveau 5 dès le mois d'août 2006.

La cour constate que l'intimée ne conteste pas l'erreur survenue sur les bulletins de paie entre juin 2007 et avril 2008 concernant la catégorie applicable à la salariée. Mme [H] ne justifiant toutefois pas d'un préjudice financier, c'est donc fort pertinemment que les premiers juges ont rejeté sa demande d'indemnisation. La cour confirme le rejet de la demande de dommages et intérêts pour violation des dispositions conventionnelles et la décision ordonnant la rectification des bulletins de salaire telle que décidée en première instance.

Sur la prime d'ancienneté

Aux termes de l'article L. 1132-1 du code du travail, aucune personne ne peut être écartée d'une procédure de recrutement ou de l'accès à un stage ou à une période de formation en entreprise, aucun salarié ne peut être sanctionné, licencié ou faire l'objet d'une mesure discriminatoire, directe ou indirecte, notamment en matière de rémunération, de formation, de reclassement, d'affectation, de qualification, de classification, de promotion professionnelle, de mutation ou de renouvellement de contrat, en raison de son origine, de son sexe, de ses moeurs, de son orientation sexuelle, de son âge, de sa situation de famille, de ses caractéristiques génétiques, de son appartenance ou de sa non-appartenance, vraie ou supposée, à une ethnie, une nation ou une race, de ses opinions politiques, de ses activités syndicales ou mutualistes, de ses convictions religieuses, de son apparence physique, de son patronyme ou en raison de son état de santé ou de son handicap ;

L'article L. 1134-1 du même code dispose qu'en cas de litige relatif à l'application du texte précédent, le salarié concerné présente des éléments de fait laissant supposer l'existence d'une discrimination directe ou indirecte et il incombe à la partie défenderesse, au vu des ces éléments, de prouver que sa décision est justifiée par des éléments objectifs étrangers à toute discrimination, le juge formant sa conviction après avoir ordonné, en cas de besoin, toutes les mesures d'instruction qu'il estime utiles ;

Estimant avoir été victime de discrimination en raison de son état de santé, Mme [A] [H] entend obtenir d'une part le paiement d'une somme de 2100 euros au titre de la prime d'ancienneté qui ne lui a pas été versée et d'autre part le paiement d'une somme de 20000 euros à titre de dommages et intérêts. Elle produit le bulletin de salaire de Mme [X] qui a perçu en mai 2010 une prime d'ancienneté de 150 euros.

La société SEPB expose que cette prime n'a pas de fondement légal ni conventionnel mais a été instituée à l'initiative de l'employeur, que lors de la réunion des délégués du personnel du 27 janvier 2010 il a été spécifié que cette prime était mise en place à compter du 1er avril 2010 et serait servie par paliers déterminés par rapport aux années d'appartenance à la société et proratisée par rapport à l'absence du salarié étant précisé qu'une absence supérieure ou égale à deux mois la réduirait à néant. Elle fait valoir que Mme [H] en arrêt de travail depuis janvier 2010 soit depuis plus de deux mois n'a donc pas bénéficié de cette prime. Ces éléments ne sont pas contestés et l'employeur verse en tout état de cause le compte tendu de la réunion des délégués du personnel du 27 janvier 2010 confirmant ses propos.

Mme [H] ne peut contester son absence dans l'entreprise depuis janvier 2010, de sorte que pour ce seul motif, elle ne peut prétendre au paiement de cette prime initiée à compter d'avril 2010 par l'employeur dans des conditions excluant son bénéfice pour tout salarié absent pendant plus de deux mois.

Le seul bulletin de paie de Mme [X] produit par l'appelante au soutien de ses prétentions, lequel mentionne une absence maladie de celle-ci de 12 jours en mai 2010, est insuffisant pour présumer une pratique salariale discriminatoire à l'égard de Mme [H]. La cour confirme le rejet de ces entière prétentions.

Sur le droit à un jour de congé supplémentaire d'ancienneté

Mme [A] [H] dont il n'est pas contesté qu'elle avait atteint une ancienneté de dix ans en février 2010, revendique le paiement d'une somme de 64,62 euros au titre du jour de congé supplémentaire d'ancienneté, en application de l'article 7.1.2 de la Convention Collective.

Mme [A] [H] ne peut contester que son bulletin de paie de juin 2010 porte mention de ce jour de congé supplémentaire, puisqu'y figure la mention de 28 jours, alors que les bulletins des mois précédents mentionnent 27 jours. Remplie de ses droits, l'appelante a donc été à bon droit déboutée de cette prétention par le conseil des prud'hommes de Marseille . Le cour confirme la décision entreprise sur ce point.

Sur les heures supplémentaires

Aux termes de l'article L.3171-4 du code du travail, en cas de litige relatif à l'existence ou au nombre d'heures de travail effectuées, l'employeur doit fournir au juge les éléments de nature à justifier les horaires effectivement réalisés par le salarié ; le juge forme sa conviction au vu de ces éléments et de ceux fournis par le salarié à l'appui de sa demande après avoir ordonné, en cas de besoin, toutes les mesures d'instruction qu'il estime utiles.

Si la preuve des horaires de travail effectués n'incombe ainsi spécialement à aucune des parties et si l'employeur doit être en mesure de fournir des éléments de nature à justifier les horaires effectivement réalisés par le salarié, il appartient cependant à ce dernier de fournir préalablement au juge des éléments de nature à étayer sa demande.

Mme [A] [H] soutient que durant l'année 2007, les heures supplémentaires effectuées au-delà de 151.67 h, n'ont pas été majorées de 25 % et qu'il lui reste due une somme de 1871.55 euros outre les congés payés afférents.

Elle considère que les 'temps de pause ' qui lui ont été payés, s'entendent de toute façon comme du temps de travail effectif, dans la mesure où le salarié est à la disposition de l'employeur, doit se conformer à ses directives sans pouvoir vaquer librement à des occupations personnelles; elle conteste en tout état de cause avoir bénéficié des temps de pause notés sur les bulletins de salaire et observe que l'employeur ne démontre pas le contraire.

L'employeur conteste cette argumentation, indiquant que les temps de pause ont été rémunérés en application de l'article 5-4 de la Convention Collective Nationale au taux normal, et ne peuvent correspondre à du temps de travail effectif pour le calcul des heures supplémentaires ; il ajoute que la contestation de la prise effective des temps de pause est nouvelle et déloyale et qu'il convient de débouter la salariée de cette demande.

L'article L 3121-1 du code du travail dispose :

' La durée du travail effectif est le temps pendant lequel le salarié est à la disposition de l'employeur et se conforme à ses directives sans pouvoir vaquer librement à ses occupations personnelles. '

L'article L 3121-2 alinéa 1 du code du travail prévoit que les temps consacrés aux pauses sont considérés comme du temps de travail effectif lorsque les critères définies par l'article L 3121-1 sont réunis.

Si les conclusions de Mme [H] en première instance ne font pas expressément état d'une contestation de la réalité du bénéfice des temps de pause, tels que payés, la cour note que Mme [H] a dès la saisine de la juridiction prud'homale, prétendu au paiement d'heures supplémentaires non majorées, incluant les heures comptées comme temps de pause, comme étant du travail effectif. Dès lors et quand bien même cet argument serait nouveau et de pure circonstance comme soutenu par la société SEPB, la cour rappelle qu'en tout état de cause, la preuve du respect des temps de pause incombe à l'employeur; ce dernier, s'il produit le contrat de travail de l'intéressé qui mentionne que le nombre mensuel d'heures travaillées de 159.25 h comprend 7.97h de temps de pause (3 minutes par heure de travail), ne verse aux débats aucun élément de preuve concernant l'organisation du temps de travail de sa salariée, et ne justifie donc pas que les temps de pause contractuellement prévus ont été effectifs et non travaillés comme prétendus par la salariée.

Dès lors, il y a lieu d'infirmer la décision rendue par les premiers juges et de faire droit à la demande en paiement de ce chef.

Sur les frais irrépétibles et les dépens

L'équité ne commande pas de faire application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile au profit de l'une des parties.

La société SEPB supporte les dépens.

PAR CES MOTIFS

LA COUR, statuant par décision prononcée par mise à disposition au greffe, par arrêt contradictoire et en matière prud'homale,

Reçoit l'appel régulier en la forme,

Confirme le jugement rendu le 18 décembre 2013 par le conseil des prud'hommes de Marseille sauf en ce qu'il a condamné la société SEPB à payer à Mme [A] [H] les sommes de 104,65 euros à titre de rappel de salaires et celle de 10,46 euros au titre des congés payés afférents,

Statuant à nouveau de ce chef,

Condamne la société SEPB à payer à Mme [A] [H] les sommes de 1871,55 euros à titre de rappels de salaire pour 2007 outre 187 euros au titre des congés payés afférents avec intérêts au taux légal à compter du 17 mars 2011,

Y ajoutant,

Condamne la société SEPB à payer à Mme [A] [H] une somme de 1600 euros à titre d'indemnité de requalification avec intérêts au taux légal à compter du 17 mars 2016,

Déboute les parties pour le surplus,

Condamne la société SEPB aux dépens.

LE GREFFIERLE PRESIDENT


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel d'Aix-en-Provence
Formation : 9e chambre c
Numéro d'arrêt : 14/01216
Date de la décision : 29/04/2016

Références :

Cour d'appel d'Aix-en-Provence 9C, arrêt n°14/01216 : Infirme partiellement, réforme ou modifie certaines dispositions de la décision déférée


Origine de la décision
Date de l'import : 27/03/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2016-04-29;14.01216 ?
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