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29/04/2016 | FRANCE | N°13/11372

France | France, Cour d'appel d'Aix-en-Provence, 9e chambre c, 29 avril 2016, 13/11372


COUR D'APPEL D'AIX EN PROVENCE

9e Chambre C



ARRÊT AU FOND



DU 29 AVRIL 2016



N° 2016/ 228













Rôle N° 13/11372





[M] [S]





C/



SAS DORLEANE

































Grosse délivrée le :



à :



-Me Emmanuelle JONZO, avocat au barreau de NIMES



- Me Olivier FOURMANN, avocat au barreau

de LYON







Copie certifiée conforme délivrée aux parties le :





Décision déférée à la Cour :



Jugement du Conseil de prud'hommes - Formation de départage d'ARLES - section E - en date du 30 Avril 2013, enregistré au répertoire général sous le n° 09/142.







APPELANT



Monsieur [M] [S], demeurant [Adresse 1]


...

COUR D'APPEL D'AIX EN PROVENCE

9e Chambre C

ARRÊT AU FOND

DU 29 AVRIL 2016

N° 2016/ 228

Rôle N° 13/11372

[M] [S]

C/

SAS DORLEANE

Grosse délivrée le :

à :

-Me Emmanuelle JONZO, avocat au barreau de NIMES

- Me Olivier FOURMANN, avocat au barreau de LYON

Copie certifiée conforme délivrée aux parties le :

Décision déférée à la Cour :

Jugement du Conseil de prud'hommes - Formation de départage d'ARLES - section E - en date du 30 Avril 2013, enregistré au répertoire général sous le n° 09/142.

APPELANT

Monsieur [M] [S], demeurant [Adresse 1]

comparant en personne, assisté de Me Emmanuelle JONZO, avocat au barreau de NIMES

INTIMEE

SAS DORLEANE, demeurant [Adresse 2]

représentée par Me Olivier FOURMANN, avocat au barreau de LYON

*-*-*-*-*

COMPOSITION DE LA COUR

L'affaire a été débattue le 17 Mars 2016 en audience publique devant la Cour composée de :

Madame Catherine LE LAY, Président de Chambre

Madame Hélène FILLIOL, Conseiller

Madame Virginie PARENT, Conseiller qui a rapporté

qui en ont délibéré

Greffier lors des débats : Madame Florence ALLEMANN-FAGNI.

Les parties ont été avisées que le prononcé de la décision aurait lieu par mise à disposition au greffe le 29 Avril 2016.

ARRÊT

CONTRADICTOIRE

Prononcé par mise à disposition au greffe le 29 Avril 2016.

Signé par Madame Catherine LE LAY, Président de Chambre et Madame Florence ALLEMANN-FAGNI, greffier auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

FAITS, PROCÉDURE ET PRÉTENTIONS DES PARTIES

Par jugement du tribunal de commerce de Tarascon en date du 4 juillet 2008, la société DORLEANE a repris certains éléments du fonds de commerce ou d'actifs des sociétés du groupe [S] placées en liquidation judiciaire.

Dans le cadre de cette reprise, la société DORLEANE s'est engagée à reprendre la totalité des salariés des différentes sociétés, annexant ainsi à son offre de reprise la liste des salariés dressée par la société [S].

Parmi les 26 personnes figurant sur cette liste se trouvait M. [M] [S], président directeur général de la société [S].

La société DORLEANE a convoqué M. [M] [S] par courrier recommandé du 22 janvier 2009, reçu le 26 janvier 2009 à un entretien préalable fixé le 2 février 2009, et a mis ce dernier à pied à titre conservatoire.

M. [M] [S] a été licencié pour faute grave par la société DORLEANE par lettre recommandée avec accusé réception en date du 5 février 2009 dans les termes suivants :

'Suite à l'entretien préalable, nous vous informons que nous avons pris la décision de vous notifier par la présente votre licenciement immédiat pour faute grave.

Vous étiez embauché au sein de notre société en qualité de commercial. Nous attendions de vous un comportement exemplaire dans l'exercice de vos fonctions.

Dans le cadre de votre travail, vous étiez amené à effectuer des déplacements pour le compte de la Société occasionnant ainsi des frais professionnels. Compte tenu de votre fonction, notre service comptabilité procédait aux remboursements des frais sur présentation de vos factures.

Le 21 janvier 2009, votre direction a procédé à la vérification de vos notes de frais. Cet examen a démontré que vous n'hésitiez pas à transmettre à notre comptabilité de manière régulière des factures se rattachant à des dépenses personnelles. Dès connaissance de la gravité de ces faits, nous vous avons notifié, une mise à pied conservatoire applicable immédiatement et jusqu'à la fin de la procédure.

Ainsi, le samedi 26 juillet 2008, sans aucune autorisation de votre direction, vous vous êtes fait remboursé l'équivalent de 150,40 euros alors même que vous ne travaillez jamais les samedis.

Cette situation s'est reproduite en août 2008 où nous avons procédé au remboursement de 160 euros le 1er août dernier et 141.50 euros le 8 août dernier. Ces montants correspondaient à des dépenses personnelles intervenues hors du temps de travail (les vendredis soirs).

Par ailleurs, nous avons remboursé des dépenses personnelles pour la soirée des vendredis 12,19 et 26 septembre 2008 pour un montant total de 178.5 euros.

Cette situation s'est reproduite en octobre dernier pour la soirée du vendredi 24 (76 euros) et du 31 octobre 2008 (80 euros).

Pour terminer, en novembre dernier, lors de votre déplacement en Suisse du 25 au 27 novembre dernier r la société a réglé à votre attention une facture d'hôtel pour deux personnes à hauteur de 520.40 CHF alors même que vous deviez être seul pour ce déplacement professionnel. En outre, nous avions également remboursé en novembre dernier des dépenses personnelles pour le dimanche 2 novembre (68 euros) et du samedi 8 novembre (41 euros).

L'exposé des faits démontre que notre société a procédé de manière régulière et récurrente au remboursement de vos dépenses personnelles. A chaque fois, vous n'aviez aucune autorisation de votre direction.

Vous aviez donc volontairement adopté un comportement consistant à faire supporter financièrement à notre société certaines de vos dépenses personnelles. Ce comportement a causé un préjudice financier pour notre société. Il n'est donc certainement pas tolérable qu'un de nos collaborateurs puisse dissimuler et faire supporter à notre société des dépenses personnelles.

Plus grave (lors de l'examen d'une note de frais du 11 septembre 2008 d'un montant de 129 euros, vous avez mentionné comme invité Monsieur [L] [L] (acheteur chez [Établissement 1]) alors même que ce dernier nous a précisé qu'il n'avait jamais été au restaurant avec vous le 11 septembre dernier. Dés lors, vous avez falsifié, frauduleusement, votre note de frais.

L'ensemble des éléments exposés ci-dessus démontre que votre comportement est loin de servir les intérêts de l'entreprise, si ce n'est de porter gravement atteinte au bon fonctionnement de l'entreprise. Un tel comportement est totalement inadmissible au sein de notre entreprise dont l'activité même nous oblige à une confiance pleine et entière dans nos salariés.

Par conséquent, de tels agissements qui ne sont certainement pas compatibles avec la poursuite de votre contrat de travail même pendant le temps limité du préavis, nous contraignent à mettre un terme à notre collaboration, en vous notifiant votre licenciement immédiat pour faute grave, sans indemnité, qui prendra effet à la date d'envoi de cette présente lettre.

Nous vous demandons de nous restituer dans les plus brefs délais les biens mis à votre disposition par l'entreprise.

Nous vous adressons par courrier séparé les documents afférents à la rupture de votre contrat de travail (votre solde de tout compte, attestation Assedic et certificat de travail), étant entendu que la période de mise a pied conservatoire dont vous avez fait l'objet ne vous sera pas rémunérée. '

La société DORLEANE employait habituellement au moins onze salariés au moment du licenciement.

Contestant son licenciement et estimant ne pas avoir été rempli de ses droits, M. [M] [S] a saisi le 26 mars 2009 le conseil des prud'hommes d'Arles qui, par jugement de départage du 30 avril 2013, a :

- débouté M. [M] [S] de l'ensemble de ses demandes,

- condamné M. [M] [S] à payer à la SAS DORLEANE la somme de 850 € en application de l'article 700 du code de procédure civile

- condamné M. [M] [S] aux dépens.

Le 28 mai 2013, M. [M] [S] a régulièrement interjeté appel de cette décision qui lui a été notifiée le 3 mai 2013.

Au visa de ses conclusions écrites et réitérées lors des débats et auxquelles la cour se réfère quant aux prétentions et moyens invoqués, M. [M] [S] demande de :

- infirmer le jugement dont appel, sauf en ce qu'il a admis la qualité de travailleur salarié de Monsieur [S].

Statuant a nouveau de :

- dire et juger le licenciement de Monsieur [S], irrégulier, injustifié et vexatoire,

- condamner la Société DORLEANE à payer à Monsieur [M] [S] les sommes suivantes:

* 8 922.97 € à titre de dommages et intérêts pour licenciement irrégulier;

* 2 058 € bruts à titre de rappel de salaire (mise à pied) ;

* 205.80 euros bruts au titre des congés payés y afférents;

* 26 769 € bruts à titre d'indemnité compensatrice de préavis;

* 2679.9 € bruts au titre des congés payés y afférents;

* 33 278.42 € à titre d'indemnité de licenciement (réduite après prise en compte de la suspension du contrat de travail à compter de 1989)

* 107 075 € à titre de dommages et intérêts pour licenciement sans cause réelle ni sérieuse (soit environ 12 mois de rémunération) ;

* 50 000 € à titre de dommages et intérêts sur le fondement de l'article 1382 du Code civil pour détournement de procédure et caractère vexatoire (soit environ 6 mois de rémunération)

* 2.500 € au titre de l'article 700 du Code de Procédure Civile, ainsi qu'aux entiers dépens.

- ordonner la délivrance de documents de fin de contrats rectifiés, sous astreinte de 50 € par jour de retard à compter de l'arrêt à intervenir ainsi que la capitalisation des intérêts au taux légal.

Au visa de ses conclusions écrites et réitérées lors des débats et auxquelles la cour se réfère quant aux prétentions et moyens invoqués, la SAS DORLEANE demande de :

1) A titre principal

- réformer le jugement de première instance et de constater que Monsieur [M] [S] ne justifie pas du statut de salarié l'autorisant à contester la rupture de ses relations avec la société DORLEANE dans le cadre de la présente instance et à solliciter différentes indemnités au titre de cette rupture sur le fondement des règles du Code du travail,

- en conséquence, débouter Monsieur [M] [S] de l'intégralité de ses demandes,

- condamner Monsieur [M] [S] à verser à DORLEANE 3.000 € sur le fondement de l'article 700 du Code de procédure civile au titre de la procédure en cause d'appel venant s'ajouter à la somme allouée par le Conseil de Prud'hommes d'ARLES au titre de la procédure de première instance,

2) a titre subsidiaire , si la Cour d'appel décide que Monsieur [M] [S] justifie du statut de salarié de :

- confirmer le jugement de première instance,

- constater que Monsieur [M] [S] ne justifie pas d'une ancienneté en qualité de salarié antérieure au 4 juillet 2008,

- constater que la rupture pour faute grave de ses relations contractuelles avec DORLEANE est parfaitement justifiée et que la procédure de licenciement est régulière,

- en conséquence, débouter Monsieur [M] [S] de l'intégralité de ses demandes,

- condamner Monsieur [M] [S] à verser à DORLEANE 3.000 € sur le fondement de l'article 700 du Code de procédure civile au titre de la procédure en cause d'appel venant s'ajouter à la somme allouée par le Conseil de Prud'hommes d'ARLES au titre de la procédure de première instance,

3) à titre infiniment subsidiaire, si la Cour d'appel d'AIX-EN-PROVENCE décide que la rupture des relations contractuelles avec DORLEANE pour faute grave n'est pas justifiée, de :

- constater que la procédure de licenciement est régulière,

- débouter Monsieur [M] [S] de sa demande visant à obtenir une indemnité de licenciement,

- débouter Monsieur [M] [S] de sa demande visant à obtenir les sommes considérables de 150.000 € et 50.000 € de dommages et intérêts et de fixer le montant de son indemnisation au minimum justifié par les 7 mois d'ancienneté qui étaient les siens au 5 février 2009, à savoir 10.000 € au plus.

MOTIFS DE LA DECISION

Sur la qualité de salarié de M. [S]

La société DORLEANE fait valoir que M. [S] ne démontre pas avoir bénéficier d'un contrat de travail distinct de son mandat social, qu'il n'établit pas ainsi la réalité et la nature de fonctions techniques de salarié, distinctes des fonctions exercées dans le cadre de son mandat de Président Directeur général exercées jusqu'au 4 juillet 2008, exercées dans le cadre d'un lien de subordination ni avoir bénéficié d'une rémunération distincte au titre de ces fonctions de salarié. Elle demande donc de constater que M. [S] n'avait pas qualité de salarié au 4 juillet 2008, lors de la reprise.

A titre subsidiaire, elle demande de relever que tout au plus il ne peut se prévaloir que d'une ancienneté au 4 juillet 2008, aucune conséquence ne pouvant être tiré de la mention sur 6 bulletins de salaires d'une ancienneté de 42 ans, une telle mention ne ressortant que d'une erreur portant que l'existence d'un statut de salarié de la société WAWRANT, qui n'est pas établi en l'espèce.

M. [S] rappelle qu'il était sur la liste des salariés de la société [S] et que la société DORLEANE l'a toujours considéré comme son collaborateur, preuve en est :

- la délivrance des bulletins de paie

- le remboursement de frais professionnels engagés par le salarié

- l'exercice du pouvoir de direction et du pouvoir disciplinaire exercé à son encontre

- la délivrance des documents de fin de contrat.

Il est versé aux débats une délibération du conseil d'administration de la société [S] en date du 2 janvier 1989 au terme de laquelle , Monsieur [M] [S] a été désigné président du conseil d'administration de la société [S].

Dans une attestation, Mme [S] [F] comptable de la société [S] de 1955 à 1985 certifie que [M] [S] est entré dans la société en 1966 en tant qu'ouvrier, qu'il a ensuite gravi tous les échelons pour finir directeur et PDG au décès de son père en 1992.

L'existence d'un mandat social détenu par M. [S] à la date de la reprise de la société [S] par la société DORLEANE n'est pas contestée.

Le dirigeant social peut cumuler son mandat avec une fonction technique distincte qui entre dans le cadre du contrat de travail si est établie l'effectivité de l'activité salariée résultant à la fois de l'exercice de fonctions techniques distinctes de celles inhérentes au mandat et donnant lieu à une rémunération distincte ainsi que l'existence d'un lien de subordination vis à vis de la société.

La production de 3 bulletins de paie de 1982 et les quelques bulletins de paie entre 1989 et juillet 2008 délivrés par la société [S] à Monsieur [M] [S] et mentionnant sa qualité de PDG, ne permettent pas de démontrer que l'appelant exerçait en sus de son mandat social une activité salariée telle que précisée ci-avant, étant constaté que la seule mention de M. [S] sur la liste des salariés de la société [S], ne peut suffire à caractériser l'existence d'un contrat de travail pour des fonctions distinctes de celles inhérentes au mandat.

Si, en présence d'un contrat de travail apparent, il incombe à celui qui invoque son caractère fictif d'en rapporter la preuve, tel n'est pas le cas en l'espèce, la cour constate en conséquence que M. [S], sur lequel pèse la charge de la preuve du contrat de travail, dans la mesure où il revendique la qualité de salarié avant le 4 juillet 2008 ,ne démontre pas avoir été salarié de la société [S] avant cette date.

Il est constant qu'à compter du 4 juillet 2008, ont été délivrés à M. [S] des bulletins de salaire. Si les bulletins de salaire de juillet et août 2008 ne mentionnent aucune qualification particulière, les bulletins de salaire de septembre, octobre, et novembre 2008 mentionnent une qualification de conseiller commercial, et la référence à la Convention Collective Nationale expéditeurs et exportateurs fruits et légumes, et les bulletins de salaire de décembre 2008, janvier et février 2009 précisent un coefficient 450.

Il n'est pas contesté que M. [M] [S] a présenté à la société DORLEANE de juillet 2008 à janvier 2009 des notes de frais mensuels aux fins de remboursement de frais professionnels qui ont été traitées par la société DORLEANE.

Il est versé aux débats par l'appelant un courrier de la société DORLEANE du 21 novembre 2008 adressé à M. [M] [S] en ces termes:

'Nous vous rappelons que la société à mis à votre disposition un téléphone portable dans le cadre de votre emploi au sein de la société.

Elle vous a octroyé 6 heures qui ne doivent être utilisées qu'à des fins professionnelles. Tout dépassement, et /ou une utilisation privée abusive feront l'objet d'une facturation. '

La société DORLEANE a engagé une procédure de licenciement à l'égard de M. [M] [S].

Au vu de ces éléments qui établissent tant la rémunération par la société DORLEANE de M. [S] en qualité de conseiller commercial, que le lien de subordination entre ce dernier et la société DORLEANE, manifesté par le rappel de consignes concernant un téléphone remis dans le cadre des fonctions et par un pouvoir disciplinaire, la cour constate que M. [S] démontre l'existence d'un contrat de travail le liant à l'intimée depuis le 4 juillet 2008.

Sur le licenciement

L'employeur qui prend l'initiative de rompre le contrat de travail doit énoncer son ou ses motifs dans la lettre de licenciement qui fixe les limites du litige. Il incombe à l'employeur d'alléguer des faits précis sur lesquels il fonde le licenciement.

La faute grave est celle qui résulte d'un fait ou d'un ensemble de faits imputables au salarié qui constituent une violation des obligations résultant du contrat de travail ou des relations de travail d'une importance telle qu'elle rend impossible le maintien du salarié dans l'entreprise même pendant la durée du préavis.

L'employeur qui invoque la faute grave pour licencier, et tel est le cas en l'espèce, doit en rapporter la preuve.

La société DORLEANE soutient que :

- M. [S] a présenté des états de frais pour des dépenses personnelles, n'en justifiant nullement le caractère professionnel,

- les attestations produites ne démontrent pas la réalité des dépenses prétendument professionnelles dont le remboursement a été sollicité,

- l'emploi de M. [S] en qualité de conseiller commercial, ne l'autorisait pas à solliciter le remboursement de frais de bouche pour une autre personne que lui, et notamment pas son épouse,

- les attestations produites et notamment celle de M. [A] produite au terme de six ans de procédure pour justifier de la réalité d'un repas en sa compagnie en septembre 2008, sont des attestations de complaisance,

- aucune pièce ne justifie que les personnes mentionnées sur les notes de frais étaient des contacts professionnels de M. [S],

- M. [S] n'avait pas la qualité de cadre dirigeant revendiquée au regard de la définition donnée par la Convention Collective Nationale applicable, et n'avait pas à inviter des clients le soir ou le week-end, ce que confirme un de ses salariés, conseiller commercial.

- concernant la prescription, ce moyen doit être rejeté, rappelant avoir été informé en janvier 2009 de ce que M. [S] n'avait pas invité un client alors qu'il avait présenté une note de frais de repas avec ce dernier, de sorte que la prescription ne saurait courir qu'à compter de cette information.

Elle produit :

- l'attestation de M. [G] [B], agissant en qualité de responsable achats fruits et légumes [Établissement 1] qui certifie le 8 janvier 2009 que personne de l'équipe SCAFRUITS n'a participé au déjeuner ou dîner qui aurait eu lieu au restaurant situé à [Adresse 3] en compagnie de M. [S].

- les notes de frais avec les justificatifs joints par M. [S]

- l'attestation de M. [O] [K], directeur commercial de la SAS DORLEANE qui déclare qu'il n'a jamais été prévu dans l'entreprise de se faire accompagner par des membres de sa famille pour des déplacements , repas professionnels ou commerciaux. Egalement, il n'a jamais été dans la politique de l'entreprise de rencontrer des prospects en dehors de la semaine et particulièrement les vendredis soir et week-end et enfin d'en faire supporter les dépenses à l'entreprise.

M [S] conteste l'existence de faits fautifs et soulève en tout état de cause, la prescription de ceux-ci, faisant valoir que les notes de frais ont été déposées et vérifiées chaque mois par l'employeur depuis juillet 2008.

Il ajoute qu'étant cadre dirigeant, il n'était pas soumis aux horaires prévus dans le code du travail et que conformément à l'usage dans la profession, il rencontrait fréquemment des clients le soir ou le week-end. Il indique encore qu'il était d'usage de dîner avec les épouses et qu'ainsi aucune des dépenses pour lesquelles il a présenté un état de frais ne sont des dépenses personnelles, mais sont bien des dépenses professionnelles.

Il produit :

- plusieurs attestations de personnes confirmant ces usages dans la profession, ( M. [J], M. [G], M. [C], M. [D] )

- une attestation de M. [I] [A] qui déclare : je reconnais avoir dîné avec M. [M] [S] le 11 septembre 2008 au restaurant [Établissement 2]. A cette époque j'étais employé chez [Établissement 1] (filière fruits et légumes SCAFRUITS) où j'occupais le poste de responsable du bureau d'achats situé à [Localité 1]. Jamais personne de ma hiérarchie ne m'a demandé la confirmation ou les détails de ce repas. M. [M] [S] soutient ainsi que n'est pas fondée l'accusation faite par son employeur de ce qu'un tel repas n'a pas eu lieu.

- des attestations de MM [H], [N], [U], et de Mme [I] qui confirment avoir dîné avec M. [S] et son épouse en novembre 2008 , comme mentionné dans ses états de frais.

- l'attestation de mme [P] comptable en date du 20 avril 2010 qui écrit: Je suis chargée de pointer l'ensemble des notes de frais qui me sont remises directement par les salariés. Je vérifie que chaque dépense est accompagnée d'un ticket ou d'une facture. Je dois également vérifier sur le ticket ou la facture, si le salarié a porté le nom et la société de la personne invitée (quand il y a une invitation). Suite à cela, je prépare le paiement de ces notes de frais par virement déclenché par la direction. Il arrive que M. [Y] procède à des contrôles approfondis lorsque c'est nécessaire (si les montants des demandes de remboursement de frais présentées semblent trop importantes). En janvier 2009, M. [Y], qui semblait très énervé, m'a demandé de sortir toutes les notes de frais de M. [M] [S] .

- sur la prescription

L'article L 1332-4 du code du travail dispose qu'aucun fait fautif ne peut donner lieu à lui seul à l'engagement de poursuites disciplinaires au-delà d'un délai de deux mois à compter du jour où l'employeur en a eu connaissance .

Madame [P] comptable précise avoir vérifié les états de frais , notamment en vérifiant que soit bien indiqué par le salarié le nom des clients invités.

M. [M] [S] soutient qu'en l'état de ces contrôles de ces frais mensuellement, ce que corrobore encore la lettre de l'employeur qui lui a été adressé le 21 novembre 2008, les faits reprochés se trouvent être prescrits.

Il ne peut cependant être déduit des déclarations de Mme [P] que l'employeur a eu, au fur et à mesure des remises de ces états de frais mensuels et de leur vérification ainsi faite par la comptable, connaissance des faits qu'il reproche à son salarié. La cour constate en effet d'une part que ce contrôle fait par la comptable est purement formel (ce que corroborent les mentions portées sur les états de frais, portant sur des rectifications du coefficient de l'indemnité kilométrique, ou des précisions relatives à la TVA), que la vérification de la mention d'un nom sur une facture ne signifie pas la vérification du bien fondé de la dépense, et que d'autre part la société DORLEANE établit avec l'attestation de Monsieur [B] remise en janvier 2009 que c'est à ce moment que l'employeur a douté de la sincérité des notes de frais de M. [M] [S], événement à rattacher d'ailleurs à l'état d'énervement de M. [Y] contre son salarié constaté à cette date par la comptable. Le fait qu'ultérieurement, M. [M] [S] produise une attestation (M. [A]) contredisant les propos de Monsieur [B] est dont inopérant, étant observé de surcroît que M. [A] précisant n'avoir parlé à personne de ce repas, ne rend donc pas douteux les affirmations de M. [B].

Ainsi le caractère fictif des frais dont le salarié avait réclamé le remboursement n'ayant été révélé à l'employeur qu'à compter du 8 janvier 2009 , soit dans un délai de deux mois avant l'engagement de la procédure de licenciement notifié le 5 février 2009, il ne saurait être retenu la prescription des faits fautifs reprochés. Confirmant la décision des premiers juges sur ce point, la cour écarte ce moyen.

- sur la preuve des faits fautifs

La lettre de licenciement fait grief au salarié d'avoir :

* sollicité au titre des frais professionnels le remboursement des dépenses personnelles suivantes sans avoir obtenu l'autorisation de les engager :

- le samedi 26 juillet 2008: 150.40 €

- le vendredi soir 1er août 2008 : 160 €

- le vendredi soir 8 août 2008 : 141.50 €

- les vendredi soir 11, 19 et 26 septembre 2008 pour un total de 178.50 €

- le vendredi 24 octobre 2008 : 76 €

- le vendredi 31 octobre 2008 : 80 €

- lors d'un déplacement en Suisse du 25 au 27 novembre 2008 : 520.40 CHF pour des frais d'hôtel pour deux personnes

- dimanche 2 novembre 2008 : 68 €

- samedi 8 novembre 2008 : 41 €

* falsifié une note de frais du 11 septembre 2008 de 129 € en précisant avoir invité M. [L] [L] (acheteur chez [Établissement 1]) alors même que ce dernier nous a précisé qu'il n'avait jamais été au restaurant avec vous le 11 septembre 2008.

L'article 3 de l'accord du 7 juin 2001 relatif à l'aménagement et à la réduction du temps de travail rappelle que ne sont pas soumis à la réglementation sur la durée du travail les cadres dirigeants dont l'importance des responsabilités, le niveau élevé de rémunération et l'habilitation à prendre des décisions de façon largement autonome, impliquent une grande indépendance dans l'organisation de leur emploi du temps et ne permettent pas le suivi d'un décompte du temps de travail.

Ce texte précise qu'en pratique sont visés les cadres de l'équipe dirigeante et que font notamment partie de cette catégorie les cadres remplissant les conditions suivantes:

- mandataires sociaux

- cadres non régis par la Convention Collective Nationale

- cadre définissant les stratégies politiques, économiques, financières et commerciales de l'entreprise et ayant le pouvoir de les engager.

Il est clairement mentionné sur les bulletins de salaire de M.[S] sa qualification de conseiller commercial et l'application aux parties de la Convention Collective Nationale expéditeurs et exportateurs fruits et légumes.

La cour constate que M. [S] ne produit aucun élément permettant d'affirmer qu'il exerçait des fonctions de cadre dirigeant dans l'entreprise DORLEANE. L'appelant ne peut donc soutenir ne pas avoir été tenu aux règles légales concernant la durée du travail.

La cour relève plus particulièrement que l'article 31 de la Convention Collective Nationale dispose:

'Tous les salariés, sans distinction de qualification, bénéficient, en sus du dimanche, d'une demi-journée de repos par semaine. En période de forte activité, cette demi-journée est accordée l'un quelconque des jours de la semaine, éventuellement par roulement.

En période creuse, elle est accolée au dimanche. En cas de nécessité, une partie du personnel peut être mise au repos le samedi après-midi, l'autre le lundi matin.'

Il ressort clairement de l'attestation de M.[K] que les salariés de l'entreprise n'étaient pas autorisés à engager des frais professionnels le week-end et encore moins faire supporter par l'entreprise des dépenses engagées par des tiers à l'entreprise.

Les premiers juges ont pu observer de manière pertinente que s'il est probablement d'usage pour un PDG de se déplacer avec son épouse, il en est autrement lorsque cette qualité est perdue, et qu'un employeur ne saurait assumer les frais d'hébergement et de bouche du conjoint du salarié.

M. [M] [S] produit plusieurs attestations confirmant sa pratique consistant à inviter au restaurant des relations professionnelles en compagnie de son épouse et de l'épouse de ladite relation. Les notes de frais produites aux débats font d'ailleurs ressortir que l'appelant a plusieurs fois présenté des demandes de remboursement pour des telles dépenses: ainsi la note d'hôtel visée dans la lettre de licenciement, correspondant à son séjour et celui de son épouse à l'hôtel [Établissement 3]de [Localité 2] pour 520.40 CHF ou une note de frais le 7 novembre 2008 pour 4 couverts notée M et Mme [O].

Les demandes de remboursement de frais engagés pendant des périodes où le salarié n'est pas en activité, portant sur des frais ne concernant pas le seul salarié mais également son épouse, constituent à elles seules des faits fautifs graves, rendant impossible le maintien du salarié dans l'entreprise.

Le licenciement pour faute grave est fondé en l'espèce; justifié il ne peut dès lors présenter un quelconque caractère vexatoire La cour confirme en conséquence le rejet des prétentions de M. [M] [S] tant au titre de ses demandes de'indemnisation pour un licenciement sans cause réelle est sérieuse qu'au titre d'un abus de pouvoir et du caractère vexatoire du licenciement.

Sur les autres demandes

Il est inéquitable de laisser à la charge de la partie intimée la totalité des frais irrépétibles qu'elle a exposés; il lui sera alloué de ce chef une somme de 800 euros;

M. [M] [S] sera condamné aux dépens.

PAR CES MOTIFS

LA COUR, statuant par décision prononcée par mise à disposition au greffe, par arrêt contradictoire et en matière prud'homale,

Reçoit l'appel régulier en la forme,

Confirme le jugement rendu le 30 avril 2013 par le conseil des prud'hommes d'Arles en toutes ses dispositions,

Y ajoutant,

Condamne M. [M] [S] à payer à la société DORLEANE une somme de 800 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile,

Condamne M. [M] [S] aux dépens.

LE GREFFIERLE PRESIDENT


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel d'Aix-en-Provence
Formation : 9e chambre c
Numéro d'arrêt : 13/11372
Date de la décision : 29/04/2016

Références :

Cour d'appel d'Aix-en-Provence 9C, arrêt n°13/11372 : Confirme la décision déférée dans toutes ses dispositions, à l'égard de toutes les parties au recours


Origine de la décision
Date de l'import : 27/03/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2016-04-29;13.11372 ?
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