COUR D'APPEL D'AIX-EN-PROVENCE
3e Chambre A
ARRÊT AU FOND
DU 28 AVRIL 2016
N° 2016/172
Rôle N° 14/16966
S.A.S. SAGE
C/
SA AXA FRANCE IARD
Grosse délivrée
le :
à :
Me Sylvie MAYNARD
Me Romain CHERFILS
Décision déférée à la Cour :
Arrêt de la Cour de Cassation de PARIS en date du 03 Juillet 2014 enregistré au répertoire général sous le n° 1214F-D.
APPELANTE
S.A.S. SAGE venant aux droit de SAGE FDC, société par actions simplifiées
(Société à associé unique) au capital de6 750 000,00 €, immatriculée au RCS de PARISsous le N°313 966 129, prise en la personne de sonreprésentant légal, domicilié en cette qualité audit siège social, demeurant [Adresse 2]
représentée par Me Sylvie MAYNARD, avocat au barreau d'AIX-EN-PROVENCE,
plaidant par Me Yann BREBAN, avocat au barreau de PARIS
INTIMEE
SA AXA FRANCE IARD prise en la personne de son représentant légal en exercice, demeurant [Adresse 1]
représentée par Me Romain CHERFILS de la SELARL BOULAN CHERFILS IMPERATORE, avocat au barreau d'AIX-EN-PROVENCE,
plaidant par Me Marie-Christine MANTE SAROLI, avocat au barreau de LYON
*-*-*-*-*
COMPOSITION DE LA COUR
L'affaire a été débattue le 03 Mars 2016 en audience publique. Conformément à l'article 785 du Code de Procédure Civile, Madame Béatrice MARS, Conseiller, a fait un rapport oral de l'affaire à l'audience avant les plaidoiries.
La Cour était composée de :
Madame Sylvie CASTANIE, Présidente
Monsieur Martin DELAGE, Conseiller
Mme Béatrice MARS, Conseiller (rédacteur)
qui en ont délibéré.
Greffier lors des débats : Madame Jocelyne MOREL.
Les parties ont été avisées que le prononcé de la décision aurait lieu par mise à disposition au greffe le 28 Avril 2016
ARRÊT
Contradictoire,
Prononcé par mise à disposition au greffe le 28 Avril 2016,
Signé par Madame Sylvie CASTANIE, Présidente et Madame Jocelyne MOREL, greffière auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.
***
Par arrêt rendu le 15 juin 2010, sur appel d'un jugement du Tribunal de Commerce de Lyon du 28 avril 2009 la Cour d'appel de Lyon a :
- Confirmé le jugement rendu le 28 avril 2009 par le Tribunal de Commerce de Lyon mais seulement en ce qu'il a':
* Débouté la société Sage FDC de toutes ses demandes y compris celles tendant à voir organiser une nouvelle expertise et de son appel en garantie dirigé contre la compagnie AXA,
* Condamné la société Sage FDC à payer une indemnité de procédure de 20 000 euros à la SARL Air Jet Cargo et de 4 000 euros à la compagnie AXA,
* Condamné la société Sage FDC aux dépens en ceux compris les frais d'expertise,
- Infirmé le jugement dans ses autres dispositions et statuant à nouveau':
- Fixé le préjudice subi par la société Air Jet Cargo au titre de la perte de productivité née de l'inexécution par la société Sage FDC de ses obligations contractuelles à la somme de 295 568 euros,
- Fixé le préjudice subi par la SARL Air Jet Cargo au titre de la perte de chance née de l'inexécution par la société Sage FDC de ses obligations contractuelles à la somme de 154 696 euros,
- En conséquence condamné la société Sage FDC à payer à la SARL Air Jet Cargo la somme totale de 450 264 euros à titre de dommages et intérêts avec intérêts au taux légal à compter du 28 avril 2009.
Cette décision a fait l'objet d'un pourvoi et a été cassé par arrêt de la Cour de Cassation en date du 16 juin 2011, mais uniquement en ce que, confirmant le jugement, il a rejeté l'appel en garantie de la société Sage contre la SA AXA France Iard.
Par arrêt du 18 avril 2013 Cour d'Appel de Lyon a :
- Réformé le jugement du 28 avril 2009 quant à l'appel en garantie formé contre la SA AXA France Iard par la société Sage FDC,
- Condamné la compagnie AXA France Iard à garantir les dommages immatériels auxquels la société Sage FDC est tenue,
- Condamné la compagnie AXA France Iard à payer à la société Sage FDC qui a réglé à la société Jet Air Cargo en exécution des dispositions de l'arrêt du 15 juin 2010 non atteinte par la cassation et du jugement du 28 avril 2009 la somme de 450 264 euros avec intérêts au taux légal à compter du 28 avril 2009 jusqu'au jour du paiement effectif par l'assureur au besoin au titre de dommages et intérêts et avec capitalisation de l'article 1154 du Code Civil dans la limite du plafond de garantie de 762 245 euros et sans réduction d'une franchise,
- Débouté la société Sage FDC du reste de ses prétentions,
- Condamné la compagnie AXA France Iard a payer à la société Sage FDC la somme de 20 000 euros au titre de l'article 700 du Code de Procédure Civile.
Par arrêt du 3 juillet 2014, la Cour de Cassation a ainsi jugé :
'Attendu que, pour condamner l'assureur à payer à la société Sage FDC diverses sommes. L'arrêt écarte l'application de la clause d'exclusion de garantie prévue par l'article 4 du chapitre IV des conditions particulières du contrat d'assurance, après avoir énoncé quelle ne stipule pas, de manière claire et précise, une exclusion et qu'elle fait disparaître l'objet même du contrat,
Qu'en statuant ainsi, alors que la clause litigieuse est formelle et limitée en ce qu'elle exclut la garantie de l'assureur pour ' les conséquences pécuniaires résultant d'un retard apporté dans la fourniture d'un produit, matériel ou prestation de service, ou de la non-fourniture de ceux-ci, sauf lorsque le retard ou la non fourniture résulte d'un événement aléatoire indépendant de la volonté de l'assuré et ne mettant pas en cause la qualité de son organisation, de l'indisponibilité de l'ingénieur chargé du projet lorsque cette indisponibilité est due à un accident, maladie ou au décès de celui ci, d'une erreur ou omission commise dans les différentes opérations ou taches nécessaires à l'exécution de la prestation' la Cour d'appel a violé les textes susvisés'.
La Cour de Cassation a cassé l'arrêt en date du 18 avril 2013.
Vu la déclaration de saisine de la Cour d'Appel, après cassation, déposée le 2 septembre 2014, par la SAS Sage.
Vu les conclusions de la SAS Sage, venant aux droits de la société Sage FDC, notifiées le 13 janvier 2016, aux termes desquelles il est demandé à la Cour de :
A titre principal':
- Dire et juger que la SA AXA France Iard a reconnu par ses écritures, qui constitue un aveu judiciaire, sa garantie au titre de la police, laquelle n'excède pas la demande de la SAS Sage,
- Dire et juger que la SAS Sage rapporte la preuve du paiement des sommes dues au titre desquelles elle demande la garantie de la SA AXA France Iard,
- Condamner la SA AXA France Iard à rembourser, en principal, à la SAS Sage la somme de 602 046,71 euros avec intérêts au taux légal à compter de l'arrêt à intervenir et capitalisation des intérêts,
- Condamner la SA AXA France Iard au paiement à la SAS Sage de la somme de 20 000 euros au titre des dispositions de l'article 700 du Code de Procédure Civile.
Vu les conclusions de la SA AXA France Iard, notifiées le 10 février 2016, aux termes desquelles il est demandé à la Cour de :
- Confirmer le jugement rendu par le Tribunal de Commerce de Lyon le 28 avril 2009, en ce qu'il a rejeté l'appel en garantie formé par la SAS Sage à l'encontre de la SA AXA France Iard,
- Dire et juger que les préjudices financiers alloués à la Société Jet Air Cargo doivent être considérés comme les conséquences pécuniaires résultant d'un retard apporté dans la fourniture d'un produit, matériel ou prestation de services ou de la non fourniture de ceux-ci, et sont, comme tels, exclus de la garantie,
- Dire et juger que la garantie ne peut être acquise en matière de responsabilité civile professionnelle que pour les dommages survenus après livraison ou après réception,
- Dire et juger sur ce point que la livraison n'a pas été réalisée par la Société Jet Air Cargo, la réception n'étant en outre jamais intervenue,
- Dire et juger en conséquence que la garantie n'est pas acquise de ce fait,
- Débouter la SAS Sage de sa demande tendant au paiement de la somme de 602 046,71 euros,
Subsidiairement, si la Cour devait considérer que la garantie de la SA AXA France Iard est acquise':
- Constater que la garantie contractuelle au titre des dommages immatériels non consécutifs est limitée à la somme de 762 245 euros,
- Dire et juger que la garantie de la SA AXA France Iard ne peut porter que sur la somme de 450 264 euros allouée par l'arrêt de la Cour d'Appel de Lyon du 15 juin 2010 à la Société Jet Air Cargo,
- Dire et juger qu'en l'état, la SAS Sage ne démontre avoir versé que la somme de 300 000 euros montant auquel devra être limité l'intervention de l'assureur,
- Dire et juger que toute condamnation qui viendrait à être prononcée à l'encontre de la SA AXA France Iard devra être assortie de la franchise contractuelle de 10 % devant rester à la charge de la SAS Sage, avec un minimum de 762 euros et un maximum de 3 811,23 euros,
- Dire et juger que l'invocation de moyens à titre subsidiaire ne constitue en aucun cas un aveu judiciaire quant à l'application de sa garantie,
- Débouter la SAS Sage de toute demande plus ample ou contraire,
- Condamner la SAS Sage à payer à la SA AXA France Iard la somme de 20 000 euros en application des dispositions de l''article 700 du Code de Procédure Civile.
MOTIFS DE LA DECISION':
Dans son arrêt en date du 3 juillet 2014 la Cour de Cassation a posé le principe de l'applicabilité de la clause d'exclusion de garantie prévue par l'article 4 du chapitre IV des conditions particulières du contrat d'assurance, en énonçant que cette clause 'est formelle et limitée'.
Aux termes de l'article L 113-1 du Code des Assurances': Les pertes et les dommages occasionnés par des cas fortuits ou causés par la faute de l'assuré sont à la charge de l'assureur, sauf exclusion formelle et limitée contenue dans la police.
Toutefois, l'assureur ne répond pas des pertes et dommages provenant d'une faute intentionnelle ou dolosive de l'assuré.
Dès lors pour l'application de cette exclusion de garantie prévue à l'article 4, qui relève de l'article L 113-1 alinéa 1, il n'y a pas lieu de constater l'existence d'une faute intentionnelle ou dolosive commise par l'assuré, mais seulement d'examiner les conditions de mise en 'uvre des exclusions formelles et limitées contenues dans la police.
La SA France Iard fait valoir que ces exclusions de garantie sont opposables à la SAS Sage, anciennement Team Informatique, qui n'a pas procédé, intentionnellement, à la fourniture de la totalité de la prestation sollicitée par la société Jet Cargo, suite au différent financier existant quant au paiement de ses factures.
La SAS Sage fait valoir qu'elle n'a fourni que partiellement la prestation prévue du fait du non paiement par la société Jet Air Cargo de ses factures, ce qui constitue un événement indépendant de sa volonté, et rend dès lors applicable la garantie de la SA AXA France Iard.
En l'espèce, la cassation de l'arrêt du 15 juin 2010 comme celle de l'arrêt du 18 avril 2013, ne porte que sur l'appel en garantie formé contre la SA AXA France Iard.
Il est donc acquis aux débats que le projet informatique auquel s'était engagée la société Team Informatique (devenue société Tracing Server Developpement, puis société Sage FDC, puis SAS Sage) envers la société Jet Air Cargo, n'a pas été livré, de sorte que la résolution du contrat a été prononcée par le Tribunal de Commerce de Lyon, le 4 janvier 2005, confirmée par l'arrêt de la Cour d'Appel de Lyon du 15 juin 2006, aux torts exclusifs de Tracing Server Developpement qui n'a pas effectué, aux termes de ses décisions, loyalement': la conduite du projet et de la méthodologie de mise en 'uvre, la fonction d'administrateur, l'aide au démarrage et alors que seule la comptabilité était opérationnelle.
Ainsi, dans son arrêt en date du 15 juin 2006, la Cour d'Appel de Lyon rappelle': que la société Team Informatique a procédé à une facturation pour le moins très anticipée de ses matériels et de ses prestations, que plus de deux ans après cette facturation aucune des applications (à l'exception d'une application comptable autonome) ne fonctionnait de manière satisfaisante, que la mise en 'uvre du projet informatique proposé par la société Team Informatique et accepté par la société Jet Air Cargo n'a jamais été menée à son terme du fait de la défaillance de la société Team Informatique.
Il est précisé également': la société Team Informatique a commencé à livrer ses matériels et à exécuter ses prestations avant même d'avoir reçu l'acompte conventionnellement prévu et avant même d'avoir obtenu la confirmation de l'octroi d'un financement (dont elle connaissait la nécessité) par un organisme de crédit.
L'article 4 du chapitre IV des conditions particulières du contrat d'assurance conclu entre les parties exclut expressément la prise en charge des ' conséquences pécuniaires résultant d'un retard apporté dans la fourniture d'un produit, matériel ou prestation de service, ou de la non-fourniture de ceux-ci, sauf lorsque le retard ou la non fourniture résulte d'un événement aléatoire indépendant de la volonté de l'assuré et ne mettant pas en cause la qualité de son organisation, de l'indisponibilité de l'ingénieur chargé du projet lorsque cette indisponibilité est due à un accident, maladie ou au décès de celui ci, d'une erreur ou omission commise dans les différentes opérations ou taches nécessaires à l'exécution de la prestation '.
Ainsi donc il résulte expressément de cet article que la garantie apportée par la SA AXA France Iard est exclue en cas de non fourniture de la prestation, ce qui est le cas ici, une fourniture très partielle comme en l'espèce, ne pouvant être assimilée à une exécution de la prestation comme le soutient la SAS Sage.
Cet article 4 prévoit une garantie, malgré l'inexécution de la prestation, si elle résulte de diverses exceptions notamment': d'un événement aléatoire indépendant de la volonté de l'assuré.
En l'espèce il est établi que la SAS Sage, comme elle le reconnaît elle même, a volontairement cessé l'exécution de la prestation à laquelle elle s'était engagée, du fait du non paiement de ses factures. Ainsi cette société ne peut prétendre à l'existence d'un événement indépendant de sa volonté, auquel elle aurait été soumise, puisqu'elle a elle même décidé unilatéralement de cesser l'exécution de ses prestations et alors au surplus, concernant le non paiement des factures par la société Jet Air Cargo, qu'il est établi qu'elle a 'commencé à livrer ses matériels et à exécuter ses prestations avant même d'avoir reçu l'acompte conventionnellement prévu et avant même d'avoir obtenu la confirmation de l'octroi d'un financement' au profit de la société Jet Air Cargo.
Il résulte donc de ces éléments que la garantie de la SA AXA France Iard n'est pas due, les moyens évoqués par cette société, à titre subsidiaire, dans ses conclusions ne pouvant en aucun cas être assimilés à un aveu judiciaire.
PAR CES MOTIFS':
La Cour, par décision contradictoire, en dernier ressort':
- Confirme le jugement en date du 28 avril 2009 du Tribunal de Commerce de Lyon en ce qu'il a débouté la société Sage FDC de son appel en garantie dirigé à l'encontre de la SA AXA France Iard,
- Condamne la SAS Sage à payer à la SA AXA France Iard une somme de 4 000 euros en application de l'article 700 du Code de Procédure Civile,
- Condamne la SAS Sage aux dépens avec recouvrement direct au profit des avocats de la cause, conformément aux dispositions de l'article 699 du Code de Procédure Civile.
LA GREFFIERELA PRESIDENTE