COUR D'APPEL D'AIX-EN-PROVENCE
15e Chambre A
ARRÊT AU FOND
DU 22 AVRIL 2016
N° 2016/ 335
Rôle N° 14/20685
SCI FRANCO RUSSE IMMOBILIERE
C/
[N] [U] épouse [M]
Grosse délivrée
le :
à : Me Elie MUSACCHIA
Me Yann CHARAMNAC
Décision déférée à la Cour :
Jugement du Juge de l'exécution de du TGI de GRASSE en date du 28 Octobre 2014 enregistré au répertoire général sous le n° 14/01287.
APPELANTE
SCI FRANCO RUSSE IMMOBILIERE représentée par son gérant en exercice domicilié en cette qualité audit siège, [Adresse 1]
intimée dans RG 14/21200
représentée par Me Elie MUSACCHIA, avocat au barreau d'AIX-EN- PROVENCE, assisté par Me Denis DEUR, avocat au barreau de GRASSE, plaidant
INTIMEE
Madame [N] [M] née [U]
née le [Date naissance 1] 1952 à [Localité 1], demeurant [Adresse 2]
représentée par Me Yann CHARAMNAC, avocat au barreau d'AIX-EN- PROVENCE, assisté par Me Jean-Marc COHEN, avocat au barreau de NICE
appelante dans RG 14/21200
*-*-*-*-*
COMPOSITION DE LA COUR
L'affaire a été débattue le 09 Mars 2016 en audience publique. Conformément à l'article 785 du Code de Procédure Civile, Madame Françoise BEL, Conseiller, a fait un rapport oral de l'affaire à l'audience avant les plaidoiries.
La Cour était composée de :
Monsieur Olivier COLENO, Président
Madame Françoise BEL, Conseiller (rédacteur)
Monsieur Dominique TATOUEIX, Conseiller
qui en ont délibéré.
Greffier lors des débats : M. Alain VERNOINE.
Les parties ont été avisées que le prononcé de la décision aurait lieu par mise à disposition au greffe le 22 Avril 2016
ARRÊT
Contradictoire,
Prononcé par mise à disposition au greffe le 22 Avril 2016,
Signé par Monsieur Olivier COLENO, Président et Madame Ingrid LAVIGNAC, greffier auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.
***
FAITS PROCÉDURE PRÉTENTIONS ET MOYENS DES PARTIES :
La SCI FRANCO RUSSE IMMOBILIÈRE ( SCI FRI) constituée le 12 août 1993 entre M. [D] ( 99 parts) et Mme [U] épouse [M] ( 1 part), a acquis le même jour un bien immobilier sis à [Localité 2] au prix de 564.061,36 euros.
La villa était donnée à bail d'habitation à Mme [U] épouse [M] le 20 décembre 1999 moyennant un loyer mensuel de 3000 [Localité 3].
Par jugement du14 juin 2007 le tribunal correctionnel de Grasse a condamné Mme [U] à huit 8 mois d'emprisonnement avec sursis pour les faits de faux et usage de faux relatif à un acte de cessions de parts, jugement confirmé partiellement par arrêt de la cour d'appel d'Aix en Provence du 15 avril 2009.
Faute de payement des loyers la Cour d'Appel d'Aix en Provence a ordonné par arrêt du 13 janvier 2011 la résiliation du bail, l'expulsion de Mme [U] épouse [M] et l'a condamnée à payer les arriérés de loyers.
Autorisée par ordonnance du 19 décembre 2013 Mme [U] épouse [M] a fait pratiquer le 14 janvier 2014 au préjudice de la SCI FRI une saisie conservatoire sur le prix de vente du bien immobilier de la société détenu entre les mains de Me [H] Notaire à Théoule sur Mer pour le compte de la SCI FRI pour sûreté et garantie d'un montant de 950.000 euros, un nantissement de la totalité des parts sociales pour garantie d'une somme principale de 739.006,47 euros.
Par jugement du 28 octobre 2014 dont appel le juge de l'exécution du tribunal de grande instance de Grasse a rejeté la demande de nullité de l' assignation du 28 février 2014 délivrée par la SCI FRI , débouté la société de sa demande de rétractation de l'ordonnance sur requête du 19 décembre 2013, cantonné le montant de la saisie conservatoire à 358.325,07 euros, rejeté les demandes au titre de l'article 700 du Code de procédure civile et condamné les parties chacune à supporter la moitié des dépens,
aux motifs
- d'une régularisation de l'adresse du siège social résultant d'une inscription modificative au Kbis de la société en date du 30 juin 2014, d'une francisation du nom patronymique du gérant, d'un complément des textes fondant la demande dans des écritures de la société,
- d'une intervention volontaire du liquidateur de Mme [U] avec reprise en compte de la requête à hauteur de 358.325,07 euros compte tenu des travaux d'entretien réalisés dans la villa,
- de l'absence de droit propre de l'associé,
- d'une assignation aux fins d'obtenir condamnation pour 962.804,12 euros,
- de l'absence de preuve d'une origine régulière des parts sociales à hauteur de 50 % par Mme [U] qui a reconnu être l'auteur des faux, et d'un financement du prix d'acquisition de la villa, de la seule justification de la propriété d'une part sociale, soit une créance paraissant fondée en son principe à ce titre de 20.000 euros non contestée, d'un principe de créance procédant des factures d'entretien à hauteur de 358.325,07 euros, de dommages intérêts non justifiés,
- de menaces dans le recouvrement caractérisées par la vente du seul actif immobilier sans en informer le liquidateur de l'associé, par le changement de siège social, lesquels traduisent la volonté de se soustraire à la procédure collective, le défaut de consignation des fonds, la situation d'extranéité de l'unique associé,
Vu les dernières conclusions notifiées et déposées le 5 février 2016 par la SCI FRANCO RUSSE IMMOBILIÈRE aux fins de voir la Cour infirmer partiellement le jugement, rétracter l'ordonnance sur requête du 19 décembre 2013, ordonner la mainlevée de toutes les mesures conservatoires pratiquées sur la base de cette ordonnance et notamment ordonner la mainlevée de l'acte de nantissement provisoire de parts sociales et la saisie conservatoire pratiquée entre les mains de Maître [B] [H], Notaire à [Adresse 3], condamner Madame [U] divorcée [M] à verser à la SCI FRANCO RUSSE IMMOBILIÈRE la somme de 4.000 euros par application des dispositions de l'article 700 du Code de procédure civile ainsi qu'aux entiers dépens d'appel et de première instance, en ce compris les frais de mainlevée à venir.
La SCI appelante soutient:
- le rejet des moyens de nullité tels que retenus par le premier juge,
- un désistement partiel le 3 décembre 2014 contre le liquidateur dont la mission a pris fin,
- la propriété par Mme [U] d'une seule part sociale, les faits de faux étant définitivement imputables à Mme [U], le financement du prix d'achat de la villa au moyen de fonds provenant d'un prêt d'un tiers, transitant sur une société NEWS détenue par Mme [U], et l'absence d'un principe de créance de factures précédemment écartées par un arrêt de la cour d'appel du 13 janvier 2011,
Vu les dernières conclusions notifiées et déposées le 1ER février 2016 par Madame [U] épouse [M] tendant à voir la Cour infirmer le jugement du chef du rejet de la nullité de l' assignation délivrée le 28 février 2014, subsidiairement confirmer le jugement du 28 octobre 2014 en ce qu'il a débouté la SCI FRANCO RUSSE IMMOBILIÈRE de sa demande en rétractation de l'ordonnance sur requête du 19 décembre 2013, juger en conséquence qu'il n'y a pas lieu à cantonnement de la saisie conservatoire, condamner la SCI FRANCO RUSSE IMMOBILIÈRE à payer à Madame [M] la somme de 5.000 euros au titre de l'article 700 du Code de procédure civile, auxentiers dépens distraits au profit de Maître Yann Charamnac.
L'intimée fait valoir:
- le dessaisissement de Me [K] par la clôture de la procédure de liquidation judiciaire,
- l'absence de mention du siège social faisant grief; le défaut de capacité d'ester en justice de la SCI ; le défaut d'exposé des moyens en fait et en droit sauf mention de l'article L641-9 du code de commerce,
- le financement du prix d'achat du bien immobilier de 4.000.000 [Localité 3] (564.061,36 euros) le 12 août 1993 en son intégralité par la remise au notaire d'un chèque débité sur son compte bancaire et la remise de 20.000 francs pour la constitution de la société , des frais d'entretien du bien immobilier à concurrence de 358.325,07 euros, que les faits de faux portant sur la cession de 50 parts du 2 mai 1996 ont été jugés prescrits, que cette cession et celle du 17 avril 2010 portant sur la cession de 50 autres parts demeurent valables en l'absence d'une action en nullité des cessions de parts arguées de faux,
- la soustraction du seul actif de la société,
Vu l'ordonnance de clôture du 9 février 2016,
MOTIFS
En raison de l'évolution du litige résultant de la clôture de la liquidation judiciaire de Mme
[U] la SCI FRI ne formule plus de demandes à l'encontre du liquidateur Me [K] ès-qualité.
1. Sur la nullité de l'assignation du 28 février 2014 :
- pour défaut de siège social :
La SCI FRI justifiant en cours d'instance devant le juge de l'exécution d'une inscription modificative portée au Kbis de la société en date du 30 juin 2014, de la régularisation de l'adresse du siège social au [Adresse 4] permettant l'identification de la SCI FRI ( pièce 15), il s'ensuit que la prétention au défaut ou à l'inexistence du siège social, à l'inexistence de la société, est en voie de rejet, la régularisation intervenue avant que le juge statue, partant le jour où la Cour statue, validant l'acte de procédure de sorte que la prétention à la nullité est rejetée.
- pour défaut de capacité d'ester en justice : la régularisation de la mention du changement d'adresse du siège social entraîne le rejet de la nullité du chef de défaut subséquent de capacité d'ester en justice.
- pour non-respect des dispositions de l'article 56 du Code de procédure civile : Mme [U] ayant défendu utilement devant le premier juge en ce qu'elle a obtenu que la saisie conservatoire litigieuse ne soit pas levée, et produit en cause d'appel pas moins de 376 pièces outre des conclusions qu'elle a pu notifier à la défense de ses intérêts, démontre ainsi qu'elle a une connaissance suffisante des moyens de droit et de fait qui lui sont opposés ce qui justifie le rejet du moyen de nullité.
2. Sur l'existence d'une créance paraissant fondée en son principe :
Il appartient à Mme [U] qui soutient un principe de créance d'en rapporter la preuve, son administration n'incombant pas à M. [D] associé titulaire de 99 parts aux termes des statuts qui n'est pas en la cause.
Or il est constant et reconnu par Mme [U] alors en relations d'affaires avec M. [D] pour réaliser diverses opérations économiques, qu'elle a reçu sur le compte de la société NEWS qui lui appartenait des fonds provenant d'un tiers par virements de l'étranger dont l'existence suffisamment probante est rapportée ( pièce 22), qu'elle ne contestait pas avoir reçus au cours de l'instruction pénale ( pièce 19) et qu'elle conteste désormais, qu'elle a ensuite émis un chèque en payement du prix d'acquisition de la villa tiré d'un compte bancaire de sa société ouvert en les livres de la BNP, de sorte que Mme [U] ne justifie pas de la propriété des fonds ayant servi au financement du prix d'acquisition de la villa, propriété contestée par la SCI FRI qui justifie d'un courrier du prêteur de deniers ( pièce 363) et de trois virements bancaires.
Mme [U] soutient que la cause de la part unique dont elle était titulaire lors de la constitution de la société plutôt que la totalité des parts sociales contrepartie du payement du prix, était d'échapper au régime légal de communauté alors qu'elle était en instance de divorce.
L'obligation fondée sur une cause illicite ne pouvant avoir aucun effet, la prétention à la propriété de la totalité des parts de la société est ainsi rejetée.
Il est constant que les faits de la cession des droits sociaux de M. [D] au profit de Mme [U] du 2 mai 1996 ont été déclarés frauduleux mais prescrits, que la cession de parts du 30 avril 2000 a également été déclarée frauduleuse conduisant à une condamnation pénale de Mme [U], ce qui rend équivoque la propriété des parts dont se prévaut Mme [U] , y compris en l'absence d'action civile aux fins de voir déclarer la fausseté de la cession.
Mme [U] n'établissant pas toutefois que l'action en annulation des cessions de droits sociaux est prescrite, la prétention à l'existence d'une créance paraissant fondée en son principe est rejetée.
Mme [U], qui avait la qualité de locataire de la villa n'est pas fondée à faire valoir des factures pour des frais exposés au cours du bail, les factures invoquées ayant été précédemment écartées par un arrêt de la cour d'appel en date du 13 janvier 2011 en ce que les factures concernent pour l'essentiel des dépenses locatives ou des travaux d'amélioration sollicités par la locataire et ne peuvent suffire à prouver des paiements effectués par l'intéressée pour le compte de la société bailleresse, et alors qu'elle ne justifie pas avoir obtenu du bailleur l'autorisation d'exposer de telles dépenses fondant un principe de créance à hauteur de 358.325,07 euros, conduisant au rejet.
La propriété non contestée d'une part de la SCI conduit à retenir un principe de créance réduit de l'ordre de 20.000 euros.
Les éléments produits au soutien de l'existence d'une menace dans le recouvrement et relevés par le premier juge, n'apparaissent pas suffisamment pertinents à la Cour pour représenter le risque soutenu, Mme [U] évoluant dans le monde des affaires en France et à l'étranger et pouvant faire exécuter contre la société.
Il s'ensuit que le jugement dont appel est infirmé à l'exception du rejet de la demande de nullité de l'assignation devant le juge de l'exécution, que l' ordonnance sur requête du 19 décembre 2013 est rétractée et que la mainlevée de la saisie conservatoire pratiquée le 14 janvier 2014 au préjudice de la SCI FRI sur des sommes détenues par un notaire pour le compte de la SCI FRI, à 358.325,07 euros est prononcée.
PAR CES MOTIFS
La Cour,
Infirme le jugement dont appel à l'exception du rejet de la demande de nullité de l'assignation devant le juge de l'exécution,
Statuant à nouveau des chefs infirmés,
Prononce la rétractation de l'ordonnance sur requête du 19 décembre 2013,
Prononce la mainlevée de la saisie conservatoire pratiquée le 14 janvier 2014 au préjudice de la SCI FRANCO RUSSE IMMOBILIÈRE sur des sommes détenues par Maître [H] Notaire à Théoule sur Mer pour le compte de cette société,
Vu l'article 700 du Code de procédure civile,
Condamne Mme [N] [U] épouse [M] à payer à la SCI FRANCO RUSSE IMMOBILIÈRE la somme de 2000 euros,
Rejette toute demande autre ou plus ample,
Condamne Mme [N] [U] épouse [M] aux entiers dépens avec application des dispositions de l'article 699 du code de procédure civile.
LE GREFFIER LE PRESIDENT