COUR D'APPEL D'AIX-EN-PROVENCE
6e Chambre C
ARRÊT AU FOND
DU 31 MARS 2016
N° 2016/361
Rôle N° 15/05620
[P] [C] épouse [O]
C/
[D] [O]
Grosse délivrée
le :
à :
Me Marie José COUDERC POUEY
Me Joseph MAGNAN
-ministère public + 2 copies
Décision déférée à la Cour :
Jugement du Tribunal de Grande Instance de MARSEILLE en date du 11 Février 2015 enregistré au répertoire général sous le n° 12/10540.
APPELANTE
Madame [P] [C] épouse [O]
(bénéficie d'une aide juridictionnelle Totale numéro 2015/004736 du 04/05/2015 accordée par le bureau d'aide juridictionnelle de AIX-EN-PROVENCE)
née le [Date naissance 1] 1962 à MARSEILLE (13000)
de nationalité Française, demeurant [Adresse 2]
représentée par Me Marie José COUDERC POUEY, avocat au barreau d'AIX-EN-PROVENCE
INTIME
Monsieur [D] [O]
né le [Date naissance 2] 1972 à [Localité 1] (Algérie)
de nationalité Algérienne, demeurant [Adresse 1]
représenté par Me Joseph MAGNAN de la SCP MAGNAN PAUL MAGNAN JOSEPH, avocat au barreau D'AIX-EN-PROVENCE
assisté de Me Ali BADECHE, avocat au barreau de MARSEILLE
*-*-*-*-*
COMPOSITION DE LA COUR
L'affaire a été débattue le 09 Février 2016 en Chambre du Conseil en présence du ministère public, auquel l'affaire a été régulièrement communiquée. Conformément à l'article 785 du Code de Procédure Civile, Michèle CUTAJAR, conseiller a fait un rapport oral de l'affaire à l'audience avant les plaidoiries.
La Cour était composée de :
Madame Chantal MUSSO, Présidente
Mme Michèle CUTAJAR, Conseiller
Mme Edith PERRIN, Conseiller
qui en ont délibéré
Greffier lors des débats : Madame Mandy ROGGIO.
Les parties ont été avisées que le prononcé de la décision aura lieu par mise à disposition au greffe le 31 Mars 2016.
L'affaire a été communiquée au ministère public, représenté lors des débats par Madame POUEY, substitut général qui a fait connaître son avis.
ARRÊT
Contradictoire,
Prononcé par mise à disposition au greffe le 31 Mars 2016.
Signé par Madame Chantal MUSSO, Présidente et Madame Mandy ROGGIO, greffier auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.
EXPOSE DU LITIGE
[D] [O] ( de nationalité algérienne) et [P] [C] (de nationalité française) se sont mariés à Marseille le [Date mariage 1] 2008 .
Le 05 Septembre 2012, [P] [C] a saisi le tribunal de grande instance de Marseille aux fins d'entendre annuler le mariage contracté avec [D] [O], et condamner ce dernier à lui payer la somme de 5000 euros au titre des dommages et intérêts .
Par jugement du 11 Février 2015, le tribunal de grande instance de Marseille a rejeté toutes ses demandes.
Le 03 Avril 2015, [P] [C] a interjeté appel de cette décision.
Selon dernières conclusions du 24 Juin 2015, elle demande à la Cour de prononcer la nullité du mariage contracté avec [D] [O] et de le condamner à lui payer la somme de 1200 euros au titre des frais irrépétibles de l'instance .
Elle soutient que l'époux n'a jamais été animé d'une quelconque intention matrimoniale.
Elle fait valoir qu'il ' a fait preuve d'un comportement difficile ', et soutient qu'il lui a même avoué ne s'être marié que dans le but de régulariser sa situation sur le territoire national.
Elle indique produire différentes attestations confirmant le but uniquement migratoire de l'époux, lequel a bien obtenu une carte de résident d'une validité de 10 ans, du fait de l'union.
Selon dernières conclusions du 20 Août 2015, [D] [O] demande la confirmation du jugement entrepris en toutes ses dispositions.
Il sollicite la condamnation de l'appelante à lui payer la somme de 5000 euros à titre de dommages et intérêts pour préjudice subi et celle de 3000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile .
Il conteste avoir confié à quiconque n' avoir contracté cette union que dans le but d'obtenir un titre de séjour et met en doute la sincérité des attestations produites par l'appelante.
Il souligne que [P] [C] omet de préciser qu'elle a elle même introduit une requête en divorce dans le cadre de laquelle, une ordonnance de non conciliation a été rendue le 30 Novembre 2010.
Il fait d'ailleurs valoir que, victime du comportement agressif de l'épouse, il a dû se résoudre à quitter le domicile conjugal pour mettre un terme à une vie conjugale émaillée de disputes et de séparations.
Il soutient donc que l'appelante est incapable de faire la preuve de l'absence de volonté matrimoniale.
Le ministère public auquel le dossier de l'affaire a été communiqué en application de l'article 425 du code de procédure civile a, par conclusions du 27 Janvier 2016 , régulièrement communiquées au parties, conclut à la confirmation du jugement entrepris .
La procédure a été clôturée le 26 Janvier 2016.
DISCUSSION
L'article 202-1 du code civil alinéa 1, modifié et complété par la Loi N°2014- 713 du 04 Août 2014, dispose que les qualités et conditions requises pour pouvoir contracter mariage sont régies, pour chacun des époux, par sa loi personnelle.
Quelle que soit la loi personnelle applicable, le mariage requiert le consentement des époux, au sens de l'article 146 et du premier alinéa de l'article 180 du code civil .
En modifiant et complétant les dispositions de l'article 202-1 du code civil , le législateur a fait du consentement libre des deux époux, tel qu'il est édicté par l'article 180 alinéa 1 du code civil , une loi de police française.
C'est par conséquent au regard de la loi française que doit s'apprécier le consentement des époux et l'intention matrimoniale.
L'article 146 du code civil dispose qu'il n' y a pas de mariage lorsqu'il n' y a point de consentement.
L'article 180 alinéa 1 du code civil dispose que le mariage qui a été contracté sans le consentement libre des époux, ou de l'un d'eux, ne peut être attaqué que par les époux , ou par celui des deux dont le consentement n'a pas été libre, ou par le ministère public.
L'exercice d'une contrainte sur les époux, ou sur l'un d'eux, y compris par crainte révérencielle envers un ascendant, constitue un cas de nullité de mariage.
La preuve de l'absence d'intention matrimoniale incombe au demandeur en nullité, puisque l'acte de mariage fait preuve de l'échange des consentements.
Il résulte de l'article 146 du code civil que si l'intention conjugale s'apprécie au moment de l'échange des consentements, l'attitude des époux postérieurement au mariage doit traduire la manifestation concrète de cette intention conjugale.
[P] [C] communique les attestations [A], [K], [V], [Z] épouse [U], [X], desquelles il ressort que [D] [O] ne se cachait pas, au moment de la célébration de l'union, puis après l'union, d'avoir contracté cette union afin d'obtenir un titre permettant de rester sur le territoire national.
Ces témoignages directs sont contestées par [D] [O].
Ils ne sont cependant contredits par aucune attestation contraire et n'ont fait l'objet d'aucune plainte visant à dénoncer leur caractère éventuellement mensonger.
En effet , toutes les attestions produites par l'intimé ne tendent qu'à tenter de faire la preuve des qualités de l'époux et de l'agressivité de [P] [C].
Au regard de ces éléments, la preuve de l'absence d'intention matrimoniale de [D] [O] se trouve démontrée.
Il y a donc lieu d'infirmer le jugement entrepris et de prononcer l'annulation du mariage célébré le [Date mariage 1] 2008.
Il n' y a pas lieu de faire application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile .
[D] [O], qui succombe assumera la charge des dépens d'appel.
PAR CES MOTIFS
La Cour, statuant publiquement, après débats en chambre du conseil, contradictoirement
INFIRME en toutes ses disposions le jugement du 11 février 2015.
ET STATUANT A NOUVEAU :
ANNULE le mariage célébré le [Date mariage 1] 2008 devant l'officier d'état civil de la Ville de [Localité 2])
entre :
[D] [O], né le [Date naissance 2] 1972 à [Localité 1] ( Algérie), de nationalité algérienne , fils de [I] Ben [R] [O], et de [B], [L] [Q].
et
[P] [C] , née le [Date naissance 1] 1962 à [Localité 3], de nationalité française, fille de [N] [C] et de [Y] [G].
ORDONNE la mention du dispositif du présent arrêt, conformément aux dispositions de l'article 1082 du code de procédure civile , en marge des actes de naissance de chacune des parties, et de leur acte de mariage.
DIT n'y avoir lieu de faire application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile.
DIT que [D] [O] assumera la charge des entiers dépens d'appel.
LE GREFFIER LE PRESIDENT