COUR D'APPEL D'AIX EN PROVENCE
14e Chambre
ARRÊT AU FOND
DU 02 MARS 2016
N°2016/279
Rôle N° 14/09203
SA CPECF
C/
URSSAF DES BOUCHES DU RHONE
MNC - MISSION NATIONALE DE CONTROLE ET D'AUDIT DES ORGANISMES DE SÉCURITÉ SOCIALE
Grosse délivrée
le :
à :
Me Maud DAVAL-GUEDJ, avocat au barreau d'AIX-EN-PROVENCE
URSSAF DES BOUCHES DU RHÔNE
Copie certifiée conforme délivrée aux parties le :
Décision déférée à la Cour :
Jugement du Tribunal des Affaires de Sécurité Sociale des BOUCHES DU RHÔNE en date du 16 Avril 2014,enregistré au répertoire général sous le n° 21106896.
APPELANTE
SA CPECF, demeurant [Adresse 1]
représentée par Me Maud DAVAL-GUEDJ, avocat au barreau d'AIX-EN-PROVENCE
INTIMEE
URSSAF DES BOUCHES DU RHÔNE, demeurant [Adresse 2]
représenté par M. [U] [Q] (Inspecteur du contentieux) en vertu d'un pouvoir spécial
PARTIE INTERVENANTE
MNC - MISSION NATIONALE DE CONTROLE ET D'AUDIT DES ORGANISMES DE SECURITE SOCIALE, demeurant [Adresse 3]
non comparant
*-*-*-*-*
COMPOSITION DE LA COUR
En application des dispositions de l'article 945-1 du Code de Procédure Civile, l'affaire a été débattue le 03 Février 2016, en audience publique, les parties ne s'y étant pas opposées, devant Monsieur Jean-Luc CABAUSSEL, Conseiller, chargé d'instruire l'affaire.
Ce magistrat a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la Cour composée de :
M. Gérard FORET-DODELIN, Président
Madame Florence DELORD, Conseiller
Monsieur Jean-Luc CABAUSSEL, Conseiller
Greffier lors des débats : Monsieur Kamel BENKHIRA.
Les parties ont été avisées que le prononcé de la décision aurait lieu par mise à disposition au greffe le 02 Mars 2016
ARRÊT
Contradictoire,
Prononcé par mise à disposition au greffe le 02 Mars 2016
Signé par M. Gérard FORET-DODELIN, Président et Monsieur Kamel BENKHIRA, greffier auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.
La société CPECF a saisi le Tribunal des affaires de Sécurité Sociale (TASS) des Bouches du Rhône d'une opposition à une contrainte délivrée le 26 septembre 2011 par l'URSSAF en paiement d'une somme de 29 051 € représentant le montant de deux chefs de redressement.
Une deuxième procédure avait également été intentée en contestation de la décision de la commission de recours amiable de l'URSSAF du 30 octobre 2012, ayant statué sur les deux mêmes chefs de litige.
Le Tribunal par jugement en date du 16 avril 2014, a joint les deux procédures, a rejeté le recours, et rejeté l'opposition à contrainte.
La société CPECF a relevé appel de cette décision, le 25 avril 2014.
Le conseil de l'appelant expose que les indemnités faisant l'objet des deux chefs de redressement, n° 10 et 12 ne sauraient être considérées comme devant être réintégrées dans l'assiette des cotisations.
Il sollicite l'infirmation en ce sens du jugement déféré, l'annulation des deux redressements, et demande une somme en application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile.
De son côté l'URSSAF entend obtenir la confirmation de la décision, mais soulève que le jugement a omis de faire droit à la demande reconventionnelle de l'organisme en condamnation de la société CPECF en paiement de la somme de 29 051 €, et sollicite une somme en application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile.
Pour un plus ample exposé des faits, de la procédure, des prétentions et moyens des parties, il y a lieu de se référer aux écritures des parties reprises oralement à l'audience.
La MNC régulièrement avisée n'a pas comparu.
SUR CE
Attendu qu'une lettre d'observations en date du 23 mars 2011 a été établie par l'URSSAF, suivie d'une mise en demeure en date du 12 août 2011 ;
Que la société CPECF a contesté les redressements n° 10 et 12, et n'a pas réglé leur montant ; que la mise en demeure susvisée représente le montant des deux postes de litige, pour un total à payer de 29 051 € ;
Attendu que le poste de redressement n° 10 concerne les indemnités de rupture forcée ;
Attendu que le contrôle a fait ressortir que suite au licenciement pour faute grave de [Z] [J] le 18 novembre 2009, un accord transactionnel a été conclu le 23 novembre suivant qui a accordé à la salariée la somme de 13 520 € ;
Que toutefois la salariée restait devoir à la société une somme au titre de prêts qui lui avaient été consentis ; qu'alors, les parties sont convenues d'imputer une somme de 10 638,40 € au titre des prêts ;
Que le contrôle faisait alors ressortir que les prêts contractés par la salariée avaient été enregistrés en perte sur la comptabilité de l'entreprise, au poste « perte sur créance » au 31 décembre 2010, pour un montant de 10 755,07 € ; qu'en conséquence, l'URSSAF a considéré que ce dernier montant avait été enregistré comptablement « en perte » car constituant un montant de prêt non récupéré ;
Attendu qu'au sens de l'article L 242-1 du code de la sécurité sociale, sont considérées comme rémunérations pour le calcul des cotisations toutes les sommes versées aux travailleurs en contrepartie ou à l'occasion d'un travail ; qu'ainsi il en découle que l'assiette des cotisations n'est pas limitée au salaire proprement dit mais inclut tous les avantages en espèces ou en nature alloués en contrepartie d'une prestation fournie en relation avec le travail ou l'emploi occupé ;
Attendu que les sommes versées lors ou après la rupture du contrat de travail ne sont pas toutes considérées de la même façon au regard de l'assiette des cotisations de sécurité sociale, selon qu'elles ont la nature de salaire ou de dommages et intérêts réparant un préjudice autre que salarial ;
Attendu qu'en l'espèce, le protocole transactionnel concernant [Z] [J] mentionne un licenciement pour faute grave ;
Que le juge est tenu de rechercher si la somme versée dans le cadre d'une transaction n'englobe pas éventuellement des éléments de rémunération soumis à cotisations, quelle que soit la qualification retenue par les parties ;
Attendu à ce titre que l'indemnité transactionnelle ne peut être exonérée de cotisations sociales que pour sa fraction représentative d'une indemnité elle-même susceptible d'être exonérée ;
Qu'ainsi, il doit être rappelé que dans le cas d'un salarié licencié pour faute lourde ou grave, qui ne peut bénéficier d'aucune indemnité de licenciement, il est admis que l'indemnité transactionnelle destinée à éviter tout contentieux est exonérée de cotisations dans les conditions applicables à l'indemnité de licenciement ;
Qu'en l'espèce, il n'est pas contesté que l'indemnité transactionnelle versée à Mme [J] doit être analysée comme ayant le caractère de dommages et intérêts compensant le préjudice né de la rupture du contrat de travail et donc non soumis à cotisations ;
Attendu que le litige demeure sur la question de la résolution des prêts contractés par la salariée, tel qu'exposés ci-dessus, lesquels avaient été enregistrés en perte, sur la comptabilité de l'entreprise au poste « perte sur créance » au 31 décembre 2010, pour un montant de 10 755,07 € ;
Que la société employeur considère que les parties sont convenues de compenser entre elles leurs dettes et créances réciproques ; qu'il peut ainsi être affirmé que le prêt consenti à la salariée a servi de mode de paiement d'une partie de la transaction ; que le montant constaté en perte pour 10 755,07 € ne constitue pas le non remboursement du prêt, mais le paiement de l'indemnité transactionnelle par compensation avec ledit prêt ;
Que toutefois, l'URSSAF fait valoir à juste titre deux ensembles d'arguments ;
Que tout d'abord, il appartenait à la société CPECF de régulariser le remboursement allégué comme ayant été effectué par la salariée, en passant les écritures comptables correspondantes ; qu'une écriture « au crédit » aurait dû être passée matérialisant le remboursement du prêt, et parallèlement, une écriture « en débit » sur un compte charges ; que tel n'est pas le cas au regard des pièces produites dans la présente procédure ;
Qu'ensuite, il est à rappeler que la compensation, élément soutenu par la société employeur, ne peut s'opérer qu'entre dettes connexes ; qu'en l'espèce, la société allègue une connexité qui apparaît de pure opportunité ; que la connexité ne peut être retenue lorsque la nature des dettes en présence est différente ; qu'il est de jurisprudence établie que précisément, il ne peut y avoir compensation entre la créance d'une somme d'argent, et celle d'un prêt ;
Qu'en conséquence le rejet du recours, formé sur le poste n° 10 par la société employeur, sera confirmé ;
Attendu que le poste de redressement n° 12 concerne les cotisations portant sur une rupture non forcée du contrat de travail ;
Attendu que la société employeur et la salariée [D] [I], en désaccord initial sur la mise à la retraite de cette dernière, ont ensuite conclu un accord amiable en date du 1er septembre 2009 prévoyant un départ négocié et les conséquences financières de celui-ci, soit une indemnité de 8 000 € ;
Que le contrôle opéré par l'URSSAF a fait ressortir que les cotisations sociales correspondantes n'avaient pas été versées ;
Attendu que la société CPECF soutient tout d'abord que la commission de recours amiable statuant sur ce point a émis une décision de rejet non motivée ; que cette décision est ainsi privée de base légale ;
Qu'il est à rappeler que outre la procédure d'opposition à contrainte, la société CPECF avait saisi la commission de recours amiable de l'URSSAF, des mêmes chefs de contestation ; que les deux procédures avaient fait l'objet d'une jonction par le premier juge ;
Que sur le grief d'absence de motivation, il doit être constaté que la commission de recours amiable, dans sa décision du 30 octobre 2012 jointe au dossier, s'est prononcée sur les deux chefs de redressement n° 10 et 12 ; que sur ce dernier chef, la lecture de la décision, en ses pages 5, 6, 7 et 8, fait ressortir qu'ont été analysés successivement la motivation de la contestation, les constatations de l'inspecteur de recouvrement, la base juridique, la qualification juridique des faits, avant que soit enfin prononcée la décision ; que le grief de défaut de motivation ne saurait être retenu ;
Que sur le fond de la contestation du chef de redressement n° 12, la société employeur met en avant que la rupture du contrat de travail avec Madame [I] a été à l'initiative de la société, qu'ainsi le départ de la salariée est dû à l'attitude de l'employeur, et que par conséquent, la somme versée présente tous les caractères d'une indemnité, non soumise à cotisations ;
Attendu que l'URSSAF répond que le procès verbal de la réunion du 7 janvier, qui a présidé au départ de Madame [I], porte la mention d'un « accord », ne fait référence à aucun litige, et ne fait référence à aucune notion de licenciement ou de départ à la retraite ; que les écritures mêmes de la société employeur font état « d'un litige né ou à naître » ;
Qu'en tout état de cause, il doit être constaté que l'indemnité de 8 000 € versée en 2008 n'est en aucun cas représentative d'une indemnité de licenciement, ni d'une indemnité de départ à la retraite ; que c'est en conséquence à juste titre que l'URSSAF demande que cette somme soit réintégrée dans l'assiette des cotisations ;
Qu'il convient en conséquence de considérer qu'en rejetant le recours, le premier juge a fait une juste appréciation des faits de la cause et que sa décision doit être confirmée, mais également complétée en les termes du présent dispositif ;
Qu'en effet, faisant droit à la position de l'URSSAF sur les deux chefs de litige, lesquels n'avaient fait l'objet d'aucun paiement de la part de la société CPECF jusqu'à ce jour, il importe de faire droit également à la demande reconventionnelle de l'URSSAF en paiement de la somme de 29 051 € représentant précisément le montant total des deux redressements, objets de la présente procédure ;
Attendu qu'eu égard aux circonstances de la cause, il est équitable de ne pas faire application de l'article 700 du code de procédure civile ;
Attendu que la procédure devant les juridictions de la sécurité sociale est gratuite et sans frais conformément aux dispositions de l'article R 144-10 du code de la sécurité sociale, il n'y a pas lieu de statuer sur les dépens ;
PAR CES MOTIFS
LA COUR,
Statuant en audience publique, par arrêt contradictoire, en matière de sécurité sociale,
Déclare recevable l'appel de la société CPECF,
Confirme le jugement en toutes ses dispositions,
Y ajoutant,
Fait droit à la demande reconventionnelle de l'URSSAF en paiement de la somme de 29 051 €,
Condamne en conséquence la société CPECF au paiement à l'URSSAF de cette somme de 29 051 €,
Dit n'y avoir lieu à application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile,
Dit n'y avoir lieu à statuer sur les dépens.
LE GREFFIER LE PRESIDENT