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19/02/2016 | FRANCE | N°13/15174

France | France, Cour d'appel d'Aix-en-Provence, 9e chambre a, 19 février 2016, 13/15174


COUR D'APPEL D'AIX EN PROVENCE

9e Chambre A



ARRÊT AU FOND



DU 19 FEVRIER 2016



N° 2016/ 168













Rôle N° 13/15174





SAS SOCIETE MONSTER WORLWIDE





C/



[Y] [Q]

































Grosse délivrée le :



à :



- Me Sylvain PAPELOUX, avocat au barreau de PARIS



- Me Jérôme FERRARO,

avocat au barreau de MARSEILLE



Copie certifiée conforme délivrée aux parties le :





Décision déférée à la Cour :



Jugement du Conseil de Prud'hommes - Formation paritaire de MARSEILLE - section E - en date du 21 Juin 2013, enregistré au répertoire général sous le n° 11/4595.







APPELANTE



SAS SOCIETE MONSTER ...

COUR D'APPEL D'AIX EN PROVENCE

9e Chambre A

ARRÊT AU FOND

DU 19 FEVRIER 2016

N° 2016/ 168

Rôle N° 13/15174

SAS SOCIETE MONSTER WORLWIDE

C/

[Y] [Q]

Grosse délivrée le :

à :

- Me Sylvain PAPELOUX, avocat au barreau de PARIS

- Me Jérôme FERRARO, avocat au barreau de MARSEILLE

Copie certifiée conforme délivrée aux parties le :

Décision déférée à la Cour :

Jugement du Conseil de Prud'hommes - Formation paritaire de MARSEILLE - section E - en date du 21 Juin 2013, enregistré au répertoire général sous le n° 11/4595.

APPELANTE

SAS SOCIETE MONSTER WORLWIDE, demeurant [Adresse 1]

représentée par Me Sylvain PAPELOUX, avocat au barreau de PARIS

INTIMEE

Madame [Y] [Q], demeurant [Adresse 2]

représentée par Me Jérôme FERRARO, avocat au barreau de MARSEILLE substitué par Me Aurélie CLERC, avocat au barreau de MARSEILLE

*-*-*-*-*

COMPOSITION DE LA COUR

L'affaire a été débattue le 07 Janvier 2016 en audience publique devant la Cour composée de :

Madame Pascale MARTIN, Conseiller faisant fonction de Président qui a rapporté

Monsieur David MACOUIN, Conseiller

Mme Nathalie FRENOY, Conseiller

qui en ont délibéré

Greffier lors des débats : Mme Nadège LAVIGNASSE.

Les parties ont été avisées que le prononcé de la décision aurait lieu par mise à disposition au greffe le 19 Février 2016.

ARRÊT

CONTRADICTOIRE

Prononcé par mise à disposition au greffe le 19 Février 2016.

Signé par Madame Pascale MARTIN, Conseiller faisant fonction de Président et Mme Florence ALLEMANN-FAGNI, greffier auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

FAITS- PROCÉDURE-PRÉTENTIONS DES PARTIES

Selon contrat à durée indéterminée du 29 août 2006, Mme [Y] [Q] était embauchée par la société Monster Worldwide dont l'activité est la mise en ligne de services relatifs à des offres d'emplois et activités associées, en qualité de télémarkétrice statut cadre 1.1 coefficient 90 avec une rémunération fixe annuelle de base de 19.200 € bruts augmentée d'une part variable de 10 % suivant les objectifs atteints par la société .

Selon avenant du 9 juin 2008, elle était promue 'commerciale sédentaire prospection' (new business), son coefficient passant à 95, sa rémunération fixe à 22.387,20 € et sa rémunération variable à 19.200 € bruts sur 12 mois si 100 % des objectifs étaient atteints.

Dans un avenant temporaire du 25 janvier 2010 à effet du 1er janvier 2010, la salariée acceptait de participer au projet teaming FS/TS, sa rémunération restant inchangée mais la part variable étant définie en fonction des résultats du nouveau projet commercial.

Par lettre recommandée du 11 mars 2010, Mme [Y] [Q] faisait part à la directrice des ressources humaines de difficultés avec sa responsable Mme [N], exposant des pressions de cette personne ayant pour effet d'altérer sa santé.

Des entretiens et réunions avaient lieu avec des délégués du personnel et un plan d'action était mis en place le 1er avril 2010.

Dans un nouvel avenant du 25 mai 2010 à effet du 1er mai 2010, la rémunération fixe de la salariée était inchangée à 22.387,20 € sur douze mois et la part variable était augmentée en fonction des objectifs.

Le 12 juillet 2010, selon certificat médical, la salariée faisait état auprès de la société Monster Worldwide d'un état de grossesse.

Après un arrêt maladie de 15 jours, Mme [Y] [Q] était déclarée apte le 18 octobre 2010 à la reprise sous surveillance médicale, le médecin du travail souhaitant la revoir dans 15 jours.

Le 22 octobre 2010, Mme [Y] [Q] était placée en arrêt maladie prolongé jusqu'au 31 décembre 2010 et son congé maternité débutait le 1er janvier 2011 jusqu'au 6 mai 2011.

Il était proposé à la salariée de solder ses congés annuels et après deux visites médicales des 9 et 24 mai 2011, elle était déclarée par la médecine du travail 'inapte à la reprise de son poste et inapte à la reprise d'un poste dans l'environnement du site de la société Monster Worldwide à [Localité 1]'.

Par lettre recommandée du 10 juin 2011, la société Monster Worldwide faisait diverses propositions de reclassement à Mme [Y] [Q] mais la salariée les refusait le 17 juin 2011 arguant de sa situation familiale.

A la suite d'un entretien préalable tenu le 4 juillet 2011, Mme [Y] [Q] était licenciée pour inaptitude par lettre recommandée du 8 juillet 2011.

Suivant requête du 21 septembre 2011 Mme [Y] [Q] saisissait le conseil des prud'hommes de Marseille aux fins de contester son licenciement, réclamant diverses sommes à caractère salarial et indemnitaire.

Par jugement du 21 juin 2013, le conseil des prud'hommes de Marseille a dit le licenciement sans cause réelle et sérieuse, fixé le le salaire brut mensuel moyen de Mme [Y] [Q] à la somme de 4966,32 € et condamné la société Monster Worldwide à payer à la salariée les sommes suivantes :

- 29.797,92 € à titre de dommages et intérêts,

- 800 € sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile .

Il a rejeté les autres demandes des parties et condamné la société aux dépens.

Suite à l'appel interjeté par la société Monster Worldwide le 10 juillet 2013, les parties ont été convoquées devant la Cour pour l'audience du 25 juin 2015 renvoyée à la demande des parties ou de leurs conseils au 7 janvier 2016.

Lors des débats et dans ses écritures, la société Monster Worldwide demande à la cour de dire sa recherche de reclassement sérieuse et le licenciement fondé sur une cause réelle et sérieuse, de débouter Mme [Y] [Q] et de condamner cette dernière à lui payer la somme de 2500 € sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile.

Dans ses conclusions reprises oralement, Mme [Y] [Q] demande à la Cour de réformer la décision déférée sur le harcèlement moral et l'exécution fautive du contrat de travail, de dire pour ces raisons le licenciement nul ou subsidiairement sans cause réelle et sérieuse .

Subsidiairement, elle demande la confirmation de la décision sur le manquement à l'obligation de reclassement.

Elle sollicite les sommes suivantes :

- 20.000 € à titre de dommages et intérêts pour harcèlement moral,

- 5000 € à titre de dommages et intérêts pour exécution fautive liée à l'état de grossesse,

- 14.898,96 € au titre de l'indemnité compensatrice de préavis outre 1489,89 € pour les congés payés y afférents,

- 40.000 € à titre de dommages et intérêts pour licenciement nul ou à titre subsidiaire pour licenciement sans cause réelle et sérieuse,

- 1534,69 € au titre d'un reliquat de complément de salaire,

- 509,67 € au titre de la prime de vacances,

- 2500 € sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile .

Elle réclame la fixation des intérêts au taux légal à compter de la demande en justice avec capitalisation.

Pour un plus ample exposé des faits de la procédure et des moyens des parties, la cour se réfère à la décision attaquée et aux conclusions déposées et soutenues à l'audience.

MOTIFS DE L'ARRÊT

Sur le harcèlement moral

Aux termes de l'article L.1152-1 du code du travail, aucun salarié ne doit subir les agissements répétés de harcèlement moral qui ont pour objet ou pour effet une dégradation des conditions de travail susceptible de porter atteinte à ses droits et à sa dignité, d'altérer sa santé physique ou mentale ou de compromettre son avenir professionnel.

Selon l'article L.1152-2 du code du travail, aucun salarié ne peut être sanctionné, licencié ou faire l'objet d'une mesure discriminatoire directe ou indirecte, notamment en matière de rémunération, de formation, de reclassement, d'affectation, de qualification, de classification, de promotion professionnelle, de mutation ou de renouvellement de contrat pour avoir subi ou refusé de subir des agissements répétés de harcèlement moral et pour avoir témoigné de tels agissements ou les avoir relatés.

L'article L.1154-1 du même code prévoit qu'en cas de litige, le salarié concerné établit des faits qui permettent de présumer l'existence d'un harcèlement et il incombe alors à l'employeur, au vu de ces éléments, de prouver que ces agissements ne sont pas constitutifs d'un tel harcèlement et que sa décision est justifiée par des éléments objectifs étrangers à tout harcèlement.

En l'espèce, Mme [Y] [Q] invoque les agissements fautifs de Mme [N], sa responsable hiérarchique, en ces termes :

- une surcharge importante de travail,

- des reproches permanents sur le travail réalisé,

- une agressivité verbale devant le reste de l'équipe,

- le refus de répondre à ses questions,

- de multiples entretiens informels,

- une tentative d'isolement.

Pour étayer ses affirmations, Mme [Y] [Q] produit notamment :

-un mail adressé à Mme [R] (responsable N+2) du 4 mars 2010 sollicitant un rendez-vous 'sur les renews',

- sa lettre du 11 mars 2010 adressée à Mme [P], le directeur des ressources humaines, exposant avoir 'été victime à plusieurs reprises de pressions de la part de cette personne [Mme [G] [N] et précisant] je ne peux à ce jour continuer à supporter ces agissements',

- le compte rendu d'entretien du 17 mars 2010 fait par l'employeur au cours duquel la salariée déclarait 'subir régulièrement des pressions de son manager, qui altère sa santé physique et nuit à son travail quotidien, n'avoir aucun accompagnement, ni de réponses, notamment sur le projet pilote du teaming, n'avoir aucune réponse à ses interrogations sur différents dossiers, subir de la part de [G] [N] de l'agressivité et son souhait de ne plus travailler avec cette responsable',

- le droit d'alerte exprimée par Mme [S], déléguée du personnel, dans un mail du 22 mars 2010,

- des mails de Monsieur [H], autre délégué du personnel, des 24 et 26 mars 2010, demandant un changement de poste pour la salariée, la saisine du médecin du travail, voire l'organisation d'une enquête sous l'égide du comité d'hygiène et de sécurité,

- un mail du 7 juillet 2010 intitulé 'attention !' de Mme [N] adressé en copie au directeur des ressources humaines, mettant en garde la salariée sur son comportement et lui rappelant ses mauvais chiffres du mois,

- le dossier médical de la médecine du travail.

Il convient de constater que la salariée ne cite aucun fait daté précis, ne produit aucune attestation concernant les 'agissements' au demeurant non explicités de la part de sa responsable hiérarchique, pouvant corroborer ses seules affirmations lesquelles relèvent davantage de l'inquiétude et de l'insatisfaction dans le cadre d'un nouveau projet auquel elle avait accepté de participer.

Les mails des délégués du personnel sont intervenus après les entretiens avec la direction en leur présence et n'apportent aucun élément sur des faits de harcèlement moral, faisant état seulement d'une proximité géographique des bureaux des protagonistes mais il résulte de la visite de Mme [Y] [Q] auprès de la médecine du travail le 12 avril 2010, que cette dernière évoquant les tensions avec son manager, précisait 'avoir pu changer de place' puis en mai 2010, déclarait 'n'être plus surveillée' et 'faire des points réguliers avec le directeur des ressources humaines' .

Par ailleurs, il ne résulte pas du dossier médical produit par Mme [Y] [Q] une altération de sa santé, avant la déclaration de sa grossesse, la salariée ayant été absente seulement pendant 4 jours début mai 2010 sans lien démontré avec ses conditions de travail.

Quant au mail du 7 juillet 2010, outre qu'il s'agit du seul message produit émanant de la responsable hiérarchique, il intervient alors que d'une part, la salariée avait accepté de continuer à travailler avec sa responsable depuis le mois de mars 2010 sans incident signalé et d'autre part, avait signé un nouvel avenant en mai 2010; en tout état de cause, si le ton du mail est sec, il ne dépasse pas les limites du pouvoir de direction concernant la conduite à tenir dans l'entreprise et les reproches adressés à la salariée sur ses faibles chiffres commerciaux ne sont pas démentis par elle.

Par ailleurs, la salariée ne saurait induire de la décision prise par l'employeur de procéder à des auditions, des entretiens puis de mettre en place un plan d'action, le fait que le harcèlement moral était avéré alors que la preuve de la matérialité de faits précis et concordants pouvant laissant supposer l'existence d'une telle situation de harcèlement moral lui incombe.

La réalité d'agissements fautifs qualifiés de harcèlement moral n'étant pas démontrée, Mme [Y] [Q] ne peut également considéré que l'employeur a failli à son obligation de sécurité de résultat résultant de l'article L.1152-4 du code du travail .

En conséquence, il convient de confirmer le jugement déféré en ce qu'il a rejeté la demande de dommages et intérêts à ce titre comme la demande de nullité du licenciement.

Sur l'exécution fautive du contrat de travail

Au visa de l'article L.4121-1 du code du travail et de l'article 1134 du code civil, la salariée reproche à l'employeur d'avoir d'une part cessé le plan d'action alors qu'elle était sous surveillance médicale depuis le 12 avril 2010 et d'autre part, durant sa période de grossesse d'avoir commis des agissements fautifs, consistant en l'attribution de son portefeuille de clients et donc l'intégralité de la partie variable de sa rémunération à un autre salarié, laquelle doit s'analyser comme une discrimination selon elle, outre le non paiement des compléments de salaire.

L'employeur fait état de réunions de suivi des 12 juillet, 11 et 18 août 2010 puis de l'absence de la salariée pour maladie liée à son état de grossesse, soulignant que les relations avec sa responsable se sont normalisées dès le 30 mars 2010 puisque Mme [Y] [Q] n'a plus désiré changer de poste. Il indique que l'entretien informel du 14 octobre 2010 était destiné à tirer les conséquences de son absence. Enfin, il se défend d'avoir failli à son obligation concernant le complément de salaire faisant état de calculs erronés de la part de la salariée.

1-Il convient d'observer que la surveillance médicale dont fait état Mme [Y] [Q] après la visite du 12 avril 2010 ne résulte que du dossier médical de la médecine du travail, non porté à la connaissance de l'employeur avant la procédure, de sorte que le reproche est inopérant.

Il résulte de ce même dossier médical qu'en mai 2010, Mme [Y] [Q] a été en arrêt en raison de l'hospitalisation de son fils, sans lien avec le travail et qu'elle mentionne elle-même des points réguliers avec le RH à cette époque ; le fait qu'ils n'aient pas été formalisés par un écrit est sans effet, étant précisé que lors de la visite au médecin du 9 juillet, elle spécifie être en congés dans 15 jours et qu'il est établi par l'employeur qu'un point précis conforme au plan d'action a été fait le 12 en juillet soit avant les congés de la salariée et après, soit deux fois au mois d'août sans signalement d'un événement précis.

La salariée ayant été en arrêt à compter du 30 septembre 2010 puis successivement en octobre et ce, jusqu'à son congé maternité, elle ne saurait reprocher à l'employeur d'avoir volontairement cessé d'appliquer le plan d'action.

En conséquence, ce grief ne peut être retenu.

2- Il résulte clairement des mails échangés le 14 octobre 2010 puis le 21 octobre 2010 avec Mme [N] que pendant l'arrêt maladie de 15 jours de Mme [Y] [Q], la direction - la salariée l'ayant appris par Mme [R] - avait confié 71 % de son portefeuille clients à un autre salarié .

Même si l'employeur tente d'expliquer qu'il s'agissait d'une sorte de passation de pouvoirs en vue du congé de maternité prévu à compter du 1er janvier 2011 et que Mme [N] indique par mail à la salariée les avantages que présente cette organisation, notamment au plan financier, non seulement la salariée n'a pas été consultée au préalable mais elle n'avait pas accepté les modifications apportées à son travail et à sa rémunération, de sorte qu'il s'agit bien d'une exécution fautive du contrat de travail de la part de la société Monster Worldwide .

3- Dans sa lettre du 11 avril 2011, le conseil de Mme [Y] [Q] reproche à l'employeur de ne pas avoir maintenu son salaire pendant la période maladie et la période maternité, estimant la créance à la somme de 6237,28 € même si dans ses écritures, il conclut à un reliquat dû sur la période de maladie de 1534,69 €, compte tenu d'une régularisation de la somme de 4373,61 € sur le bulletin de salaire du mois d'avril 2011, intervenu tardivement.

L'employeur procède à un calcul et indique qu'il devait 6913,23 € sur les deux périodes, somme qui a été réglée en avril 2011.

Il convient de constater que le paiement du complément de salaire est bien intervenu de façon tardive puisque le calcul sur la part variable n'a été réglée que sur le bulletin d'avril 2011, la question d'un reliquat restant à payer étant à examiner de façon distincte.

Au vu des manquements constatés, il convient de faire droit à la demande de dommages et intérêts de la salariée à hauteur de 3500 € , en infirmant la décision déférée.

Sur le licenciement

Dans la mesure où le harcèlement moral n'a pas été retenu, le licenciement de Mme [Y] [Q] ne peut être déclaré nul et seules ses demandes subsidiaires visant un licenciement sans cause réelle et sérieuse en raison des agissements fautifs de l'employeur ou pour manquement à l'obligation de reclassement seront examinées.

La salariée ne démontre pas de lien de causalité entre les manquements relevés alors qu'elle allait partir en congé de maternité et pendant celui-ci, son seul ressenti exprimé lors de la visite de reprise devant le médecin du travail et retranscrit par lui étant insuffisant sur ce point ; en tout état de cause, il n'a pas été émis un avis de danger immédiat, de sorte que la demande de la salariée sera rejetée sur ce point.

Concernant l'obligation de reclassement, l'employeur ne peut se baser sur le refus ultérieur de la salariée de ses propositions pour dire qu'elle ne souhaitait pas quitter la région de [Localité 1] mais doit démontrer qu'il a fait des recherches loyales et sérieuses.

Or, même en cause d'appel, la société Monster Worldwide ne produit pas d'éléments permettant d'établir qu'il n'existait aucun autre poste disponible notamment dans ses établissements en province, puisque seul un poste au siège social lui a été proposé en France, les autres postes étant tous situés à l'étranger, sans que la salariée comme le médecin du travail si son avis avait été requis et d'ailleurs les juridictions puissent valablement apprécier la teneur de ces postes puisque les documents sont tous édités en anglais.

En conséquence, c'est à juste titre que le conseil des prud'hommes de Marseille a dit que l'employeur n'avait pas respecté son obligation de reclassement et a dit le licenciement dépourvu de cause réelle et sérieuse.

Sur les conséquences financières du licenciement

La salariée avait 30 ans lors de la rupture du contrat de travail et une ancienneté de 5 ans dans l'entreprise . Elle justifie avoir suivi une formation de remise à niveau avec une aide financière de Pôle Emploi à compter du 31 octobre 2011 puis de son inscription à une école de formation en soins infirmiers ayant abouti à la délivrance en juillet 2015 d'un diplôme d'Etat d'infirmière, actuellement en contrat à durée déterminée jusqu'au mois de juillet 2016.

A la lumière de ces éléments, il convient d'infirmer le jugement déféré et de lui allouer la somme de 32.000 € à titre de dommages et intérêts .

Concernant l'indemnité compensatrice de préavis, elle est dûe à Mme [Y] [Q] en raison du caractère non fondé du licenciement et le fait que la salariée ait demandé à ce que le préavis (non exécuté pour cause de maladie) soit réduit n'a aucune incidence en l'espèce.

En conséquence, il convient d'infirmer le jugement sur ce point en allouant à Mme [Y] [Q] la somme réclamée et dont le montant n'est pas discuté par l'employeur.

Sur les autres demandes salariales

L'employeur a admis lors des débats qu'il n'avait pas réglé la prime de vacances pour la période du 1er juin 2009 au 31 mai 2010 et dès lors, il convient de faire droit à ce rappel de rémunération à hauteur de 509,07 € avec établissement d'un bulletin de salaire rectificatif.

Concernant le reliquat de complément de salaires, les parties sont en opposition quant à la rémunération à retenir comme référence, la salariée invoquant la somme de 3275,41 € nette comme étant la moyenne des douze derniers mois travaillés dans la lettre de son conseil d'avril 2011, puis dans ses conclusions celle de 3785,63 € nette correspondant à la moyenne des trois derniers travaillés de juillet à septembre 2010, tandis que l'employeur fixe la moyenne à 3207,83 € nette sans préciser la méthode utilisée.

Il convient de constater que Mme [Y] [Q] ne justifie pas la référence à un calcul sur les trois derniers mois et dès lors, il convient de retenir conformément à la règle en la matière le calcul de la salariée sur les douze derniers mois, en observant que celui retenu par l'employeur est très proche de celui fait par Mme [Y] [Q] dans sa demande amiable.

La salariée a limité sa demande en justice à la période de maladie soit 71 jours et dès lors, en fonction des indemnités journalières versées par la sécurité sociale à hauteur de 3050,48 € sur la période, dont le montant n'est pas contesté par l'employeur et du complément versé tardivement par l'employeur, le calcul est le suivant :

- rémunération sur 71 jours : 3275,41/30 = 109,18 x 71 =7751,78 €

- indemnités journalières à déduire : 3050,48 €

- régularisation d'avril 2011 à déduire : 4373,61 €

ce qui laisse un reliquat à verser d'un montant de 327,69 € .

Sur les intérêts

Les sommes allouées à titre de salaires porteront intérêts au taux légal à compter de la date de convocation de l'employeur (présentation de la lettre recommandée) à l'audience de tentative de conciliation valant mise en demeure, soit le 22 septembre 2011.

 Les sommes allouées à titre indemnitaire produiront intérêts au taux légal à compter de la date de la présente décision.

La capitalisation des intérêts sera ordonnée dans les conditions de l'article 1154 du code civil .

Sur les frais et dépens

La société Monster Worldwide qui succombe au principal, supportera les dépens de 1ère instance et d'appel, sera déboutée de sa demande basée sur l'article 700 du code de procédure civile et condamnée sur ce même fondement à payer à Mme [Y] [Q] la somme complémentaire de 1200 €, en sus de celle allouée par les premiers juges.

PAR CES MOTIFS

La Cour, statuant par arrêt contradictoire, prononcé publiquement par mise à disposition au greffe, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au 2ème alinéa de l'article 450 du code de procédure civile ,

*Confirme le jugement déféré sauf dans ses dispositions relatives à l'exécution fautive du contrat de travail, au montant de l'indemnisation du licenciement sans cause réelle et sérieuse, à l'indemnité compensatrice de préavis, au rappel de salaire pour le complément maladie et à la prime de vacances,

Statuant à nouveau des chefs infirmés et Y ajoutant,

*Condamne la société Monster Worldwide à payer à Mme [Y] [Q] les sommes suivantes :

- 3500 € à titre de dommages et intérêts pour exécution fautive du contrat de travail,

- 32.000 € à titre de dommages et intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse,

- 14.898,96 € au titre de l'indemnité compensatrice de préavis outre 1489,89 € pour les congés payés y afférents,

- 509,07 € au titre de la prime de vacances 2009-2010,

- 327,69 € au titre du reliquat de complément de salaire pendant l'arrêt maladie,

*Dit que les sommes allouées de nature salariale porteront intérêts au taux légal à compter du 22 septembre 2011 et les sommes allouées à titre indemnitaire , à compter de la présente décision, et ordonne la capitalisation de ces intérêts, dans les conditions de l'article 1154 du code civil,

*Dit que la société Monster Worldwide devra délivrer un bulletin de salaire rectificatif conforme aux dispositions de la présente décision, dans le délai d'un mois à compter de la notification de la présente décision,

*Déboute la société Monster Worldwide de sa demande faite sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile et la condamne à ce titre à payer à Mme [Y] [Q] la somme complémentaire de 1200 €,

*Condamne la société Monster Worldwide aux dépens d'appel.

Le Président Le Greffier


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel d'Aix-en-Provence
Formation : 9e chambre a
Numéro d'arrêt : 13/15174
Date de la décision : 19/02/2016

Références :

Cour d'appel d'Aix-en-Provence 9A, arrêt n°13/15174 : Infirme partiellement, réforme ou modifie certaines dispositions de la décision déférée


Origine de la décision
Date de l'import : 27/03/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2016-02-19;13.15174 ?
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