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19/02/2016 | FRANCE | N°13/11023

France | France, Cour d'appel d'Aix-en-Provence, 9e chambre c, 19 février 2016, 13/11023


COUR D'APPEL D'AIX EN PROVENCE

9e Chambre C



ARRÊT AU FOND



DU 19 FEVRIER 2016



N°2016/ 66















Rôle N° 13/11023







[V] [A]





C/



SA SNEF























Grosse délivrée le :



à :



-Me Cedric HEULIN, avocat au barreau de MARSEILLE



- Me Karine GRAVIER, avocat au barreau de MARSEILLE



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Copie certifiée conforme délivrée aux parties le :



Décision déférée à la Cour :



Jugement du Conseil de Prud'hommes - Formation paritaire de MARSEILLE - section I - en date du 07 Mai 2013, enregistré au répertoire général sous le n° 12/814.





APPELANT



Monsieur [V] [A], demeurant [Adresse 2]



comparant en...

COUR D'APPEL D'AIX EN PROVENCE

9e Chambre C

ARRÊT AU FOND

DU 19 FEVRIER 2016

N°2016/ 66

Rôle N° 13/11023

[V] [A]

C/

SA SNEF

Grosse délivrée le :

à :

-Me Cedric HEULIN, avocat au barreau de MARSEILLE

- Me Karine GRAVIER, avocat au barreau de MARSEILLE

Copie certifiée conforme délivrée aux parties le :

Décision déférée à la Cour :

Jugement du Conseil de Prud'hommes - Formation paritaire de MARSEILLE - section I - en date du 07 Mai 2013, enregistré au répertoire général sous le n° 12/814.

APPELANT

Monsieur [V] [A], demeurant [Adresse 2]

comparant en personne, assisté de Me Cedric HEULIN, avocat au barreau de MARSEILLE

INTIMEE

SA SNEF, demeurant [Adresse 1]

représentée par Me Karine GRAVIER, avocat au barreau de MARSEILLE

*-*-*-*-*

COMPOSITION DE LA COUR

En application des dispositions de l'article 945-1 du Code de Procédure Civile, l'affaire a été débattue le 12 Janvier 2016, en audience publique, les parties ne s'y étant pas opposées, devant Madame Hélène FILLIOL, Conseiller et Madame Virginie PARENT, Conseiller, chargés d'instruire l'affaire.

Ces magistrats ont rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la Cour composée de :

Madame Catherine LE LAY, Président de Chambre

Madame Hélène FILLIOL, Conseiller

Madame Virginie PARENT, Conseiller

Greffier lors des débats : Madame Florence ALLEMANN-FAGNI.

Les parties ont été avisées que le prononcé de la décision aurait lieu par mise à disposition au greffe le 19 Février 2016

ARRÊT

CONTRADICTOIRE

Prononcé par mise à disposition au greffe le 19 Février 2016

Signé par Madame Catherine LE LAY, Président de Chambre et Madame Florence ALLEMANN-FAGNI, greffier auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

FAITS, PROCEDURE ET PRETENTIONS DES PARTIES

Monsieur [V] [A], titulaire d'un CAP mécanique, niveau BAC technique, a été engagé par la société SNEF le 26 août 1972 en qualité d'électricien, qualification 0P3, suivant lettre d'engagement datée du même jour.

Par courrier du 23 mars 2009, la société SNEF informait Monsieur [V] [A] de l'application des seules dispositions de la convention collective du bâtiment et de son repositionnement au niveau F au sein de la classification des ETAM du Bâtiment, emploi agent technique et lui demandait de retourner un exemplaire de l'avenant signé.

Par courrier du 21 avril 2009, Monsieur [V] [A] contestait l'application de la convention collective du Bâtiment, la classification au niveau F et l'emploi d'agent technique et revendiquait 'le niveau H, voire même le statut cadre compte tenu de ses fonctions réelles, de son ancienneté au statut ETAM et de l'ensemble des critères d'appréciation au niveau de classification fixées par la convention collective'.

Monsieur [V] [A] a saisi le conseil de prud'hommes de Marseille le 29 avril 2010 aux fins de voir ordonner à la société SNEF de rétablir la convention collective de la Métallurgie et de le repositionner au statut cadre, position II, coefficient 120 de la convention collective de la Métallurgie (ingénieurs et cadres) et d'obtenir la condamnation de son employeur au paiement de la somme de 14 119.21€ au titre du rappel de salaire correspondant à ce repositionnement, outre la somme de 1411.92€ au titre des congés payés y afférents.

Par jugement du 11 avril 2011, le conseil de prud'hommes de Marseille a ordonné le sursis à statuer dans l'attente de la décision de la cour d'appel d'Aix-en-Provence saisie des mêmes demandes présentées par le syndicat CFTC.

Par décision du 22 mars 2012, le conseil de prud'hommes a ordonné la radiation de l'affaire et son retrait du rôle pour défaut de diligence des parties.

Par jugement du 7 mai 2013, le conseil de prud'hommes de Marseille, vu l'arrêt de la cour d'appel d'Aix-en-Provence du 19 mai 2011 qui 'annule la décision de la SNEFde mars 2009 de généraliser à l'ensemble des salariés l'application de la convention collective nationale du Bâtiment', a :

- débouté Monsieur [V] [A] de sa demande de repositionnement dans la cadre de la convention collective du Bâtiment,

- dit qu'eu égard aux fonctions réellement exercées par celui-ci dans la cadre de la convention collective de la Métallurgie,

- dit qu'il devait être positionné au coefficient 395 ETAM sans conséquence sur ses rappels de salaires,

- condamné la société SNEF à lui payer 1000€ sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile,

- débouté les parties du surplus de leurs demandes,

- condamné la société SNEF aux entiers dépens.

Monsieur [V] [A] a régulièrement relevé appel de cette décision le 28 mai 2013.

Monsieur [A] a été convoqué à un entretien préalable fixé au 13 septembre 2013 par lettre remise en main propre en date du 28 août 2013 puis licencié par lettre du 3 octobre 2013 en ces termes exactement reproduits :

' Monsieur,

Par lettre remise en mains propres contre décharge le 30 août 2013, nous vous avons convoqué à un entretien en vue d'un éventuel licenciement.

Comme suite à votre demande et en accord avec l'ensemble des participants, l'entretien fixé le 10 septembre 2013 à 10h00 s'est régulièrement déroulé sur le site [Localité 2]. Vous avez été assisté lors de cet entretien par Monsieur [S] [C], représentant du personnel.

Nous avons pris bonne note des informations que vous avez jugées nécessaire de nous fournir. Néanmoins, nous sommes au regret de vous informer par la présente que nous avons décidé de procéder à votre licenciement pour faute. Nous vous rappelons les raisons qui nous contraignent à prendre cette mesure:

Vous avez été embauché le 26 août 1972 et occupez actuellement le poste d'agent technique, niveau F de la convention du bâtiment pour une rémunération brute mensuelle de 2433.88€.

Depuis plusieurs mois et malgré des relances multiples, vous ne respectez pas les directives et procédures internes à l'entreprise.

En février dernier nous avons effectué une réunion en présence de [K] [L] au cours de laquelle les procédures à appliquer en matière d'achat, de gestion des véhicules et des stocks ont été définies et les rôles de chacun rappelés.

Lors de cette réunion, vous n'avez formulé aucune contestation ni remarque, vous engageant même à l'issue d'appliquer les procédures ainsi mises en places.

Afin de formaliser cette entrevue et faciliter le suivi des actions, nous vous transmis le jour même un compte rendu détaillé reprenant les procédures à mettre en 'uvre avec un descriptif précis de votre mission ; Ce compte rendu met en évidence un descriptif détaillé de votre mission dans les domaines suivants : gestion des commandes (rédaction, suivi et réception) ; gestion des véhicules; dotations en matériel; demandes d'autorisation de dépense ; suivi du stock..

Or, contrairement à votre engagement, vous avez toujours refusé de suivre les procédures et votre manque de rigueur pénalise la production.

Dans un premier lieu, vous manquez de réactivité et de rigueur dans la rédaction des Commandes.

Dans le cadre de notre politique de gestion des achats, notre direction générale, a mis en place un système de massification permettant une rationalisation des coûts des fournitures par des achats groupés, imposés à chaque entité. Il vous a été expressément demandé et rappelé à plusieurs reprises de respecter cette procédure d'achat et de recourir à la massification autant que possible. Pour ce faire, il vous suffisait d'envoyer un mail de demande à Madame [L] qui centralisait l'ensemble des commandes pour ce type d'achat. ll apparaît qu'au mépris de cette demande, vous avez continué à commander des fournitures courantes apparaissant à notre catalogue, à vos interlocuteurs habituels, en dehors de nos contrats cadres, ce qui est formellement interdit. Pour preuve, depuis cette réunion, vous avez commandé plus de 1300 articles chez Fournitec. Lors de l'entretien préalable, vous avez indiqué que ces commandes Fournitec n'étaient que de commandes de régularisation. Cette explication n'est pas satisfaisante.

Par ailleurs, nous vous avons demandé de remplir soigneusement l'ensemble des champs des commandes. Cette procédure permet de faciliter le suivi des commandes et de la facturation, ce qui est essentiel pour notre gestion des chantiers. Nombre de vos commandes restent incomplètes malgré nos relances. Nous déplorons des commandes où n'apparaissent pas, tour à tour : le nom du client, le descriptif et la référence produit, le nom du site, ...etc, éléments pourtant essentiels à notre processus d'achat.

Ensuite, nous regrettons votre manque de fiabilité et de réactivité dans la rédaction des commandes. Vos interlocuteurs se plaignent de ne pas pouvoir vous demander de passer des commandes car vous n'effectuez pas un suivi satisfaisant et que vous manquez de réactivité. De même, certains fournisseurs excédés, préfèrent relancer vos collègues pour obtenir des commandes dans le cadre de nos relations commerciales. A titre d'exemple, le 23 août, notre fournisseur, ONET nous relançait pour des commandes manquantes depuis juillet 2013. ll n'est pas acceptable que nos fournisseurs soient ainsi obligés de nous relancer, surtout pour des prestations récurrentes.

De même, le référencement erroné de certain matériel conduit vos interlocuteurs à vérifier systématiquement vos commandes qui sont parfois incohérentes.

Vous ne respectez pas non plus le processus de réception des commandes.

Vous savez que toute commande dont le matériel est reçu doit faire l'objet d'une réception sur notre logiciel. Cette étape présente un intérêt double: d'une part il permet au fournisseur de voir régler ses factures dans des délais raisonnables, et d'autre part, les responsables chantiers doivent avoir une visualisation du matériel réceptionné afin de planifier leurs chantiers

Dans ce domaine encore, votre manque de suivi exaspère vos interlocuteurs. Vous ne tenez pas informé les responsables de chantiers de l'arrivée de leur matériel ce qui a pour conséquence de retarder la planification de chantier dans la mesure où ces derniers doivent vérifier ces approvisionnements. Par ailleurs, il n'est pas tolérable que ce soit les fournisseurs eux même qui nous informent de la livraison du matériel alors que nous les relançons. Le 28 août dernier nous vous demandions une nouvelle fois de solder des commandes de plus d'un mois pour lesquelles nous avions été livrés.

Deuxièmement, nous vous avons confié la mission du suivi du parc de véhicule du centre de Génie Climatique maintenance [Localité 1]. En tout ce parc est composé d'environ 25 véhicules. A ce titre, vous devez être en mesure de rattacher un conducteur à un véhicule sur SHAREPOINT, de mettre à jour le kilométrage et l'entretien de ce parc. Pour des raisons évidentes de sécurité il est important d'être à jour des révisions et du suivi technique des véhicules pour permettre à nos techniciens d'utiliser un moyen de locomotion sûr. Lors de plusieurs échanges du 20 au 23 août, vous avez une nouvelle fois transmis des documents incomplets et nous vous avons relancé à plusieurs reprises pour obtenir une information complète.

Nous sommes sans cesse obligés de vous relancer pour obtenir les informations nécessaires au suivi de ce parc. Sur ce point également, nous vous avons demandé à de multiples reprises, soit une dizaine de fois au moins par écrit, de bien vouloir rédiger l'objet de vos mails selon la charte mise en place lors de la réunion du 4 février 2013. Le 15 juillet encore, vous n'appliquiez pas cette règle. ll s'agit pour nous d'un point important, permettant une meilleure visualisation et classement des échanges. Vous avez systématiquement refusé de vous conformer aux règles ainsi fixées par votre hiérarchie.

En troisième lieu, alors que le suivi des dotations relèvent de votre mission, c'est Monsieur [D] qui remet à chaque technicien tout le matériel individuel et notamment les EPI. Vous ne remplissiez pas les fiches de dotation et aucun contrôle n'était possible. Or, la fiabilité des informations en la matière est primordiale, tant au regard du coût du matériel confié, que dans le suivi des équipements de sécurité individuels.

Ensuite, pour les demandes d'autorisations de dépense (DAD) comme pour les commandes de tous les champs doivent être remplis pour être recevables. Malgré de multiples relances, vous ne vous appliquez pas à remplir correctement vos demandes qui doivent être complétées par vos interlocuteurs ce qui fait perdre du temps à l'ensemble de l'équipe.

Enfin, lors de la remise de matériel courant à un technicien, une fiche stock doit être remplie avec le compte correspondant afin de permettre une imputation comptable. Vous devez contrôler la cohérence de ces fiches afin de permettre une gestion efficace du stock. Nous déplorons vos erreurs qui impliquent une vérification avant traitement. En ce sens, le 22 juillet dernier, nous vous demandions encore de vérifier les comptes d'imputation du matériel.

Face à un tel refus d'appliquer la procédure, nous en sommes venus à nous interroger sur votre rejet. Pour toute réponse, le 16 juillet 2013, vous vous êtes contenté de nous dire que pour connaître l'objet du mail, il fallait ouvrir la pièce jointe. Vous comprendrez que ce type de réponse n'est pas acceptable.

Lors de l'entretien préalable, vous n'avez fourni aucune explication à ces multiples manquements.

En outre, votre comportements tant à l'égard de vos collègues que de votre hiérarchie n'est pas acceptable.

A titre d'exemple, nous ne pouvons tolérer que vous nous menaciez, le 11 juillet, de vous mettre en maladie alors que nous vous rappelions les règles de demande de congés pour deux jours que vous posez à l'avant-veille du départ.

De même, le 15 juillet, vous refusiez de changer le compte d'imputation d'une commande. Nous vous avions pourtant clairement indiqué que le matériel avait dû être utilisé en urgence sur un autre chantier. Cette modification relève de votre mission et nous ne pouvons tolérer votre refus au motif que le compte initial avait été modifié et que vous n'en étiez pas le demandeur.

Nous vous avons demandé à plusieurs reprises de vous reprendre. Au regard de votre grande ancienneté, il nous semblait en effet important de comprendre le rejet dont vous avez fait preuve. Lors de l'entretien, vous avez convenu que de multiples propositions ont été faites au regard de votre parcours et de votre connaissance de notre structure.

Malgré ces remarques, votre attitude a perduré et vos manquements ont continué. Tous ces faits s'avèrent préjudiciables aux intérêts de notre société et nous contraignent à procéder à votre licenciement pour faute.

La date de première présentation de cette lettre à votre domicile fixera le point de départ de votre préavis d'une durée de trois mois au terme duquel votre contrat sera définitivement rompu. Nous vous informons avoir décidé de vous dispenser de l'exécution de ce préavis qui vous sera néanmoins payé aux échéances habituelles..'.

Par courrier recommandé du 10 octobre 2013, Monsieur [V] [A] contestait la réalité des griefs invoqués à son encontre et son licenciement qu'il considérait comme 'abusif notamment au regard des 40 années d'ancienneté' et informait son employeur qu'il le contesterait devant la cour d'appel.

Par courrier recommandé en réponse en date du 17 octobre 2013, l'employeur confirmait sa décision de le licencier, au regard de l'absence d'éléments nouveaux susceptibles de modifier son appréciation sur les faits reprochés.

A l'audience du 12 janvier 2016, à laquelle l'affaire a été appelée après un renvoi pour mise en état de la procédure, Monsieur [V] [A] demande à la Cour de :

1) Sur l'exécution du contrat de travail : le repositionnement hiérarchique et la reconstitution de carrière:

- dire qu'eu égard aux fonctions qu'il exerçait réellement, il aurait dû être positionné dans la catégorie professionnelle des cadres de la CCN de la Métallurgie à compter de janvier 1995.

En conséquence :

- ordonner à la société SNEP la reconstitution de sa carrière conformément à l'évolution de coefficients suivante, avec toutes les conséquences de droit :

1995 - 1998 : Position II coefficient 100.

1998 - 2001 : Position II coefficient 108.

2001 - 2004 : Position II coefficient 114.

2004 - 2007: Position II coefficient 120.

2007~ 2009 : Position II coefficient 125.

- condamner la Société SNEP à lui payer la somme de 13 425,82 € de rappel de salaire pour la période 2005-2009, ainsi que la somme de 1 342,58 € de congés payés afférents.

- dire qu'eu égard aux fonctions qu'il exerçait réellement, il est en droit de solliciter son positionnement hiérarchique en position C, 1er échelon, coefficient 130 de la convention collective des cadres du Bâtiment à compter de mars 2009.

En conséquence :

- ordonner son repositionnement au niveau cadre, position C, 1er échelon, coefficient 130 de la convention collective du Bâtiment et ce depuis le 1er mars 2009 avec toutes les conséquences financières de droit.

- condamner la société SNEP à lui payer la somme de 73 071,47€ à titre de rappel de salaires ainsi que 7 307,15€ à titre de congés payés afférents.

- condamner la Société SNEP à régulariser les cotisations sous les tranches A et B auprès des caisses de retraite complémentaires « cadre '' sous astreinte de 150 € par jour de retard à compter du mois suivant l'arrêt à intervenir.

- ordonner la remise des bulletins de salaire régularisés et ce sous astreinte de 150 € par jour de retard à compter du mois suivant l'arrêt à intervenir.

- dire n' y avoir droit à un rappel d'indemnité compensatrice de préavis et de l'indemnité conventionnelle de licenciement en raison de son repositionnement.

En conséquence :

- condamner, par le mécanisme de l'application distributive, la société SNEP à payer à Monsieur [A] les sommes suivantes :

A titre principal, en application de la convention collective des cadres de la Métallurgie :

.15 308,07 € à titre d'indemnité compensatrice de préavis

.1 530,81 € à titre d incidence congés payés sur indemnité précitée.

A titre subsidiaire, en application de la convention collective des cadres du Bâtiment :

. 4 001,07 € à titre d'indemnité compensatrice de préavis.

. 400,11 € à titre d'incidence congés payés sur indemnité précitée.

- condamner en outre la société SNEP à lui payer la somme de 25.348,44 € nets à titre de solde de l'indemnité conventionnelle de licenciement.

A titre subsidiaire :

- dire qu'il a subi une inégalité de traitement.

En conséquence :

- condamner la Société SNEP à lui payer la somme de 100 000 € à titre de dommages et intérêts pour le préjudice subi du fait de l'inégalité de traitement.

A titre infiniment subsidiaire et dans le cadre d'un arrêt avant dire droit:

- ordonner à la société SNEP de communiquer les contrats de travail ainsi que les bulletins de salaire de Messieurs [F], [J] et [H] pour les mois d'octobre 2013.

2) Sur la rupture du contrat de travail :

- dire que son licenciement est dépourvu de cause réelle et sérieuse et en conséquence de condamner la société SNEP à lui verser la somme de 120.608 € nets au titre de l'indemnité pour licenciement dépourvu de cause réelle et sérieuse sur le fondement de l'article L.1235-3 du Code du travail.

- condamner la Société SNEP à lui payer la somme de 1 841, 70 € correspondant au rappel de congés payés.

En tout état de cause :

- de condamner la Société SNEP, à lui verser les sommes suivantes :

. 1 500 € à titre de dommages et intérêts pour méconnaissance de l'article 3 de l'annexe V de la Convention collective des ETAM du Bâtiment relative à la classification.

. 5.000 € à titre de dommages et intérêts pour préjudice moral.

. 20.000 € à titre de dommages et intérêts pour exécution déloyale du contrat de travail.

.15.000 € à titre de dommages et intérêts en réparation du préjudice d'anxiété résultant de l'exposition fautive à l'amiante jusqu'en 1985.

. 3.500 € au titre de l'article 700 du Code de procédure civile.

- de prononcer la capitalisation des intérêts sur les demandes formulées en application de l'article 1154 du Code Civil.

- de condamner la société SNEP aux entiers dépens.

La société intimée conclut à la confirmation du jugement et au débouté de Monsieur [W]. Elle réclame 3500€ sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile.

Pour un plus ample exposé des faits de la procédure des moyens et des prétentions des parties, il y a lieu de se référer au jugement du conseil de prud'hommes et aux écritures déposées, oralement reprises.

MOTIFS DE LA DÉCISION

Sur le repositionnement de Monsieur [V] [A]

Attendu qu'à l'appui de sa demande, Monsieur [V] [A] soutient qu'il est bien fondé à revendiquer le statut cadre position II de janvier 1995 à février 2009 en application des dispositions des articles 21 et suivants de la convention collective de la Métallurgie et le statut cadre position C, 1er échelon, coefficient 130 à compter de mars 2009 jusqu'à son licenciement en application de la convention collective des cadres du Bâtiment ;

Attendu que l'article 21 de la convention collective de la Métallurgie définit l'ingénieur cadre position II ainsi qu'il suit :

' $gt; Position II

Ingénieur ou cadre qui est affecté à un poste de commandement en vue d'aider le titulaire ou qui exerce dans les domaines scientifique, technique, administratif, commercial ou de gestion des responsabilités limitées dans le cadre des missions ou des directives reçues de son supérieur hiérarchique.

Les salariés classés au troisième échelon du niveau V de la classification instituée par l'accord national du 21 juillet 1975 - possédant des connaissances générales et professionnelles comparables à celles acquises après une année d'études universitaires au-delà du niveau III défini par la circulaire du 11 juillet 1967 de l'éducation nationale et ayant montré, au cours d'une expérience éprouvée, une capacité particulière à résoudre efficacement les problèmes techniques et humains - seront placés en position II au sens du présent article à la condition que leur délégation de responsabilité implique une autonomie suffisante. Ils auront la garantie de l'indice hiérarchique 108 déterminé par l'article 22 ci- dessous...' ;

Attendu que l'article 7 de la convention collective du bâtiment définit le cadre position C échelon 1 comme 'possédant une formation technique administrative juridique commerciale et financière' '...placé généralement sous les ordres d'un cadre supérieur ou dans les entreprises à structure simple de l'Employeur et qui a :

- à diriger ou à coordonner les travaux des ouvriers, employés, techniciens agent de maîtrise, ingénieurs, ou assimilés des positions précédentes placés sous son autorité,

- ou qui a des responsabilités équivalentes, assume la responsabilité de la conception, de l'organisation et du commandement du travail effectué par leur service.

Dans les entreprises à structure simple il doit avoir reçu du chef d'entreprise une délégation permanente pour un ou plusieurs objets spéciaux limités leur permettant d'agir en ses lieux et place dans la gestion courante de l'entreprise' ;

Attendu que pour s'opposer à la demande, l'employeur soutient que Monsieur [V] [A] a, à compter de 1992, occupé et exercé réellement des fonctions relevant du statut d'agent de maîtrise niveau V échelon 2 de la convention collective de la Métallurgie puis à compter de mars 2009 des fonctions relevant du statut d'agent de maîtrise d'agent technique niveau F de la convention collective du Bâtiment;

Attendu que l'accord national du 21 juillet 1975 sur la classification dans la métallurgie définit l'agent de maîtrise niveau V : ' à partir de directives précisant le cadre de ses activités, les moyens objectifs et règles de gestion, il est chargé de coordonner des activités différentes et complémentaires. Il assure l'encadrement d'un ou plusieurs groupes généralement par l'intermédiaire d'agents de maîtrise de niveau différents et en assure la cohésion.

Ceci implique de :

- veiller à l'accueil des nouveaux membres du groupe,

- faire réaliser les programmes définis,

- formuler les instructions d'application,

- donner les délégations de pouvoir pour prendre certaines décisions

- participer avec les services fonctionnels à l'élaboration des programmes et des dispositions qui les accompagnent.

Il est généralement placé sous la responsabilité d'un supérieur hiérarchique , lequel peut être le chef d'entreprise lui-même' ;

Attendu que la convention collective du Bâtiment définit l'agent de maîtrise niveau F de la façon suivante:

' contenu de l'activité :

- réalise des travaux d'exécution de contrôle d'organisation d'études de gestion, d'action commerciale, portant sur des projets plus techniques,

- exerce un commandement sur un ensemble de salariés affectés à un projet..

Autonomie- initiative- délégation :

- agit dans le cadre d'instructions permanentes et/ou de délégations

- est amené à prendre des initiatives des responsabilités

- a un rôle d'animation

- sait faire passer l'information et conduit des relations ponctuelles avec des interlocuteurs externes

- peut représenter l'entreprise dans le cadre de ces instructions et délégations,

- veille à faire respecter l'application des règles de sécurité et participe à leur adaptation

Technicité -expertise :

- connaissances structurées de diverses techniques et savoir faire dans sa spécialité professionnelle et de leurs applications

- haute technicité dans sa spécialité

- se tient à jour dans sa spécialité.

*

Attendu que c'est à bon droit que l'employeur rappelle que la qualification professionnelle est déterminée par les fonctions réellement exercées par le salarié ;

Qu'ainsi les dispositions de la convention collective s'apprécie au regard de la mise en oeuvre par ce dernier des diplômes et qualification qu'il invoque dans son emploi effectif ;

*

Attendu que force est de constater en l'espèce que les fonctions effectivement exercées par Monsieur [V] [A] correspondaient aux définitions précitées d'agent de maîtrise niveau V ou F des conventions collectives de la Métallurgie et du Bâtiment et n'impliquaient pas un degré d'autonomie suffisant pour lui permettre de prétendre au statut cadre des conventions collectives précitées ;

Attendu en effet qu'il est établi par les éléments de la cause et en particulier par les pièces produites par le salarié :

- que Monsieur [V] [A] a été jusqu'en 2009 responsable du pôle maintenance multitechnique des bâtiments du siège social (électricité, climatisation, serrurerie, plomberie...) et qu'à ce titre ses attributions étaient très variées ; qu'il était notamment en charge du pôle location (gestion et suivi des entrées et les sorties du matériel...) et du pôle achats (demandes de devis, réception des offres de prix..) ; qu'il était l'interlocuteur des fournisseurs ; que pour ce faire, il supervisait et encadrait en 2008 une équipe de 7 personnes composée notamment d'un adjoint (pièces n° 11 et 19 à 24) et de 4 ouvriers et disposait de compétences en matière de gestion du personnel puisqu' il ' signait les autorisations d'acomptes sur salaires du personnel' et proposait des augmentations de salaires (pièces °9,10, 12, 13, 19 à 24 et 44); - qu'il s'est vu confier en août 2009 la mission ponctuelle de chef de chantier lors des travaux de réhabilitation et d'extension du siège social de l'entreprise 'sous la responsabilité de Monsieur [E], responsable de projet ' (pièce n°14) ; qu'il encadrait toujours une équipe d'ouvriers ;

- qu'à compter du 14 septembre 2009, il a été exercé les fonctions d'auditeur suivant ordre de mission produit par l'employeur, accepté par Monsieur [A] le 2 septembre 2009 pour la période du 14 septembre 2009 au 31 décembre 2010 dans le cadre de plusieurs contrats de maintenance multi-technique conclus avec BNP PARIBAS ; que la fiche de poste produite par la société SNEF prévoit notamment qu'il était chargé 'de l'audit de la prestation de ménage, du relevé des points notable et compte-rendu spécifique vers le prestataire nettoyage et le responsable SNEF de la prestation nettoyage, du déclenchement des prestations complémentaires de nettoyage si nécessaire ; qu'au regard de cette fiche de poste, Monsieur [V] [A] ne peut sérieusement soutenir, que ces missions nouvelles correspondaient à l'emploi d'auditeur relevant de la catégorie professionnelle des cadres sous la nomenclature interne de la société SNEF alors qu'aux termes de ladite nomenclature produite par l'employeur le poste d'auditeur correspond à un emploi de cadre, responsable d'atelier ;

- qu'à partir de 2013, il a été affecté au fonction d'approvisionneur acheteur au sein du service de maintenance ; qu'il n'encadrait plus aucun ouvrier ; qu'il ressort d'un courrier électronique de l'employeur en date du 4 février 2013 que ses précédentes missions précitées de responsable de la maintenance du pôle multitechnique du siège lui ont été en partie retirées et cantonnées à la rédaction et la réception des commandes, à la gestion de véhicules, à l'inscription dans le classeur des dotations des renseignements concernant le matériel donné au personnel, au remplissage et à l'envoi 'des fiches stocks en magasin', et des 'fiches stocks dans véhicules' ;

Attendu qu'il est également établi par les pièces versées aux débats par l'employeur, qu'en sa qualité de responsable du pôle location et achat du siège de 1992 à 2009, Monsieur [V] [A] ne signait pas les commandes de matériel, celles-ci étant systématiquement validées par sa hiérarchie (pièces 5, 8, 18.2 et 28) et que pour ce qui concerne la gestion de son équipe, les autorisations d'acompte sur salaire étaient également contresignées par le chef de service, Monsieur [R] (pièce n°17 ) et les augmentations de salaire décidées par sa hiérarchie (pièce n°35) ;

Attendu que Monsieur [V] [A] ne produit aucun élément démontrant qu'il aurait été à cette époque responsable 'des services de la région [Localité 3] Provence composée de 8 sites' ; que la pièce n°6 'organisation du service de la région [Localité 3] Provence' dont la société SNEF conteste l'origine et qui est contredite par l'organigramme général produit par l'employeur et les attestations de l'équipe d'ouvriers de Monsieur [A], ne peut être retenue comme élément de preuve ; qu'il n'est pas plus démontré par Monsieur [V] [A] qu'il aurait, durant cette période, été responsable de l'encadrement de 20 personnes ;

Que le fait non contesté que la qualité de son travail, ses compétences et sa conscience professionnelle aient été toujours reconnues par son employeur n'a pas d'incidence sur sa qualification ; qu'il en est de même de son ancienneté de 41 ans ;

Attendu eu égard à l'ensemble de ces éléments, qu'il y a lieu de considérer qu'il n'est pas démontré que Monsieur [V] [A] ait effectivement exercé les fonctions relevant du statut cadre des conventions collectives de la Métallurgie et du Bâtiment et de le débouter de l'intégralité de ses demandes au titre de son repositionnement au niveau Cadre ; que le jugement déféré doit en conséquence être confirmé sur ce point;

Attendu s'agissant de la demande subsidiaire au titre de l'inégalité de traitement présentée pour la première fois en cause d'appel, que le salarié ne produit aucun élément susceptible de caractériser une inégalité de traitement entre lui et Messieurs [H], [F] et [J] ;

Que la demande présentée à titre infiniment subsidiaire tendant à voir ordonner la production des bulletins de salaire du mois d'octobre 2013 de ces trois salariés ainsi que leur contrat de travail n'apparaît pas justifiée au regard du nombre important de critères d'appréciation relatifs notamment aux diplômes dont ils sont titulaires, aux expériences professionnelles antérieures ; que la production de ces pièces n'apporterait pas aux débats plus d'éléments probants et pertinents ;

Attendu qu'il convient en conséquence de rejeter cette demande subsidiaire;

Sur les dommages et intérêts pour exécution déloyale du contrat de travail

Attendu qu'à l'appui de ce chef de demande présentée pour la première fois en cause d'appel, Monsieur [V] [A] se prévalant de l'article L.1222-1 du code du travail qui dispose que 'le contrat de travail est exécuté de bonne foi', soutient que son employeur a réduit progressivement ses fonctions en le rétrogradant en 2009 d'un poste de responsable à un emploi d'auditeur et en 2013 d'un emploi d'auditeur à un poste d'acheteur sans avenants contractuels ;

Attendu s'agissant de la prétendue rétrogradation intervenue en 2009 que force est de constater que le salarié se contredit en affirmant d'une part que le poste d'auditeur correspondait à un poste de cadre et d'autre part qu'il a été rétrogradé à un poste d'auditeur ;

Attendu au surplus qu'il résulte de ce qui précède qu'il a accepté aux termes d'un ordre de mission précité, sa mission d'auditeur le 2 septembre 2009 ;

Attendu s'agissant de son changement d'affectation au fonction 'd'approvisionneur acheteur au sein du service de maintenance' intervenu en 2013 qu'il ressort des éléments de la cause ci-dessus rappelés que ce changement d'affectation s'est accompagné non seulement d'un appauvrissement conséquent de ses responsabilités notamment en matière de gestion du personnel, son équipe lui ayant été retirée mais également d'un changement de fonctions, Monsieur [V] [A] ayant perdu l'essentiel de ses attributions de responsable du pôle de maintenance multitechnique du siège ;

Attendu dans ce contexte, qu'il importe peu que ce changement de fonction n'ait pas eu d'incidence sur sa classification, ni sur sa rémunération, dès lors qu'une modification du contrat de travail portant sur un élément essentiel de celui-ci, ce qui est le cas en l'espèce, requiert en toutes hypothèses l'accord exprès du salarié ;

Attendu que le préjudice subi par Monsieur [V] [A] du fait de cette modification unilatérale de son contrat de travail sans son accord, constitutif d'un manquement de la société SNEF à son obligation de loyauté, sera réparé par l'allocation d'une somme de 1000€ à titre de dommages et intérêts ;

Sur les dommages et intérêts pour non respect des dispositions conventionnelles

Attendu que le salarié réclame pour la première fois en cause d'appel la somme de 1500€ à titre de dommages et intérêts pour non respect des dispositions conventionnelles en faisant valoir que l'employeur n'a pas respecté l'article 3 de l'annexe V de la convention collective des ETAM du Bâtiment en ne lui faisant pas bénéficier d'un entretien individuel et régulier depuis 2009 ;

Attendu que l'article 3 de l'annexe V de la Convention collective des ETAM du Bâtiment relative à la classification dispose :

« Évolution de carrière

Deux mécanismes sont prévus :

- un dispositif «classique'' de promotion en cas d'exercice habituel des tâches d 'un niveau supérieur.

- un dispositif réellement novateur, c'est-a-dire l'institution pour les Etam du Bâtiment d'un entretien individuel et régulier, au moins biennal, qui aura lieu à la demande écrite du salarié ou à l'initiative de l'employeur, afin de déterminer compte tenu des souhaits du salarié quelles sont ses possibilités d 'évolution au sein de la grille Etam et de la grille Etam vers la grille Cadres. La demande écrite du salarié doit être prise en compte dans un délai de trois...';

Attendu que l'employeur ne prouve pas qu'un entretien d'évaluation ait eu lieu entre 2009 et le licenciement de Monsieur [V] [A] ; que la pièce n°84 intitulée 'entretien d'évaluation de Monsieur [A]' est une grille d'évaluation non signée par le salarié laquelle ne lui est donc pas opposable;

Attendu que le moyen tiré de ce que le salarié n'a jamais fait la moindre demande d'entretien est inopérant au regard de l'obligation pour l'employeur en l'absence de demande écrite du salarié de prendre l'initiative d'organiser cet entretien ;

Attendu sans qu'il y ait lieu d'examiner d'autres moyens, que le préjudice nécessairement subi par le salarié du fait du non respect des dispositions conventionnelles précitées sera réparé par l'allocation d'une somme de 250€ à titre de dommages et intérêts ;

Sur le licenciement

Attendu que la lettre de licenciement, qui fixe les limites du litige, énonce comme principal grief le non respect par Monsieur [V] [A] des directives et procédures internes à l'entreprise en matière d'achat, de gestion des véhicules et des stocks et notamment le manque de rigueur dans la rédaction des commandes, le référencement erroné de certain matériel et le non respect du processus de réception des commandes ;

Attendu que c'est à bon droit, au regard de ce qui précède, que le salarié pour conclure au caractère abusif du licenciement, fait valoir que le griefs invoqués ne lui sont pas opposables dès lors qu'ils portent sur des tâches relevant de la fonction d'approvisionneur acheteur au sein du service de maintenance, autres que celles qu'il exerçait et pour lesquelles il était embauché ;

Attendu qu'il s'ensuit sans qu'il soit nécessaire d'examiner d'autres moyens que le licenciement est sans cause réelle et sérieuse ;

Attendu que le salarié fait valoir que le licenciement l'a contraint à solliciter sa mise à la retraite de façon prématurée, étant âgé de 61 ans au moment du licenciement ; qu'il justifie en effet percevoir depuis le 1er février 2014 une pension de retraite de 1647.69€ ;

Attendu qu'en considération de cet élément, de son ancienneté (42 ans) dans son emploi, de son âge (Il est né en septembre 1952) de son salaire mensuel brut lors de son licenciement de 2661€, il y a lieu en application de l'article L.1235-3 du code du travail, de lui allouer une somme de 106440€ à titre de dommages et intérêts ;

Attendu que le salarié soutient que la mesure de licenciement a nécessairement porté atteinte à son honneur professionnel et à sa dignité ; qu'il ne justifie toutefois pas d'un préjudice distinct résultant de procédés vexatoires dans la mise en oeuvre du licenciement ou des circonstances du licenciement ; qu'il y a lieu en conséquence de le débouter de sa demande de dommages et intérêts au titre du préjudice moral;

Sur la demande de rappel de congés payés

Attendu que le salarié sollicite la somme de 1941.70€ au titre d'un rappel de congés payés au motif qu'il a pris des congés du 21 au 31 octobre 2013, du 27 au 31 décembre 2013 et du 2 au 4 janvier 2014 et que la société SNEF aurait 'déduit 15 jours de congés payés pendant son préavis de trois mois' ;

Attendu toutefois que ces affirmations ne sont étayées par aucun élément de preuve ; qu'il ressort au contraire du bulletin de salaire du mois de janvier 2014 que si ces périodes de congés ont été décomptées de ses bulletins de salaire, son préavis qui devait prendre fin le 3 janvier 2014 a été prolongé jusqu'au 24 janvier 2014, cette période de 21 jours lui ayant été intégralement réglée ;

Attendu que ce chef de demande doit en conséquence être rejetée ;

Sur le préjudice d'anxiété

Attendu que Monsieur [V] [A] fait valoir qu'il a travaillé de 1974 à 1985 sur un emploi d'électricien figurant sur la liste des métiers ouvrant droit au bénéfice de l'article 41 de la loi du 23 décembre 1998 ; que la société SNEF a été inscrite sur la liste des établissements susceptibles d'ouvrir droit à une allocation de cessation anticipée d'activité pour la période de 1951 à 1985 ;

Attendu que la société intimée fait valoir que le salarié ne rapporte pas la preuve qu'il remplit toutes les conditions pour prétendre au régime de l' ACAATA ; qu'il a été embauché en qualité d'électricien au siège social de la société ; que si ce métier figure dans la liste des métiers concernés, encore faut il que le salarié ait exercé un métier lié à la construction ou à la réparation navale que ce soit des travaux de bord, de coque ou d'atelier, ce qui n'est pas le cas de Monsieur [V] [A] ; que celui-ci a d'abord été affecté au service bobinage puis cableur et qu'il n'avait donc aucune raison d'avoir travaillé sur le périmètre de la construction navale ;

Attendu qu'en application des dispositions des articles 1134 et 1147 du code civil et L.4121-1 du code du travail, l'employeur est tenu envers le salarié d'une obligation de sécurité de résultat, notamment en ce qui concerne les maladies professionnelles contractées par le salarié du fait des produits fabriqués ou utilisés par l'entreprise.

Attendu que le droit à indemnisation du préjudice d'anxiété, qui repose sur l'exposition des salariés au risque créé par leur affectation dans un établissement figurant sur une liste établie par arrêté où étaient fabriqués ou traités l'amiante ou des matériaux contenant de l'amiante, n'exclut pas toute cause d'exonération de responsabilité.

Attendu que la société SNEF a été classée parmi les établissements susceptibles d'ouvrir droit à la cessation anticipée d'activité des salariés de l'amiante, établissements mentionnés à l'article 41 de la loi du 23 décembre 1998, figurant sur la liste établie par l'arrêté du 7 juillet 2000 ; que cet arrêté précise en son annexe I la liste des métiers susceptibles d'ouvrir droit, au profit de ceux les ayant exercés, à l'allocation de cessation anticipée d'activité ;

Attendu que le poste d'électricien occupé par Monsieur [V] [A] est de ceux visés sur cette liste des métiers.

Attendu que l'appelant verse aux débats :

- une attestation de [V] [X] ainsi rédigée ' j'atteste par le présent document que Monsieur [V] [A] travaillait à la réparation navale de 1976 à 1985" ;

- une attestation de Monsieur [T] qui déclare notamment ' avoir connu Monsieur [V] [A] en 1975 lors de son embauche en intérim à la société SNEF. Je le rencontrais régulièrement au siège de la société car nous prenions la navette de transfert pour le site SHELL.. Nous avons travaillé ensemble par la suite sur le site SOLLAC quand Monsieur [A] eut fini sa mission au port..' ;

Attendu que l'employeur conteste la valeur probante de ces attestations sans toutefois produire aucun élément venant infirmer le fait que le salarié a travaillé à la réparation navale de 1975 à 1985, la fiche de suivi d'affectation comme la fiche d'aptitude produites aux débats ne permettant pas de l'exonérer de sa responsabilité ;

Attendu qu'il résulte de ces éléments que Monsieur [V] [A] a travaillé dans les conditions prévues par l'article 41 de la loi n° 98-1194 du 23 décembre 1998 et l'arrêté du 7 juillet 2000 pendant une période où étaient fabriqués ou traités dans l'établissement mentionné par cet arrêté, de l'amiante ou des matériaux contenant de l'amiante et se trouve - de par le fait de l'employeur - dans un état d'inquiétude permanente face au risque de déclaration à tout moment d'une maladie liée à l'amiante, qu'il se soumette ou non à des contrôles et examens médicaux réguliers et qu'il ait bénéficié ou non du dispositif Acaata ;

Attendu que le manquement de l'employeur à son obligation de sécurité de résultat est avéré.

Attendu que le salarié est donc fondé à réclamer l'indemnisation de son préjudice d'anxiété, lequel est par nature unique et indivisible.

Attendu compte tenu des éléments de la cause, à savoir les fonctions occupées, d'électricien, et la durée d'exposition au risque, soit de 1975 à 1985,, ce préjudice spécifique, incluant le bouleversement dans les conditions d'existence, doit être réparé par l'allocation de la somme de 8 000 euros à titre de dommages et intérêts ;

Sur les intérêts

Attendu que les créances indemnitaires produisent intérêts moratoires du jour de leur fixation judiciaire ;

Attendu qu'il y a lieu d'ordonner la capitalisation des intérêts en application de l'article 1154 du code civil ;

Sur l'article 700 du code de procédure civile et les dépens

Attendu que les dispositions du jugement relatives à l'article 700 du code de procédure civile et aux dépens doivent être confirmées ;

Attendu que l'équité commande qu'il soit alloué à Monsieur [V] [A] en cause d'appel une somme supplémentaire de 800€ sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile ;

Attendu que la société SNEF qui succombe doit être condamnée aux dépens d'appel.

PAR CES MOTIFS

La Cour,

Statuant par arrêt contradictoire, prononcé publiquement par mise à disposition au greffe, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au 2ème alinéa de l'article 450 du Code de Procédure Civile,

Déclare l'appel recevable en la forme.

Confirme le jugement,

Y ajoutant et statuant à nouveau :

Condamne la société SNEF à payer à Monsieur [V] [A] les sommes suivantes :

- 250€ à titre de dommages et intérêts pour non respect de l'article 3 de l'annexe V de la Convention collective des ETAM du Bâtiment relative à la classification,

- 1000€ à titre de dommages et intérêts pour exécution déloyale du contrat de travail,

- 106440€ à titre de dommages et intérêts pour licenciement abusif,

- 8000€ au titre du préjudice d'anxiété,

Rappelle que ces sommes de nature indemnitaire produisent intérêt au taux légal à compter du présent arrêt,

Dit que les intérêts seront capitalisés dans les conditions de l'article 1154 du code civil, étant précisé que cette capitalisation est réservée pour les intérêts dus au moins pour une année entière,

Déboute Monsieur [V] [A] de ses demandes de dommages et intérêts au titre de l'inégalité de traitement et du préjudice moral et de sa demande de rappel de congés payés,

Condamne la société SNEF à payer à Monsieur [V] [A] en cause d'appel une somme supplémentaire de 800€ sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile,

Condamne la société SNEF aux dépens d'appel.

LE GREFFIER LE PRÉSIDENT


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel d'Aix-en-Provence
Formation : 9e chambre c
Numéro d'arrêt : 13/11023
Date de la décision : 19/02/2016

Références :

Cour d'appel d'Aix-en-Provence 9C, arrêt n°13/11023 : Infirme partiellement, réforme ou modifie certaines dispositions de la décision déférée


Origine de la décision
Date de l'import : 27/03/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2016-02-19;13.11023 ?
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