COUR D'APPEL D'AIX-EN-PROVENCE
11e Chambre B
ARRÊT AU FOND
DU 18 FEVRIER 2016
N° 2016/100
Rôle N° 15/09878
[E] [M]
C/
SCI LA POMME
Grosse délivrée
le :
à :
SCP TOLLINCHI
ME BISMUTH
Décision déférée à la Cour :
Jugement du Tribunal d'Instance de MARSEILLE en date du 27 Février 2014 enregistré au répertoire général sous le n° 11 13-3767.
APPELANT
Monsieur [E] [M]
né le [Date naissance 1] 1944 à [Localité 1]
de nationalité Française, demeurant [Adresse 1]
représenté par la SCP TOLLINCHI PERRET VIGNERON, avocat au barreau d'AIX-EN-PROVENCE plaidant
INTIMEE
SCI LA POMME
Elisant domicile chez [Adresse 2],
représentée par Me Michaël BISMUTH de la SELARL CABINET BISMUTH, avocat au barreau de MARSEILLE plaidant
*-*-*-*-*
COMPOSITION DE LA COUR
L'affaire a été débattue le 19 Janvier 2016 en audience publique. Conformément à l'article 785 du Code de Procédure Civile, Françoise FILLIOUX, conseiller a fait un rapport oral de l'affaire à l'audience avant les plaidoiries.
La Cour était composée de :
Mme Catherine COLENO, Présidente de Chambre
Mme Brigitte PELTIER, Conseiller
Mme Françoise FILLIOUX, Conseiller
qui en ont délibéré.
Greffier lors des débats : Mme Anaïs ROMINGER.
Les parties ont été avisées que le prononcé de la décision aurait lieu par mise à disposition au greffe le 18 Février 2016
ARRÊT
Contradictoire,
Prononcé par mise à disposition au greffe le 18 Février 2016,
Signé par Mme Catherine COLENO, Présidente de Chambre et Mme Anaïs ROMINGER, greffier auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.
***
FAITS, PRÉTENTIONS DES PARTIES ET PROCÉDURE :
Le 10 octobre 2008, Monsieur [E] [M] et la SCI La Pomme ont signé un accord portant sur la location d'un bien situé [Adresse 1] composé d'un appartement de type T4 au rez de chaussée et de trois places de parking, d'un T5 et T1 au premier étage et d'un T4 au second étage, puis un bail le 28 octobre 2008 moyennant un loyer mensuel de 5 000€.
Par jugement contradictoire du 27 février 2014, le tribunal d'instance de Marseille a débouté le locataire de son opposition à un commandement de payer délivré par la bailleresse les 21 novembre 2012 et 27 juin 2013 et constater la résiliation du bail, ordonné son expulsion, fixé l'indemnité d'occupation à 5 278,56€ par mois et l'a condamné à payer la somme de 28 100,26€ au titre du solde locatif au 16 janvier 2014.
La juridiction a estimé que le contrat de bail du 28 octobre 2008 comportait des termes parfaitement clairs et dénués d'équivoque qui ne nécessitaient aucune interprétation de la part de la juridiction, que le document du 10 octobre 2008, qui ne comporte pas de clause d'indexation du loyer et de prise en charge de la taxe d'ordures ménagères est insuffisant à contredire les clauses claires du bail postérieur, alors que le bail a de surcroît, été exécuté sans discussion pendant deux ans.
Le 20 mars 2014, Monsieur [E] [M] a interjeté régulièrement appel de ce jugement.
Par ordonnance du 24 février 2014, le conseiller de la mise en état a ordonné la radiation de l'affaire qui a été remise au rôle en mai 2015.
Dans ses conclusions déposées et notifiées le 30 décembre 2015, Monsieur [E] [M] demande à la cour de :
* infirmer le jugement,
* déclarer nul le bail d'habitation en raison de la destination du bien donné à bail,
* débouter la SCI La Pomme de ses demandes,
* la condamner à lui rembourser la somme de 39 000€au titre de la taxe d'ordures ménagères indûment payées,
à titre subsidiaire :
* dire les parties liées par l'acte du 10 octobre 2008 à l'exclusion de tout autre,
* dire qu'eu égard à la surface du local, le loyer doit être fixé à la somme de 4 375€ par mois au lieu de 5 000€,
*condamner la SCI La Pomme au paiement d'une somme de 41 875 € correspondant au trop perçu de loyer,
*dire qu'eu égard aux nombreux désordres et troubles subis, le loyer doit être réduit de 20% à compter du premier sinistre soit le 18 septembre 2009,
*condamner la SCI La Pomme à lui payer la somme de 57 000€ correspondant au trop perçu de loyer de septembre 2009 à mai 2014, date de son départ des lieux et 5 000€ au titre de l'article 700 du code de procédure civile.
Il expose qu'il a conteste devoir la taxes d'ordures ménagères et l'indexation du loyer, ces deux obligations n'étant pas mises à sa charge dans l'accord initial du 10 octobre 2008, que la surface habitable du bien pris à bail est, non pas de 516m² ainsi que le mentionne le bail, mais de 451,60m² ainsi qu'il a fait mesurer par un expert, que le rez de chaussée est en réalité un sous-sol en contrebas du trottoir, de sorte que les trois chambres disposent de trois soupiraux situés en haut des murs, les rendant inhabitables.
Il soutient que le local initialement utilisé pour une activité de bureaux ou de commerce a fait l'objet d'un changement de destination, sans que ce changement soit effectué dans les règles applicables, que le local a fait l'objet de travaux qui n'ont pas été autorisés par un permis de construire, de sorte qu'il convient de prononcer la nullité du bail.
De surcroît, il invoque, à titre subsidiaire, la valeur de l'engagement du 10 octobre 2008, en soutenant qu'il n'existe aucun motif pour qu'il accepte d'aggraver ses obligations, ce qui démontre que le bail du 28 octobre 2008 n'a pu être obtenu que par dol ou malignité, qu'il convient de retenir uniquement'accord du 10 octobre 2008 comme reflétant la volonté des parties, que cet accord ne met pas à la charge du locataire le paiement de la taxe foncière et ne prévoit pas de clause d'indexation du loyer.
Enfin, il fait valoir qu'eu égard à la différence entre la surface annoncée et la surface réelle des lieux loués, il est fondé à solliciter une restitution du trop versé de loyer, que de surcroît, il a subi dans les lieux loués d'importants dégâts des eaux en 2009 en raison des malfaçons dont est affecté l'immeuble notamment au niveau la verrière, que les climatiseurs ne fonctionnent pas correctement, que les constructions contiennent de l'amiante et qu'une odeur nauséabonde y règne, qu'il est fondé à obtenir de justes dommages et intérêts en raison du préjudice subi qui seront évalué à hauteur du loyer indûment versé dont il sollicite le remboursement.
Par conclusions déposées et notifiées le 3 janvier 2016, la SCI la Pomme demande à la cour de confirmer la décision de première instance et de condamner Monsieur [E] [M] à lui régler la somme de 5 000€ au titre de l'article 700 du code de procédure civile.
Elle expose que le 28 octobre 2008, Monsieur [E] [M] a pris à bail un bâtiment composé de 4 appartements moyennant un loyer de 5 000€ par mois, que le contrat de bail comportait une clause d'indexation annuelle du loyer sur IRL et la prise en charge par le locataire de la taxe d'ordures ménagères, qu'il a sollicité et obtenu par arrêt de la cour d'appel la désignation d'un expert afin de relever les éventuels désordres affectant les lieux loués mais que le locataire a refusé l'accès aux lieux à l'expert, mais qu'il a, à compter du mois de novembre 2013, cessé de régler l'augmentation du loyer et refusé d'assumer la taxe OM, que sa dette locative s'élevait à 36431,94€ au mois d'avril 2014, Que le locataire a quitté les lieux et a réglé la dette locative en exécution du jugement de première instance.
Elle fait valoir que Monsieur [E] [M] sollicite l'application d'un accord signé le 10 octobre 2008 ; que toutefois, ce document n'est qu'un accord de principe précédent le bail qui a été signé le 28 octobre 2008 que les clauses des deux documents ne se contredisent pas, le bail du 28 octobre 2008 précise les obligations de chacun, que pendant 3 ans, le locataire a exécuté le bail sans difficulté d'interprétation ni confusion, qu'enfin les taxes récupérables sont à la charge du locataire même si le bail ne prévoit aucune provision.
Concernant la surface du local, s'agissant d'une demande nouvelle, elle doit être considérée comme irrecevable, que de surcroît, les dispositions de la loi du 25 mars 2009 ne sont pas applicables pour un bail conclu en 2008 et que la surface précise du local n'est pas entrée dans le champs contractuel, qu'enfin et surtout, le mesurage dont se prévaut Monsieur [E] [M] n'a pas été opéré au contradictoire des parties et n'est pas opposable au bailleur et que le locataire ne justifie d'aucun préjudice subi à ce titre.
Elle fait valoir que le bâtiment abritait des logements de fonction de postiers, de sorte qu'aucun changement de destination n'est intervenu, que le locataire, qui a refusé que l'expertise judiciaire se poursuive, ne justifie d'aucun désordre dans les lieux loués.
L'ordonnance de clôture est intervenue le 7 janvier 2016.
SUR CE :
Attendu que Monsieur [E] [M] se prévaut d'un document manuscrit intitulé ' accord entre [X] [D] et [E] [M] ' qui comporte différentes annotations en style télégraphique notamment '1) location de l'immeuble entier ....2)bail au 1er novembre 2008 classique loi de 1989, bail habitation , 3)5000 euros de caution à l'ordre du prado , chèque de 2 500euros prado et chèque de 2 500 euros, 5000 euros au mois de loyer d'avance à remettre par chèque et pour la durée du bail ' que toutefois, ce document confus, peu explicite et établi entre le locataire et le gérant de la SCI la Pomme en son nom personnel, ne peut en raison de son caractère succinct prévaloir sur les dispositions claires et dénuées d'ambiguïté du bail souscrit ultérieurement c'est à dire le 28 octobre 2008 qui comporte une désignation des lieux loués, la fixation du loyer à la somme de 5 000€ avec une clause de révision automatique et de plein droit en fonction de la variation de l'indice de référence des loyers au 1er novembre et qui mentionne que le locataire est redevable de la taxe d'ordures ménagères ;
Attendu que le locataire se prévaut de la nullité du bail d'habitation au motif que le bailleur aurait opéré un changement de destination, les locaux étant initialement destinés à un usage commercial, sans avoir obtenu au préalable l'autorisation administrative pour se faire ;
Attendu que par contrat de bail du 28 octobre 2008, la SCI la pomme a donné à usage d'habitation, les locaux à Monsieur [E] [M] ; que l'article L 631-7 du code de la construction et de l'habitat impose que le changement d'usage des locaux destinés à l'habitation soit soumis à une autorisation préalable de l'autorité administrative, qu'est un local réputé à usage d'habitation, le local affecté à cet usage au 1er janvier 1970, cette affectation pouvant être établie par tout mode de preuve ;
Attendu que la nullité encourue pour violation de l'article L 631-7 du code de la construction vise les locaux à usage d'habitation qui auraient été affectés à un autre usage ou transformés, sans avoir obtenu l'autorisation administrative de déroger à cette disposition, que tel n'est pas le cas en l'espèce puisque Monsieur [E] [M] produit à l'appui de sa demande de nullité du bail d'habitation conclu le 28 octobre 2008, un relevé de propriété daté du 1er mars 2011 d'où il résulte que les locaux situés [Adresse 1] étaient qualifiés de locaux commerciaux et industriels (b/C) et non pas de locaux d'habitation, qu'un tel changement de destination, de nature à accroire le nombre de logements au détriment des locaux commerciaux, n'entre pas dans le champs d'application de l'article L 631-7 du code sus visé ;
que la violation du caractère commercial des locaux n'est pas de nature à générer un préjudice au locataire ;
Attendu que les éventuelles infractions aux règles d'urbanisme, outre qu'elles ne sont pas établies en l'attente de l'issue des poursuites pénales, ne sont pas de nature à remettre en cause la validité de la convention intervenue entre la SCI la pomme et Monsieur [E] [M], qui est un tiers à cette procédure ;
Attendu que Monsieur [E] [M], qui fait état de désordres affectant les lieux loués, se prévaut de deux procès verbaux de constat dressés le 11 novembre 2012 par Maître [I] et le 5 février 2014 par Maître [L], huissiers de justice établissant la réalité d'infiltrations d'eaux dans les lieux loués, que néanmoins, il s'est opposé à l'intervention de Monsieur [Y], expert judiciaire désigné par la juridiction, dans les lieux, qu'ainsi l'obstruction menée par le locataire n'a pas permis de déterminer l'existence d'éventuelles défectuosités des locaux, l'origine des infiltrations dénoncées et leur cause, de sorte que le locataire ne peut, faute d'élément probant, imputer au bailleur, les infiltrations d'eau constatées;
Attendu que Monsieur [E] [M] sollicite une réduction de loyer au motif que les trois pièces situées au rez de chaussée, en contrebas de la rue, ne présentent pas les caractéristiques d'un logement décent, que toutefois, Monsieur [Y], expert judiciaire, même s'il relève le caractère ' peu favorable ' de la disposition des pièces, a exclu tout caractère indécent ou insalubre en retenant une absence de préjudice pour le locataire, qu'ainsi, la demande de Monsieur [M], qui se heurte aux conclusions de l'expert, doit être rejetée ;
Attendu que sur l'article 700 du code de procédure civile, la décision des premiers juges sera confirmée et il sera alloué en sus à l'appelant la somme de 600€ au titre des frais irrépétibles exposés en appel.
PAR CES MOTIFS
LA COUR
Par arrêt contradictoire rendu publiquement par mise à disposition au greffe,
Confirme le jugement déféré,
Condamne Monsieur [E] [M] à verser à La SCI la pomme la somme de 600€ au titre de l'article 700 du code de procédure civile et aux dépens d'appel.
LE GREFFIERLE PRÉSIDENT