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18/02/2016 | FRANCE | N°15/05447

France | France, Cour d'appel d'Aix-en-Provence, 4e chambre a, 18 février 2016, 15/05447


COUR D'APPEL D'AIX-EN-PROVENCE

4e Chambre A



ARRÊT AU FOND

DU 18 FEVRIER 2016

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N° 2016/ 114













Rôle N° 15/05447







[W] [H]

SCEA LA FERME DE [W]





C/



[Z] [U]





















Grosse délivrée

le :

à :



Me Jean DEBEAURAIN



Me Florent LADOUCE









Décision déférée à la Cour :<

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Jugement du Tribunal paritaire des baux ruraux de FREJUS en date du 30 Mars 2012 enregistré(e) au répertoire général sous le n° 51-10-09.





APPELANTES



Madame [W] [H]

demeurant [Adresse 1]



représentée par Me Jean DEBEAURAIN, avocat au barreau d'AIX-EN-PROVENCE substitué par Me Frédéric BERENGER, avocat au barreau d'...

COUR D'APPEL D'AIX-EN-PROVENCE

4e Chambre A

ARRÊT AU FOND

DU 18 FEVRIER 2016

hg

N° 2016/ 114

Rôle N° 15/05447

[W] [H]

SCEA LA FERME DE [W]

C/

[Z] [U]

Grosse délivrée

le :

à :

Me Jean DEBEAURAIN

Me Florent LADOUCE

Décision déférée à la Cour :

Jugement du Tribunal paritaire des baux ruraux de FREJUS en date du 30 Mars 2012 enregistré(e) au répertoire général sous le n° 51-10-09.

APPELANTES

Madame [W] [H]

demeurant [Adresse 1]

représentée par Me Jean DEBEAURAIN, avocat au barreau d'AIX-EN-PROVENCE substitué par Me Frédéric BERENGER, avocat au barreau d'AIX-EN-PROVENCE

SCEA LA FERME DE [W]

[Adresse 2]

représentée par Me Jean DEBEAURAIN, avocat au barreau d'AIX-EN-PROVENCE substitué par Me Frédéric BERENGER, avocat au barreau d'AIX-EN-PROVENCE

INTIME

Monsieur [Z] [U]

demeurant [Adresse 3]

représenté par Me Florent LADOUCE, avocat au barreau de DRAGUIGNAN substitué par Me Eléonore DARTOIS, avocat au barreau de DRAGUIGNAN

*-*-*-*-*

COMPOSITION DE LA COUR

L'affaire a été débattue le 05 Janvier 2016 en audience publique. Conformément à l'article 785 du Code de Procédure Civile, Madame Hélène GIAMI, a fait un rapport oral de l'affaire à l'audience avant les plaidoiries.

La Cour était composée de :

Monsieur Jean-Luc PROUZAT, Président de chambre

Monsieur Jean-Luc GUERY, Conseiller

Madame Hélène GIAMI, Conseiller

qui en ont délibéré.

Greffier lors des débats : Madame Danielle PANDOLFI.

Les parties ont été avisées que le prononcé de la décision aurait lieu par mise à disposition au greffe le 18 Février 2016

ARRÊT

Contradictoire,

Prononcé par mise à disposition au greffe le 18 Février 2016,

Signé par Monsieur Jean-Luc PROUZAT, Président de chambre et Madame Danielle PANDOLFI, greffier auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

***

Faits, prétentions et moyens des parties :

Par acte sous seing privé daté du 23 juillet 2009, [W] [H] a consenti à [Z] [U] un bail à métayage d'une durée de neuf ans à compter du 1er octobre 2009, portant sur une propriété viticole de 11 hectares 72 ares 46 centiares ((8 ha 30 a 76 ca classés en AOC Côtes de Provence et 3 ha 41 a 70 ca classés en Vin de Pays) située à [Localité 1], et cadastrée comme suit:

section AI n° [Cadastre 1]d'une surface de1 ha 3a 43ca, lieu dit "[Adresse 4]", AOC

section AK n° [Cadastre 2] d'une surface de 1 ha 40a 54ca, lieu dit "[Adresse 5]", VP

section AS n° [Cadastre 3] d'une surface de 91a 35ca, lieu dit "[Adresse 6]", VP

section AS n° [Cadastre 4] d'une surface de 43 a 51ca, lieu dit "[Adresse 6]", VP

section AS n° [Cadastre 5] d'une surface de 50 a 00 ca, lieu dit "[Adresse 7]

section BC n° [Cadastre 6] d'une surface de 88 a 20 ca, lieu dit "[Adresse 8]", AOC

section BC n° [Cadastre 7] d'une surface de 66 a 30 ca, lieu dit "[Adresse 8]", AOC

section BC n° [Cadastre 8] d'une surface de 45 a 75 ca, lieu dit "[Adresse 8]", AOC

section BC n° [Cadastre 9] d'une surface de 10 a 24 ca, lieu dit "[Adresse 8]", AOC

section BC n° [Cadastre 10] d'une surface de 40 a 15 ca, lieu dit "[Adresse 8]", AOC

section BC n° [Cadastre 11] d'une surface de 84 a 26 ca, lieu dit "L'OumèdeSud", AOC

section BC n° [Cadastre 12] d'une surface de 36 a 42 ca, lieu dit "[Adresse 8]", AOC

section BC n° [Cadastre 13] d'une surface de 56 a 12 ca, lieu dit "[Adresse 9]

section BC n° [Cadastre 14] d'une surface de 33 a 24 ca, lieu dit "[Adresse 9]

section BC n° [Cadastre 15] d'une surface de 80 a 45 ca, lieu dit "[Adresse 8] AOC",

section BD n° [Cadastre 16] d'une surface de 65 a 00 ca, lieu dit "[Adresse 10]

section BD n° [Cadastre 17] d'une surface de 72 a 20 ca, lieu dit "[Adresse 11]", AOC

section BD n° [Cadastre 18] d'une surface de 65 a 00 ca, lieu dit "[Adresse 11]", AOC

Par requête datée du 9 novembre 2010, [W] [H] a saisi le tribunal paritaire des baux ruraux de Fréjus aux fins, principalement, de voir déclarer nul le contrat la liant à [Z] [U] ou, subsidiairement, de voir prononcer la résiliation du bail pour dol.

Par jugement du 30 mars 2012, le tribunal paritaire des baux ruraux a débouté [W] [H] de ses demandes et l'a condamnée à payer à [Z] [U] la somme de 2 000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile, ainsi qu'aux dépens.

[W] [H] a interjeté appel de ce jugement par déclaration du 18 avril 2012.

Aux termes de ses conclusions n°2 reçues au greffe le 5 janvier 2016, auxquelles il convient de se référer et qui ont été soutenues à l'audience, [W] [H] sollicite :

- de déclarer recevable et bien fondé l'intervention volontaire du SCEA «la ferme de [W]»

- de réformer le jugement en toutes ses dispositions,

- à titre principal, de déclarer nul et non avenu le contrat de bail souscrit par [Z] [U] le 23 juillet 2009 pour absence de consentement, ou à défaut, pour man'uvres dolosives sur le fondement des articles 1109 et 1107 du code civil,

- subsidiairement, d'ordonner l'annulation du bail pour absence de prix et de détermination de la répartition des charges et produits,

- très subsidiairement, de prononcer la résiliation du bail pour défaut d'apport et détournement au profit d'une autre cave,

- très infiniment subsidiairement, de désigner un expert aux fins de vérifier si l'écriture et la signature figurant au bail correspondent aux siennes,

- si le bail était validé, d'ordonner l'expulsion de M. [U] de la parcelle AI [Cadastre 19] exclue du bail sans terme ni délai,

- de le condamner à 3 000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile, ainsi qu'aux dépens.

Elle fait valoir que:

- le bail n'a été ni signé ni rédigé par elle et comporte une signature qui n'est pas la sienne;

- il doit être annulé pour absence de consentement;

- le bail a été consenti « moyennant les clauses et conditions prévues dans le contrat type (...) en vigueur dans le Var et auquel les parties déclarent se référer»;

- or le contrat type ne lui a été communiqué qu'un an après la signature du bail et cette façon de procéder est constitutive de man'uvres dolosives.

- il y a même abus de faiblesse d'une personne âgée, alors qu'elle est née en 1922;

- il n'y avait pas d'accord sur le prix ou la répartition du produit;

- tandis que le contrat type prévoit deux modalités de répartition ( soit 1/3-2/3 soit 1/4-3/4 ) et sont d'ordre public (art L417-3), la simple référence au contrat type ne permet pas de savoir quelle était la répartition convenue.

- il n'y avait donc aucune détermination de la répartition des charges et des produits dans les conditions prévues par l'article L 417-1 du code rural et de la pêche maritime;

- alors qu'un bâtiment d'habitation de 147,3 m² était inclus dans la location, aucun loyer spécifique n'était convenu;

en toute hypothèse, le bail doit être résolu pour fautes du métayer:

- alors que la parcelle AI [Cadastre 19] était exclue du bail, M. [U] l'a occupée;

- la récolte était de 79 645 kilogrammes en 2007, 90 000 kg en 2008, de 59 930 kg en 2009 et est tombée à 27 490 kg en 2010, ce qui prouve qu'une partie a été détournée;

- la récolte 2015 des parcelles BC [Cadastre 7], [Cadastre 10] et [Cadastre 13] n'a pas été amenée à la coopérative des Celliers de Ramatuelle;

- il ne paye aucun produit de traitement ou dépense auprès du comptoir d'approvisionnement agricole varois, ni taxe d'ordures ménagères.

Aux termes de ses dernières conclusions remises au greffe et notifiées le 5 janvier 2016, puis soutenues à l'audience, [Z] [U] sollicite l'infirmation du jugement et entend voir:

- in limine litis, au visa de l'article 386 du code de procédure civile, constater la péremption de l'instance,

- à titre principal, au visa des articles 465, 475 et 505 du code civil, déclarer irrecevables:

- les demandes de [W] [H] qui ne dispose pas de la capacité à agir en justice,

- l'intervention volontaire de la SCEA la ferme de [W],

en conséquence,

- confirmer le jugement entrepris en toutes ses dispositions,

- à titre subsidiaire, au visa du principe selon lequel il est interdit de se contredire au détriment d'autrui, des articles 1109 et suivants du code civil, L 411-4 et suivants du code rural:

- declarer irrecevables les demandes de [W] [H] tendant à voir juger qu'elle n'a pas signé le bail à métayage ainsi que sa demande d'expertise graphologique,

- débouter les intimés de toutes leurs demandes, fins et conclusions,

- confirmer le jugement entrepris en toutes ses dispositions,

- en tout état de cause:

condamner tous succombant au paiement de la somme de 10 000 € pour procédure abusive et de 3 500 € sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile ainsi qu'aux dépens.

Il fait valoir que:

- le moyen tiré de l'absence de signature du bail a été soulevé 3 ans après l'introduction de l'instance alors qu'elle avait reconnu l'avoir signé auparavant, ce qui constitue l'estoppel;

- le dol n'est nullement établi alors que [W] [H] est à la tête d'un domaine agricole depuis 58 ans, d'abord aux côtés de son mari, puis seule depuis 20 ans;

- elle n'a jamais contesté l'état des lieux établi par Mr [Y] [Q] le 28 avril 2010 qui lui a été adressé;

- la prise en charge des factures par [W] [H] est prévue au contrat, en page 3;

aucune nullité du bail pour défaut de contrepartie n'est caractérisée alors qu'il se réfère au contrat-type de bail à métayage du département du Var;

- la résiliation du bail ne peut être fondée sur des événements postérieurs à l'introduction de l'instance

- la parcelle AI [Cadastre 19] supporte les bâtiments d'exploitation qui sont visés dans le contrat;

- la baisse de production avait commencé avant la conclusion du bail;

- elle s'explique ensuite par le recépage et la taille rase des vignes sur 3 hectares;

- entre 2010 et 2011 il a produit 200,38 HL puis 384,21 HL;

- en 2012, la production était en baisse de 30 % pour l'ensemble des vignerons;

- Mr [Y] [Q] a constaté en 2010 que les quatre parcelles visitées sont exploitées et en production; qu'une taille de restructuration sur deux bras a été réalisée et a amélioré les conditions d'exploitation.

MOTIFS DE LA DECISION :

Sur la péremption de l'instance:

Par application de l'article 386 du code de procédure civile, «l'instance est périmée lorsque aucune des parties n'accomplit de diligences pendant deux ans».

Par décision du 26 mars 2013, prise le jour où l'affaire était fixée à l'audience pour plaidoiries, elle a été retirée du rôle, puis le 12 mars 2015, [W] [H] et la Société Civile d'Eploitation Agricole «la ferme de [W]» ont conclu en sollicitant sa remise au rôle.

Il est soutenu que cet acte n'aurait pu valablement interrompre le délai de forclusion, car [W] [H] ayant été placée sous mesure de protection judiciaire, ne pouvait plus intervenir qu'assistée ou représentée.

Or, il s'avère que [W] [H] n'est pas sous mesure de protection judiciaire, et donc que la péremption n'est pas acquise.

Sur la recevabilité de l'intervention volontaire du SCEA «la ferme de [W]»:

Par acte notarié du 13 juin 2014 publié au service chargé de la publicité foncière le 23 juin 2014, [W] [H] a apporté en nature à la Société Civile d'Eploitation Agricole «la ferme de [W]» les biens loués à [Z] [U].

La discussion sur la validité de cet apport du fait de l'absence de représentation ou assistance à l'acte de [W] [H] ne saurait prospérer puisque [W] [H] n'est pas sous mesure de protection judiciaire.

Bien que l'intérêt à agir de la Société Civile d'Eploitation Agricole «la ferme de [W]» soit contesté, cette société à laquelle les terres louées ont été apportées a qualité et intérêt à intervenir à l'instance en validité du bail.

Elle sera donc déclarée recevable en son intervention volontaire.

Sur la recevabilité des demandes de [W] [H]:

[W] [H] n'étant pas sous mesure de protection judiciaire, elle dispose de la capacité à agir en justice et ses demandes seront déclarées recevables.

Sur la recevabilité des demandes de [W] [H] tendant à voir juger qu'elle n'a pas signé le bail à métayage ou d'expertise en écritures:

[Z] [U] soutient que ces demandes se heurtent au principe d'estoppel et sont dès lors irrecevables.

L'estoppel constitue une fin de non-recevoir fondée sur l'interdiction de se contredire au détriment d'autrui.

Mais, en l'espèce le fait de se contredire sur des faits d'abord reconnus et ensuite contestés est davantage susceptible de nuire à la crédibilité de celui qui y procède qu'à son adversaire, et ne constitue pas l'estoppel sanctionné par l'irrecevabilité des prétentions.

De plus en l'espèce, la dénégation de signature n'est pas une demande nouvelle mais un moyen nouveau soutenu à l'appui de la demande en nullité de l'acte contesté depuis l'origine.

[W] [H] est donc recevable en ses demandes.

Sur leur bien-fondé:

L'acte sous seing privé daté du 23 juillet 2009 concluant un bail à métayage d'une durée de neuf ans à compter du 1er octobre 2009 comporte une signature au nom de [W] [H] en qualité de bailleresse.

Dans sa requête datée du 9 novembre 2010, lorsqu'elle a engagé son action devant le tribunal paritaire des baux ruraux, elle a mentionné à quatre reprises avoir signé le bail.

En première instance, elle n'a pas contesté sa signature mais a essentiellement fait valoir que son consentement avait été surpris par des man'uvres frauduleuses de [Z] [U].

Elle a continué à indiquer avoir signé cet acte dans au moins quatre jeux successifs de conclusions prises pour l'audience du 8 décembre 2012 devant la cour d'appel.

Elle a également adressé un courrier à son avocat, (constituant la pièce 4 de l'étude d'écriture réalisée à sa demande par [L] [W]) pour lui demander d'engager une procédure à l'encontre de [Z] [U] aux fins d'annulation «du contrat de bail de métayage signé le 23 juillet entre lui et moi» .

Pour désormais dénier sa signature, elle se fonde sur une étude réalisée non contradictoirement par [L] [W], «graphologue».

Seul un développement relatif à la comparaison de deux signatures figurant d'une part sur un courrier adressé par [W] [H] à son avocat et d'autre part sur le contrat litigieux tend à considérer qu'elles n'émanent pas de la même personne alors même qu'il est souligné que ces deux documents ont été produits en photocopies, «ce qui rend l'étude incomplète».

Il y a lieu de considérer que cette étude n'émanant pas d'un expert judiciaire, réalisée à la demande unilatérale d'une partie sur la base de trois documents comparatifs dont un seul comporte la signature litigieuse alors que les originaux n'ont pas été produits, ne suffit pas à établir qu'elle n'est pas l'auteur de la signature déniée.

Des signatures de [W] [H] apparaissent non seulement sur les deux pièces susvisées, mais également sur:

- l'attestation de propriété établie le 14 octobre 1987 après le décès de [N] [H], son mari;

- le courrier daté du 3 août 2012 qu'elle a adressé à [Z] [U] pour le sommer de cesser l'activité commerciale exercée sur la parcelle [Cadastre 20];

- l'acte notarié du 13 juin 2014 par lequel elle a apporté ses biens à la SCEA «la ferme de [W]».

L'analyse comparée de ces pièces, jointe aux aveux judiciaires répétés de [W] [H] permettent, sans qu'il soit nécessaire de recourir à une mesure d'expertise, de lui attribuer la signature figurant en son nom au contrat litigieux.

La nullité du contrat ne peut être prononcée de ce chef.

Sur le dol comme autre cause de nullité du contrat de bail:

[W] [H] invoque le vice de son consentement aux motifs que le bail comporte la mention suivant laquelle:

«Le présent bail est consenti et accepté moyennant les clauses et conditions figurant dans le contrat type de bail à métayage en vigueur dans le département du Var, et auquel les parties déclarent se référer expressément »

et qu'elle n'a eu connaissance de ses conditions que le 10 octobre 2009 lorsque [Z] [U] lui a adressé le bail type départemental;

qu'ainsi, alors qu'elle est âgée de 88 ans, elle s'est engagée sans connaître la portée du contrat au regard du prix ou de la répartition des produits (métayage) et au regard de ses obligations, ce qui constituerait à la fois un dol et un abus de faiblesse.

Si [W] [H] est née le [Date naissance 1] 1922, et était donc âgée de 86 ans le 23 juillet 2009, rien ne permet de douter de ses capacités à contracter alors qu'elle gère seule sa propriété agricole depuis le décès de son mari en septembre 1986, et qu'elle a postérieurement, par acte du 13 juin 2014 apporté en nature à la SCEA «la ferme de [W]» les biens loués à [Z] [U], ou continué à poursuivre la présente instance, sans être protégée par une mesure judiciaire.

En l'absence de tout élément caractérisant une vulnérabilité particulière de [W] [H] en lien avec son âge, le fait pour [Z] [U] de lui avoir proposé la signature du contrat litigieux qui renvoit au contrat type en vigueur dans le département, respectueux des clauses d'ordre public, n'est nullement constitutif de man'uvres frauduleuses, et rien ne démontre que [W] [H] n'aurait pas contracté si elle avait connu les conditions figurant au contrat type alors qu'il n'est pas contesté qu'un précédent métayer exploitait ses terres depuis 1999.

Les éventuels manquements de [Z] [U] dans l'exécution de ses obligations de métayer telles que défaut de paiement de la taxe d'ordures ménagères, exercice d'un commerce, appropriation d'une parcelle ou défaut d'autorisation d'exploiter, ne permettent pas de caractériser rétroactivement des man'uvres frauduleuses destinées à obtenir le consentement de [W] [H] pour louer.

Le jugement ayant écarté la demande en nullité pour dol ou abus de faiblesse sera donc confirmé.

Sur l'absence de prix et de répartition des charges et produits:

Un contrat de métayage peut exister même s'il n'a pas été conclu par écrit.

En vertu de l'article L 417-3 du code rural et de la pêche maritime qui est d'ordre public, la part du bailleur ou prix du bail ne peut être supérieure au tiers de l'ensemble des produits, sauf décision contraire du tribunal paritaire.

En l'espèce, le contrat souscrit renvoit au contrat type du département qui fixe le partage des produits à:

- 1/3 pour le bailleur,

- 2/3 pour le preneur si le bailleur est propriétaire de plus de 50% du matériel ou à d'autres modalités à définir par les parties si le preneur est propriétaire de plus de 50% du matériel.

La règle du tiercement doit donc s'appliquer à défaut d'autre accord des parties qui ne peut être plus favorable au bailleur.

Le prix était donc parfaitement déterminable de sorte qu'aucune cause de nullité ne peut être fondée sur l'absence de prix.

Il a été prévu au contrat que :

le bailleur prendrait à sa charge:

- les produits phytosanitaires

- les engrais

- les autres produits et matériaux concernant la vigne.

le preneur prendrait à sa charge les dépenses relatives à la vendange.

Si ces dispositions dérogent à la règle du tiercement des charges consacrées par la jurisprudence, puis postérieurement à la conclusion du contrat, par l'adoption d'un alinéa 3 à l'article L 417-3 du code rural et de la pêche maritime, pour autant, elles n'entrainent pas la nullité du contrat mais permettent au bailleur de prétendre à une autre répartition.

Aucune cause de nullité ne peut donc être retenue du chef d'un défaut de détermination de prix et de répartition des charges et produits ou d'une disproportion au détriment de la bailleresse.

Le jugement ayant rejeté la demande de nullité du contrat sera donc confirmé.

Sur la résiliation du bail pour défaut d'apport et détournement au profit d'une autre cave:

Les motifs de résiliation doivent être appréciés au jour de la demande en justice, soit en l'espèce, au 9 novembre 2010.

Les manquements postérieurs à cette demande ne peuvent être pris en compte.

Alors que le contrat de métayage est en date du 23 juillet 2009, il convient d'examiner si [Z] [U] a commis des manquements antérieurement au 9 novembre 2010.

En premier lieu, est invoquée une chute de production de 50% en 2010 qui résulterait d'un détournement de celle-ci.

Il est établi que la récolte a évolué comme suit:

- 79 645 kgs en 2007,

- 90 000 kg en 2008,

- 59 930 kg en 2009 avant l'intervention de [Z] [U],

- 27 490 kg en 2010.

Aucune pièce ne permet d'établir que la chute de production entre 2009 et 2010 soit due à un détournement de récolte, seuls des constats, attestations et courriers des celliers de Ramatuelle étant produits pour une période postérieure.

Le seul fait d'une chute de production de 46% entre 2009 et 2010 alors qu'elle était déjà de 33,41% l'année précédente ne permet pas d'en déduire un détournement.

Le rapport de Monsieur [R] établi le 28 novembre 2010 à la demande de [W] [H], met en évidence que les parcelles BC n° [Cadastre 10] ( 40 a 15 ca), BD n° [Cadastre 16] (65 a), BD n° [Cadastre 18] (65 a) et AS n° [Cadastre 5] (50 a) ont été rabattues sur vieux bois au cours de l'hiver 2009-2010, sont en mauvais état d'entretien et n'ont, pour certaines pas été récoltées à l'automne 2010.

Il ajoute que de telles opérations sont en général réalisées avant arrachage.

Ce seul élément ne permet pas de caractériser un manquement fautif de [Z] [U] de nature à entrainer la résiliation sollicitée.

Le jugement ayant rejeté la demande de résiliation du bail sera donc confirmé.

Sur la demande d'expulsion de [Z] [U] de la parcelle AI [Cadastre 19]:

[W] [H] prétend que [Z] [U] occupe la parcelle AI [Cadastre 19] de manière illégitime.

Cette parcelle n'est pas mentionnée avec ses références cadastrales dans le contrat du 23 juillet 2009, mais celui-ci précise dans la désignation des biens :

« des bâtiments d'habitation et des bâtiments d'exploitation, puis énumère les parcelles plantées de vignes pour 11 hectares 72 ares 46 centiares et mentionne ensuite «telle que la propriété existe avec toutes ses dépendances sans aucune réserve ».

Dans les conditions prévues par l'article L 411-4 du code rural, [Z] [U] a fait établir le 28 avril 2010 par [Y] [Q] un état des lieux décrivant les bâtiments d'habitation et d'exploitation situés sur les parcelles [Cadastre 20] et [Cadastre 19], et l'a adressé à [W] [H] par lettre recommandée dont l'accusé de réception a été signé le 6 mai 2010.

Aucune réserve n'a été émise par [W] [H] qui ne peut donc valablement contester avoir loué la parcelle AI [Cadastre 19].

En conséquence, il convient de confirmer le jugement ayant rejeté la demande d'expulsion de [Z] [U] de la parcelle AI [Cadastre 19].

Sur la demande de dommages et intérêts pour procédure abusive:

Le droit d'agir en justice dégénère en abus si une légèreté blâmable, une intention de nuire, de la mauvaise foi ou une erreur grossière équipollente au dol, est caractérisée.

[Z] [U] soutient que cette instance remise au rôle à la veille de l'acquisition du délai de péremption constitue pour lui une source d'inquiétude qui dure depuis plusieurs années.

L'abus de procédure n'est cependant pas caractérisé par le seul fait d'avoir suspendu l'instance durant près de deux années avant de l'avoir réactivée.

Sa demande en paiement de dommages et intérêts sera rejetée.

Sur les dépens et l'article 700 du code de procédure civile:

Le jugement sera confirmé en ce qu'il a condamné [W] [H] à payer à [Z] [U] la somme de 2 000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile, ainsi qu'aux dépens.

Succombant en son appel, elle sera également condamnée aux dépens d'appel et à payer

1 000 euros à [Z] [U] sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile.

PAR CES MOTIFS

La cour,

Rejette la fin de non recevoir de péremption d'instance,

Déclare la Société Civile d'Eploitation Agricole «la ferme de [W]» recevable en son intervention volontaire,

Déclare [W] [H] recevable en ses demandes,

Rejette la demande en nullité du contrat de bail à métayage du 23 juillet 2009 pour défaut de signature,

Pour le surplus, confirme le jugement entrepris en toutes ses dispositions,

Condamne [W] [H] à payer 1 000 euros à [Z] [U] titre de l'article 700 du code de procédure civile,

Condamne [W] [H] aux dépens d'appel, sans distraction possible en matière de baux ruraux.

LE GREFFIERLE PRESIDENT


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel d'Aix-en-Provence
Formation : 4e chambre a
Numéro d'arrêt : 15/05447
Date de la décision : 18/02/2016

Références :

Cour d'appel d'Aix-en-Provence 4A, arrêt n°15/05447 : Infirme partiellement, réforme ou modifie certaines dispositions de la décision déférée


Origine de la décision
Date de l'import : 27/03/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2016-02-18;15.05447 ?
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