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18/02/2016 | FRANCE | N°15/00548

France | France, Cour d'appel d'Aix-en-Provence, 11e chambre b, 18 février 2016, 15/00548


COUR D'APPEL D'AIX-EN-PROVENCE

11e Chambre B



ARRÊT AU FOND

DU 18 FEVRIER 2016



N° 2016/79













Rôle N° 15/00548







[C] [Z] épouse [Y]





C/



[H] [V]





















Grosse délivrée

le :

à :



ME BERENGER

ME CAMPOCASSO













Décision déférée à la Cour :



Jugemen

t du Tribunal d'Instance d'AIX-EN-PROVENCE en date du 26 Septembre 2014 enregistré au répertoire général sous le n° 13/000988.





APPELANTE



Madame [C] [Z] épouse [Y]

née le [Date naissance 1] 1947 à [Localité 1]

de nationalité Française, demeurant [Adresse 1]

représentée par Me Frédéric BERENGER, avocat au barreau d'AIX-EN-PROVENCE
...

COUR D'APPEL D'AIX-EN-PROVENCE

11e Chambre B

ARRÊT AU FOND

DU 18 FEVRIER 2016

N° 2016/79

Rôle N° 15/00548

[C] [Z] épouse [Y]

C/

[H] [V]

Grosse délivrée

le :

à :

ME BERENGER

ME CAMPOCASSO

Décision déférée à la Cour :

Jugement du Tribunal d'Instance d'AIX-EN-PROVENCE en date du 26 Septembre 2014 enregistré au répertoire général sous le n° 13/000988.

APPELANTE

Madame [C] [Z] épouse [Y]

née le [Date naissance 1] 1947 à [Localité 1]

de nationalité Française, demeurant [Adresse 1]

représentée par Me Frédéric BERENGER, avocat au barreau d'AIX-EN-PROVENCE

et assisté par Me Michel BRUNET, avocat au barreau d'ALPES DE HAUTE-PROVENCE, plaidant

INTIMEE

Madame [H] [V]

(bénéficie d'une aide juridictionnelle Totale numéro 2015/4275 du 17/04/2015 accordée par le bureau d'aide juridictionnelle de AIX-EN-PROVENCE)

née le [Date naissance 2] 1958 à [Localité 2], demeurant [Adresse 2]

représentée par Me Sylvie CAMPOCASSO de la SCP CAMPOCASSO LAMBREY, avocat au barreau de MARSEILLE plaidant

*-*-*-*-*

COMPOSITION DE LA COUR

L'affaire a été débattue le 12 Janvier 2016 en audience publique. Conformément à l'article 785 du Code de Procédure Civile, Brigitte PELTIER, conseiller, a fait un rapport oral de l'affaire à l'audience avant les plaidoiries.

La Cour était composée de :

Mme Catherine COLENO, Présidente de Chambre

Mme Brigitte PELTIER, Conseiller

Mme Françoise FILLIOUX, Conseiller

qui en ont délibéré.

Greffier lors des débats : Mme Anaïs ROMINGER.

Les parties ont été avisées que le prononcé de la décision aurait lieu par mise à disposition au greffe le 18 Février 2016

ARRÊT

Contradictoire,

Prononcé par mise à disposition au greffe le 18 Février 2016,

Signé par Mme Catherine COLENO, Présidente de Chambre et Mme Anaïs ROMINGER, greffier auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

***

Mme [V] et Mme [Z] épouse [Y] ont signé un bail d'habitation en date du 4 mars 2009 pour la location d'un appartement [Adresse 3] ; par acte du huissier de justice en date du 20 juin 2013 Mme [V] a fait assigner Mme [Y] en paiement de sa quote-part au titre des loyers et charges impayées depuis le mois de mars 2009 outre dommages et intérêts.

Par jugement en date du 26 septembre 2014, le tribunal d'instance d'Aix-en-Provence a condamné Mme [Y] à payer à Mme [V] la somme de 10.337,53 euros au titre de sa part des loyers et charges impayés entre le mois de décembre 2009 et le mois de mai 2011 inclus ; le premier juge a considéré que Mme [V] et Mme [Y] avaient eu un projet commun caractérisé par un partage du logement loué permettant à Mme [V] d'y habiter et à Mme [Y] d'exercer son activité de thérapeute ; que Mme [Y] a acquitté la moitié des loyers jusqu'en décembre 2009 ; que la preuve est rapportée qu'à compter du mois de mai 2011 Mme [V] était informée de la volonté de Mme [Y] de se délier de l'engagement pris en mars 2009.

Mme [Y] a relevé appel de cette décision.

Aux termes de ses écritures en date du 7 janvier 2016, elle conclut à la réformation du jugement déféré ; à l'irrecevabilité des prétentions adverses pour atteinte au principe de cohérence ; au débouté adverse ; à ce qu'il soit fait injonction à Mme [V] d'avoir à produire les justificatifs des contrats d'assurance et du paiement des primes y afférentes ; à la condamnation de Mme [V] au paiement d'une somme de 10.000 € à titre de dommages et intérêts pour véritable abus de droit et de procédure, outre 3000 € sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile ainsi qu'entiers dépens.

Elle soutient être fondée à opposer la fin de non-recevoir spéciale qui interdit de se contredire au détriment d'autrui au motif d'une part que Mme [V] ne pourrait lui réclamer paiement de loyers et charges alors qu'elle a manifestement occupé seule l'appartement litigieux sans jamais formuler de réclamation jusqu'au début de l'année 2013, d'autre part qu'elle a réclamé paiement d'une somme de 6516,63 euros devant le conciliateur et celle de 25.767,27 euros devant le tribunal ; qu'il résulte des pièces du dossier que les parties ont renoncé à la colocation objet du bail souscrit et qu'un accord est intervenu, à compter du mois de décembre 2009, date à partir de laquelle Mme [V] a payé l'intégralité du loyer sans rien réclamer pendant 4 ans ; qu'il est démontré l'absence de cause de l'obligation du débiteur dans la réclamation faite par Mme [V] ; que la demande est infondée et injustifiée puisqu'il s'agirait d'un enrichissement sans cause ; que le comportement abusif de Mme [V] justifie l'octroi de dommages et intérêts ; qu'elle n'a jamais pris possession de l'appartement et qu'il ne peut donc y avoir action récursoire ; que contrairement à ce qui a été retenu par le premier juge, elle n'a pas payé la moitié du loyer jusqu'au mois de décembre 2009 ; qu'elle a adressé sommation à Mme [V] de lui communiquer les justificatifs du contrat d'assurance souscrit pour les locaux, mais qu'il n'a été produit que l'attestation d'assurance et non le contrat alors que ce document permettrait de vérifier la destination d'habitation exclusive ou mixte des lieux loués ; qu'elle démontre que Mme [V] s'est comportée comme locataire unique du logement.

Aux termes de ses conclusions en réplique et appel incident, Mme [V] conclut à l'infirmation partielle du jugement déféré ; à la condamnation de Mme [Y] à lui payer les sommes de 25.767,27 euros au titre des loyers et charges impayées depuis le mois de décembre 2009,6 100 € à titre de dommages et intérêts, 2500 € sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile outre entiers dépens, à la confirmation du jugement pour le surplus.

Elle fait valoir que les parties ont convenu d'une colocation aux termes d'un bail régularisé le 4 mars 2009 à effet du 15 mars 1009 ; que Mme [Y] ne s'est acquittée que partiellement du loyer, à hauteur de 420 € par mois, jusqu'au mois de novembre 2009, puis a cessé tout paiement à compter du mois de décembre 2009 ; qu'en application de l'article 1213 du Code civil le codébiteur qui a payé est en droit d'exercer un recours à l'encontre de son coobligé même après avoir donné congé ; que la renonciation prétendue par Mme [Y] ne se présume pas ; qu'elle ne démontre pas ne pas avoir pris possession des lieux loués ; qu'elle ne démontre pas qu'elle exerçait son activité professionnelle en d'autres lieux ; qu'ayant elle-même louée l'appartement pour y habiter, elle ne pouvait que souscrire un contrat d'assurance multirisque habitation ; que c'est à son insu que Mme [Y] a fait modifier les bases d'imposition au mois de mai 2011 comme n'étant plus occupante des lieux depuis le 1er janvier 2010 ; que Mme [Y] est totalement défaillante dans la démonstration de la preuve d'une renonciation à la collocation ou d'un engagement de prise de possession des lieux ; qu'elle ne s'est manifestée auprès du bailleur qu'au mois de janvier 2013 ; qu'elle est donc redevable de sa quote-part de loyer jusqu'au 14 avril 2013, préavis inclus ; que la mauvaise foi de Mme [Y] justifie la demande formée à titre de dommages et intérêts ; que le principe de cohérence ne s'étend pas aux allégations formulées par le demandeur au soutien de ses prétentions lesquelles sont recevables.

L'ordonnance de clôture est intervenue le 16 janvier 2016.

SUR CE

Sur la fin de non recevoir :

Mme [Y] fait grief à Mme [V] de se contredire à son détriment au motif d'une part qu'elle a manifestement occupé seule l'appartement litigieux sans jamais formuler de réclamation jusqu'au début de l'année 2013, d'autre part qu'elle a réclamé paiement d'une somme de 6516,63 euros devant le conciliateur et de celle de 25.767,27 euros devant le tribunal ; toutefois, ces circonstances ne sont pas constitutives d'un changement de position, en droit, de nature à induire l'adversaire en erreur sur ses intentions ; la fin de non recevoir ne peut qu'être écartée.

Sur la répartition de la dette entre les débitrices :

En application de l'article 1213 du Code civil : « L'obligation contractée solidairement envers le créancier se divise de plein droit entre les débiteurs, qui n'en sont tenus entre eux que chacun pour sa part et portion. » ; aux termes de l'article 1214 du même code : « Le codébiteur d'une dette solidaire, qui l'a payée en entier, ne peut répéter contre les autres que les part et portion de chacun d'eux (...) » ; enfin et en application de l'article 1216 du même code : « Si l'affaire pour laquelle la dette a été contractée solidairement ne concernait que l'un des coobligés solidaires, celui-ci serait tenu de toute la dette vis-à-vis des autres codébiteurs, qui ne seraient considérés par rapport à lui que comme ses cautions. »

Il est constant qu'aux termes du contrat souscrit, Mme [V] et Mme [Y] ont signé un bail d'habitation en date du 4 mars 2009 pour la location d'un appartement [Adresse 3] moyennant paiement d'un loyer de 1070 euros (900 euros à titre de loyer outre 170 euros à titre de provisions sur charges) ; il est également établi, ce qui n'est pas contesté par Mme [V], que si cette dernière entendait occuper l'appartement en tant qu'habitation principale, le projet pour Mme [Y], propriétaire de l'appartement dans lequel elle vivait, était d'y installer une activité professionnelle ; il est également non discuté que Mme [Y] a réglé directement à l'agence immobilière en charge de la gestion locative, une somme mensuelle de 420 euros au titre de sa participation au paiement des loyers et charges jusqu'au mois de novembre 2009, date à compter de laquelle l'agence immobilière atteste (cf pièce 11) qu'un seul règlement en provenance du seul compte de Mme [V] lui parvenait.

Or, si Mme [V] entend voir prospérer sa demande sur le fondement des articles 1213 et 1214 du Code civil, Mme [Y] entend s'y opposer au motif que le projet à l'origine de son engagement n'a jamais pris effet, de sorte qu'elle invoque l'exception visée par l'article 1216.

Elle produit en ce sens :

- son certificat d'inscription INSEE en date du 11.12.2007 pour une activité exercée à l'époque, [Adresse 4],

- la noti'cation administrative URSSAF du 24.01.2008 rattachant ses activités exercées aux [Localité 3] à son établissement principal d'[Adresse 5],

- sa déclaration du 23.09.2009 de début d'activité sous un régime d'auto-entrepreneur pour ses activités de psycho-thérapeute, retraitée de l'éducation nationale, exercées en principal au [Adresse 6], et à temps partiel en son domicile fiscal de [Localité 3],

- les photographies de son cabinet installé à son domicile d'[Localité 4], avec plaque professionnelle apposée au dessus des boites aux lettres de l'immeuble,

- les attestations régulières en la forme émanant de Mme [V] [M] (thérapeute ayant loué un local à Mme [Y] rue Mahatmat Gandhi), ainsi que de 6 témoins (patients ou thérapeutes) affirmant en substance suivre les activités professionnelles de Mme [Y] depuis 2007, époque où ils la consultaient [Adresse 7] avant que celles-ci ne soient transférées en son domicile du boulevard Charrier dès le début de l'année 2009, outre deux voisins attestant de la mise en place de cette activité dans leur immeuble du [Adresse 8],

- le courrier en date du 13 mars 2013, aux termes duquel le conciliateur de justice lui expose avoir été saisi par Mme [V], ayant pris acte de sa demande en résiliation du bail, mais sollicitant « dans un souci de conciliation » paiement, non pas de la moitié des loyers et charges échus, mais d'une somme de 6.516,63 euros concernant 3 mois de préavis (3 x 600 €) outre la régularisation des charges entre juillet 2011 et avril 2013

- l'attestation d'assurance en multirisque habitation, souscrite par Mme [V] pour les locaux en litige, et objet d'une sommation de communiquer.

Or, si Mme [V] conteste cette version, force est d'admettre qu'elle ne produit aucun élément permettant de constater que Mme [Y] a exercé ses activités de thérapeute dans l'appartement loué ; à cet égard, si Mme [V] soutient encore que l'exercice de cette activité dans l'immeuble avait été autorisé par le syndic, il sera toutefois observé que seule la mention « habitation principale » et non celle « professionnelle et habitation principale » a été cochée sur le contrat liant les parties au bailleur et qu'il n'est également pas allégué qu'une plaque professionnelle a été apposée à l'entrée de l'appartement ; en outre, il ressort des pièces produites par Mme [V], qu'elle seule réglait outre les loyers et charges postérieurs au mois de novembre 2009, les taxes d'habitation et de contribution à l'audiovisuel public, établies en son seul nom pour les années 2010, 2011, 2012 ; enfin, il n'est pas contesté que Mme [V] ne s'est préoccupée de la part contributive, objet du litige qu'à compter de la date à laquelle Mme [Y] a notifié à l'agence immobilière les circonstances pour lesquelles elle estimait n'être pas débitrice du loyer qui lui était réclamé ainsi que son intention de libérer l'appartement à la date du 14 janvier 2013 (cf demande en paiement par lettre en date du 14 février 2013 et lettre du conciliateur de justice à Mme [Y] en date du 13 mars 2013).

L'examen des pièces produites par les parties permet en conséquence de retenir que c'est en parfait accord que Mmes [V] et [Y] ont convenu, à compter du mois de novembre 2009, de renoncer au projet initial de cohabitation (à titre personnel pour la première et à titre professionnel pour la seconde) dans l'appartement loué en commun ; il en résulte, en tout état de cause, que la location, objet de l'engagement solidaire de Mmes [V] et [Y], n'a concerné en réalité que Mme [V] ; en conséquence et par application de l'article 1216 du Code civil, Mme [V] sera déboutée de ses prétentions formées sur le fondement de la part contributive de Mme [Y].

Enfin, les dépens ainsi qu'une somme de 1.000 euros sur le fondement des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile, seront mis à la charge de l'intimée qui succombe.

PAR CES MOTIFS

La cour, statuant publiquement, contradictoirement

Infirme le jugement déféré, et statuant à nouveau,

Rejette la fin de non recevoir opposée par Mme [Y].

Déboute Mme [V] de ses prétentions.

Condamne à payer à Mme [Y] la somme de 1.000 euros sur le fondement des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile.

Condamne Mme [V] aux entiers dépens, distraits au profit de l'avocat de la cause.

LE GREFFIERLE PRÉSIDENT


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel d'Aix-en-Provence
Formation : 11e chambre b
Numéro d'arrêt : 15/00548
Date de la décision : 18/02/2016

Références :

Cour d'appel d'Aix-en-Provence B1, arrêt n°15/00548 : Infirme la décision déférée dans toutes ses dispositions, à l'égard de toutes les parties au recours


Origine de la décision
Date de l'import : 27/03/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2016-02-18;15.00548 ?
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