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18/02/2016 | FRANCE | N°14/21836

France | France, Cour d'appel d'Aix-en-Provence, 11e chambre b, 18 février 2016, 14/21836


COUR D'APPEL D'AIX-EN-PROVENCE

11e Chambre B



ARRÊT AU FOND

DU 18 FEVRIER 2016



N° 2016/65













Rôle N° 14/21836







[X] [Q]





C/



COMMUNE DE NICE





















Grosse délivrée

le :

à :



ME KASSOUL

SCP FRANCOIS













Décision déférée à la Cour :



Jugement du T

ribunal de Grande Instance de NICE en date du 25 Septembre 2014 enregistré au répertoire général sous le n° 13/02487.





APPELANT



Monsieur [X] [Q]

de nationalité Française, demeurant [Adresse 1]

représenté par Me Mohamed KASSOUL, avocat au barreau de NICE plaidant





INTIME



COMMUNE DE NICE prise en la personne de son Maire en ...

COUR D'APPEL D'AIX-EN-PROVENCE

11e Chambre B

ARRÊT AU FOND

DU 18 FEVRIER 2016

N° 2016/65

Rôle N° 14/21836

[X] [Q]

C/

COMMUNE DE NICE

Grosse délivrée

le :

à :

ME KASSOUL

SCP FRANCOIS

Décision déférée à la Cour :

Jugement du Tribunal de Grande Instance de NICE en date du 25 Septembre 2014 enregistré au répertoire général sous le n° 13/02487.

APPELANT

Monsieur [X] [Q]

de nationalité Française, demeurant [Adresse 1]

représenté par Me Mohamed KASSOUL, avocat au barreau de NICE plaidant

INTIME

COMMUNE DE NICE prise en la personne de son Maire en exercice domicilié es qualité audit siège,

demeurant [Adresse 2]

représenté par Me André FRANCOIS de la SCP FRANCOIS-CARREAU FRANCOIS TRAMIER DUFLOT, avocat au barreau d'AIX-EN-PROVENCE et assisté par Me Eric MOSCHETTI de l'ASSOCIATION DEPLANO-MOSCHETTI-SALOMON-SIMIAN, avocat au barreau de NICE, plaidant

*-*-*-*-*

COMPOSITION DE LA COUR

L'affaire a été débattue le 12 Janvier 2016 en audience publique. Conformément à l'article 785 du Code de Procédure Civile, Catherine COLENO, Présidente de Chambre a fait un rapport oral de l'affaire à l'audience avant les plaidoiries.

La Cour était composée de :

Mme Catherine COLENO, Présidente de Chambre

Mme Brigitte PELTIER, Conseiller

Mme Françoise FILLIOUX, Conseiller

qui en ont délibéré.

Greffier lors des débats : Mme Anaïs ROMINGER.

Les parties ont été avisées que le prononcé de la décision aurait lieu par mise à disposition au greffe le 18 Février 2016

ARRÊT

Contradictoire,

Prononcé par mise à disposition au greffe le 18 Février 2016,

Signé par Mme Catherine COLENO, Présidente de Chambre et Mme Anaïs ROMINGER, greffier auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

***

Par convention du 20 mai 1974 la ville de Nice a chargé la société SONACOTRA à laquelle a succédé la SEM ADOMA de procéder à la résorption du bidonville dit La digue des Français implanté sur son territoire, par la mise en place d'une cité modulaire provisoire sur un terrain appartenant à la ville situé [Adresse 1].

Dans cette perspective des conventions d'occupation qualifiées de précaire ont été successivement consenties à M.[W] [Q], portant sur le lot n° 13 (à usage d'épicerie) renouvelée plusieurs fois la dernière le 1° janvier 2008 pour une durée de 12 mois non renouvelable expirant le 31 décembre 2008 moyennant une redevance de 447,06 euros TTC

Le 25 janvier 2010 la société ADOMA a renoncé à sa mission, a cessé de percevoir la redevance fixée et la commune de NICE est devenue gestionnaire directe du local .

Par acte du 30 mai 2011 M.[W] [Q] a saisi le Tribunal de Grande Instance de Nice d'une action en reconnaissance d'un bail commercial à son profit sur le fondement de l'article L 145-5 du code de commerce en offrant de payer l'arriéré de redevances.

Par courrier du 21 février 2013 la ville de Nice a notifié à M.[W] [Q] la résiliation de la convention à effet au 31 mars 2013 suite à la reprise de la gestion du site par la ville et à enjoint au preneur de quitter les lieux pour cette date.

Par jugement du 25 septembre 2014 le Tribunal de Grande Instance de Nice a débouté M.[W] [Q] de sa demande, a ordonné son expulsion sous astreinte journalière de 50 euros après un délai de trois mois a condamné M.[W] [Q] au paiement d'une indemnité d'occupation mensuelle de 474,27 euros outre 600 euros en application de l'article 700 du code de procédure civile .

Le premier juge a retenu que la convention conclue entre parties était une convention d'occupation précaire portant sur des bâtiments précaires et que la société ADOMA s'était réservé d'y mettre un terme à tout moment, qu'en l'état de cette précarité portant sur le caractère provisoire des constructions et de la précarité des droits du gestionnaire la convention n'ouvrait pas de bénéfice au statut des baux commerciaux.

M.[W] [Q] a relevé appel de cette décision par acte du 19 novembre 2014.

PRÉTENTIONS DES PARTIES

M.[W] [Q] par conclusions déposées et signifiées le 18 février 2015 auxquelles il est fait expressément référence pour le détail de l'argumentation conclut à l'infirmation de la décision et demande à la cour de dire que la convention portant sur le local qu'il occupe est un bail commercial, d'enjoindre à la commune de NICE d'établit un bail commercial sur ce local sous astreinte journalière de 100 euros et de la condamner à lui payer la somme de 3000 euros en application de l'article 700 du code de procédure civile.

Il soutient que la désignation employée par les parties est insuffisante à la qualification effective de l'acte , que la précarité doit être justifiée non seulement par la volonté des parties mais par des éléments objectifs et des circonstances particulières , qu'en l'espèce la résorption du bidonville 'la digue des français' et la mise en place d'une cité modulaire ont été achevés le 1° janvier 2007 date à laquelle la mission de la SONACOTRA a pris fin de sorte qu'après cette date les circonstances ayant justifié la conclusion d'une convention précaire ont disparu et que le recours au régime de la convention précaire est infondé, et destiné à échapper à l'application du statut légal ce qui justifie sa requalification judiciaire qu'au surplus le renouvellement successif de convention précaire sur plusieurs années rend le preneur titulaire d'un bail commercial.

La ville de NICE par conclusions déposées et signifiées le 7 avril 2015 auxquelles il est fait expressément référence pour le détail de l'argumentation conclut à titre principal à la confirmation de la décision.

Subsidiairement dans l'hypothèse où la cour qualifierait l'acte de bail commercial elle demande à la cour de condamner M.[W] [Q] au paiement de la somme de 616,47 euros à titre de loyers depuis le 25 avril 2009 outre 2.500 euros en application de l'article 700 du code de procédure civile.

Elle soutient que le premier juge a exactement retenu que tous les caractères de la convention précaire se trouvaient réunis: intitulé de la convention, précarité des droits de la société ADOMA, en raison du caractère provisoire de la cité, qui ne pouvait consentir plus de droit qu'elle n'en avait, révocation à tout moment à la 'prière' du propriétaire (étymologie du sens précaire) peu important le nombre de renouvellement dès lors que l'élément créateur de la précarité subsiste, et affirme en outre que cette précarité est confortée par la modicité de la redevance.

Elle souligne que la convention précaire pouvait être résilié dans deux cas,

- destruction de l'immeuble ou insalubrité

- reprise par la ville de Nice du terrain ce qui est le cas puisque la ville de Nice a repris le terrain en gestion directe.

A titre subsidiaire, elle soutient que le bénéfice de la propriété commerciale justifie une augmentation de 30% du loyer depuis 5 ans.

L'ordonnance de clôture est intervenue le 28 décembre 2015.

MOTIFS DE LA DÉCISION

La convention d'occupation précaire se caractérise, quelle que soit sa durée, par le fait que l'occupation des lieux n'est autorisée qu'à raison de circonstances exceptionnelles et pour une durée dont le terme est marqué par d'autres causes que la seule volonté des parties.

Il est acquis aux débats que par convention du 20 mai 1974 la commune de NICE avait chargé la SONACOTRA de procéder à la résorption du bidonville dit la Digue des Français et au relogement de ses occupants par la mise en place d'une cité modulaire provisoire sur un terrain appartenant à la ville et situé [Adresse 1]

La convention conclue le 22 mars 1982 passée entre la ville de Nice et la SONACOTRA après avoir fait référence à la convention du 20 mai 1974 expose que dans le cadre de cette convention la SONACOTRA a assuré la gestion de la cité des foyers modulaires mobiles jusqu'au 15 mars 1982 date à laquelle le champ de la convention s'est éteint laissant à la charge de la ville la gestion de ces ensembles , et que les problèmes rencontrés par la ville de Nice pour assurer cette gestion ont amené les parties à établi la présente convention au titre d'une prestation de service nouvelle selon la quelle la SONACOTRA assurera au mieux de intérêts des résidents la gestion des foyers modulaires mobiles dit Nice Village pendant une durée de 24 mois

Au fur et à mesure du relogement des occupants de la cité Nice Village la SONACOTRA est autorisée à procéder à l'enlèvement des modules libérés.

L'avenant n° 8 non daté à la convention du 22 mars 1982 expose que la commune de NICE a confié à la SONACOTRA la gestion d'un tènement immobilier destiné à loger des travailleurs immigrés à titre provisoire constitué de bâtiments modulaires édifiés sur un terrain appartenant à la commune au lieu dit Nice Village

une convention est intervenue entre les parties le 22 mars 1982 aux termes de laquelle la SONACOTRA a accepté d'assurer la gestion de cet ensemble pour une durée de 24 mois.

Par sept avenants successifs la mission de la SONACOTRA a été reconduite jusqu'au 15 décembre 1990

Parallèlement le conseil municipal décidait par délibération du 24 juin 1988 d'engager la résorption de la cité de Nice Village et de confier à la société de réhabilitation de la ville de Nice la gestion de cette résorption et l'aménagement des terrains en vue de la construction de 1.013 lits...

Dans l'attente de la réalisation définitive de cette construction la gestion de a cité modulaire dont la capacité diminuera en fin de 1° semestre 1991 compte tenu de la mise en service des 311 premier lits du village dont la gestion sera de la responsabilité de l'OPAM doit continuer à être assuré par la ville de Nice

A cet effet la SONACOTRA poursuit à la demande de la ville depuis le 16 décembre 1990 sa mission de gestion...

Sa mission prendra fin le 15 décembre 1991...

La SONACOTRA devra gérer la cité en fonction des impératifs d'intervention de la SOREHA et de l'OPAM sur le site chargés respectivement de la gestion de la résorption et l'aménagement des terrains et la construction d'un nouveau ensemble immobilier de 1.013 lits.

La société ADOMA a succédé à la SONACOTRA dans des conditions juridiques qui ne sont pas précisées, aucune convention concernant cette succession n'étant fournie.

Par convention du 1° janvier 2007 renouvelée le 1° janvier 2008 la société ADOMA a consenti une convention d'occupation précaire à M.[W] [Q] en faisant référence à la convention du 20 mai 1974.

La convention d'occupation précaire litigieuse ne caractérise aucun motif spécifique de précarité, ce dont il se déduit que les motifs de précarité sont ceux découlant des conventions de 1974 et 1982 auxquelles elle fait référence et ci dessus citées (conclues d'ailleurs avec la SONACOTRA et non la société ADOMA) concernant la résorption du bidonville et la mise en place d'une cité modulaire provisoire.

Toutefois la convention dite précaire précise que le champ d'application de la convention en ce qui concerne plus particulièrement la gestion de la cité de foyers modulaires est venue à son terme le 31 décembre 2008, de sorte que M.[W] [Q] soutient à juste titre que les éléments de précarité initiaux constitués par la résorption du bidonville et la création de la cité modulaire ont disparu, ces objectifs ayant été réalisés, ce qui n'est d'ailleurs pas démenti par l'intimé.

Cette analyse est confortée par le courrier adressé le 22 janvier 2010 par la société ADOMA à la ville de Nice concernant la gestion des commerces [Adresse 3], dans lequel ADOMA indiquait,

Notre société a dénoncé courant 2002 la gestion du marché au 31 décembre de cette même année,

c'est donc tout naturellement que la ville a cessé de nous proposer comme tous les ans la signature de l'avenant à la convention de gestion du marché et des commerces même si il nous était demandé de continuer à assurer la gestion des commerces le temps que l'organisation des marchés gérés par la Ville se mette en place ce que nous avons accepté.

L'activité de gestion des commerces n'étant pas notre coeur de métier et la convention nous y autorisant n'ayant plus d'existence légale nous avons décidé de ne plus proposer aux commerçants sédentaires de la ville de Nice la signature d'une convention temporaire pour les commerces qu'ils exploitent, cette convention reposant juridiquement sur la convention de mars 1982 et ses avenants.

Ces termes ne font aucunement référence à un contexte de précarité dans la gestion des commerces, confirment que la société ADOMA n'est pas en charge des opérations de résorption du bidonville et de création de la cité modulaire comme l'avait été la SONACOTRA et confirment que la convention de mars 1982 qui fondait les conventions temporaires n'a plus d'existence légale confortant ce faisant l'analyse de l'appelant sur la disparition des critères de précarité.

Vainement encore la commune de NICE fait référence à la précarité des droits de la société ADOMA, puisqu'il s'agit de droits qu'elle a elle même concédés, ce qui ne satisfait pas à l'exigence d'extériorité objective de nature à constituer un critère légitime de précarité.

Au demeurant, la ville de Nice qui avait elle même repris la gestion n'a dénoncé la convention que le 21 février 2013 pour le 31 mars 2013. A cette date la convention du 1° janvier 2008 qui est la dernière dont il est justifiée était déjà depuis longtemps parvenue à son terme, ce qui ne correspond pas à l'hypothèse de résiliation prévue à l'article XVI de la convention.

Enfin la commune de NICE ne produit aucun élément de nature à démontrer la modicité de la redevance prévue dans la convention.

Il s'en déduit que les critère de précarité invoqué dans la convention conclue entre M.[W] [Q] et la société ADOMA qui résulte de la référence à la convention de 1974 ne sont pas fondés, que la qualification prétendue de convention précaire n'a pour but et pour seul effet que de faire échec aux stipulations légales de sorte M.[W] [Q] est fondé à solliciter la requalification de cette convention.

En conséquence compte tenu du fait que la convention qualifiée à tort de précaire fait suite à une convention antérieure pareillement dénommé de façon tout aussi infondée, et que M.[W] [Q] a été laissée dans les lieux à l'issue de la dernière convention, (ayant expiré le 31 décembre 2008) jusqu'au 21 février 2013 date de la mise en demeure d'avoir à quitter les lieux, M.[W] [Q] est fondé à solliciter le bénéfice d'un bail statutaire.

Il convient en conséquence de faire droit à sa demande d'établissement d'un bail commercial sous astreinte.

La demande de la commune de NICE de fixation judiciaire d'un loyer à la somme de 616,47 sera rejetée, en l'absence de toute démonstration d'élément justifiant cette demande.

La commune de NICE partie perdante sera condamnée aux dépens et au paiement de la somme de 1.000 euros en application de l'article 700 du code de procédure civile

PAR CES MOTIFS

la Cour statuant contradictoirement

infirme la décision déférée

Requalifie la convention locative conclue entre les parties portant sur le local n° 13 situé [Adresse 1] en bail commercial.

Dit que M.[W] [Q] bénéficie du statut des baux commerciaux et fait injonction à la commune de NICE d'établir un bail commercial portant sur ces locaux, sous astreinte de 10 euros passé un délai de trois mois à compter de la signification du présent arrêt et pendant un délai de 6 mois

condamne la commune de NICE à payer à M.[W] [Q] la somme de 1.000 euros en application de l'article 700 du code de procédure civile

Condamne la commune de NICE aux entiers dépens.

LE GREFFIERLE PRÉSIDENT


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel d'Aix-en-Provence
Formation : 11e chambre b
Numéro d'arrêt : 14/21836
Date de la décision : 18/02/2016

Références :

Cour d'appel d'Aix-en-Provence B1, arrêt n°14/21836 : Infirme la décision déférée dans toutes ses dispositions, à l'égard de toutes les parties au recours


Origine de la décision
Date de l'import : 27/03/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2016-02-18;14.21836 ?
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