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18/02/2016 | FRANCE | N°14/10026

France | France, Cour d'appel d'Aix-en-Provence, 3e chambre b, 18 février 2016, 14/10026


COUR D'APPEL D'AIX-EN-PROVENCE

3e Chambre B



ARRÊT AU FOND

DU 18 FÉVRIER 2016



N° 2016/050













Rôle N° 14/10026







Société civile SCCV MAINTENON





C/



SAS LEGENDRE OUEST

SARL CONCEPTION ETUDE CUISINE DITE CEC









Grosse délivrée

le :

à :

Me P. SOUMILLE

Me L.. LEVAIQUE

Me P. RAFFAELLI
















r>Décision déférée à la Cour :



Jugement du Tribunal de Grande Instance d'AIX-EN-PROVENCE en date du 08 Avril 2014 enregistré au répertoire général sous le n° 11/03687.





APPELANTE



Société civile SCCV MAINTENON,

représentée par son liquidateur amiable M. [L] [N],

siège social [Adresse 2]

représen...

COUR D'APPEL D'AIX-EN-PROVENCE

3e Chambre B

ARRÊT AU FOND

DU 18 FÉVRIER 2016

N° 2016/050

Rôle N° 14/10026

Société civile SCCV MAINTENON

C/

SAS LEGENDRE OUEST

SARL CONCEPTION ETUDE CUISINE DITE CEC

Grosse délivrée

le :

à :

Me P. SOUMILLE

Me L.. LEVAIQUE

Me P. RAFFAELLI

Décision déférée à la Cour :

Jugement du Tribunal de Grande Instance d'AIX-EN-PROVENCE en date du 08 Avril 2014 enregistré au répertoire général sous le n° 11/03687.

APPELANTE

Société civile SCCV MAINTENON,

représentée par son liquidateur amiable M. [L] [N],

siège social [Adresse 2]

représentée et plaidant par Me Philippe SOUMILLE, avocat au barreau de MARSEILLE

INTIMEES

SAS LEGENDRE OUEST

immatriculée au R.C.S. de RENNES sous le n° B 399 301 530,

prise en la personne de son représentant légal en exercice domicilié en cette qualité au siège social [Adresse 3]

représentée par Me Laurence LEVAIQUE de la SCP ERMENEUX-LEVAIQUE-ARNAUD & ASSOCIES, avocate au barreau d'AIX-EN-PROVENCE

plaidant par Me Caroline MIGOT du cabinet BG ASSOCIES, avocate au barreau de RENNES,

SARL CONCEPTION ETUDE CUISINE DITE CEC

[Adresse 1]

représentée par Me Philippe RAFFAELLI, avocat au barreau d'AIX-EN-PROVENCE

plaidant par Me Stanislas COMOLET de la SCP COMOLET - MANDIN & ASSOCIES, avocat au barreau de PARIS, substitué par sa collaboratrice Me Constance FROGER, avocate au barreau de PARIS

*-*-*-*-*

COMPOSITION DE LA COUR

L'affaire a été débattue le 06 Janvier 2016 en audience publique. Conformément à l'article 785 du Code de Procédure Civile, Madame Marie-José DURAND, Conseillère, a fait un rapport oral de l'affaire à l'audience avant les plaidoiries.

La Cour était composée de :

M. Jean-François BANCAL, Président

Mme Patricia TOURNIER, Conseillère

Mme Marie-José DURAND, Conseillère (rédactrice)

qui en ont délibéré.

Greffier lors des débats : Mme Josiane BOMEA.

Les parties ont été avisées que le prononcé de la décision aurait lieu par mise à disposition au greffe le 18 Février 2016

ARRÊT

Contradictoire,

Prononcé par mise à disposition au greffe le 18 Février 2016,

Signé par M. Jean-François BANCAL, Président et Mme Josiane BOMEA, greffier auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

***

EXPOSÉ DU LITIGE

Faits et procédure

La SCCV Maintenon a entrepris la construction d'une résidence [Établissement 1], en [Localité 1], sous la maîtrise d'oeuvre de la société 2AD Ingenierie. La société Legendre Ouest a signé un acte d'engagement le 18 juillet 2008 pour les lots Terrassements, Fondations spéciales, Gros-oeuvre moyennant le coût de 3 900 000 € HT, et un contrat de travaux a été préparé à son bénéfice, prévoyant le début des travaux au 1er septembre 2008. Le 28 juillet 2008, la société CEC, se présentant explicitement comme assistant au maître d'ouvrage, a adressé à la société Legendre Ouest ce contrat signé par elle-même, société CEC, accompagné des explications suivantes :

'Sur la demande de 2AD et afin que vous puissiez commencer à établir vos commandes, nous vous prions de trouver ci-joint votre contrat de travaux signé par nos soins.

Monsieur [F] s'occupe de faire signer un original au MO, Monsieur [Z], pour vous le transmettre dans les meilleurs délais.'

La société Legendre Ouest a débuté les travaux le 1er septembre 2008. Cependant, par lettre du 05 septembre 2008, la société 2 AD Ingenierie l'a informée que le chantier était arrêté pour des retards administratifs, lui a demandé en conséquence de cesser tous travaux et l'a convoquée à une réunion organisée par le maître d'ouvrage le 11 septembre suivant. La société Legendre Ouest précise cependant dans ses conclusions qu'elle a été avisée oralement de l'arrêt du chantier dès le 02 septembre 2008 'par la maîtrise d'ouvrage'.

De la lecture du compte rendu de la réunion du 11 septembre, à laquelle étaient présents des représentants des sociétés Legendre, CEC et 2AD Ingenierie, à l'exclusion de tout représentant de la société maître d'ouvrage, il ressort que la durée de l'arrêt était à l'époque évaluée à six mois.

Le 12 septembre 2008, la société 2AD Ingenierie adressait à la société Legendre Ouest un exemplaire du marché de travaux signé par le gérant de la société Maintenon, différant de l'exemplaire précédent en ce qu'il portait une clause manuscrite ainsi libellée : 'Le contrat travaux ne peut être effectif que sous réserve du déblocage de la ligne de crédit promoteur auprès du Crédit Foncier de Paris'.

Le 24 septembre 2008, la société Legendre Ouest adressait sa situation n° 1 s'établissant à 74 674,39 € TTC au maître d'oeuvre qui la transmettait au maître d'ouvrage le 26 septembre après l'avoir signée. Par ailleurs, le 02 octobre 2008, la société Legendre Ouest adressait au maître d'oeuvre son évaluation de l'incidence financière du retard de démarrage du chantier, à hauteur de 251 825 €.

Par acte en date du 10 mai 2011, la société Legendre Ouest faisait assigner la SCCV Maintenon et la société CEC devant le tribunal de grande instance d'Aix en Provence aux fins de résiliation du marché et de condamnation de la SCCV Maitnenon ou subsidiairement de la société CEC au paiement des sommes principales de 74 674,39 € au titre des travaux et de 390 000 € à titre de dommages et intérêts.

Décision déférée

Par jugement contradictoire du 08 avril 2014, le tribunal de grande instance d'Aix en Provence :

- disait qu'un contrat de travaux avait été conclu le 22 juillet 2008 entre la société Legendre Ouest et la SCCV Maintenon et en prononçait la résiliation aux torts de cette dernière,

- condamnait la SCCV Maintenon à payer à la société Legendre Ouest les sommes de :

- 74 674,39 € au titre des travaux exécutés,

- 390 000 € à titre de dommages et intérêts en réparation du préjudice causé par la rupture du marché,

- déboutait la SCCV Maintenon et la société Legendre Ouest de leurs demandes formées contre la société CEC,

- condamnait la SCCV Maintenon à payer à la société Legendre Ouest la somme de 3 000 € en application de l'article 700 du code de procédure civile,

- condamnait la société Legendre Ouest à payer à la société CEC la somme de 3 000 € en application de l'article 700 du code de procédure civile,

- disait n'y avoir lieu à exécution provisoire.

Le premier juge estimait en effet que la société Legendre Ouest pouvait se prévaloir du mandat apparent de la société CEC, par l'effet duquel la SCCV Maintenon s'était trouvée contractuellement engagée envers elle, notamment par la signature du contrat de travaux du 22 juillet 2008 et des actes et courriers subséquents.

La SCCV Maintenon interjetait appel par déclaration du 19 mai 2014 en intimant les deux autres parties au procès.

*

Vu les conclusions de la SCCV Maintenon en date du 05 décembre 2014 par lesquelles elle demande à la cour de :

'Infirmer le jugement du tribunal de Grande Instance d'Aix en Provence du 8 avril 2014 en toutes ses dispositions,

Et

Statuant à nouveau :

Vus les articles 1315 et 1984 et suivants du code civil :

Juger que la société LEGENDRE OUEST n'est pas fondée à invoquer un mandat apparent entre la SCCV MAINTENON et la société C.E.C. visant à conclure le contrat dont l'exécution est poursuivie.

Dans tous les cas,

Juger que la Société LEGENDRE OUEST ne pouvait légitimement croire que C.E.C agissait en vertu d'un mandat et ne prouve aucune circonstance qui pouvait l'exonérer de vérifier les pouvoirs de C.E.C,

Débouter en conséquence la société LEGENDRE OUEST de toutes ses demandes formulées contre la société civile de construction vente MAINTENON sur le fondement des actes de la société C.E.C.

Juger que la société LEGENDRE OUEST n'apporte pas la preuve d'un contrat passé avec la société de construction vente MAINTENON.

Débouter la Société LEGENDRE OUEST, de toutes ses demandes formulées contre la société civile de construction vente MAINTENON sur le fondement contractuel.

Juger que la SCCV MAINTENON n'a commis aucune faute sur le fondement de l'article 1382 du code civil et Débouter la Société LEGENDRE OUEST, de toutes ses demandes formulées contre la société civile de construction vente MAINTENON sur le fondement délictuel.

Juger dans tous les cas que la société LEGENDRE OUEST se prétend victime de faits qui résultent exclusivement de sa propre négligence et rejeter ses demandes contractuelles et délictuelles pour ce motif.

A titre infiniment subsidiaire

Vus les articles 1315, 1325 et 1341 du code civil :

Juger que la société LEGENDRE OUEST n'apporte la preuve d'aucun engagement contractuel opposable à la SCCV MAINTENON.

A titre infiniment subsidiaire

Vus les articles 1134 et 1147 du code civil :

Si par extraordinaire un contrat était reconnu entre les parties, condamner la société LEGENDRE OUEST à 100.000 euros de dommages et intérêts pour violation de ses obligations contractuelles.

A titre infiniment subsidiaire, constater que la société LEGENDRE OUEST n'établit aucunement le préjudice qu'elle invoque et la débouter de ses demandes.

A titre infiniment subsidiaire, condamner la société C.E.C à garantir et relever la SCCV MAINTENON de toute condamnation qui serait prononcée à son encontre sur les fondements invoqués par la société LEGENDRE OUEST

CONDAMNER la Société LEGENDRE OUEST à payer à la SCCV MAINTENON, une somme de 5000,00 € sur le fondement de l'article 700 du Code de Procédure Civile,

CONDAMNER la société LEGENDRE OUEST aux dépens de l'instance dont distraction au bénéfice de Maître Philippe SOUMILLE, avocat au barreau de Marseille.'

Vu les conclusions de la société CEC en date du 18 décembre 2015 par lesquelles elle demande à la cour de :

'Vu les articles 1315 alinéa 1 du Code Civil et 9 du Code de Procédure Civile,

Vu les articles 1147 et 1382 du Code Civil,

- DIRE et JUGER que la société CEC est intervenue en qualité d'assistant de maître d'ouvrage à l'opération de construction litigieuse,

- DIRE et JIUGER que la société LEGENDRE OUEST ne pouvait ignorer l'intervention de la société CEC en qualité d'assistant de maître d'ouvrage, de sorte qu'elle ne saurait se prévaloir d'un mandat apparent,

- DIRE ET JUGER que la société CEC n'a commis aucune faute,

- DIRE ET JUGER que la société CEC n'est pas à l'origine du démarrage du chantier, ni de son arrêt, ni encore de l'absence de reprise du chantier,

- DIRE ET JUGER en conséquence l'absence de lien de causalité entre l'intervention de la société CEC et les préjudices allégués par la société LEGENDRE OUEST,

En conséquence,

- REFORMER le jugement rendu par le Tribunal de grande instance d'Aix en Provence en ce qu'il a jugé que la société CEC avait contractuellement engagé la SCCV MAINTENON au titre d'un mandat apparent,

- CONFIRMER le jugement rendu par le Tribunal de grande instance d'Aix en Provence en ce qu'il a jugé que la société CEC n'avait commis aucune faute susceptible d'engager sa responsabilité,

- DEBOUTER les sociétés LEGENDRE OUEST et SCCV MAINTENON de l'ensemble de leurs demandes, fins et prétentions dirigées à l'encontre de la société CEC,

- PRONONCER la mise hors de cause de la société CEC,

Vu les articles 699 et 700 du Code de Procédure Civile,

- CONDAMNER la société LEGENDRE OUEST, ou toute autre partie succombante, à verser à la société CEC la somme de 5.000 € en remboursement de ses frais irrépétibles,

- CONDAMNER les mêmes aux entiers dépens dont le montant pourra être recouvré directement par Maître Philippe RAFFAELLLI, Avocat.'

Vu les conclusions de la société Legendre Ouest en date du 16 novembre 2015 par lesquelles elle demande à la cour de :

'DIRE ET JUGER mal fondé l'appe1 principal interjeté par la Société Civile de Construction Vente MAINTENON et l'en débouter ;

DEBOUTER également la société CONCEPTION ETUDE CUISINE de son appelincident ;

CONFIRMER 1e jugement rendu par le Tribunal de Grande Instance d'AIX EN PROVENCE le 8 avril 2014 en ce qu'il a :

- dit qu'un contrat de travaux avait été conclu 1e 22 juillet 2008 entre la société LEGENDROUEST et la société civile de construction vente MAINTENON,

- prononcé la résiliation de ce contrat aux torts exclusifs de la SCCV MAINTENON,

- condamné la SCCV MAINTENON à payer à la société LEGENDRE OUEST les sommes suivantes :

o 74.674,39 € au titre des travaux exécutés,

o 390.000 € à titre de dommages et intérêts en réparation du préjudice causé par le rupture du marché,

o 3.000 € en application de l'article 700 du Code de Procédure Civile;

REFORMER en revanche le jugement entrepris en ce qu'il a condamné la société LEGENDRE OUEST à régler à la société CONCEPTION ETUDE CUISINE une somme de 3.000 € sur le fondement de l'article 700 du Code de procédure civile ainsi que ses dépens de première instance ;

En tout état de cause,

Vu les articles 1147 et 1382 du Code Civil,

0 DIRE ET JUGER résilié aux torts de la SCCV MAINTENON, et à défaut de la Société CEC, le marché de travaux du 22 juillet 2008,

En conséquence,

0 CONDAMNER la SCCV MAINTENON à payer à la Société LEGENDRE OUEST, à titre de dommages intérêts, au visa des articles 1147 et subsidiairement 1382 du Code Civil, en réparation du préjudice subi par la rupture des relations contractuelles, une somme de 390 000,00 €, outre 74 674,39 €, avec intérêts au taux légal à compter de l'assignation introductive d'instance, outre capitalisation des intérêts en application de l'article 1154 du Code Civil,

0 Subsidiairement, CONDAMNER, au visa des articles 1147 et subsidiairement 1382 du Code Civil, la Société CEC à payer à la Société LEGENDRE OUEST, les sommes de 390 000,00 € et 74 674,39 € avec intérêts au taux légal à compter de l'assignation introductive d'instance, outre capitalisation des intérêts en application de l'article 1154 du Code Civil,

Plus subsidiairement,

0 CONDAMNER la SCCV MAINTENON, et à défaut la Société CEC, à payer à la Société LEGENDRE OUEST, la somme de 74 674,39 €, avec intérêts au taux légal à compter de l'assignation introductive d'instance, outre capitalisation des intérêts en application de l'article 1154 du Code Civil,

Vu les articles 564 et 908 du Code de Procédure Civile,

DIRE ET JUGER irrecevable la demande présentée pour la première fois devant la Cour par la SCCV MAINTENON, et au-delà du délai de trois mois de sa déclaration d'appel, de condamnation de la société LEGENDRE OUEST à régler à la SCCV MAINTENON une somme de 100.000 € à titre de dommages et intérêts ;

DIRE ET JUGER en tout état de cause cette demande mal fondée ; Par conséquent, L'EN DEBOUTER ;

CONDAMNER in solidum la SCCV MAINTENON et la Société CEC, ou 1'une à défaut de 1'autre, à payer à la Société LEGENDRE OUEST, au stade de l'appel, une somme de 6 000,00 € sur le fondement de l'article 700 du Code de Procédure Civile,

CONDAMNER in solidum la SCCV MAINTENON et la Société CEC, ou l'une à défaut de l'autre, aux entiers dépens de première instance et d'appel dont distraction au profit de la SCP ERMENEUX LEVAIQUE ARNAUD.'

Vu l'ordonnance de clôture en date du 22 décembre 2015.

MOTIFS DE LA DECISION

A/ Sur la fin de non-recevoir soulevée par la société Legendre Ouest

La demande de dommages et intérêts formée par la SCCV Maintenon fondée, pour le cas où l'existence d'un contrat serait retenue, sur le non-respect par la société Legendre Ouest de dispositions contractuelles, nouvelle en appel, doit être déclarée irrecevable en application de l'article 564 du code de procédure civile.

B/ Sur les demandes de la société Legendre Ouest fondées sur l'existence d'un marché de travaux

Force est de constater, à la lecture du contrat liant la SCCV Maintenon à la société CEC, qu'aucun mandat n'y est conféré par la première à la seconde. Cependant, les termes de ce contrat étaient inconnus de la société Legendre Ouest. De plus, la SCCV et la société CEC ne démontrent pas que la qualité d'assistant au maître d'ouvrage, plusieurs fois affirmée par la société CEC dans des documents destinés à la société Legendre Ouest (notamment dans l'acte d'engagement du 18 juillet et dans la lettre du 28 juillet 2008 accompagnant l'envoi du contrat signé le 22 juillet), soit incompatible avec l'existence d'un mandat.

En revanche, des éléments antérieurs à l'acte du 22 juillet 2008 ou intrinsèques à cet acte ou à sa communication, et qui ne pouvaient échapper à l'attention de la société Legendre Ouest, révélaient de façon certaine l'absence de mandat :

- en tête de l'acte d'engagement signé par la société Legendre Ouest le 18 juillet 2008, sont désignés, en qualité de signataire du marché : 'Monsieur [L] [N], gérant de la SCCV Maintenon', et en qualité de personnes habilitées à donner des renseignements : l'assistant au maître d'ouvrage CEC et l'architecte 2AD ;

- le contrat de travaux signé le 22 juillet 2008 par la société CEC stipule qu'il est conclu par la société SCCV Maintenon 'représentée par Monsieur [L] [N], gérant' ;

- la signature de la société CEC ne figure pas à l'emplacement réservé à celle du maître d'ouvrage, mais largement en-dessous ;

- dans la lettre du 28 juillet 2008 accompagnant le contrat de travaux, la société CEC précise qu'elle 's'occupe de faire signer un original au MO, Monsieur [Z]'.

Il était clair, au vu de ces éléments, et malgré l'erreur commise par la société CEC dans sa lettre d'accompagnement concernant l'identité du représentant du maître d'ouvrage, que la signature de la société CEC était insuffisante pour engager la SCCV Maintenon. Dans ces conditions, et nonobstant le fait que la société CEC ait été désignée, dans les procès-verbaux de chantier, comme maître d'ouvrage délégué, et le fait qu'elle ait signé le 1er septembre 2008, un devis de travaux supplémentaires, la croyance de la société Legendre Ouest en un mandat donné par le maître d'ouvrage à la société CEC ne peut être qualifiée de légitime.

En l'absence de mandat, et en l'absence de mandat apparent, la signature de la société CEC sur le marché de travaux n'a pas eu pour effet d'engager la SCCV Maintenon. C'est donc à tort qu'il a été jugé en première instance qu'un contrat de travaux avait été conclu le 22 juillet 2008 entre cette dernière et la société Legendre Ouest, que sa résiliation en a été prononcée, et que la SCCV a été condamnée à payer le coût des travaux exécutés et des dommages et intérêts en réparation du préjudice né de la rupture du marché.

La société Legendre Ouest demande, à défaut, le prononcé de la résiliation du contrat aux torts de la société CEC.

Cependant, le marché de travaux n'a pas non plus été conclu entre la société Legendre Ouest et la société CEC : celle-ci n'est pas maître d'ouvrage et la société Legendre Ouest n'a pas pu croire qu'en signant le contrat, la société CEC s'engageait pour elle-même, alors que c'est la SCCV que le contrat désignait en qualité de maître d'ouvrage. En conséquence, la demande tendant à la résiliation du contrat aux torts de la société CEC doit être déclarée sans objet.

C/ Sur les demandes de la société Legendre Ouest, fondées sur les dispositions de l'article 1382 du code civil

Il ressort des documents établis lors de la préparation du chantier que Monsieur [Z], de la société Image Inn, elle-même associée non gérante de la SCCV, était, au sein de la société maître d'ouvrage, le plus proche interlocuteur des intervenants sur le chantier, au point que ceux-ci l'ont confondu avec le maître d'ouvrage. En effet, c'est lui que la société CEC a désigné en qualité de maître d'ouvrage dans sa lettre du 22 juillet 2008, c'est en sa présence qu'a eu lieu la réunion du 08 juillet 2008 au cours de laquelle les conditions d'intervention de la société Legendre et le coût de ses prestations ont été discutés, c'est à lui que le maître d'oeuvre a envoyé le procès-verbal de la réunion du 21 juillet précisant notamment que l'ordre de service était à faire à l'entreprise Legendre, puis le procès-verbal de chantier n° 1 du 27 août 2008 prévoyant que l'entreprise Legendre commencerait le terrassement le 1er septembre, et c'est également lui qui est désigné sur les deux procès-verbaux de chantier dressés dans cette affaire (27 août et 03 septembre) en qualité de représentant du maître d'ouvrage.

Or cet interlocuteur des intervenants au sein de la société maître d'ouvrage a laissé la société Legendre Ouest commencer les travaux sans émettre de réserves, lui laissant croire que le démarrage du chantier était voulu par le maître d'ouvrage. Dans le cadre d'une dynamique manifeste d'ouverture de chantier, à laquelle participait le maître d'oeuvre et à laquelle ni l'assistant au maître d'ouvrage, ni Monsieur [Z] ne s'opposaient, il ne peut être reproché à la société Legendre Ouest de ne pas avoir attendu d'ordre de service pour commencer les travaux.

Certes, dans une lettre adressée par fax à la société CEC le 28 août 2008, Monsieur [N], gérant de la SCCV, fait état de la saisie des parts de l'une des associées, du problème qui en résulte s'agissant du prêt accordé par le Crédit Foncier de Paris, et ajoute : 'Nous avons une réunion lundi matin au bureau pour faire le point complet sur ce dossier et voir les possibilités qui s'offrent à nous. Mais j'ai bien peur que cela retarde un peu le commencement du chantier et nous ne pouvons prendre aucun risque'. Cependant, alors que la saisie datait du 28 juillet 2008, que le lundi se trouvait être le 1er septembre 2008 et que la SCCV ne pouvait pas ignorer que la société Legendre Ouest devait débuter ses travaux le même jour, cette mise en garde tardive ne suffisait pas à s'assurer de la suspension des travaux.

Les négligences commises par la SCCV, qui n'a pas mis en oeuvre en temps utile les diligences nécessaires à l'arrêt des opérations, sont à l'origine d'un préjudice subi par la société Legendre Ouest, consistant en la préparation et la réalisation de travaux sans contrepartie. La réalité de ces travaux est démontrée par les énonciations du procès-verbal de chantier n° 2 du 03 septembre 2008. Par ailleurs, leur coût a été validé par le maître d'oeuvre à hauteur de 74 674,39 €. Il convient en conséquence de condamner la SCCV Maintenon à payer à la société Legendre Ouest la somme de 74 674,39 € à titre de dommages et intérêts.

Par ailleurs, la décision brutale de ne pas contracter, alors que la société Legendre Ouest participait à la préparation du chantier depuis plusieurs semaines, a occasionné à celle-ci un préjudice complémentaire que la Cour évalue à 50 000 €.

Les intérêts sur ces sommes courront à compter du jour du jugement, en application de l'article 1153-1 du code civil, et la capitalisation en sera ordonnée, dans les conditions prévues à l'article 1154 du code civil.

D/ Sur la demande en garantie formée par la SCCV Maintenon contre la société CEC

La société CEC, qui savait, notamment pour avoir porté son visa sur le projet de contrat, que le début des travaux était programmé pour le 1er septembre 2008, a failli à ses obligations contractuelles d'assistant au maître d'ouvrage en ne relayant pas auprès de la société Legendre Ouest les réserves formulées auprès d'elle par la SCCV Maintenon dans sa lettre du 28 août 2008, qu'elle ne conteste pas avoir reçue, et en encourageant au contraire leur commencement en visant un devis de travaux supplémentaires daté du 1er septembre.

En raison des négligences commises par la SCCV Maintenon elle-même dans ses rapports avec la société Legendre Ouest, soulignés plus haut, la cour estime que la responsabilité se partage entre les deux sociétés par moitié. Il sera fait droit dans cette proportion à la demande en garantie.

E/ Sur les dépens et l'application de l'article 700 du code de procédure civile

Les dépens de première instance et d'appel seront mis à la charge in solidum de la SCCV Maintenon et de la société CEC.

Les dispositions du jugement relatives à l'application de l'article 700 du code de procédure civile seront confirmées, sauf en ce que la société Legendre Ouest a été condamnée à verser à la société CEC une somme de 3 000 € au titre des frais irrépétibles.

En appel, la SCCV sera condamnée à régler à la société Legendre Ouest une somme de 4 000€ en application de l'article 700 du code de procédure civile. Les autres demandes formées au visa de ce texte seront rejetées.

Enfin, la SCCV Maintenon sera garantie par moitié par la société CEC des condamnations prononcées contre elle.

PAR CES MOTIFS

La Cour, statuant publiquement, contradictoirement,

Déclare irrecevable la demande de dommages et intérêts formée par la SCCV Maintenon contre la société Legendre Ouest,

Confirme le jugement déféré en ce que le premier juge :

- a débouté la société Legendre Ouest de ses demandes formées contre la société CEC,

- a condamné la SCCV Maintenon à payer à la société Legendre Ouest une somme de 3 000 € en application de l'article 700 du code de procédure civile,

Infirme le jugement pour le surplus, statuant à nouveau et y ajoutant,

Dit qu'aucun marché de travaux n'a été conclu entre la SCCV Maintenon et la société Legendre Ouest, ni entre la société CEC et la société Legendre Ouest,

Déclare sans objet les demandes de résiliation de contrat,

Déboute la société Legendre Ouest de ses demandes en paiement fondées sur l'article 1147 du code civil,

Déclare la SCCV Maintenon responsable, sur le fondement de l'article 1382 du code civil, des préjudices subis par la société Legendre Ouest en raison de l'arrêt des travaux,

Condamne la SCCV Maintenon à payer à la société Legendre Ouest les sommes de :

- 74 674,39 € à titre de dommages et intérêts, en réparation du coût des travaux réalisés,

- 50 000 € à titre de dommages et intérêts complémentaires,

Dit que ces sommes porteront intérêts au taux légal à compter 08 avril 2014, et que les intérêts seront capitalisés dans les conditions prévues à l'article 1154 du code civil,

Condamne la SCCV Maintenon à payer à la société Legendre Ouest la somme de 4 000 € en application de l'article 700 du code de procédure civile,

Rejette les autres demandes formées au titre de l'article 700 du code de procédure civile,

Condamne la société CEC à garantir la SCCV Maintenon à concurrence de la moitié des condamnations prononcées contre elle en principal, intérêts, frais, indemnités et dépens,

Condamne in solidum la SCCV Maintenon et la société CEC aux dépens de première instance et d'appel et accorde le bénéfice des dispositions de l'article 699 du code de procédure civile à l'avocat de la société Legendre Ouest.

LA GREFFIÈRELE PRÉSIDENT


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel d'Aix-en-Provence
Formation : 3e chambre b
Numéro d'arrêt : 14/10026
Date de la décision : 18/02/2016

Références :

Cour d'appel d'Aix-en-Provence 3B, arrêt n°14/10026 : Infirme partiellement, réforme ou modifie certaines dispositions de la décision déférée


Origine de la décision
Date de l'import : 27/03/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2016-02-18;14.10026 ?
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