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17/02/2016 | FRANCE | N°14/15416

France | France, Cour d'appel d'Aix-en-Provence, 14e chambre, 17 février 2016, 14/15416


COUR D'APPEL D'AIX EN PROVENCE

14e Chambre



ARRÊT AU FOND

DU 17 FÉVRIER 2016



N°2016/200





Jonction avec le dossier

14/15417





Rôle N° 14/15416







GROUPEMENT D'INTERET ECONOMIQUE EURECOM





C/



URSSAF [Localité 1]



MNC - MISSION NATIONALE DE CONTROLE ET D'AUDIT DES ORGANISMES DE SECURITE SOCIALE













Grosse délivrée

le :



à :



Me Robe

rt DEHAMIS, avocat au barreau de LYON



Me Richard ALVAREZ, avocat au barreau D'AIX-EN-PROVENCE























Copie certifiée conforme délivrée aux parties le :





Décision déférée à la Cour :



Jugement du Tribunal des Affaires de Sécurité Sociale des ALPES ...

COUR D'APPEL D'AIX EN PROVENCE

14e Chambre

ARRÊT AU FOND

DU 17 FÉVRIER 2016

N°2016/200

Jonction avec le dossier

14/15417

Rôle N° 14/15416

GROUPEMENT D'INTERET ECONOMIQUE EURECOM

C/

URSSAF [Localité 1]

MNC - MISSION NATIONALE DE CONTROLE ET D'AUDIT DES ORGANISMES DE SECURITE SOCIALE

Grosse délivrée

le :

à :

Me Robert DEHAMIS, avocat au barreau de LYON

Me Richard ALVAREZ, avocat au barreau D'AIX-EN-PROVENCE

Copie certifiée conforme délivrée aux parties le :

Décision déférée à la Cour :

Jugement du Tribunal des Affaires de Sécurité Sociale des ALPES MARITIMES en date du 20 Mai 2014,enregistré au répertoire général sous le n° 21200539.

APPELANTE

GROUPEMENT D'INTERET ECONOMIQUE EURECOM, demeurant [Adresse 1]

représentée par Me Robert DEHAMIS, avocat au barreau de LYON

INTIMÉE

URSSAF [Localité 1], demeurant [Adresse 2]

représenté par Me Richard ALVAREZ, avocat au barreau D'AIX-EN-PROVENCE

PARTIE INTERVENANTE

MNC - MISSION NATIONALE DE CONTROLE ET D'AUDIT DES ORGANISMES DE SECURITE SOCIALE, demeurant [Adresse 3]

non comparant

*-*-*-*-*

COMPOSITION DE LA COUR

En application des dispositions de l'article 945-1 du Code de Procédure Civile, l'affaire a été débattue le 13 Janvier 2016, en audience publique, les parties ne s'y étant pas opposées, devant Monsieur Jean-Luc CABAUSSEL, Conseiller, chargé d'instruire l'affaire.

Ce magistrat a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la Cour composée de :

M. Gérard FORET-DODELIN, Président

Madame Florence DELORD, Conseiller

Monsieur Jean-Luc CABAUSSEL, Conseiller

Greffier lors des débats : Monsieur Kamel BENKHIRA.

Les parties ont été avisées que le prononcé de la décision aurait lieu par mise à disposition au greffe le 17 Février 2016

ARRÊT

Contradictoire,

Prononcé par mise à disposition au greffe le 17 Février 2016

Signé par M. Gérard FORET-DODELIN, Président et Monsieur Kamel BENKHIRA, greffier auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

Le groupement d'intérêt économique (GIE) Eurocom a saisi le Tribunal des affaires de Sécurité Sociale (TASS) des Alpes Maritimes d'un premier recours tendant à contester la décision implicite de rejet, puis la décision en date du 12 décembre 2012, de la Commission de Recours Amiable de l'URSSAF confirmant le contrôle et la mise en demeure du 23 février 2012 portant sur une somme ramenée à 31 814 €.

Le Tribunal par jugement en date du 20 mai 2014, recours n° 21200600, a rejeté son recours, et le GIE a relevé appel de cette décision.

Le groupement d'intérêt économique (GIE) Eurocom avait également saisi le Tribunal des affaires de Sécurité Sociale (TASS) des Alpes Maritimes d'un deuxième recours tendant à demander la répétition de l'indu auprès de l'URSSAF pour des cotisations versées du 5 juin 2009 au 5 décembre 2011, et portant sur une somme de 969 144 €.

Le Tribunal par un deuxième jugement en date du 20 mai 2014, recours n° 21200539, a rejeté également ce recours, et le GIE a relevé appel de cette décision.

Le GIE Eurocom, école d'ingénieurs et centre de recherche en télécommunications, expose qu'il encadre et forme des étudiants en doctorat qui poursuivent leurs études et recherches, et à ce titre perçoivent une bourse d'étude ; que les bourses ne doivent pas être soumises à des cotisations et contributions sociales ; que la somme réclamée par l'URSSAF d'un montant de 31 814 € n'est ainsi pas due ; que la somme de 969 144 € correspond à des cotisations concernant également des bourses allouées aux étudiants doctorants, et donc indûment versées par le GIE ; que celui-ci est ainsi fondé à en réclamer la répétition.

Le GIE demande la réformation en ce sens des jugements déférés, outre les intérêts de droit, et sollicite une somme en application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile.

De son côté l'URSSAF entend obtenir la confirmation de la décision et faire constater que l'appelant n'est pas en mesure de démontrer que les bourses ne correspondent pas à une réelle rémunération versée en contrepartie ou à l'occasion d'un travail, et qu'ainsi les sommes allouées aux doctorants doivent bien être soumises à cotisations.

L'URSSAF sollicite une somme en application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile.

Pour un plus ample exposé des faits, de la procédure, des prétentions et moyens des parties, il y a lieu de se référer aux écritures des parties reprises oralement à l'audience.

Sur demande commune des parties, et dans un but de bonne administration de la justice, il sera ordonné la jonction des deux procédures d'appel susvisées, n° 14/15416 et n° 14/15417.

La MNC régulièrement avisée n'a pas comparu.

SUR CE

Attendu que la nature du contentieux relatif aux deux procédures d'appel n° 14/15416

et n° 14/15417 est identique et que les parties sont identiques ; qu'il sera ordonné dans le cadre d'une bonne administration de la justice la jonction des deux procédures susvisées, sous le n° 14/15416 ;

Attendu que les cotisations du régime général de sécurité sociale sont dues pour l'emploi des travailleurs salariés et assimilés ;

Attendu que les personnes assujetties au régime général sont énumérées aux articles L 311-2 et L 311-3 du code de la sécurité sociale ;

Attendu que les conditions d'application de l'article L 311-2 ont été précisées par une jurisprudence constante ayant permis l'élaboration des critères généraux de l'assujettissement au régime général et de dégager ainsi trois éléments qui caractérisent le travail dépendant :

-l'existence d'un lien de subordination ;

-le versement d'une rémunération, qui s'explique par le fait que les cotisations sont assises sur la rémunération ;

-l'existence d'un contrat ;

Attendu que la preuve de l'existence d'un contrat entre chaque étudiant doctorant et le GIE, n'est pas apportée par l'URSSAF ;

Que le GIE expose, sans contestation de la part de l'URSSAF, qu'il accueille des étudiants préparant leur doctorat ; que ceux-ci sont admis à préparer leur thèse auprès du GIE Eurocom, dans le cadre d'une convention, en fonction des sujets scientifiques de leur thèse, qu'ils ont eux-mêmes choisis ;

Attendu que le seul avantage financier au bénéfice des étudiants, est une bourse qui leur est allouée pour la durée de leur thèse par le GIE ;

Attendu que le troisième élément consiste en l'analyse d'un éventuel lien de subordination ;

Que celui-ci est entendu comme la situation dans laquelle le travailleur est susceptible de recevoir des ordres ou d'être surveillé au moment de l'exécution de ses prestations de manière telle qu'il est lié par une obligation de moyens et que ses manquements peuvent être sanctionnés ;

Attendu que l'URSSAF soutient que l'activité des étudiants s'exerce dans le cadre d'un lien de subordination, que les critères pour l'attribution des bourses sont scientifiques et non sociaux, que les doctorants ne sont pas maîtres de leurs horaires de travail, et exercent leur fonction dans le cadre d'un service organisé ;

Attendu certes que les étudiants, lorsqu'ils effectuent des travaux dans le cadre d'un thème précis de recherche, selon une organisation s'imposant à eux, au sein de conventions passées entre eux-mêmes, l'université, des laboratoires ou entreprises privées, sont assujettis au régime général ;

Attendu toutefois que les conditions de subordination et de rémunération requises par l'article L 311-2 du code de la sécurité sociale, et la jurisprudence afférente, ne sont alors remplies que pour les étudiants qui s'engagent notamment :

-à travailler à temps plein dans le laboratoire ou l'entreprise désigné,

-à n'exercer aucune autre activité rémunérée à caractère permanent,

-et à se soumettre aux règles internes du laboratoire ou de l'entreprise ;

Que de même, doit être alors retenue la possibilité pour l'organisme bailleur de la convention, de commercialiser les travaux de l'étudiant ;

Que l'ensemble de ces éléments doivent être réunis pour que l'étudiant soit assujetti au régime général ;

Attendu ainsi, que la jurisprudence établie relative à l'affiliation au régime général d'étudiants ou de chercheurs boursiers, permet d'écarter l'assujettissement des étudiants concernés, dès lors que ces étudiants n'avaient aucune obligation de participer à des programmes de recherche en dehors du cycle normal de leurs études, ni d'être soumis à des obligations de services étrangères à leurs études ; que la circonstance que les bourses soient versées en fonction de critères scientifiques plutôt que sociaux ne suffit pas à les assimiler à la rémunération d'un travail salarié ; que de même, les rendez vous périodiques entre l'étudiant et son directeur de thèse aux fins de guidage de ses recherches au regard du sujet choisi, ne porte aucune atteinte à la liberté de celui-ci dans la conduite des travaux correspondants ;

Attendu alors que c'est à juste titre, au regard des éléments du dossier, que le GIE répond que l'URSSAF n'a produit aucune pièce tendant à démontrer la réunion des critères ainsi rappelés, et l'absence de liberté des étudiants, à la fois sur le choix de leur thèse, et sur leurs modalités de travail ; qu'aucune pièce n'est livrée aux débats venant démontrer que la bourse serait la contrepartie d'un travail accompli dans un lien de subordination ;

Que de même, les éléments de la procédure font apparaître que le GIE n'avait aucunement le but de commercialiser les travaux des doctorants ; qu'au contraire, les conditions d'attribution des bourses montrent qu'il s'agit pour l'organisme Eurocom d'aider à la réalisation d'études ou de recherches d'intérêt général et non de rétribuer un travail accompli dans un lien de subordination ;

Attendu qu'il résulte de tout ce qui précède, que les doctorants accueillis par le GIE Eurocom ne sauraient être assujettis au régime général dans le cadre des bourses qui leur sont allouées ;

Attendu enfin, qu'il est établi que peu importe que par ailleurs un contrat de travail lie le GIE à ces étudiants pour un travail à temps partiel, consistant en une activité d'enseignement auprès d'étudiants de niveau moins élevé, et donc de nature complètement différente de celle des bourses de doctorants, seul objet du présent litige ; qu'en effet, dans le cadre de cette activité d'enseignement, le GIE fournit une rémunération qui est soumise aux charges sociales du régime général de la sécurité sociale ; que ce contrat de travail concernant une activité totalement différente de celle des bourses, ne concerne pas le présent litige, et n'a aucune incidence sur celui-ci ;

Qu'il convient en conséquence de considérer qu'en rejetant les deux recours, le premier juge n'a pas fait une juste appréciation des faits de la cause et que sa décision doit être infirmée en toutes ses dispositions ;

Attendu qu'ainsi, doit être annulé le redressement opéré par l'URSSAF consistant à la réintégration dans l'assiette des cotisations, du montant des réductions FILLON assises sur le montant de bourses non soumises à cotisations ; qu'en conséquence, est prononcée l'annulation de la mise en demeure en date du 23 février 2012 ; que l'URSSAF doit donc rembourser la somme de 31 814 € payée à ce titre, et ce, avec intérêts de droit à compter du 6 mars 2012, date de la première demande de remboursement ;

Que de même, le GIE Eurocom est fondé à solliciter le remboursement des versements opérés par lui au titre des cotisations sociales sur les bourses des étudiants durant la période du 5 juin 2009 au 5 décembre 2011, soit la somme de 969 144 €, et ce, avec intérêts de droit à compter du 20 décembre 2011, date de première demande en répétition ;

Attendu qu'eu égard aux circonstances de la cause, il est équitable de ne pas faire application de l'article 700 du code de procédure civile ;

Attendu que la procédure devant les juridictions de la sécurité sociale est gratuite et sans frais conformément aux dispositions de l'article R 144-10 du code de la sécurité sociale, il n'y a pas lieu de statuer sur les dépens ;

PAR CES MOTIFS

LA COUR,

Statuant en audience publique, par arrêt contradictoire, en matière de sécurité sociale,

Déclare recevable l'appel du GIE Eurocom,

Ordonne la jonction des procédures n° 14/15416 et n° 14/15417 sous le

n° 14/15416,

Infirme le jugement en toutes ses dispositions,

Statuant à nouveau,

Fait droit à la demande du GIE Eurocom en remboursement de la somme de 31 814 €, et ce, avec intérêts de droit à compter du 6 mars 2012, date de première demande de remboursement,

Ordonne en conséquence l'annulation de la mise en demeure en date du 23 février 2012,

Fait droit à la demande du GIE Eurocom en répétition des cotisations représentant la somme de 969 144 €, et ce, avec intérêts de droit à compter du 20 décembre 2011, date de première demande en répétition,

Ordonne à l'URSSAF de procéder au versement de ces sommes au bénéfice du GIE Eurocom,

Dit n'y avoir lieu à application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile,

Dit n'y avoir lieu à statuer sur les dépens.

LE GREFFIER LE PRESIDENT


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel d'Aix-en-Provence
Formation : 14e chambre
Numéro d'arrêt : 14/15416
Date de la décision : 17/02/2016

Références :

Cour d'appel d'Aix-en-Provence 14, arrêt n°14/15416 : Infirme la décision déférée dans toutes ses dispositions, à l'égard de toutes les parties au recours


Origine de la décision
Date de l'import : 27/03/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2016-02-17;14.15416 ?
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