COUR D'APPEL D'AIX-EN-PROVENCE
11e Chambre A
ARRÊT AU FOND
DU 16 FEVRIER 2016
N° 2016/ 80
Rôle N° 13/04916
SA EURO HOTEL
C/
SCP LES IRIS
Grosse délivrée
le :
à :
SCP BADIE SIMON-THIBAUD JUSTON
SCP ERMENEUX-LEVAIQUE-ARNAUD & ASSOCIES
Décision déférée à la Cour :
Jugement du Tribunal de Grande Instance de NICE en date du 12 Février 2013 enregistré au répertoire général sous le n° 10/04091.
APPELANTE
SA EURO HOTEL, demeurant [Adresse 2]
représentée par Me Sébastien BADIE de la SCP BADIE SIMON-THIBAUD JUSTON, avocat au barreau d'AIX-EN-PROVENCE,
assistée par Me Ludovic LETELLIER, avocat au barreau de NICE, plaidant
INTIMEE
SCP LES IRIS prise en la personne de son représentant légal en exercice, domicilié en cette qualité au siège social sis, demeurant [Adresse 1]
représentée par Me Laurence LEVAIQUE de la SCP ERMENEUX-LEVAIQUE-ARNAUD & ASSOCIES, avocat au barreau d'AIX-EN-PROVENCE,
assistée par Me Renaud GIULIERI, avocat au barreau de NICE substitué par Me Véronique GIULIERI, avocat au barreau de NICE, plaidant
*-*-*-*-*
COMPOSITION DE LA COUR
L'affaire a été débattue le 06 Janvier 2016 en audience publique. Conformément à l'article 785 du Code de Procédure Civile, Sylvie PEREZ, Conseillère, a fait un rapport oral de l'affaire à l'audience avant les plaidoiries.
La Cour était composée de :
Mme Véronique BEBON, Présidente
Madame Frédérique BRUEL, Conseillère
Madame Sylvie PEREZ, Conseillère
qui en ont délibéré.
Greffier lors des débats : Mme Natacha BARBE.
Les parties ont été avisées que le prononcé de la décision aurait lieu par mise à disposition au greffe le 16 Février 2016.
ARRÊT
Contradictoire,
Prononcé par mise à disposition au greffe le 16 Février 2016,
Signé par Mme Véronique BEBON, Présidente et Mme Natacha BARBE, greffier auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.
***
EXPOSÉ DU LITIGE :
La SCP Les Iris est propriétaire d'une partie d'un immeuble situé [Adresse 2], élevé de cinq étages sur rez-de-chaussée et sous-sol.
Par acte sous seing privé du 12 mai 1969, la SCP Les Iris a donné à bail à la SA Avenue Hôtel, devenue SA Euro Hôtel, des locaux commerciaux situés dans cet immeuble, à savoir la totalité des cinq étages, à usage exclusif d'hôtel meublé, pour une durée de neuf ans commençant à courir le 1er juillet 1969 pour finir le 31 juin 1978 et moyennant un loyer annuel de 30.000 francs.
Le 23 octobre 1998, le maire de la commune a notifié à la locataire, un rapport de la Commission communale de sécurité ayant émis un avis défavorable à la poursuite de l'activité dans les lieux loués. Un arrêté municipal ordonnant la fermeture administrative au public de l'hôtel a été pris le 8 juin 2000.
Depuis, les parties sont en conflit sur la prise en charge des travaux nécessaires à la mise en sécurité de l'immeuble.
Par jugements successifs et définitifs des 25 juin et 1er juillet 2002, le tribunal de grande instance de Nice a mis à la charge de la SCP Les Iris les travaux de mise en sécurité et de conformité de l'établissement, l'a condamné à payer la SA Euro Hôtel une somme de 203.700,81 euros et a autorisé celle-ci à suspendre le paiement du loyer et des charges jusqu'à la réalisation des travaux.
Le 15 avril 2008, la locataire a sollicité le renouvellement du bail à compter du 1er mai 2008.
Le 15 juillet 2008, le bailleur a notifié un refus de renouvellement pour motifs légitimes, fondé sur le défaut de réalisation des travaux d'entretien de la toiture et des façades de l'hôtel, et l'obstruction fautive et dilatoire dans la réalisation par le bailleur des travaux de mise en conformité des locaux avec les normes légales.
Par arrêt du 1er juillet 2010, définitif en l'état de rejet du pourvoi, la cour a confirmé les jugements du tribunal de grande instance de Nice des 25 juin et 1er juillet 2002, et y ajoutant, condamné la SCP Les Iris à payer à la SA Euro Hôtel les sommes de 41.860 euros correspondant à la réfection des poutres de planchers, 113.000 euros au titre de la réfection totale de la toiture, 28.684,85 euros au titre de la maîtrise d'oeuvre et 106 750 euros au titre du remboursement des loyers d'octobre 1997 à juillet 2002. La cour a également imparti à la SA Euro Hôtel, l'obligation d'employer ces sommes à la réfection de l'immeuble et dit que la suspension des loyers se poursuivrait pendant une période de huit mois débutant au jour du paiement par la SCP Les Iris des sommes mises à sa charge au titre des travaux.
Par arrêt définitif du 8 mars 2013 sur appel d'un jugement du 18 janvier 2011, partiellement confirmé, les travaux de restauration des balcons et façades ont été mis à la charge des deux parties par moitié et la SA Euro Hôtel a été condamnée à payer à la SCP Les Iris la somme de 106 713,24 euros .
Le présent litige est relatif à la contestation par la SA Euro Hôtel du motif de refus de renouvellement du bail, au paiement d'une indemnité d'éviction et de dommages intérêts en réparation d'un préjudice d'exploitation ainsi que de la demande de résiliation du bail formée par le bailleur.
Par jugement du 12 février 2013, le tribunal de grande instance de Nice a :
- déclaré irrecevable la demande de sursis à statuer ;
- dit que le refus de renouvellement du bail notifié par la SCP Les Iris le 15 juillet 2008 n'est pas fondé sur des motifs légitimes;
- débouté la SA Euro Hôtel de ses demandes tendant à faire juger que le refus de renouvellement du bail ne lui est pas opposable et à faire constater que le bail s'est renouvelé depuis la délivrance du congé ;
- constaté le défaut de litispendance sur la demande tendant à faire prononcer la résiliation du bail et rejeté la demande formée en ce sens par la SA Euro Hôtel ;
- déclaré recevable la demande du bailleur tendant à faire prononcer la résiliation du bail ;
- prononcé la résiliation du bail et ordonné l'expulsion de la SA Euro Hôtel ainsi que celle de tout occupant de son chef ;
- condamné la SA Euro Hôtel à payer au bailleur la somme de 48.518,40 euros au titre de l'arriéré locatif arrêté au 31 décembre 2012, outre une indemnité d'occupation égale au montant du dernier loyer augmenté des charges et taxes jusqu'à la libération effective des lieux.
La SA Euro Hôtel a relevé appel du jugement du 12 février 2013.
Par conclusions déposées et signifiées le 15 décembre 2015, elle conclut à la confirmation du jugement déféré sur l'absence de motifs légitimes au refus de renouvellement du bail mais à son infirmation pour le surplus.
La SA Euro Hôtel demande à la cour de dire et juger que le bail s'est renouvelé depuis la délivrance du congé, dire n'y avoir lieu à résiliation du bail ni à expulsion et fixation d'une indemnité d'occupation et à défaut, de condamner la SCP Les Iris au paiement d'une indemnité d'éviction d'un montant de 3 millions d'euros sauf à procéder à la désignation d'un expert aux fins d'évaluer le montant de cette indemnité, de chiffrer le préjudice commercial subi par elle du fait de la fermeture de l'établissement depuis le 19 octobre 1998 et procéder à la désignation d'un expert pour établir ce préjudice et de condamner la SCP Les Iris au paiement d'une somme de 30 000 euros à titre de dommages et intérêts pour résistance abusive et vexatoire outre une somme de 5 000 euros en application de l'article 700 du code de procédure civile.
La SA Euro Hôtel fait notamment valoir qu'en l'état de l'arrêt rendu le 1er juillet 2010, le refus de renouvellement du bailleur au motif du défaut de réalisation des travaux d'entretien de la toiture de l'hôtel n'est pas justifié et, en référence à l'arrêt du 18 mars 2013 concernant les travaux en façade, qu'elle a adressé au bailleur un chèque correspondant à sa part.
Elle fait grief au premier juge d'avoir indiqué que les mises en demeure qu'elle a adressées au bailleur les 16 mai et 11 septembre 2007 ne reproduisaient pas les disposition de l'article L. 145-17 du code de commerce alors que cette obligation ne s'impose qu'au bailleur, la conséquence de droit selon l'appelante étant le renouvellement du bail.
Quant à la résiliation du bail pour défaut de paiement des loyers en référence à l'arrêt du 1er juillet 2010, la SA Euro Hôtel explique qu'elle ne s'est jamais engagée à payer les loyers et que l'arrêt n'a mis aucune obligation à sa charge. Elle fait valoir que l'exploitation de l'établissement après réfection des travaux nécessiterait un coût de près de 3 millions d'euros, une procédure étant pendante devant le tribunal de grande instance de Nice afin de faire condamner le bailleur au paiement du surcoût de ces travaux, et que dans ces conditions, il ne saurait lui être imposé le paiement des loyers d'un établissement qu'elle n'exploite plus et qu'elle ne pourra jamais exploiter, observant au regard du coût des travaux, que la somme de 564.000 euros versée par le bailleur est dérisoire.
L'appelante considère que le refus de renouvellement du bail est dicté par la volonté de frauder ses droits du locataire, le bailleur ayant méconnu son obligation de délivrance en refusant de permettre la réhabilitation de l'hôtel, ajoutant qu'à défaut, elle a droit à une indemnité d'éviction.
La SA Euro Hôtel ajoute également que la délivrance d'un congé avec refus de renouvellement s'oppose à la résiliation du bail fondé sur l'article 1184 du Code civil, relevant par ailleurs l'absence de mise en demeure.
Par conclusions déposées et notifiées le 30 décembre 2015, la SCP Les Iris conclut au débouté de la SA Euro Hôtel et forme appel incident en ce que le tribunal a jugé que le refus de renouvellement du bailleur n'était pas fondé sur des motifs légitimes ainsi que sur le quantum de la condamnation au titre de l'arriéré locatif, mais à sa confirmation pour le surplus.
La SCP Les Iris demande à la cour de déclarer bon et valable le refus de renouvellement du bail pour motifs graves et légitimes, d'ordonner l'expulsion de la locataire, sa condamnation au paiement d'une indemnité d'occupation mensuelle égale au montant du dernier loyer, charges et taxes en sus, à compter du 1er octobre 2008 jusqu'au départ effectif des lieux, d'ordonner la restitution des fonds versés en exécution de l'arrêt du 1er juillet 2010, soit la somme de 564 000 euros, avec intérêts au taux légal à compter du 20 décembre 2010, la condamnation de la SA Euro Hôtel au paiement de la somme 185.023 euros au titre de l'occupation des lieux entre le 23 avril 2011 et le 31 décembre 2015 ainsi que le paiement d'une somme de 15 000 euros en application de l'article 700 du code de procédure civile.
Subsidiairement, la SCP Les Iris conclut à la confirmation du jugement en toutes ses dispositions et à la condamnation de la SA Euro Hôtel au paiement de la somme de 78.379 euros au titre des loyers et charges sur la période du 1er janvier 2013 au 31 décembre 2015, ainsi que de la restitution des sommes versées en exécution de l'arrêt rendu le 1er juillet 2010, soit une somme de 564 000 euros avec intérêts au taux légal à compter du 20 décembre 2010.
La SCP Les Iris fait explique notamment avoir procédé au règlement d'une somme de 564.000 euros en exécution de l'arrêt du 1er juillet 2010 au titre des travaux de réfection de la toiture, rappelant que la locataire qui avait une obligation de réaliser elle-même les travaux, s'en est abstenue. Concernant les façades, elle rappelle que la cour, dans son arrêt du 28 mars 2013, a considéré que la locataire avait manqué à son obligation d'entretien et partagé par moitié entre les parties le coût des travaux.
L'intimée ajoute que, lorsque le motif grave et légitime invoqué par le bailleur dans son congé est déclaré injustifié, ce congé subsiste avec pour effet l'offre d'une indemnité d'éviction qui met fin au bail.
Et concernant la résiliation du bail, la SCP Les Iris rappelle que pendant la durée de son maintien dans les lieux, la locataire est contrainte de respecter les clauses du bail dont le manquement peut entraîner le prononcé de la résiliation du bail, motif privatif de l'indemnité d'éviction et qu'au nombre de ces motifs, figure le défaut de paiement des loyers et charges et le défaut de réalisation des travaux.
Elle fait également valoir que la demande au titre d'un préjudice commercial se heurte au principe de l'autorité de la chose jugée comme rejeté par la cour dans son arrêt du 1er juillet 2010.
MOTIFS DE LA DÉCISION :
1. Refus de renouvellement pour motifs graves et légitimes :
Il est rappelé que le 15 juillet 2008, la SCP Les Iris a notifié à la SA Euro Hôtel un refus de renouvellement pour motifs légitimes, fondé sur le défaut de réalisation des travaux d'entretien de la toiture et des façades de l'hôtel, et l'obstruction fautive et dilatoire dans la réalisation par le bailleur des travaux de mise en conformité des locaux avec les normes légales.
La SCP Les Iris reconnaît avoir été condamnée par arrêt du 1er juillet 2010, au titre de la réfection totale de la toiture des locaux loués, elle rappelle que la somme devait être employée par la locataire à la réalisation des travaux, travaux dont elle indique que plus de cinq ans après, ils n'ont pas été réalisés, considérant ainsi que ce motif de refus de renouvellement est parfaitement légitimé fondé alors qu'il s'agit d'un motif distinct de celui invoqué à l'appui du refus de renouvellement du bail.
Concernant le grief de défaut de réalisation des travaux d'entretien des façades, la SCP Les Iris rappelle que par arrêt du 28 mars 2013, la cour a considéré que la locataire avait manqué à ses obligations contractuelles d'entretien régulier des balcons et façades de l'hôtel.
La cour avait établi une responsabilité conjointe en opérant un partage par moitié entre les parties du coût de réfection des façades dont la vétusté avait permis à la juridiction de retenir la responsabilité du bailleur.
La SCP Les Iris fait grief au premier juge d'avoir statué ultra petita en considérant que ce motif de non renouvellement ne pouvait être invoqué dans la mesure où les mises en demeure dans lesquelles cette infraction était visée, à savoir les mises en demeure des 16 mai et 11 septembre 2007, ne reproduisaient pas les termes de l'article L. 145-17 du code de commerce, rappelant que la SA Euro Hôtel n'avait pas dans ses conclusions du 23 novembre 2012 déposées devant le premier juge, excipé de l'absence de l'article L. 145-17 du code de commerce dans ces mises en demeure.
Ces mises en demeure des 16 mai et 11 septembre 2007 sont celles adressées par la locataire à la SCP Les Iris, et le premier juge, par une erreur de plume, a manifestement confondu la qualité de l'auteur de ces documents auxquels il reproche l'absence de reproduction de l'article précité, concluant en indiquant qu'à 'défaut de mise en demeure valable... la SA Euro Hôtel n'est pas fondée en son refus de renouvellement du bail pour ces motifs', s'agissant de toute évidence de la SCP Les Iris et non de la SA Euro Hôtel à laquelle les dispositions précitées ne s'appliquent pas.
La SCP Les Iris a quant à elle a fait délivrer une mise en demeure à la locataire le 15 juillet 2008, concomitamment au refus de renouvellement du bail, mise en demeure reproduisant les dispositions de l'article précité et la lecture des conclusions déposées par la SA Euro Hôtel enseigne que celle-ci avait fait valoir à l'encontre du bailleur, l'absence de mise en demeure préalable en ce que cette mise en demeure datée du 15 juillet 2008 était établie du jour du refus de renouvellement et une autre, du 6 novembre 2008, était postérieure à ce refus.
Le premier juge a dès lors considéré qu'il n'y avait pas eu de mise en demeure préalable valable. Cependant, une mise en demeure peut être concomitante voire postérieure au congé dès lors qu'elle vise des infractions au bail restées sans effet, ce qui est le cas en l'espèce.
Ainsi, responsable tout autant que la locataire, d'un défaut d'entretien des façades, la SCP Les Iris ne pouvait lui en imputer la totalité de leur réfection, le motif invoqué pour justifier le refus de renouvellement du bail, pour grave qu'il fût, ne pouvant être considéré comme légitime, au regard de plus des manquements du bailleur à son obligation de délivrance ainsi que jugé par la cour dans son précédent arrêt du 1er juillet 2010.
C'est par conséquent à bon droit mais autrement motivé par la cour, que le premier juge a considéré que le refus de renouvellement du bail était dépourvu de motif légitime, la SCP Les Iris n'ayant plus soutenu le dernier grief fait à la locataire de l'obstruction fautive et dilatoire dans la réalisation par le bailleur des travaux de mise en conformité des locaux avec les normes légales.
Le jugement est confirmé de ce chef.
2. Résiliation du bail :
2.1. Recevabilité de la demande :
En réponse au moyen à nouveau énoncé en appel par la SA Euro Hôtel relatif à la recevabilité de la demande de la SCP Les Iris en résiliation du bail pour des motifs postérieurs à la notification du refus de renouvellement, au regard de l'absence de mise en demeure, il peut être relevé que l'article L145-17 du code de commerce visant exclusivement le refus de renouvellement, est sans application dans le cas d'une demande en résiliation judiciaire.
Pour justifier de sa demande, la SCP Les Iris fait valoir à bon droit que pendant toute la durée de son maintien dans les lieux loués, la locataire est contrainte de respecter l'intégralité des clauses contractuelles du bail et que tout manquement à ces obligations peut entraîner le prononcé de la résiliation judiciaire du bail.
Il en résulte que le bailleur peut, en application de l'article 1184 du code civil, solliciter la résiliation du bail même après la notification au locataire d'un congé avec refus de renouvellement et que la demande est recevable, le jugement étant confirmé de ce chef.
2.2. Sur le fond :
En réponse à la SA Euro Hôtel qui fait valoir que les griefs qui lui sont faits sont constitutifs d'éléments qui ne figurent pas au bail, à l'exception du paiement des loyers, la SCP Les Iris indique que les obligations judiciaires mises à la charge de la locataire par les juridictions saisies ont un lien direct et indissociable avec le bail et que leur violation caractérisée par la locataire constitue des motifs valables de résiliation judiciaire du bail.
Si le grief adressé à la locataire de s'être rendue coupable d'un véritable 'détournement de fonds' ne découle pas des obligations imposées par le bail, la SCP Les Iris adresse à la SA Euro Hôtel d'autres griefs tenant à l'absence de réalisation des travaux de réfection de l'hôtel et de justification de l'affectation des sommes, obligations corollaires se référant bien aux clauses du bail.
Enfin, la SCP Les Iris reproche à la locataire, en exécution de l'arrêt rendu le 1er juillet 2010 par la cour, de n'avoir pas repris le règlement de ses loyers et charges dans le délai de huit mois du versement des sommes mises à la charge du bailleur au titre des travaux à réaliser, grief considéré par le premier juge comme justifiant le prononcé de la résiliation du bail.
La SA Euro Hôtel répond qu'elle ne s'est jamais engagée à payer les loyers, compte tenu de l'absence d'exploitation depuis quinze ans et de chiffre d'affaires, absence d'engagement qui ne lui est pas déniée.
Elle soutient à tort qu'aucune obligation ne lui a été impartie par l'arrêt de la cour qui n'a nullement dans son dispositif expliqué qu'à défaut de reprise du paiement des loyers, le bail serait résilié.
Il est rappelé que dans son dispositif la cour a dit que la suspension des loyers se poursuivrait pendant une période de huit mois débutant au jour du paiement par la SCP Les Iris des sommes mises ci-dessus à sa charge au titre des travaux, ce dont il se déduit que la reprise du paiement des loyers était conditionnée par le paiement des condamnations mises à la charge du bailleur. Celui-ci justifie qu'en décembre 2010, la SA Euro Hôtel avait perçu une somme de 564.000 euros, celle-ci indiquant l'avoir reçue en janvier 2011.
Le paiement du loyer constituant l'obligation principale du locataire, la SA Euro Hôtel se devait par conséquent de le reprendre à compter du 1er octobre 2011, à défaut d'une nouvelle autorisation de suspension de son paiement.
La SA Euro Hôtel rappelle que ces loyers sont impossibles à régler du fait que les lieux ne sont plus exploités depuis 1998 et considérant que la faute en revient à la SCP Les Iris qui d'une part a méconnu ses obligations de bailleur et qui d'autre part a entravé celles de la locataire en louant une partie de l'immeuble à la société McDonald's, ce qui l'a obligée à modifier les travaux initialement prévus pour prendre en compte les équipements d'extraction et de climatisation de cette société.
Le manquement des obligations du bailleur a été sanctionné par l'arrêt précité, en application duquel la SA Euro Hôtel a perçu la somme de 564 000 euros.
La SA Euro Hôtel fait valoir que les travaux nécessiteraient un coût de 3 millions d'euros et qu'une procédure est actuellement pendante devant le tribunal de grande instance de Nice afin de faire condamner la SCP Les Iris à en payer le surcoût.
Elle indique que le coût de réfection des travaux de la toiture s'est avéré largement supérieur au montant d'origine puisqu'il a fallu concevoir une toiture terrasse pour permettre la dissimulation des matériaux d'extraction et de climatisation de la société McDonald's, société qui occupe le rez-de-chaussée de l'immeuble depuis 1998, condition obligatoire pour l'obtention du permis de construire.
Il ressort d'un document produit par la SA Euro Hôtel, intitulé « Estimation des travaux de réhabilitation de 52 chambres », établi pour une somme TTC de 3.767.589,34 euros, que ce surcoût de travaux résulte de ce qu'il est envisagé par la SA Euro Hôtel, des travaux de restructuration complète de l'immeuble ainsi qu'il résultait déjà d'une note adressée par la société COPLAN Igéniérie aux parties le 24 août 1999, laquelle y indiquait qu'il était prévu un réaménagement complet de l'établissement sans commune mesure avec les strictes demandes de la Commission de sécurité.
La SCP Les Iris produit un rapport d'une société TEMPO Consulting, daté du 3 décembre 2012, qui relève que le permis de construire obtenu par la locataire concerne des travaux qui vont au-delà des prescriptions résultant de l'arrêt du 1er juillet 2010, et s'inscrivent dans le cadre d'un nouveau projet hôtelier qui prévoit de ne conserver que la structure principale du bâtiment, la SCP Les Iris considérant justement que la locataire s'est affranchie de l'assiette des travaux initialement prévus.
Enfin, concernant la société McDonald's, la SA Euro Hôtel, alors que par convention passée pour vingt ans le 18 novembre 1991 entre ces deux sociétés, permettant à la première l'accès à la toiture pour l'installation des systèmes d'extraction d'air et de climatisation du restaurant, ne justifie pas de circonstances ayant pu faire obstacle à la réalisation des travaux dans le laps de temps de huit mois imparti par la cour dans son arrêt du 1er juillet 2010, alors que cette convention, à laquelle la SCP Les Iris est étrangère, était toujours en cours à l'expiration de ce délai et sans apporter la preuve de l'impossibilité d'exécuter les travaux de mise en sécurité et de remise en état de l'immeuble.
L'exception d'inexécution invoquée par la SA Euro Hôtel n'est par conséquent pas fondée et celle-ci peut se voir reprocher son abstention fautive au paiement des loyers, justifiant comme jugé à bon droit par le premier juge, que soit prononcée la résiliation du bail.
3. Loyers et indemnités d'occupation :
Le jugement est confirmé en ce qu'il a fixé une indemnité d'occupation mensuelle égale au dernier loyer avec charges et taxes.
La SCP Les Iris sollicite le paiement d'une somme de 134 064 euros au titre de l'occupation des lieux sur la période du 23 avril 2011 au 31 décembre 2015 ainsi que de celle de 50 959 euros au titre des taxes foncières pour les années 2010 à 2014, demandes à laquelle il est fait droit sauf à ramener la période d'exigibilité des loyers à compter du 1er octobre 2011, soit 51 mois.
La SA Euro Hôtel doit ainsi être condamnée au paiement de la somme de 122 094 euros au titre des loyers et indemnités d'occupation arrêtés au 31 décembre 2015, outre la somme de 50 959 euros au titre des taxes foncières, soit une somme globale de 173 053 euros avec intérêts au taux légal à compter du présent arrêt.
4. Préjudice commercial :
La SA Euro Hôtel sollicite l'indemnisation d'un préjudice commercial tenant à la fermeture de l'hôtel depuis le 19 octobre 1998 et la désignation d'un expert afin de chiffrer ce préjudice.
La SCP Les Iris conclut au débouté de la SA Euro Hôtel de sa demande en application de l'article 1351 du code civil, en invoquant l'autorité de la chose jugée attachée à l'arrêt rendu 1e 1er juillet 2010 par la cour, moyen auquel il est fait droit, la lecture de cet arrêt enseignant qu'il a été statué par rejet de la demande.
La SA Euro Hôtel est déboutée de sa demande au titre d'un préjudice commercial.
5. Restitution de sommes ;
La SCP Les Iris expose avoir versé à la SA Euro Hôtel la somme de 564.000 euros en exécution des condamnations prononcées à son encontre par la cour dans son arrêt du 1er juillet 2010, et rappelle qu'il avait été imparti à la locataire d'employer ces sommes à la réfection de l'immeuble. La SCP Les Iris indique que par sommation de communiquer signifiée le 21 octobre 2014, elle a fait sommation à la SA Euro Hôtel d'avoir à justifier de l'affectation des sommes qui lui ont été versées au titre de la réalisation des travaux de réfection de l'immeuble et de la somme résiduelle restant à sa disposition sur le montant des dites sommes, sommation à laquelle il n'a pas été déféré.
Considérant que la locataire s'est rendue coupable d'un véritable 'détournement de fonds', la SCP Les Iris indique avoir fait procéder, le 27 juillet 2015, par Monsieur [E], expert-comptable, à un audit du bilan comptable 2010 à 2013 de la SA Euro Hôtel qui enseignerait qu'elle a dépensé plus de la moitié des sommes qui lui ont été versées, sans qu'aucuns travaux n'ait débuté dans l'immeuble loué.
La SA Euro Hôtel répond n'être pas demeurée inactive et avoir commencé ses démarches dès le mois de septembre 2010, en signant un contrat d'architectes avec PALM Architectes pour une estimation de travaux d'un million d'euros et le versement d'un chèque de 14.232 euros. Elle explique que suite à une divergence fondamentale avec le projet élaboré par ce cabinet, le contrat initialement retenu a été résilié, un nouveau contrat étant signé le 27 juillet 2011 avec le cabinet ONEWAY4 Architectes et une société de géomètres et d'ingénieurs de structure. Elle précise qu'un permis de construire a été accordé le 13 juin 2012 mais que dans l'intervalle, elle a dû faire face à une procédure initiée par l'un des autres occupants de l'immeuble, la société Mc Donald's qui a sollicité la possibilité d'accéder en toiture pour effectuer les travaux de remise en état de son système de climatisation tombé en panne.
La SA Euro Hôtel répond que tous les comptes sont vérifiés par un expert-comptable, également commissaire aux comptes et que les bilans sont régulièrement déposés au greffe du tribunal de commerce de Nice, ajoutant que le rapport d'audit qui a été fait par le bailleur n'a pas de valeur probante dans la mesure où il s'arrête sur les comptes de 2013 et pas après.
Ce disant, la SA Euro Hôtel ne répond pas précisément à la sommation qui lui est faite de justifier de l'utilisation de la somme de 564 000 euros versée par le bailleur, alors qu'il ressort d'une note du cabinet ONEWAY datée du 4 janvier 2016 que seuls ont été effectués des travaux de soutènement des planchers des 4ème et 5ème étages et des reprises ponctuelles d'étanchéité.
L'obligation impartie à la SA Euro Hôtel d'employer à la réfection de l'immeuble les sommes auxquelles le bailleur avait été condamné, reposant sur le bail liant les parties, est anéantie par l'effet de la résiliation du bail.
L'absence de justification de cet emploi conduit la cour à faire droit à la demande de restitution de la somme de 564 000 euros, ce avec intérêts au taux légal à compter du présent arrêt .
Il y a lieu de condamner la SA Euro Hôtel à payer à la SCP Les Iris la somme de 10 000 euros en application de l'article 700 du code de procédure civile.
PAR CES MOTIFS :
La Cour,
Statuant publiquement, par décision contradictoire, en dernier ressort,
Confirme le jugement du 12 février 2013 prononcé par le tribunal de grande instance de Nice, sauf quant au quantum de l'arriéré locatif, actualisé en appel ;
Statuant de ce chef ;
Condamne la SA Euro Hôtel à payer à la SCP Les Iris la somme de 173 053 euros au titre des loyers et indemnités d'occupation arrêtés au 31 décembre 2015, avec intérêts au taux légal à compter du présent arrêt ;
Y ajoutant :
Déboute la SA Euro Hôtel de sa demande au titre d'un préjudice commercial ;
Ordonne la restitution par la SA Euro Hôtel à la SCP Les Iris de la somme de 564 000 euros avec intérêts au taux légal à compter du présent arrêt ;
Condamne la SA Euro Hôtel à payer à la SCP Les Iris la somme de 10 000 euros en application de l'article 700 du code de procédure civile ;
Condamne la SA Euro Hôtel aux dépens d'appel, qui seront recouvrés conformément aux dispositions de l'article 699 du Code de procédure civile.
LA GREFFIÈRE, LA PRÉSIDENTE,