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10/02/2016 | FRANCE | N°14/09020

France | France, Cour d'appel d'Aix-en-Provence, 14e chambre, 10 février 2016, 14/09020


COUR D'APPEL D'AIX EN PROVENCE

14e Chambre



ARRÊT AU FOND

DU 10 FÉVRIER 2016



N°2016/153





Rôle N° 14/09020







CPCAM DES BOUCHES DU RHÔNE





C/



SA MANPOWER

SAS BENALU

[R] [V]

[J] [V]

[M] [V]

[U] [V]



MNC - MISSION NATIONALE DE CONTROLE ET D'AUDIT DES ORGANISMES DE SECURITE SOCIALE







Grosse délivrée

le :



à :



CPCAM DES BOUCHES DU RHÔNE



Me Laurence FOURNIER GATIER, avocat au barreau

de PARIS



Me Ghislaine JOB-RICOUART,

avocat au barreau

de MARSEILLE



Me David TRAMIER, avocat au barreau d'AIX-EN-PROVENCE





Copie certifiée conforme délivrée aux parties le :





Décision déférée à la Cour...

COUR D'APPEL D'AIX EN PROVENCE

14e Chambre

ARRÊT AU FOND

DU 10 FÉVRIER 2016

N°2016/153

Rôle N° 14/09020

CPCAM DES BOUCHES DU RHÔNE

C/

SA MANPOWER

SAS BENALU

[R] [V]

[J] [V]

[M] [V]

[U] [V]

MNC - MISSION NATIONALE DE CONTROLE ET D'AUDIT DES ORGANISMES DE SECURITE SOCIALE

Grosse délivrée

le :

à :

CPCAM DES BOUCHES DU RHÔNE

Me Laurence FOURNIER GATIER, avocat au barreau

de PARIS

Me Ghislaine JOB-RICOUART,

avocat au barreau

de MARSEILLE

Me David TRAMIER, avocat au barreau d'AIX-EN-PROVENCE

Copie certifiée conforme délivrée aux parties le :

Décision déférée à la Cour :

Jugement du Tribunal des Affaires de Sécurité Sociale des BOUCHES DU RHÔNE en date du 19 Mars 2014,enregistré au répertoire général sous le n° 21302303.

APPELANTE

CPCAM DES BOUCHES DU RHÔNE, demeurant [Adresse 7]

représenté par Mme [H] [T] (Inspectrice juridique) en vertu d'un pouvoir spécial

INTIMÉES

SA MANPOWER, demeurant [Adresse 1]

représentée par Me Laurence FOURNIER GATIER, avocat au barreau de PARIS, substitué par Me Marc Antoine GODEFROY, avocat au barreau de PARIS.

SAS BENALU, demeurant [Adresse 8]

représentée par Me Ghislaine JOB-RICOUART, avocat au barreau de MARSEILLE substitué par Me David INNOCENTI, avocat au barreau de MARSEILLE

Madame [R] [V], demeurant [Adresse 3]

représentée par Me David TRAMIER, avocat au barreau d'AIX-EN-PROVENCE substitué par Me Claire DER MATHEOSSIAN, avocat au barreau d'AIX-EN-PROVENCE

Madame [J] [V], demeurant [Adresse 4]

représentée par Me David TRAMIER, avocat au barreau d'AIX-EN-PROVENCE substitué par Me Claire DER MATHEOSSIAN, avocat au barreau d'AIX-EN-PROVENCE

Madame [M] [V], demeurant [Adresse 6]

représentée par Me David TRAMIER, avocat au barreau d'AIX-EN-PROVENCE substitué par Me Claire DER MATHEOSSIAN, avocat au barreau d'AIX-EN-PROVENCE

Madame [U] [V], demeurant [Adresse 2]

représentée par Me David TRAMIER, avocat au barreau d'AIX-EN-PROVENCE substitué par Me Claire DER MATHEOSSIAN, avocat au barreau d'AIX-EN-PROVENCE

PARTIE INTERVENANTE

MNC - MISSION NATIONALE DE CONTROLE ET D'AUDIT DES ORGANISMES DE SECURITE SOCIALE, demeurant [Adresse 5]

non comparant

*-*-*-*-*

COMPOSITION DE LA COUR

En application des dispositions de l'article 945-1 du Code de Procédure Civile, l'affaire a été débattue le 06 Janvier 2016, en audience publique, les parties ne s'y étant pas opposées, devant Madame Florence DELORD, Conseiller, chargé d'instruire l'affaire.

Ce magistrat a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la Cour composée de :

M. Gérard FORET-DODELIN, Président

Madame Florence DELORD, Conseiller

Monsieur Jean-Luc CABAUSSEL, Conseiller

Greffier lors des débats : Madame Farida ABBOU.

Les parties ont été avisées que le prononcé de la décision aurait lieu par mise à disposition au greffe le 10 Février 2016

ARRÊT

Contradictoire,

Prononcé par mise à disposition au greffe le 10 Février 2016

Signé par M. Gérard FORET-DODELIN, Président et Madame Farida ABBOU, greffier auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

Le 25 juillet 2000, M.[V] a été heurté par la ridelle d'une benne, qui s'était rabattue brutalement à la suite d'une manipulation des manettes à partir de la cabine.

L'enquête pénale a établi que le circuit hydraulique n'avait pas été correctement entretenu par la SNC Marrel Provence, aux droits de laquelle vient la SAS Bénalu.

M.[V] a été transporté au service des urgences de la clinique privée [Localité 1], où il est resté de 16 heures 45 à 19 heures; il se plaignait de lombalgie et de douleurs abdominales; une radio du rachis lombaire et une échographie abdominale n'ont rien révélé; il a regagné son domicile muni d'une ordonnance comportant des antalgiques.

Le lendemain, 26 juillet, ses souffrances abdominales l'ont amené à retourner à la clinique où il a été pris en charge par le service de chirurgie viscérale et digestif qui a réalisé une nouvelle échographie; le radiologue a alerté ses confrères (chirugien et réanimateur) sur la présence de liquide dans les intestins, l'abdomen et le péritoine.

Le chirurgien, le docteur [W], a prescrit un scanner abdominal fixé au lendemain 27 juillet, qui a confirmé les résultats de l'échographie: le docteur [W] parti en congé la veille au soir avait été remplacé par le docteur [L] le 27 juillet.

Le médecin réanimateur de permanence du 27 juillet à 6 heures au 28 juillet à 18 heures était le docteur [Z].

Aucun acte n'a été pratiqué, ni ce 27 juillet, ni le 28 juillet, alors que le patient souffrait et présentait de grands écarts de température (de 38,5 à 36° le soir).

Le 29 juillet, une péritonite généralisée avec septicémie a été diagnostiquée et une laparotomie a été pratiquée avec succès le jour-même par le docteur [L], mais l'état de M.[V] a continué à se dégrader et il est décédé le [Date décès 1] 2000.

Le décès a résulté d'une prise en charge tardive des lésions provoquées par le traumatisme abdominal et de la septicémie qui s'en est suivi .

Plusieurs médecins ont été mis en examen.

Par jugement du 15 février 2012, le tribunal correctionnel d'Aix en Provence a relaxé le docteur [Z], réanimateur, au motif qu' « il ne pouvait pas être tenu pour responsable de ce défaut d'organisation de la clinique », et a condamné la société Bénalu et M.[X] son représentant, du seul chef d'homicide involontaire (article 221-6 du code pénal) , les constitutions de parties civiles ayant été déclarées recevables.

Par arrêt du 18 février 2013 la Cour a confirmé ce jugement et accueilli la constitution de partie civile des ayants droit de la victime.

Sur recours contre un jugement du tribunal des affaires de sécurité sociale des Bouches du Rhône et par arrêt définitif de cette Cour en date du 16 octobre 2007, la décision de la caisse primaire d'assurance maladie de prendre en charge le décès de M.[V] au titre de la législation professionnelle a été déclarée inopposable à l'employeur, la société Manpower.

Le 26 octobre 2012, les ayants droit de la victime ont engagé devant la juridiction sociale une procédure pour obtenir la reconnaissance de la faute inexcusable des sociétés Manpower, employeur, et Bénalu, dans le décès de M.[V], ainsi que la majoration des rentes versées par la caisse primaire d'assurance maladie et l'indemnisation des préjudices économiques et moraux.

Par jugement du 19 mars 2014, le tribunal des affaires de sécurité sociale des Bouches du Rhône a reconnu la faute inexcusable des sociétés Manpower, employeur, et Bénalu, entreprise utilisatrice et propriétaire de la benne, dans le décès de M.[V], a fixé au maximum la majoration de la rente versée à la veuve, a indemnisé son préjudice moral par la somme de 35.000 euros, outre 15.000 euros pour chacune des trois filles du défunt et a condamné la société Bénalu à garantir la société Manpower de toutes les condamnations.

Le tribunal a laissé à la charge de la caisse primaire la majoration de la rente versée à la veuve de la victime ainsi que les sommes revenant aux ayants droit du défunt et a rejeté les autres demandes des parties.

La caisse primaire d'assurance maladie a fait appel de ce jugement.

Par ses dernières conclusions développées à l'audience de plaidoirie du 6 janvier 2016, elle a demandé à la Cour d'infirmer le jugement uniquement en ce qu'il a laissé à sa charge la majoration de la rente versée à la veuve de la victime ainsi que les sommes revenant aux ayants droit du défunt.

Par leurs dernières conclusions développées à l'audience, les consorts [V] ont demandé à la Cour de confirmer le jugement déféré en ce que la faute inexcusable a été retenue comme ayant été à l'origine du décès de M.[V], et en ce que le préjudice moral de sa veuve a été indemnisé à hauteur de 35.000 euros, outre la majoration de sa rente au maximum, mais de l'infirmer pour le surplus, de dire que les deux filles du défunt ont droit à la majoration de leur rente à partir du jour du décès, d'indemniser leur préjudice moral par la somme de 30.000 euros chacune, de fixer le préjudice économique de Madame [V] à 264.876 euros, de condamner la caisse à leur verser ces sommes, et de condamner la société Bénalu à leur payer la somme de 5.000 euros à chacune au titre de l'article 700 du code de procédure civile.

Par ses dernières conclusions développées à l'audience, la SAS BENALU a demandé à la Cour d'infirmer le jugement déféré en ce qu'il a reconnu sa faute inexcusable dans le décès de M.[V]; elle a contesté le caractère professionnel du décès dont toutes les expertises médicales avaient attribué la cause à une prise en charge tardive de la péritonite par l'équipe médicale de la clinique, ce retard ayant provoqué la septicémie seule cause le décès de la victime, subsidiairement, de confirmer le jugement quant aux sommes fixées, sommes devant rester à la charge de la caisse et de condamner les consorts [V] à lui payer la somme de 2.000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile.

Par ses dernières conclusions développées à l'audience, la SA Manpower a déclaré s'en remettre à justice sur sa faute inexcusable; elle a rappelé que la décision de la caisse lui avait été déclarée inopposable et elle a demandé à la Cour , en cas de reconnaissance de sa faute inexcusable, de dire qu'elle sera garantie par la société Bénalu de toute condamnation éventuelle.

La MNC régulièrement avisée n'a pas comparu.

MOTIFS DE LA DECISION

La condamnation de la société Bénalu par la juridiction pénale du chef d'homicide involontaire induit l'existence d'une faute inexcusable comme ayant été à l'origine du décès, même s'il ressort du dossier que la cause du décès résulte d'une prise en charge tardive des lésions provoquées par le traumatisme abdominal et de la septicémie qui en est résulté, le lien entre l'accident initial et l'hospitalisation du patient constituant de manière suffisante le lien de causalité entre l'accident du 25 juillet et le décès du [Date décès 1] 2000.

Le jugement sera confirmé sur ce point, y compris concernant la majoration au maximum de la rente versée à Madame [R] [V].

La majoration de la rente est également due pour les rentes versées par l'organisme social à [U] et à [M], filles du défunt, à partir du 1er août 2000 et pour la même durée que les rentes initiales. Aucune rente ne semble avoir été versée pour [J], majeure au moment du décès (née en 1975).

Le jugement est infirmé sur ce point.

La Cour adopte les motifs du tribunal qui a exactement retenu le caractère particulièrement douloureux du décès de cet homme âgé de 47 ans et, par comparaison avec des sommes allouées dans des circonstances similaires, a indemnisé les préjudices moraux de Madame [V] par la somme de 35000 euros et par 15000 euros à chacune des trois filles du défunt.

Ces sommes sont satisfactoires et la Cour confirme le jugement sur ces points.

Par l'application combinée des articles L434-7, L434-10 et L452-3 du code de la sécurité sociale tels qu'invoqués par la société Bénalu, le préjudice économique de Madame [V] est rejeté, la rente constituant déjà l'indemnisation de la perte des revenus professionnels du défunt.

Le jugement est confirmé sur ce point.

La Cour rappelle que la décision de prise en charge du décès par l'organisme social a été déclarée inopposable à l'employeur par arrêt du 16 octobre 2007 et que l'action des consorts [V] a été engagée par lettre de leur avocat à la caisse en vue de la tentative de conciliation, et datée du 26 octobre 2012 (pièce 8 des consorts [V]).

L'article L452-3-1 du code de la sécurité sociale n'est applicable qu'aux actions en faute inexcusable engagées devant le tribunal des affaires de sécurité sociale à partir du 1er janvier 2013.

C'est à tort que la caisse maintient son action récursoire contre l'employeur ou la société.

La Cour confirme le jugement qui a rejeté sa demande.

La Cour rejette les demandes formulées au titre de l'article 700 par les parties.

PAR CES MOTIFS

La Cour statuant contradictoirement et en matière de sécurité sociale,

Confirme le jugement du tribunal des affaires de sécurité sociale des Bouches du Rhône du 19 mars 2014, sauf en ce qui concerne la majoration des rentes versées à [U] et à [M] [V] par l'organisme social,

Et statuant à nouveau:

Ordonne la majoration des rentes versées à [U] et à [M] [V] par l'organisme social, à effet du 1er août 2000 et pour les durées des rentes initiales,

Déboute les parties de leurs autres demandes,

Dit n'y avoir lieu à application de l'article 700 du code de procédure civile.

Le GREFFIERLe PRÉSIDENT


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel d'Aix-en-Provence
Formation : 14e chambre
Numéro d'arrêt : 14/09020
Date de la décision : 10/02/2016

Références :

Cour d'appel d'Aix-en-Provence 14, arrêt n°14/09020 : Infirme partiellement, réforme ou modifie certaines dispositions de la décision déférée


Origine de la décision
Date de l'import : 27/03/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2016-02-10;14.09020 ?
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