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04/02/2016 | FRANCE | N°15/02944

France | France, Cour d'appel d'Aix-en-Provence, 11e chambre b, 04 février 2016, 15/02944


COUR D'APPEL D'AIX-EN-PROVENCE

11e Chambre B



ARRÊT AU FOND

DU 04 FEVRIER 2016



N° 2016/55













Rôle N° 15/02944







[W] [R]





C/



[P] [H] VEUVE [D]





















Grosse délivrée

le :

à :



ME GESTAS

ME DELENTA













Décision déférée à la Cour :



Jugement du Tr

ibunal de Grande Instance de DRAGUIGNAN en date du 17 Février 2015 enregistré au répertoire général.





APPELANTE



Madame [W] [R]

de nationalité Française,

demeurant [Adresse 1]

représentée par Me Muriel GESTAS, avocat au barreau de DRAGUIGNAN





INTIMEE



Madame [P] [H] VEUVE [D]

née le [Date naissance 1] 1958 à [Localité 1] (...

COUR D'APPEL D'AIX-EN-PROVENCE

11e Chambre B

ARRÊT AU FOND

DU 04 FEVRIER 2016

N° 2016/55

Rôle N° 15/02944

[W] [R]

C/

[P] [H] VEUVE [D]

Grosse délivrée

le :

à :

ME GESTAS

ME DELENTA

Décision déférée à la Cour :

Jugement du Tribunal de Grande Instance de DRAGUIGNAN en date du 17 Février 2015 enregistré au répertoire général.

APPELANTE

Madame [W] [R]

de nationalité Française,

demeurant [Adresse 1]

représentée par Me Muriel GESTAS, avocat au barreau de DRAGUIGNAN

INTIMEE

Madame [P] [H] VEUVE [D]

née le [Date naissance 1] 1958 à [Localité 1] (57),

demeurant [Adresse 1]

représentée par Me Stéphane DELENTA, avocat au barreau de DRAGUIGNAN

*-*-*-*-*

COMPOSITION DE LA COUR

L'affaire a été débattue le 05 Janvier 2016 en audience publique. Conformément à l'article 785 du Code de Procédure Civile, Catherine COLENO, Présidente de Chambre a fait un rapport oral de l'affaire à l'audience avant les plaidoiries.

La Cour était composée de :

Mme Catherine COLENO, Présidente de Chambre

Mme Brigitte PELTIER, Conseiller

Mme Françoise FILLIOUX, Conseiller

qui en ont délibéré.

Greffier lors des débats : Mme Anaïs ROMINGER.

Les parties ont été avisées que le prononcé de la décision aurait lieu par mise à disposition au greffe le 04 Février 2016

ARRÊT

Contradictoire,

Prononcé par mise à disposition au greffe le 04 Février 2016,

Signé par Mme Catherine COLENO, Présidente de Chambre et Mme Anaïs ROMINGER, greffier auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

***

Par acte du 1° octobre 1998 Mme [W] [R] a consenti à Mme [P] [D] un bail précaire portant sur des locaux situés [Adresse 1] à destination de vente de carburant et accessoires automobiles toutes boissons autorisées avec la licence III et confiseries, pour une durée de 24 mois et un loyer de 4.500 francs HT (686,02 euros).

Par acte du même jour Mme [W] [R] consentait à Mme [P] [D] un contrat de location gérance d'une durée de un an tacitement renouvelable sur un fonds de commerce de distribution de carburant snack et station service exploité dans les lieux moyennant une redevance annuelle de 54.000 francs HT (8.232,25 euros).

A l'issue du bail précaire Mme [P] [D] restait dans les lieux, et continuait l'exploitation du fonds de commerce donné en location gérance.

Par lettre recommandée avec accusé de réception du 21 février 2013 Mme [W] [R] mettait un terme au contrat de location gérance pour le 1° octobre 2013.

Mme [P] [D] sollicitait le renouvellement de son bail commercial le 28 mars 2013 et devant le refus de Mme [W] [R] saisissait par acte du 24 septembre 2013 le Tribunal de Grande Instance de Draguignan pour voir requalifier le contrat de location précaire en bail commercial.

Par jugement du 17 février 2015 assorti de l'exécution provisoire le Tribunal de Grande Instance rejetait l'exception d'incompétence au profit du tribunal de commerce et la fin de non recevoir au titre de la prescription biennale et jugeait que Mme [P] [D] avait acquis le statut des baux commerciaux depuis le 1° octobre 2000, déboutait les parties de leurs autres demandes et condamnait Mme [W] [R] au paiement de la somme de 2.000 euros en application de l'article 700 du code de procédure civile outre les dépens.

Le premier juge rappelait la compétence d'attribution du Tribunal de Grande Instance en matière de bail commercial, rappelait que l'action en revendication du bail commercial par le preneur laissé dans les lieux à l'issue d'un bail dérogatoire n'était pas soumise à la prescription biennale et retenait que le Tribunal de Grande Instance n'était pas saisi de la question de la location gérance.

Mme [W] [R] a relevé appel de cette décision par acte du le 26 février 205

PRÉTENTIONS DES PARTIES

Mme [W] [R] par conclusions déposées et signifiées le 16 avril 2015 auxquelles il est fait expressément référence pour le détail de l'argumentation conclut à l'infirmation de la décision et demande à la cour:

- de déclarer l'action de Mme [P] [D] prescrite,

- de constater que les parties n'ont eu nullement l'intention de transférer le fonds de commerce et que le contrat de bail était accessoire au contrat de location gérance

- reconventionnellement de condamner Mme [P] [D] à restituer la licence IV et le fonds de commerce

de la condamner à quitter les lieux sous astreinte journalière de 800 euros outre 3.000 euros en application de l'article 700 du code de procédure civile.

Elle soutient que la juridiction était bien saisie par voie reconventionnelle des demandes relatives au contrat de location gérance et reproche au premier juge de les avoir écartées sans examen.

Elle rappelle qu'un contrat de location gérance dûment publié a été conclu ce qui rendait surabondant la signature d'un bail, qui n'avait en tout état de cause qu'un caractère accessoire, elle soulève la prescription de deux ans à l'encontre de l'action en requalification du bail et affirme que la souscription du contrat de location gérance démontre la volonté des parties de ne pas opérer de transfert de propriété du fonds de commerce.

Elle affirme que Mme [P] [D] qui n'a jamais possédé de fonds de commerce n'a jamais été soumise au statut des baux , et que le bail précaire n'a pu devenir un bail commercial.

Elle soutient que Mme [P] [D] a fautivement omis de faire état du contrat de location gérance devant le premier juge .

Elle soutient en définitive que depuis la résiliation du contrat de location gérance Mme [P] [D] est dans l'obligation de restituer les éléments du fonds de commerce.

Mme [P] [D] par conclusions déposées et signifiées le 20 avril 2015 auxquelles il est fait expressément référence pour le détail de l'argumentation conclut à la confirmation de la décision et demande à la cour de dire au visa de l'article L 145-5 du code de commerce qu'elle bénéficie d'un bail d'une durée de 9 ans à compter du 1° avril 2013 jusqu'au 31 mars 2022 aux conditions du bail dérogatoire initial, de débouter Mme [W] [R] de ses prétentions et de la condamner au paiement de la somme de 5.000 euros en application de l'article 700 du code de procédure civile.

Elle rappelle que le contrat de location gérance a été résilié par Mme [W] [R] le 28 mars 2013 et que l'acquisition du statut des baux commerciaux 'transfère la propriété commercial du fonds de commerce au preneur'.

Elle soutient que l'action en revendication du bail commercial du preneur laissé en possession à l'issue du bail dérogatoire fondée sur l'article L 145-5 du code de commerce ne relève pas de la prescription biennale, que la location gérance et le bail commercial sont deux actes juridiques distincts et indépendants;

elle relève qu'aucune sommation d'avoir à quitter les lieux ne lui a été délivrée et que la demande en restitution du fonds de commerce et de la licence viole les dispositions de l'article L 145-5 du code de commerce.

Elle demande à la cour de rejeter les prétentions de Mme [W] [R], de dire qu'elle bénéficie du statut des baux commerciaux de confirmer la décision et de condamner Mme [W] [R] à lui payer la somme de 5.000 euros en application de l'article 700 du code de procédure civile.

L'ordonnance de clôture est intervenue le 14 décembre 2015.

MOTIFS DE LA DÉCISION

Sur l'action en reconnaissance d'un bail commercial.

L'action de Mme [P] [D] est fondée sur l'article L 145-5 du code de commerce qui dans sa rédaction applicable à l'espèce dispose:

Les parties peuvent lors de l'entrée dans les lieux du preneur déroger aux dispositions du présent chapitre à la conditions que la durée totale du bail ou des baux successifs ne soit pas supérieure à deux ans.

Si à l'expiration de cette durée le preneur reste et est laissé en possession il s'opère un nouveau bail dont l'effet est réglé par les dispositions du présent chapitre.

Le premier juge a exactement retenu que la demande tendant à faire constater l'existence d'un bail soumis au statut né du fait du maintien en possession du preneur à l'issue d'un bail dérogatoire, qui résulte du seul effet de l'article L. 145-5 du code de commerce, n'est pas soumise à la prescription biennale, de sorte que le moyen de prescription doit être écarté.

Il n'en demeure pas moins que l'acquisition du statut des baux commerciaux suppose que le locataire réunisse les conditions imposées par la loi et exploite dans les lieux un fonds de commerce.

Il en résulte que l'examen du contrat de location gérance conclu entre les parties qui est le titre d'exploitation du fonds de commerce ne saurait être considéré comme étranger à l'affaire, d'autant plus que ce contrat de location gérance constitue un titre suffisant d'occupation des lieux, rendant la conclusion d'un bail surabondant ainsi que le souligne l'appelante.

Sur le contrat de location gérance et la propriété du fonds de commerce

En l'espèce, le fonds de commerce exploité dans les lieux est un fonds de commerce appartenant à Mme [W] [R].

Mme [W] [R] souligne à juste titre que le contrat de location gérance conclu avec Mme [P] [D] n'a pas eu pour effet de transférer à celle-ci la propriété d'un fonds de commerce puisqu'il porte sur la simple location de ce fond, renouvelable par tacite reconduction.

Aucune équivoque ne peut subsister sur ce point dès lors que Mme [W] [R] produit aux débats le contrat de location gérance régulièrement publié portant sur l'activité de distribution de carburant et de snack bar de la station service sise à [Adresse 1] et que l'extrait Kbis de Mme [P] [D] en date du 3 octobre 2013 porte mention de l'exploitation du fonds de commerce par Mme [P] [D] en location gérance.

Il est acquis aux débats que le contrat de location gérance a été résilié par Mme [W] [R] le 21 février 2013 avec effet au 1° octobre 2013, cette résiliation dont Mme [P] [D] elle même souligne qu'elle n'a donné lieu à aucun litige entre les parties a mis un terme aux droits consentis par Mme [W] [R] à Mme [P] [D] sur le fonds de commerce dont Mme [W] [R] est restée propriétaire, et le titre d'occupation en découlant de sorte qu'il ne peut être valablement soutenu que Mme [P] [D] exploite régulièrement à ce jour un fonds de commerce dans les lieux.

Vainement encore Mme [P] [D] se prévaut du bénéfice du statut des baux commerciaux, qui ne confère en tout état de cause qu'un droit au renouvellement du bail.

Le bail en effet ne constitue qu'un titre d'occupation des locaux, la demande de requalification du bail précaire en bail commercial ne peut donc avoir ni pour objet ni pour effet de conférer à Mme [P] [D] des droits sur le fonds de commerce, et notamment ne peut avoir pour effet comme le soutient Mme [P] [D] de transférer à son profit la propriété commerciale du dit fonds de commerce.

En conséquence force est de constater que Mme [P] [D] n'est pas propriétaire du fonds de commerce exploité dans les lieux, et n'est pas davantage titulaire de droit d'exploitation sur ce fonds de commerce depuis la résiliation du contrat de location gérance.

C'est donc à juste titre que Mme [W] [R] soutient que Mme [P] [D] ne peut bénéficier du statut des baux commerciaux, faute de remplir les conditions requises et la demande de Mme [P] [D] tendant à se voir reconnaître le bénéfice d'un bail commercial à compter du 1° avril 2013 jusqu'au 31 mars 2022 sera rejetée.

Mme [P] [D] ne dispose donc pas de titre d'occupation des lieux, étant relevé les conclusions en réplique n° 3 signifiées par Mme [W] [R] devant le premier juge qui sollicitent l'expulsion sous astreinte de Mme [P] [D] valent mise en demeure suffisante, son expulsion sera ordonnée.

Mme [P] [D] sera en outre condamnée à restituer les éléments du fonds de commerce visés dans la convention de location gérance désormais résiliée, sous astreinte de 300 euros par jour de retard passé un délai de 2 mois après la signification du présent arrêt.

En conséquence la décision sera infirmée sur ces points.

Mme [P] [D] partie perdante sera condamnée aux dépens et au paiement de la somme de 3.500 euros en application de l'article 700 du code de procédure civile

PAR CES MOTIFS

la Cour statuant contradictoirement

infirme la décision déférée sauf en ce qu'elle a rejeté l'exception d'incompétence et la fin de non recevoir

statuant à nouveau pour le surplus

Constate que le contrat de location gérance conclu entre Mme [W] [R] et Mme [P] [D] est résilié à compter du 31 octobre 2013.

Déboute Mme [P] [D] de sa demande tendant à se voir reconnaître le bénéfice d'un bail commercial d'une durée de 9 ans à compter du 1° avril 2013 sur les locaux situés [Adresse 1]

Rejette les demandes de Mme [P] [D]

condamne Mme [P] [D] à restituer à Mme [W] [R] la licence IV et le fonds de commerce objet du contrat de location gérance,

ordonne l'expulsion de Mme [P] [D] occupante sans droit ni titre ainsi que de tout occupant de son chef avec si besoin est le concours de la force publique,

fixe à défaut de libération des lieux volontaire passé un délai de 2 mois à compter de la signification du présent arrêt, une astreinte à la charge de Mme [P] [D] de 300 euros par jour pour une durée de trois mois.

condamne Mme [P] [D] à payer à Mme [W] [R] la somme de 3.500 euros en application de l'article 700 du code de procédure civile.

Condamne Mme [P] [D] aux dépens avec application de l'article 699 du code de procédure civile au bénéfice de Maître GESTAS.

LE GREFFIERLE PRÉSIDENT


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel d'Aix-en-Provence
Formation : 11e chambre b
Numéro d'arrêt : 15/02944
Date de la décision : 04/02/2016

Références :

Cour d'appel d'Aix-en-Provence B1, arrêt n°15/02944 : Infirme partiellement, réforme ou modifie certaines dispositions de la décision déférée


Origine de la décision
Date de l'import : 27/03/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2016-02-04;15.02944 ?
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