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04/02/2016 | FRANCE | N°14/08110

France | France, Cour d'appel d'Aix-en-Provence, 3e chambre b, 04 février 2016, 14/08110


COUR D'APPEL D'AIX-EN-PROVENCE

3e Chambre B



ARRÊT AU FOND

DU 04 FÉVRIER 2016



N° 2016/036













Rôle N° 14/08110







SAS BALP





C/



[X] [B]

SA MAAF CONSTRUCTION GROUPE 2

SARL SUNSET AGENCEMENT ET TRAVAUX







Grosse délivrée

le :

à :

Me R. BUVAT

Me M-N DELAGE















Décision déférée à la Cour :

>
Jugement du Tribunal de Grande Instance de DIGNE-LES-BAINS en date du 19 Mars 2014 enregistré au répertoire général sous le n° 13/00323.





APPELANTE



SAS BALP

[Adresse 4]

représentée par Me Robert BUVAT, avocat au barreau d'AIX-EN-PROVENCE

plaidant par Me Sandra GUARISE du Cabinet VILLEGAS & ASSOCI...

COUR D'APPEL D'AIX-EN-PROVENCE

3e Chambre B

ARRÊT AU FOND

DU 04 FÉVRIER 2016

N° 2016/036

Rôle N° 14/08110

SAS BALP

C/

[X] [B]

SA MAAF CONSTRUCTION GROUPE 2

SARL SUNSET AGENCEMENT ET TRAVAUX

Grosse délivrée

le :

à :

Me R. BUVAT

Me M-N DELAGE

Décision déférée à la Cour :

Jugement du Tribunal de Grande Instance de DIGNE-LES-BAINS en date du 19 Mars 2014 enregistré au répertoire général sous le n° 13/00323.

APPELANTE

SAS BALP

[Adresse 4]

représentée par Me Robert BUVAT, avocat au barreau d'AIX-EN-PROVENCE

plaidant par Me Sandra GUARISE du Cabinet VILLEGAS & ASSOCIES, avocate au barreau des ALPES DE HAUTE PROVENCE

INTIMES

SARL SUNSET AGENCEMENT ET TRAVAUX

assignée le 24.07.14 par PVRI à la requête de la SAS BALP,

[Adresse 3]

défaillante

Monsieur [X] [B] pris en qualité de Liquidateur à la liquidation judiciaire de la SARL SUNSET AGENCEMENT ET TRAVAUX

assigné le 21.07.14 à personne à la requête de la SAS BALP

né le [Date naissance 1] 1951 à [Localité 1],

demeurant Mandataire Judiciaire - [Adresse 1]

défaillant

SA MAAF

agissant poursuites et diligences de son représentant légal en exercice domicilié en cette qualité au siège [Adresse 2]

représentée et assistée par Me Marie-Noëlle DELAGE de la SCP DELAGE - ARENA, avocate au barreau de GRASSE

*-*-*-*-*

COMPOSITION DE LA COUR

L'affaire a été débattue le 08 Décembre 2015 en audience publique. Conformément à l'article 785 du Code de Procédure Civile, Madame Patricia TOURNIER, Conseillère a fait un rapport oral de l'affaire à l'audience avant les plaidoiries.

La Cour était composée de :

M. Jean-François BANCAL, Président

Mme Patricia TOURNIER, Conseillère (rédactrice)

Mme Marie-José DURAND, Conseillère

qui en ont délibéré.

Greffier lors des débats : Mme Josiane BOMEA.

Les parties ont été avisées que le prononcé de la décision aurait lieu par mise à disposition au greffe le 04 Février 2016

ARRÊT

Défaut,

Prononcé par mise à disposition au greffe le 04 Février 2016,

Signé par M. Jean-François BANCAL, Président et Mme Josiane BOMEA, greffier auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

***

Exposé du litige :

La SAS BALP qui exploite deux locaux commerciaux dans la zone commerciale [Localité 3] à [Localité 2], à l'enseigne Monsieur Meuble et Cuir Center, a confié à la SARL SUNSET Agencement et Travaux, la pose d'un revêtement de sol dans ces locaux, selon devis en date des 23 décembre 2008 (aménagement Cuir center) et 19 février 2009 (agencement magasin Monsieur Meuble).

Les travaux ont été effectués aux mois de mai et juin 2009 et n'ont pas fait l'objet d'une réception expresse.

La SAS BALP arguant de désordres affectant les travaux, a sollicité du juge des référés du tribunal de grande instance de Digne, l'organisation d'une mesure d'expertise, demande à laquelle il a été fait droit par décision en date du 21 juillet 2010.

L'expert, Monsieur [Z], a clôturé son rapport le 3 octobre 2011.

Par actes d'huissier en date des 9 et 25 janvier 2013, la SAS BALP a fait assigner devant le tribunal de grande instance de Digne les bains, la SARL SUNSET Agencement et Travaux, ainsi que la MAAF en tant qu'assureur responsabilité civile décennale de celle-ci, à l'effet de les voir condamnées solidairement au paiement de la somme de 215 636,29 € TTC avec indexation sur l'indice BT01 du coût de la construction à compter du 3 octobre 2011, en indemnisation de ses préjudices, outre aux dépens et au paiement d'une indemnité de procédure.

Par décision en date du 19 mars 2014, le tribunal de grande instance de Digne les bains a :

- constaté l'absence de réception des travaux,

- constaté que les désordres apparents et esthétiques sur un équipement dissociable n'ont 'à l'évidence' pas un caractère décennal,

- mis hors de cause la cie MAAF au titre de la police garantie décennale des constructeurs, souscrite,

- condamné sur le fondement de la responsabilité contractuelle, la SARL SUNSET Agencement et Travaux, à réparer les conséquences dommageables de son intervention insuffisante dans les locaux Monsieur Meuble et Cuir Center,

- condamné la SARL SUNSET Agencement et Travaux à payer à la SAS BALP :

° la somme de 58 500 € HT, outre la TVA applicable au moment des travaux, avec indexation sur l'indice BT01 à compter du rapport d'expertise du 3 octobre 2011, au titre des travaux de reprise,

° la somme de 24 197,90 €, au titre du préjudice de jouissance correspondant à une perte de 14 jours d'activité,

dont à déduire la retenue sur le solde encore dû sur les travaux fixé par l'expert à la somme de 14 658,24 € TTC,

- rejeté les plus amples demandes de reprise qui ne correspondent pas aux préconisations et aux chiffrages de l'expert,

- rejeté les frais de déménagement et les frais de démontage des cloisons et de l'électricité sollicités par la SAS BALP à hauteur de 97 600 € en l'absence de justificatifs sérieux,

- condamné la SARL SUNSET Agencement et Travaux aux dépens, incluant les frais d'expertise, ainsi qu'à payer à la SAS BALP la somme de 3000 € au titre de l'article 700 du code de procédure civile,

- ordonné l'exécution provisoire.

La SAS BALP a interjeté appel à l'encontre de cette décision par déclaration reçue au greffe le 22 avril 2014, en intimant Monsieur [B] en tant que liquidateur à la liquidation judiciaire de la SARL SUNSET Agencement et Travaux (liquidation judiciaire prononcée par jugement du tribunal de commerce d'Antibes en date du 9 décembre 2011), la MAAF et la SARL SUNSET Agencement et Travaux.

Au terme de ses dernières conclusions notifiées le 12 novembre 2015, auxquelles il est renvoyé pour l'exposé des moyens et des prétentions, la SAS BALP demande essentiellement à la cour :

- de rejeter la demande de la cie MAAF sur le fondement de 'l'article 905' du code de procédure civile, relative aux pièces communiquées par la concluante,

- de dire que les désordres sont uniquement imputables à la société SUNSET Agencement et Travaux,

- de réformer la décision déférée en ce qu'elle a constaté l'absence de réception des travaux et de dire que la réception a eu lieu tacitement,

- de réformer la décision déférée en ce qu'elle a retenu la responsabilité contractuelle de la société SUNSET Agencement et Travaux et de dire que les désordres relèvent de sa responsabilité décennale,

- de condamner solidairement la SARL SUNSET Agencement et travaux et la MAAF à réparer les conséquences dommageables de l'intervention insuffisante dans les locaux Monsieur Meuble et Cuir Center,

- subsidiairement, au visa des articles 1156 et 1162 du code civil,

° de dire que la SARL SUNSET Agencement et Travaux engage sa responsabilité contractuelle de droit commun,

° de constater que la garantie d'assurance délivrée par la MAAF au titre de la responsabilité décennale couvre les conséquences dommageables des désordres portant sur les revêtements de sol dissociables de l'ouvrage,

° de dire que la commune intention des parties contractantes était de couvrir les travaux listés,

° de condamner sur le fondement de la garantie contractuelle de droit commun la SARL SUNSET Agencement et Travaux et la MAAF, solidairement, à réparer les conséquences dommageables de l'intervention insuffisante dans les locaux Monsieur Meuble et Cuir Center,

- à titre infiniment subsidiaire, au visa de l'article 1147 du code civil,

° de dire que la SARL SUNSET Agencement et Travaux engage sa responsabilité contractuelle de droit commun,

° de constater que la garantie d'assurance délivrée par la MAAF au titre de la responsabilité civile couvre les conséquences dommageables du désordre,

° de condamner sur le fondement de la garantie contractuelle de droit commun la SARL SUNSET Agencement et Travaux et la MAAF, solidairement, à réparer les conséquences dommageables de l'intervention insuffisante dans les locaux Monsieur Meuble et Cuir Center,- en tout état de cause sur la réparation du préjudice,

° de condamner solidairement la société SUNSET et la MAAF à payer à la concluante la somme de 215 636,29 € TTC indexée sur le BT01 à compter du rapport d'expertise,

° de condamner solidairement la société SUNSET et la MAAF à payer à la concluante la somme de 5000 € au titre de l'article 700 du code de procédure civile, ainsi qu'aux entiers dépens incluant les frais d'expertise.

Par ses dernières conclusions notifiées le 17 septembre 2014, auxquelles il est renvoyé pour l'exposé des moyens et des prétentions, la MAAF Construction groupe 2, dite MAAF, demande à la cour :

- au visa de l'article 906 du code de procédure civile, de dire les conclusions de l'appelant irrecevables en l'absence de communication des pièces avec les conclusions,

- au fond, au visa des articles 1792 et suivants du code civil, de confirmer la décision déférée en ce qu'elle a mis hors de cause la concluante,

Sur le volet responsabilité civile décennale :

° de dire que l'installation d'un revêtement à usage professionnel et pour les besoins professionnels de la SAS BALP ne peut entrer dans le champ de la responsabilité civile décennale,

° de dire que l'installation d'un revêtement de sol dissociable dans le cadre d'une rénovation de l'existant ne constitue pas un ouvrage au sens de l'article 1792 du code civil,

° de dire qu'aucune réception ni expresse, ni tacite, n'est intervenue en l'absence d'acceptation non équivoque des travaux assortie du paiement total des travaux au moment de l'entrée en possession,

° de constater que les désordres sont d'ordre esthétique et sont visibles même en cas de réception,

° de dire que les désordres ne sont pas de nature décennale dès lors qu'ils ne portent pas atteinte à la solidité de l'ouvrage et ne le rendent pas impropre à sa destination, les deux magasins continuant d'être exploités,

° de dire que la garantie responsabilité civile décennale n'est pas mobilisable,

° de débouter la société BALP de l'ensemble de ses demandes,

Sur le volet responsabilité civile de la police MAAF :

° de dire irrecevable en cause d'appel sur le fondement de l'article 564 du code de procédure civile, la demande de la société BALP sur le volet responsabilité civile de la police d'assurance MAAF,

° subsidiairement,

' de dire que la société BALP ne peut être considérée comme un tiers aux travaux dont elle a fait la commande,

' de dire que le volet responsabilité civile n'a pas vocation à couvrir les désordres affectant les travaux commandés,

' de constater l'absence de dommages aux existants,

' de débouter la société BALP de ses demandes,

' de mettre la concluante hors de cause,

- à titre infiniment subsidiaire,

° de dire qu'aucune condamnation solidaire ne peut avoir lieu entre la concluante et son assurée, la solidarité ne se présumant en matière civile,

° de dire que les travaux de réparation ne sauraient dépasser le principe de réparation intégrale et ne sauraient donc constituer une amélioration mais tout au plus une remise à l'identique,

° de dire en conséquence que le montant des travaux de mise en place du carrelage tel qu'envisagé par l'expert judiciaire constitue une amélioration,

° de dire que le montant des travaux ne saurait tout au plus dépasser le montant des travaux de pose du revêtement inefficace dans les locaux à l'enseigne Monsieur Meuble pour un montant de 41 420,08 € HT,

° de dire qu'aucun montant ne peut être dû pour l'enseigne Cuir Center puisque le revêtement a été fourni par celle-ci et que la société SUNSET Agencement et Travaux a seulement effectué la pose,

° de débouter la société BALP de ses demandes relatives au préjudice de jouissance, comme n'étant pas justifié dans son principe, ni dans son montant, et comme étant inopposable à la concluante faute d'avoir été soumis à l'expert judiciaire au contradictoire des parties,

- en tout état de cause,

° de réformer la décision déférée en ce qu'elle n'a pas accordée d'indemnité au titre de l'article 700 du code de procédure civile à la concluante,

° de condamner la société BALP au paiement de la somme de 4000 € sur ce fondement, outre aux entiers dépens de première instance et d'appel, avec application de l'article 699 du code de procédure civile pour leur recouvrement.

Maître [B] assigné à personne en qualité de liquidateur judiciaire de la SARL SUNSET Agencement et Travaux par acte d'huissier en date du 21 juillet 2014 et la SARL SUNSET Agencement et Travaux assignée conformément à l'article 659 du code de procédure civile par acte d'huissier en date du 24 juillet 2014, n'ont pas constitué avocat.

La clôture de la procédure est en date du 24 novembre 2015.

MOTIFS DE LA DÉCISION :

Il sera statué par défaut en application de l'article 474 du code de procédure civile, l'une des parties défaillantes n'ayant pas été citée à personne.

* Sur la recevabilité des conclusions de la société BALP :

En application de l'article 906 du code de procédure civile, les conclusions et les

pièces doivent être communiquées simultanément par l'avocat de chacune des parties à celui de l'autre partie ;

ce texte n'édicte pas de sanction ;

l'irrecevabilité des conclusions qui est prévue par les articles 909, 910 et 911 du code de procédure civile, dont le prononcé relève de la compétence exclusive du conseiller de la mise en état, sauf si la cause de l'irrecevabilité survient ou est révélée après son dessaisissement, sanctionne uniquement le non respect des délais de notification des conclusions et non le défaut de communication simultanée des pièces avec celles-ci ;

le non respect de l'article 906 ne peut être sanctionné qu'au regard de l'article 15 du code de procédure civile, aux termes duquel les parties doivent se faire connaître en temps utile les moyens de fait sur lesquels elles fondent leurs prétentions, les éléments de preuve qu'elles produisent et les moyens de droit qu'elles invoquent afin que chacune soit à même d'organiser sa défense ;

il ne peut conduire qu'à écarter des débats, les pièces litigieuses.

En l'espèce, la société BALP a conclu pour la première fois le 17 juillet 2014, en visant comme pièces, celles communiquées en première instance qu'elle a listées ;

elle ne conteste pas que ce visa n'ait pas été suivi d'une communication effective des pièces, alors qu'en application de l'article 132 dans sa rédaction résultant du décret du 9 décembre 2009 applicable à compter du 1er janvier 2011, les pièces communiquées en première instance doivent l'être à nouveau de façon effective en appel ;

la communication n'est intervenue que le 12 novembre 2015.

Si cette communication est incontestablement tardive au regard d'une clôture prononcée le 24 novembre 2015, après que l'annonce de cette date en ait été faite le 15 juillet 2015, elle n'a toutefois pu générer aucun grief à la MAAF pour l'organisation de sa défense, dans la mesure où toutes les pièces avaient été produites dans le cadre de l'expertise judiciaire, étaient annexées au rapport et que la MAAF a elle-même communiqué le dit rapport à l'appui de ses conclusions notifiées le 17 septembre 2014, outre une partie des pièces visées par la société BALP.

Il s'ensuit que les pièces communiquées par la société BALP n'ont pas lieu d'être écartées des débats, la MAAF devant par ailleurs être déboutée de sa demande tendant au prononcé de l'irrecevabilité des conclusions adverses.

* Sur la responsabilité de la société SUNSET Agencement et Travaux :

° sur l'existence d'une réception des travaux :

Aux termes de l'article 1792-6 alinéa 1er du code civil, la réception est l'acte par lequel le maître de l'ouvrage déclare accepter l'ouvrage avec ou sans réserves ; elle intervient à la demande de la partie la plus diligente, soit à l'amiable, soit à défaut judiciairement ; elle est en tout état de cause prononcée contradictoirement.

La réception peut être expresse, tacite ou judiciaire.

La réception tacite suppose une volonté non équivoque du maître de l'ouvrage de recevoir l'ouvrage.

En l'espèce, la société BALP a pris possession des lieux après achèvement des travaux au cours du mois de juin 2009, les photographies annexées au procès-verbal de constat d'huissier dressé le 4 juillet 2009 concernant le local à l'enseigne Monsieur Meuble montrant la présence de meubles le garnissant, et en tout état de cause, la prise de possession des deux locaux ne faisant pas l'objet de contestations ;

les travaux dans le local à l'enseigne Monsieur Meuble d'un montant total de 41 420,08€ HT, ont été intégralement réglés, au mois de juin 2009 (facture en date du 9 juin 2009) ;

sur ceux réalisés dans le local à l'enseigne Cuir Center, dont le montant total était de 30 181,50 € HT, il n'est pas contesté que la société BALP reste redevable de la somme de

14 658,24 € TTC, après qu'une facture de 21 658,24 € TTC ait été émise le 15 juillet 2009 et qu'elle ait versé une somme de 7000 € le 21 août 2009 (mise en demeure adressée à la société BALP par le conseil de la société SUNSET Agencement et Travaux le 27 novembre 2009) ;

le solde dû représente en conséquence environ 17% du montant des deux devis ;

selon les déclarations faites à l'expert par le conseil de la société BALP, ce non paiement résiduel a été motivé par l'apparition de désordres.

Eu égard à la prise de possession des lieux par le maître de l'ouvrage qui s'est concrétisée par l'installation des meubles destinés à la vente, et au paiement d'une part très importante des marchés, la MAAF ne peut utilement soutenir que la volonté du maître de l'ouvrage de réceptionner tacitement les travaux ne serait pas établie et se prévaloir du procès-verbal de constat d'huissier que la société BALP a fait dresser le 4 juillet 2009 :

en effet, ce constat a été sollicité postérieurement à la prise de possession et non pas concomitamment à celle-ci, suite à l'apparition de désordres après mise en place des meubles et ne peut remettre en cause a posteriori l'acceptation antérieure des travaux ;

de même, le refus de payer le solde des travaux n'a été formulé qu'ultérieurement à réception de la seconde facture, alors que les désordres étaient déjà survenus.

Dès lors, en l'état d'une volonté non équivoque du maître de l'ouvrage de recevoir les travaux fin juin 2009, il convient de retenir l'existence d'une réception tacite des dits travaux à cette date.

° sur la nature des désordres :

Le rapport d'expertise met en évidence les éléments suivants :

- pour le revêtement de sol des surfaces de vente des deux magasins, il a été fait choix par la société BALP d'un revêtement fabriqué par la société BOLON AB, dit Bolon ;

- les désordres constatés consistent en des poinçonnements au droit des points d'appui des meubles, en quelques défauts d'adhérence qui se matérialisent par un cloquage, quelques dégradations mécaniques du revêtement, un encrassement de surface et surtout la présence de taches de natures diverses dont l'élimination n'est pas possible ;

- aucune reconnaissance de sol préalable aux travaux n'a été effectuée (porosité, cohésion, teneur en humidité, planéité, présence ou non de microfissures et fissures), la préparation du support a été très sommaire (ragréage conservé avec des reprises ponctuelles au droit de zones dégradées), ce qui est à l'origine des défauts d'adhérence, l'enduit de ragréage conservé n'étant pas assez cohésif de sorte que le revêtement Bolon collé à ce matériau se décolle ponctuellement ; les travaux n'ont pas été réalisés conformément aux règles de l'art ;

- l'encrassement de surface noir particulièrement visible dans l'un des locaux où le revêtement est d'une teinte plus claire, est dû à de la poussière et des salissures qui se sont déposées à la surface du revêtement Bolon ;

il est consécutif au choix d'un protocole de nettoyage inadapté ;

- les nombreuses taches noires et dans une moindre mesure colorées (rouge et jaune) correspondent à d'anciennes zones d'appuis de meubles ou aux traces générées lors du déplacement de meubles et/ou de personnes, se sont incrustées dans le revêtement et sont apparues très rapidement (consignées dans le procès-verbal de constat dressé le 4 juillet2009 );

la métallisation des surfaces qui n'a pas été conseillée au maître de l'ouvrage, aurait permis un entretien plus aisé ;

- le type de revêtement choisi s'il dispose de propriétés intrinsèques suffisantes pour être mis en oeuvre au niveau des sols d'un magasin de vente de meubles, est cependant sensible au poinçonnement provoqué par des meubles (actions mécaniques du mobilier fixe ou mobile, chutes d'objet), poinçonnement qui a été constaté dès le 4 juillet 2009 ;

son utilisation est trop contraignante pour obtenir une maintenance des sols en très bon état ;

- les dégradations mécaniques constatées à la surface du revêtement sont dues aux frottements générés lors des déplacements de meubles pour réaménager les surfaces de vente des magasins.

Si les travaux réalisés ne constituent pas la réalisation d'un ouvrage au sens de l'article 1792 du code civil, le revêtement de sol ainsi posé est un élément d'équipement des locaux ;

la MAAF ne justifie pas en quoi le Bolon constituerait un revêtement dont la fonction exclusive serait de permettre l'exercice d'une activité professionnelle dans un local au sens de l'article 1792-7 du code civil, spécificité qui ne résulte pas des dossiers techniques le concernant produits dans le cadre de l'expertise ;

elle est donc mal fondée à soutenir que les travaux réalisés échapperaient nécessairement de ce fait à la responsabilité décennale.

Les locaux de la société BALP étant destinés à exposer des meubles en vue de leur vente aux particuliers, meubles qui n'ont pas pour vocation d'être fixés à demeure, les différentes dégradations dont le revêtement de sol a fait l'objet très rapidement mais postérieurement à la réception tacite des travaux, à l'exception de l'encrassement auquel il peut être remédié par un nettoyage adapté, sont incompatibles avec la nécessité de procéder au déplacement des meubles, de les mettre en valeur et d'offrir aux clients potentiels un cadre attractif pour inciter à leur achat, même si elles n'interdisent pas une exploitation des locaux ;

elles rendent en conséquence les dits locaux impropres à leur destination au sens de l'article 1792 du code civil.

La société BALP est en conséquence fondée à rechercher la responsabilité décennale de la société SUNSET Agencement et Travaux, le fait que le Bolon ait été choisi par le maître de l'ouvrage et fourni par celui-ci concernant l'un des locaux n'étant pas de nature à exonérer l'entreprise de sa responsabilité de plein droit édictée par ce texte, faute de preuve de la compétence notoire de la société BALP en la matière.

La société BALP est en revanche irrecevable à solliciter la condamnation de la société SUNSET Agencement et Travaux à paiement en l'état de la procédure collective dont celle-ci fait l'objet, s'agissant d'une créance antérieure à l'ouverture de cette procédure, en application de l'article L 622-7 du code de commerce.

* Sur la garantie de la MAAF :

La MAAF ne conteste pas assurer la société SUNSET Agencement et Travaux au titre

de la responsabilité civile décennale pour les travaux réalisés en mai et juin 2009.

Les désordres ayant un caractère décennal, elle doit donc sa garantie et sera condamnée à paiement envers la société BALP.

* Sur le montant des réparations :

L'expert judiciaire a conclu à la nécessité de reprendre les travaux de revêtement de sol en intégralité, impliquant l'élimination du revêtement Bolon, ainsi que celle de l'enduit de ragréage non adhérent ;

il a chiffré le montant des travaux de reprise à la somme de 58 500 € HT, en optant pour la pose de carrelage afin d'adapter le revêtement aux contraintes d'exploitation des magasins et en incluant la reprise des peintures une fois le carrelage et les plinthes posées ;

il a également précisé que les travaux de reprise nécessitaient le déménagement puis le réaménagement des meubles et impliquaient la fermeture des locaux pendant deux semaines environ.

Il convient d'entériner cette préconisation, dès lors que la remise en place d'un revêtement Bolon ne permettrait pas de remédier aux désordres de façon pérenne et que son remplacement par du carrelage est seul de nature à y mettre fin ;

les travaux de reprise doivent porter sur les deux locaux commerciaux dès lors que la société SUNSET Agencement et Travaux y a posé un revêtement inadapté et sans respecter les règles de l'art.

La société BALP doit être déboutée de sa demande tendant à ajouter à ce montant la somme de 80 000 € HT au titre des frais de déménagement, celle de 15 000 € HT au titre du démontage des cloisons et celle de 19 100 € HT au titre des frais de neutralisation des installations électriques, faute d'être justifiées, dès lors que ces sommes résultent d'une estimation faite par un architecte, ne sont pas corroborées par des devis et ne comportent aucun détail technique, comme l'a relevé Monsieur [Z] dans un courrier adressé aux parties le 10 octobre 2011, cette demande lui ayant été soumise après le dépôt de son rapport.

Elle doit également être déboutée de sa demande au titre de la perte économique, dans la mesure où le seul document qu'elle produit est une attestation de son expert comptable en date du 30 septembre 2011, qui fait état d'une marge commerciale moyenne de 12 098,95 € par semaine au vu du bilan clos le 30 juin 2011, document insuffisant à établir que la fermeture des magasins pendant deux semaines durant les travaux générera une perte effective de ce montant, la fermeture pouvant être faite pendant les mois de moindre activité

et aucune pièce ne permettant de déterminer quel serait alors l'impact financier.

La MAAF sera en conséquence condamnée au paiement de la somme de 58 500 € HT actualisée en fonction de l'évolution de l'indice BT01 du coût de la construction entre le mois d'octobre 2011 et le mois de février 2016, la condamnation devant être prononcée hors taxes, comme sollicité par la MAAF, en l'absence de justification par la société BALP de ce qu'elle ne récupère pas la TVA.

* Sur les dépens et l'application de l'article 700 du code de procédure civile :

La MAAF succombant en l'essentiel de ses prétentions, supportera les dépens de première instance et d'appel, qui incluront le coût de l'expertise, et sera déboutée de sa demande fondée sur l'article 700 du code de procédure civile ;

il n'est pas inéquitable de la condamner sur ce fondement au paiement de la somme de 4000 € à la société BALP.

PAR CES MOTIFS :

La cour d'appel, statuant publiquement, par défaut,

Infirme la décision du tribunal de grande instance de Digne les bains en date du 19 mars 2014, excepté en ce qu'elle a rejeté la demande de la SAS BALP au titre des frais de déménagement, de démontage de cloisons et de neutralisation des installations électriques.

Statuant à nouveau des chefs infirmés,

Dit que les désordres affectant les revêtements de sol des locaux à l'enseigne Monsieur Meuble et Cuir Center engagent la responsabilité décennale de la SARL SUNSET Agencement et Travaux.

Déclare irrecevable la demande de la SAS BALP tendant à la condamnation à paiement de la SARL SUNSET Agencement et Travaux.

Dit que la MAAF doit sa garantie à la SARL SUNSET Agencement et Travaux pour les désordres susvisés.

Condamne la MAAF à payer à la SAS BALP la somme de 58 500 € HT actualisée en fonction de l'évolution de l'indice BT01 du coût de la construction entre le mois d'octobre 2011 et le mois de février 2016, au titre des travaux de reprise.

Déboute la SAS BALP de sa demande de condamnation toutes taxes comprises ainsi que de sa demande au titre des pertes économiques.

Condamne la MAAF aux dépens de première instance et d'appel, incluant le coût de l'expertise judiciaire, ainsi qu'à payer à la SAS BALP la somme de 4000 € au titre de l'article 700 du code de procédure civile.

Déboute la MAAF de sa demande au titre de l'article 700 du code de procédure civile.

Dit que le greffe adressera une copie du présent arrêt à l'expert, Monsieur [R] [Z].

LA GREFFIÈRELE PRÉSIDENT


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel d'Aix-en-Provence
Formation : 3e chambre b
Numéro d'arrêt : 14/08110
Date de la décision : 04/02/2016

Références :

Cour d'appel d'Aix-en-Provence 3B, arrêt n°14/08110 : Infirme partiellement, réforme ou modifie certaines dispositions de la décision déférée


Origine de la décision
Date de l'import : 27/03/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2016-02-04;14.08110 ?
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