COUR D'APPEL D'AIX EN PROVENCE
9e Chambre A
ARRÊT AU FOND
DU 29 JANVIER 2016
N°2016/150
Rôle N° 15/08435
ASSOCIATION DIOCESAINE DE MARSEILLE
C/
[G] [Z]
Grosse délivrée le :
à :
Me Christine IMBERT, avocat au barreau de MARSEILLE
Me Dorothée SOULAS, avocat au barreau de MARSEILLE
Copie certifiée conforme délivrée aux parties le :
Décision déférée à la Cour :
Jugement du Conseil de prud'hommes - Formation de départage de MARSEILLE - section AD - en date du 25 Mars 2015, enregistré au répertoire général sous le n° 12/365.
APPELANTE
ASSOCIATION DIOCESAINE DE MARSEILLE, demeurant [Adresse 1]
représentée par Me Christine IMBERT, avocat au barreau de MARSEILLE substitué par Me Jean-claude PERIE, avocat au barreau de MARSEILLE
INTIME
Monsieur [G] [Z], demeurant [Adresse 2]
représenté par Me Dorothée SOULAS, avocat au barreau de MARSEILLE
*-*-*-*-*
COMPOSITION DE LA COUR
En application des dispositions de l'article 945-1 du Code de Procédure Civile, l'affaire a été débattue le 14 Décembre 2015, en audience publique, les parties ne s'y étant pas opposées, devant Madame Marie-Claude REVOL, et Monsieur David MACOUIN Conseillers, chargés d'instruire l'affaire.
Ces magistrats ont rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la Cour composée de :
Madame Pascale MARTIN, Conseiller faisant fonction de Président
Madame Marie-Claude REVOL, Conseiller
Monsieur David MACOUIN, Conseiller
Greffier lors des débats : Mme Nadège LAVIGNASSE.
Les parties ont été avisées que le prononcé de la décision aurait lieu par mise à disposition au greffe le 29 Janvier 2016
ARRÊT
Contradictoire,
Prononcé par mise à disposition au greffe le 29 Janvier 2016
Signé par Madame Pascale MARTIN, Conseiller faisant fonction de Président et Mme Nadège LAVIGNASSE, greffier auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.
EXPOSE DU LITIGE
Le 13 février 2012, [G] [Z] a poursuivi l'Association Diocésaine de MARSEILLE devant le conseil des prud'hommes de MARSEILLE. Il a demandé que soit constatée l'existence d'un contrat de travail, que lui soit reconnu un logement de fonction et que soit prononcée la résiliation du contrat de travail aux torts de l'employeur. Il a réclamé des rappels de rémunération, l'indemnité pour travail dissimulé, l'indemnité compensatrice de préavis, l'indemnité conventionnelle de licenciement, une indemnité compensatrice de congés payés, des dommages et intérêts au titre de la rupture du contrat de travail et au titre de divers manquements de l'employeur, les intérêts et leur capitalisation, une indemnité au titre des frais de procédure et le bénéfice de l'exécution provisoire. En réplique, l'Association Diocésaine de MARSEILLE a soulevé l'irrecevabilité de l'action et l'incompétence du conseil des prud'hommes et elle a demandé le rejet des prétentions de [G] [Z].
Par jugement du 25 mars 2015, le conseil des prud'hommes, en sa formation de départage, a :
- rejeté les exceptions d'irrecevabilité et d'incompétence,
- requalifié le contrat à durée déterminée en contrat à durée indéterminée à temps plein à compter du 15 septembre 1982,
- condamné l'Association Diocésaine de MARSEILLE à payer à [G] [Z], avec intérêts au taux légal à compter du 16 février 2012, la somme de 80.360,69 euros à titre de rappel de salaire, outre 8.036 euros de congés payés afférents, la somme de 7.519,20 euros à titre de rappel de treizième mois, outre 751,92 euros de congés payés afférents, et la somme de 9.282,31 euros à titre de rappel de prime d'ancienneté, outre 928,23 euros de congés payés afférents,
- ordonné la résiliation du contrat de travail au jour de la décision aux torts exclusifs de l'employeur,
- condamné l'Association Diocésaine de MARSEILLE à payer à [G] [Z], avec intérêts au taux légal à compter de la décision, la somme de 5.000 euros en réparation de la perte de droits à la retraite, la somme de 8.000 euros en réparation de la perte du droit à congés payés, la somme de 500 euros en réparation du manquement de l'employeur à son obligation de sécurité, la somme de 500 euros en réparation de l'exécution fautive du contrat de travail, la somme de 18.886 euros au titre de l'indemnité conventionnelle de licenciement, la somme de 5.628,60 euros au titre de l'indemnité compensatrice de préavis conventionnelle, outre 562,86 euros de congés payés afférents, la somme de 30.000 euros à titre de dommages et intérêts pour licenciement sans cause et la somme de 2.000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile,
- rejeté les autres demandes,
- dit que les intérêts produits par ces sommes ouvriront droit à capitalisation annuelle,
- rejeté la demande d'exécution provisoire,
- condamné l'Association Diocésaine de MARSEILLE aux dépens de l'instance.
Le jugement a été notifié le 1er avril 2015 à l'Association Diocésaine de MARSEILLE qui a interjeté appel le 29 avril 2015.
Par conclusions visées au greffe le 14 décembre 2015 maintenues et soutenues oralement à l'audience, l'Association Diocésaine de MARSEILLE :
- expose que la paroisse de Saint Marc et [G] [Z] ont conclu un contrat de travail compter du 1er octobre 1982 et pour une durée d'un an, que la paroisse a mis un logement de fonction à la disposition de [G] [Z], qu'à l'expiration du contrat, la paroisse a laissé à [G] [Z] l'usage du logement en contrepartie de l'entretien du terrain paroissial, qu'en 2011, la paroisse a voulu reprendre le logement et qu'elle a poursuivi l'expulsion de [G] [Z] devant le tribunal d'instance lequel, par jugement du 3 février 2012, a sursis à statuer dans l'attente de la décision de la juridiction prud'homale,
- soulève l'irrecevabilité de l'action exercée à son encontre aux motifs qu'elle n'a jamais été l'employeur de [G] [Z], qu'elle est seulement propriétaire du logement et que la paroisse qui a signé le contrat de travail de 1982 détient la personnalité juridique pour le faire,
- au subsidiaire, conteste l'existence d'un contrat de travail, fait valoir que [G] [Z] ne se trouvait pas dans un lien de subordination et allègue l'incompétence de la juridiction prud'homale au profit du tribunal de grande instance de MARSEILLE,
- à titre très subsidiaire, dans l'hypothèse où un contrat de travail serait reconnue, demande le rejet des prétentions de [G] [Z],
- à cet effet, soutient que la situation ne rentre pas dans le champ de la convention collective des gardiens et concierges d'immeubles à usage d'habitation mais dans celui du statut du personnel laïc des églises et que [G] [Z] ne travaillait pas à temps complet et ne prouve pas qu'il a été privé de ses congés,
- relève également que [G] [Z] a fait valoir ses droits à la retraite en mars 1997 et que l'interdiction posée par la loi du 4 février 1995 de cumuler un emploi et une retraite a nécessairement mis fin au contrat de travail à cette date,
- demande la condamnation de [G] [Z] aux dépens.
Par conclusions visées au greffe le 14 décembre 2015 maintenues et soutenues oralement à l'audience, [G] [Z] qui interjette appel incident:
- objecte à l'exception d'irrecevabilité de son action que seule l'Association Diocésaine a la capacité juridique et qu'elle représente les paroisses et subsidiairement demande qu'il soit fait application de la théorie du mandat apparent,
- oppose à l'exception d'incompétence qu'il travaillait dans un lien de subordination et que l'existence d'un contrat de travail est avérée,
- expose que l'Association Diocésaine de MARSEILLE l'a embauché à compter du 1er octobre 1982 en qualité de gardien selon un contrat de travail à durée déterminée qui s'est poursuivi au-delà de son terme et jusqu'à ce jour,
- demande la requalification du contrat de travail à durée déterminée en contrat de travail à durée indéterminée,
- se prévaut d'un contrat de travail à durée indéterminée dont le logement de fonction est l'accessoire, de l'application de la convention collective des gardiens et concierges d'immeubles et de la classification du niveau 2, coefficient 255,
- souligne qu'il n'a jamais été rémunéré et sur la base de la rémunération conventionnelle minimale et, dans la limite de la prescription quinquennale, réclame la somme de 80.360,69 euros bruts à titre de rappel de salaire, outre 8.036 euros de congés payés afférents, la somme de 7.519,20 euros à titre de rappel de treizième mois, outre 751,92 euros de congés payés afférents, et la somme de 9.282,31 euros à titre de rappel de prime d'ancienneté, outre 928,23 euros de congés payés afférents,
- précise qu'il n'a jamais reçu de fiches de paie et n'a pas été déclaré, argue de la dissimulation de son travail et réclame la somme de 11.257 euros à titre d'indemnité pour travail dissimulé,
- se plaint d'avoir perdu ses droits à la retraite du fait de l'absence de déclaration et réclame la somme de 30.000 euros à titre de dommages et intérêts,
- reproche à l'employeur de ne pas avoir respecté la législation sur les droits à congés payés et réclame la somme de 8.000 euros à titre de dommages et intérêts,
- impute à l'employeur un manquement à son obligation de sécurité de résultat puisqu'il n'a jamais bénéficié d'une visite auprès de la médecine du travail et réclame la somme de 20.000 euros à titre de dommages et intérêts,
- déplore que son employeur a cherché à lui faire quitter le logement de fonction en l'intimidant et en lui coupant l'électricité, invoque une exécution fautive du contrat de travail et réclame la somme de 10.000 euros à titre de dommages et intérêts,
- recherche la résiliation judiciaire du contrat de travail aux torts de l'employeur laquelle doit produire les effets d'un licenciement sans cause et réclame la somme de 18.886 euros au titre de l'indemnité conventionnelle de licenciement, la somme de 5.628,60 euros au titre de l'indemnité compensatrice de préavis conventionnelle, outre 562,86 euros de congés payés afférents, la somme de 40.000 euros à titre de dommages et intérêts pour licenciement sans cause et la somme de 2.251,44 euros au titre de l'indemnité compensatrice de congés payés,
- réplique à la contestation sur la convention collective applicable que le statut du personnel laïc de l'Église n'est pas une convention collective et est postérieur à la conclusion du contrat de travail,
- en réponse à l'argument tiré de l'interdiction de cumuler un emploi et une retraite, relève que le contrat de travail n'a pas pris fin et que l'Association Diocésaine ne peut pas se prévaloir d'une situation illicite qu'elle a créée en laissant perdurer le contrat de travail,
- sollicite la somme de 3.500 euros en application de l'article 700 du code de procédure civile,
- souhaite la capitalisation des intérêts,
- demande la condamnation de l'Association Diocésaine de MARSEILLE aux dépens.
MOTIFS DE LA DECISION
Sur la recevabilité de l'action intentée contre l'Association Diocésaine de MARSEILLE :
Un contrat de travail à durée déterminée a été conclu le 15 septembre 1982 entre la paroisse [Établissement 1] sise à [Localité 1], représentée par le Père [G] [F], responsable de la paroisse, et [G] [Z].
Le contrat ne mentionne nullement l'Association Diocésaine de MARSEILLE dont le nom n'est pas cité.
Le contrat ne fait état ni d'un numéro SIREN ni d'un autre élément d'identification qui soit susceptible d'établir un lien avec l'Association Diocésaine de MARSEILLE. Le représentant de la paroisse n'est pas l'Association Diocésaine.
Ainsi, l'Association Diocésaine de MARSEILLE ne figure pas au contrat, ni expressément ni implicitement, comme étant l'employeur.
Pour voir désigner l'Association Diocésaine de MARSEILLE comme étant son employeur, [G] [Z] fait valoir que la paroisse est dépourvue de la personnalité juridique et appartient à l'Association Diocésaine laquelle avait seule la capacité juridique pour conclure un contrat de travail et que l'Association a reconnu qu'elle avait conclu le contrat de travail.
En droit canon, le diocèse est divisé en parties distinctes appelées paroisses lesquelles détiennent la personnalité juridique.
Dans une lettre circulaire du 27 novembre 2003 relative à la restructuration des diocèses et paroisses employeurs et à l'identification autonome des paroisses au répertoire SIRENE, l'Agence Centrale des Organismes de Sécurité Sociale fait le rappel suivant de la situation actuelle : «Les diocèses et les paroisses de France sont généralement employeurs de personnels. Pour satisfaire à leurs obligations en matière de cotisations sociales et fiscales, ils sont fréquemment organisés autour du diocèse, défini comme le siège d'une association, et de paroisses, identifiées en établissements secondaires de cette association. Dans ce cas, la structure d'un diocèse utilise donc le même identifiant SIREN». Dans une lettre du 21 juillet 2004 relative à l'emploi des chèques emploi service, l'Agence Centrale des Organismes de Sécurité Sociale a reconnu aux paroisses, nonobstant leur attachement au diocèse, la qualité d'employeur distinct.
Ainsi, au regard des organismes de sécurité sociale, les paroisses peuvent être considérées comme des employeurs et peu importe qu'elles aient ou non la personnalité juridique.
Aussi, le seul fait que la paroisse de [Établissement 1] appartienne au diocèse de [Localité 1] ne suffit pas à conférer à ce dernier la qualité d'employeur.
Dans une lettre du 18 avril 2011, adressée à [G] [Z] par l'Association Diocésaine de MARSEILLE, cette dernière écrit : «Nous vous rappelons que votre présence sur les lieux ne se justifie ni par un contrat d'échange de services, ni par un contrat de travail puisque tout lien juridique entre l'Association Diocésaine et vous même a été rompu il y a près de vingt de cela». L'Association Diocésaine est propriétaire du logement occupé par [G] [Z] et le courrier s'inscrit dans une demande faite par l'Association de libérer les lieux. Le 22 juin 2011, l'Association Diocésaine a assigné [G] [Z] devant le tribunal d'instance pour voir ordonner son expulsion du logement. Elle a fait écrire dans cet acte que [G] [Z] a exercé une activité de gardien au bénéfice de la paroisse en 1982 et n'exerce plus aucune activité depuis plus de 25 ans et que la paroisse entend récupérer ses locaux pour y loger son nouveau curé. Il ne peut se déduire des termes du courrier du 18 avril 2011 qui évoque deux types de contrats différents et qui n'est pas repris dans l'assignation que l'Association Diocésaine de MARSEILLE a reconnu sa qualité d'employeur.
[G] [Z] invoque également l'existence d'un mandat apparent pour voir reconnaître à l'Association Diocésaine de MARSEILLE la qualité d'employeur.
L'article 1984 du code civil définit le mandat comme étant l'acte par lequel une personne donne à une autre le pouvoir de faire quelque chose pour le mandant et en son nom. Le mandat apparent qui oblige le mandant à l'égard des tiers suppose l'existence de circonstances qui ont pu faire légitimement croire aux tiers que le mandataire agissait en vertu d'un mandat et dans les limites du mandat.
En l'espèce, aucun élément qu'il soit interne ou extrinsèque au contrat ne permettait de supposer que le prêtre signataire du contrat ou la paroisse contractante ait pu agir en qualité de mandataire de l'Association Diocésaine de MARSEILLE. En premier lieu, il a été relevé précédemment qu'aucune référence ni expresse ni implicite n'était faite dans le contrat à l'Association. En second lieu, les statuts de l'Association Diocésaine de MARSEILLE versés aux débats ont été signés le 1er octobre 2004, soit bien postérieurement à la conclusion du contrat de travail. Ils ne prévoient nullement que l'Association Diocésaine de MARSEILLE représente les paroisses. Par ailleurs, ni les paroisses ni les prêtres ne sont membres de l'Association.
Dans ces conditions, l'Association Diocésaine de MARSEILLE ne peut pas se voir reconnaître la qualité d'employeur de [G] [Z].
En conséquence, l'action intentée par [G] [Z] contre l'Association Diocésaine de MARSEILLE doit être déclarée irrecevable.
Le jugement entrepris doit être infirmé.
Sur les dépens :
[G] [Z] doit supporter les dépens de première instance et d'appel.
Le jugement entrepris doit être infirmé.
PAR CES MOTIFS
La Cour, statuant par arrêt contradictoire, prononcé publiquement par mise à disposition au greffe, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au 2ème alinéa de l'article 450 du Code de Procédure Civile,
Infirme le jugement entrepris,
Statuant à nouveau et ajoutant,
Déclare irrecevable l'action intentée par [G] [Z] contre l'Association Diocésaine de MARSEILLE,
Condamne [G] [Z] aux dépens de première instance et d'appel.
LE GREFFIER LE PRESIDENT
Pascale MARTIN faisant fonction